#title Souvenirs critiques du système éducatif d'Etat #subtitle Partie 1 : Du primaire au secondaire #author anonyme #SORTtopics éducation, État, littérature #date 2020 environ #lang fr #pubdate 2020-04-14T23:09:51




* Souvenirs critiques du système Éducatif d'Etat
** Partie 1 : Du primaire au secondaire

Introduction

Ce petit livre a été réalisé par nécessité. Je ressentais le besoin de partager tout le mal-être qu’un système étatique a pu me faire ressentir. Plus que cela, j’avais, par cet écrit, l’humble projet de faire prendre conscience aux élèves de leur condition. Bien que ne prétendant pas savoir mieux qu’elleux ce qu’iels ressentent, je suis encore suffisamment jeune pour me souvenir et suffisamment formée pour mettre des mots sur ces sentiments. Chose que j’aurais aimé pouvoir faire alors enfant.
Je ne prétends avoir été de celleux qui ont le plus souffert : d’un famille dite de « classe moyenne » (parent·es salarié·es du public en catégorie B) en agglomération de province, je n’ai pas manqué d’affection et d’amour par ma famille. Mon éducation a été juste et sans arme, ni haine, ni violence. On m’a tout simplement appris à avoir le coeur sur la main, ce pourquoi je ne remercierai jamais assez ma famille. Le établissements scolaires que j’ai fréquentés n’étaient pas des endroits moins fréquentables que n’importe quel établissement moyen sous-financé de province, où la peinture s’effrite et les tables et chaises sont toutes bancales.
Toutefois, si dans des conditions « optimales » j’ai pu ressentir ce mal-être et finir par avoir les conclusions que j’ai dans ce texte, il n’y a pas a réfléchir longtemps pour comprendre quelle doit être l’indignation d’élèves ayant eu les pires conditions : classes à plus de 40, bâtiments amiantés, enseignant·es débutant·es envoyés au casse-pipe en Zone d’Éducation Prioritaire, sans parler du racisme qui se trouve jusque dans la bouche des profs et des surveillant·es, ces dernier·es se faisant aprfois appeler « maton·nes » par les élèves quand ce n’est pas un énième surnom bien mérité… Ce livret est donc destiné aux élèves, quelque soit leur degré d’enfance, à partir du moment où ils sont capables de lire et suffisamment matures pour les questions politiques et sociales. J’ai la conviction que cela concerne plus de personnes et un public plus jeune que l’État veut bien nous laisser imaginer.
Ce projet est aussi l’occasion pour moi de militer contre l’infantilisation, que je défini comme le report sur les adultes, du mépris que l’on a spécifiquement pour les enfants (on y reviendra). C’est une branche de l’âgisme : l’oppression en fonction de l’âge. En effet, le système éducatif d’Etat, comme nous le verrons, a pour fonction principale d’instaurer dans les nouvelles générations des réflexes de domination propres au système étatique. L’État méprise ses travailleureuses au même titre qu’il méprise leurs enfants. D’une certaine manière, les enfant·es aussi sont « infantilisé·es » (pourrait-on dire « adultisé·es », c’est-à-dire objet du mépris initialement prévu pour les adultes) de bout en bout par le système étatique.
Ce projet est aussi l'occasion pour moi de militer contre l'infantilisation, que je défini comme le report sur les adultes, du mépris que l'on a pour les enfants (voir note 23 pour une définition plus précise). En effet, le système éducatif d'Etat, comme nous le verrons, a pour mission principale d'instaurer dans les nouvelles générations des réflexes de domination propres au système étatique. L’État méprises ses travailleureuses au même titre qu'il méprises leurs enfants. D'une certaine manière, les enfants aussi sont "infantilisé" (pourrait-on dire "adultisé", c'est-à-dire objet du mépris initialement prévu pour les adultes) de bout en bout par le système étatique.
La conviction suivante a guidé notre écriture : on ne devient pas adulte en étant infantilisé·e, ni en étant « adultisé·e », c’est un processus sur le long qui consiste en prendre conscience de ses responsabilités dans la société et de pouvoir les assumer de manière autonome (mais pas solitaire).
Il y a évidemment des comportements différents à avoir en fonction du degrès de maturité, personne ne l’a jamais nié. Mais ces particularités se trouvent à chaque époque de la vie : le nourrisson ne pourra pas du tout être traité de la même manière qu’un enfant de 14 ans, de même qu’un adulte de 19 ans ne fera pas l’objet du même égard que les personnes de 50 ans etc. Ceci n’est que bon sens. Pourquoi ce « bon » sens ne pourrait être étendu à chaque tranche de l’enfance ? A 15 ans, on est déjà un peu plus mur qu’à 11 ans (si le système éducatif marche à peu près), pourquoi est-ce le même modèle scolaire (en l’occurrence, le collège), le même fonctionnement, pour ces deux tranches d’âge ? Pourquoi ne pas donner aux enfants des droits progressivement, au fur et à mesure que la société gagne confiance en les conséquences de son action éducative sur elleux ? Nous verrons plus bas des explications claires, mais sans gâcher la surprise nous pourrons déjà prévenir que cette brochure va chercher à comprendre ce qui ne va pas dans dans le système éducatif d’Etat, et dans l’État en soi. Car on ne peut constater des problèmes dans ce système sans chercher à comprendre son lien avec sa maison mère.
Pourquoi ne pas donner aux enfants des droits progressivement, au fur et à mesure que la société gagne confiance en les conséquences de son action éducative sur elleux ?
Nous verrons plus bas des explications claires, mais sans gâcher la surprise nous pourrons déjà prévenir que la ci-présente brochure va comprendre ce qui ne va pas dans dans le système éducatif d'Etat et dans l’État en soi. Car on ne peut constater des problèmes dans ce système sans chercher à comprendre son lien avec sa maison mère.
Quelques précisions pour faciliter la lecture

Pour les lecteurices ne connaissant pas le système éducatif d’état, nous précisons à quoi correspond une « classe » si nécessaire : 6ème = première année de collège après l’école primaire, lorsque l’élève a entre 10 et 11 ans, par exemple.
L’inclusif est utilisé systématiquement. J’utilise les « liaisons », les abréviations et le point médian plutôt que la répétition (elleux, iel, heureuseux, maton·ne etc)
L’emploi du vouvoiement a été préféré au tutoiement, bien que destiné à un public jeune, tout simplement par respect : que vous soyez enfant·es ou adulte, je me dois de vous respect de la même manière dans un texte comme celui-ci.
Ceci ne me fait pas oublier les difficultés que peuvent rencontrer des lycéen·nes, voire collègien·nes, face à un texte contenant de nombreuses abstractions et mots peu courants. J’ai fait l’effort dans cette version sous forme d’articles de blog, de simplifier les termes dans la limlite du raisonnable et respectueux.
Nous n’avons pas limité l’emploi de termes peu courant, déjà par respect des lecteurices, nous sommes persuadée que vous pourrez comprendre sans peine les mots et phrases de ce texte comme n’importe quelle personne disposant de dictionnaire (en ligne ou papier, quelle différence ?). De toute façon, les mots les plus rares font l’objet de notes en bas de page, ou d’explication entre parenthèses, afin de rendre plus lisibles les passage « ardus ». Nous n’avons aucun doute que vous pouvez lire ce texte et le comprendre, nous avons confiance en l’intelligence des nouvelles générations. Et puis si vous ne comprenez pas tout, ce n’est pas grave ça vient avec le temps, passez la ligne qui pose problème. Notre manque de confiance se porte plutôt sur l’endoctrinement étatique dont celles-ci font l’objet, nous y reviendrons tout au long du texte.
La première personne du pluriel est une marque de politesse pour ne pas que l’autrice ne répète pas les « je » et semble pas ne parler que d’elle-même.
Au départ, le projet était de rédiger de simples mémoires, comme une autobiographie de cette période précise de ma vie. Mais cela n’aurait eu d’intérêt que pour mon ego. La satisfaction de ce dernier n’aurait rien donné d’intéressant pour personne. Au fur et à mesure de l’écriture de ce texte, je me suis rendue compte du sentiment d’injustice qui m’animait tout au long de cette époque et des causes de celle-ci. J’ai donc jugé nécessaire d’en faire un texte plus politique, non pas au sens partisan/électoraliste, mais avec un projet de société assumé.
La conclusion explicite ces points plus politiques de la critique de l’école. Le texte est disposé en quatre chapitres, qui représente autant de grandes structures de l’éducation d’Etat. Chaque chapitre contient des sujets d’indignations spécifiques. Cela supposes de nouvelles formes de violences et de nouveaux sujets d’indignation. Nous cherchons à démontrer ici la continuité du système étatique en question tout au long de l’enfance, de l’adolescence puis, de manière plus diffuse, du reste de la vie. Il faut donc garder en tête que les violences de la maternelle continuent à l’école primaire, puis au collège etc sans pour autant avoir la même forme, les différentes violences se surajoutent les unes aux autres afin d’atteindre son point culminant à la fin du lycée et de ses « épreuves » ultimes.
Ce texte n’est pas une apologie de la haine de l’éducation et de l’intellectualisme comme des politicards d’extrême-droite le font parfois. Bien au contraire, nous pensons que la critique du système éducatif d’Etat (c’est-à-dire de la gestion étatique de l’éducation et non pas seulement l’école) est nécessaire quand on aspire à une société intelligente. Nous avons volontairement évité de lire d’autres textes d’intellectuel·les sur l’éducation avant de produire ces souvenirs critiques; afin de démontrer, par les ressentis personnels, ce que l’enfance peut subir au sein de ces établissements et comment ces ressentis se traduisent dans la vie adulte.
Une documentation sommaire est venue après le premier jet, afin de vérifier que mes ressentis étaient bien ceux provoqués par l’éducation d’Etat et non par une quelconque « crise » comme on aime appeler les moments de révolte de la classe juvénile.
Effectivement, j’ai pu trouver un écho à mes conclusion dans un texte de Ivan Illich, intitulé « La société sans école ». Bien que datant des années 1970, les structures d’éducation étatiques n’ayant pas changé fondamentalement. De plus, je partage son indignation vis-à-vis de la catastrophe que représente l’éducation étatique : tant d’enfants se font bourrer le crâne avec de telles idiotie inutiles et néfastes alors que tant de choses sont possibles ! Toutefois, je ne ferai aucunement référence aux penseureuses du sujet, pour les raisons évoquées plus haut. C’est aussi une posture d’humilité, je n’ai jamais prétendu être experte du sujet, mais je parle en tant que personne concernée à postériori, malheureusement pour la qualité du texte, heureusement pour ma santé mentale.
Au fil de mes discussions avec d’autres militant·es, j’ai remarqué qu’il y avait une réelle volonté d’en parler et de se révolter. Malheureusement, il manque une traduction politique à cette volonté. En effet, il n’y a que chez des miltant·es, pourtant ce considérant révolutionnaires, que mes thèses ont été rejetées voire moquées. Ce qui est étrange quand on pense à l’importance de l’éducation dans un projet de révolution sociale. Pas de révolution sociale sans révolution pédagogique ! C’est ce que pensaient de nombreuseux révolutionnaires depuis des siècles. Pourquoi certain·es ont-ielles arrêtés ? Nous ne rentrerons pas dans ce débat qui dépasse de loin le but de ce texte. Toutefois mon étonnement mérite d’être souligné et je profite de ces souvenirs pour lancer un appel aux révolutionnaires à s’emparer de ce sujet primordial pour la révolution.
Nous employons le terme « contradictoire » plutôt que contraire pour mettre en avant l’idée de répulsion que ce terme contient. En effet, lorsque nous disons l’État est contradictoire à X, nous affirmons que l’État rentre en conflit actif avec X, qu’il lutte contre X et pas seulement qu’il est différent.
Le termes « élève » se réfère à toute personne dans le système éducatif d’Etat, enfant, ado, ou adulte. Les enseignant·es pour adultes distinguent ce terme de celui d' »apprenant·e », mais nous n’auront pas à l’employer dans ce texte.
Un tout dernier point concerne quelques notions peu étudiées par des élèves avant la terminale (et encore, s’ielles sont chanceuseux) : l’État et son contradictoire : l’anarchie. L’Etat, dans ce texte s’envisage d’un point de vue anarchiste, c’est-à-dire qu’il en propose une critique radicale. L’état est vu donc comme un gestionnaire du capitalisme à l’échelle d’un territoire national., par l’intermédiaire des service spubliques et de la répression policiaire et judiciaire. D’un point de vue anarchiste, l’Etat est un ennemi. En effet, l’anarchisme considère que toute structure de pouvoir arbitraire, si ce n’est tout pouvoir en soi, est contradictoire à une société libertaire (qui vise une liberté totale), égalitaire (qui cherche à instaurer l’égalité) et solidaire (qui produit sa propre solidarité). Chose que j’avais encore du mal à penser à l’époque, mais que nous pouvons maintenant affirmer, aux lumières des témoignages et réflexions de ce texte.
En espérant que ce texte apportera réflexion chez des élèves de tous âges. Ma plus grande fierté serait que ce livret en suscite d’autres qui compléterons et rendront plus précise et actuelle les descriptions du système éducatif d’Etat. N’étant plus moi-même dans l’éducation nationale depuis plus de 6 ans, je n’en ai plus des souvenirs si précis. Même si ce livre amorce un débat par des adultes non-élèves, ce sera déjà un petit pas pour la condition des élèves, et une petite fierté personnelle que je me garderais bien de partager par pudeur.

Bonne lecture !

Maternelle

*L’état et son système éducatif d’Etat est contradictoire à l’épanouissement au bien-être et au bonheur. Ces tares empiètent sur la vie privée, qui n’est donc pas séparée de la vie « publique » étatisée. Le système éducatif d’Etat ne sert pas à l’instruction ni l’éducation. Il ne fait que préparer aux systèmes étatiques qui suivront dans la vie des citoyen·nes. Le cadre qui régit et justifie le système éducatif d’Etat répond à des logiques « internes », c’est-à-dire qu’il n’a vocation qu’à se se servir lui-même. Il ne peut le faire autrement qu’en formatant ses sujets, soit les élèves.*
Le premier souvenir du genre de ceux que l’on va traiter ici remonte à la maternelle. Les détails ne me sont plus tout à fait connus, mais j’en ai retenu le principal. J’étais très tôt une élève turbulente. Mais le système éducatif d’Etat a su me modeler à son image rapidement. Le « format » de la maternelle impliquait trop de contraintes. La rencontre avec les pairs m’a bien entendue été bénéfique. Cela ne contrebalance pas pour autant la discipline que l’on m’imposait. C’est dès le plus jeune âge que l’on nous fait marcher « en rang, deux par deux », que l’on nous apprend à nous taire (chose impossible, quand on y pense, lorsqu’on est une trentaine, d’enfants en bas âge dans la même pièce). Les suites du système éducatif d’Etat ne fait que rajouter des subtilités et complexifier l’ordre que l’on cherche à y faire régner.
Pour revenir à l’exemple de cette période, il me faut la contextualiser un maximum, malgré ma mémoire floue de l’époque, pour ne pas faire de tort à qui que ce soit. Nous avions déjà des cahiers personnels. Ceux-ci avaient pour but évident de nous préparer à ce qui suivra en primaire. Comme nous verrons au fur et à mesure des souvenirs, la maternelle prépare à la primaire, la primaire au collège etc. D’ailleurs ce que nous « apprenions » dans ces classes ne justifiait en rien une discipline rigoureuse. Alphabet, nombres de 1 à 10, jours de la semaine, etc. Nous aurions pu l’apprendre, d’une manière ou d’une autre, en famille, entre ami·es. C’est le genre de chose qui vient forcément avec ce qu’on appelle la « sociabilisation », le fait d’acquérir les codes culturels. Mais dans une société étatisée et impersonnelle, poussée vers l’individualisme égoïste, il est impensable d’imaginer sociabiliser les enfants.
Nous le verrons, tout le savoir que nous ingurgitons en cours est inutile et/ou finira par être oublié. Je me souviens encore avoir des difficultés à retenir les jours de la semaine et les mois de l’année après la maternelle. Tout simplement parce que ces savoirs ne sont pas « mis en pratique » dans un contexte social. En tant qu’enfant, on a rarement l’occasion de se projetter dans les mois à venir, voir les semaines à venir.
Il est vain de chercher l’utilité en dehors de l’école de ce qui est enseigné à l’école, car cette dernière n’a pas vocation à aider les personnes à développer une personnalité et une autonomie, mais seulement à les « préparer » à un « avenir » régit par les mêmes normes (travail, politique etc).
Mais nous en reparlerons plus loin, revenons à nos cahiers. Dans ce cahier, il fallait noter ce que l’enseignant dictait. Je me souviens avoir eu le sentiment, après coup, de mériter la punition. Ce qui me fit réfléchir si tôt au système éducatif se trouvait dans « l’exposé des motifs », dit à voix très haute, pour plus d’humiliation. Il y avait en dernier motif, comme la cerise sur le clou du spectacle qui fit déborder l’eau de mémé avant la peau de l’ours : « et en plus, tu as dessiné des étoiles sur ton cahier ! » Mes pauvres étoiles… elles étaient trois, dessinées dans un coin d’une page du cahier de sorte à ne pas gêner l’écriture. Probablement produites à un moment où je me sentais bien dans cette institution et où je souhaitais exprimer ce bien-être et donc où je voulais conjuguer les deux. Quelle naïveté à 4 ans ! Évidemment, ceci me fit comprendre rapidement, à la lumière de ce qui se produisit par la suite la contradiction entre mon bonheur et l’institution. Mais je n’avais pas ces mots dans l’esprit juste des questionnements.
Pire, j’acquis un peu plus tard la certitude que toute représentation du bonheur y est haïe, traquée, réprimée par ce système. Il faut, très tôt, le plus tôt possible, mettre dans la tête des gens qu’iels ne sont pas là pour s’amuser, être crativfe, s’épanouir etc. que ça ne va pas être une partie de plaisir mais qu’il faudra s’y résigner. Au fial, comme on le verra encore plus tard, la résignation et l’acquis majeur du système éducatif d’état.
Mais pas seulement le système éducatif d’état, il s’agit d’un problème lié au système étatique lui-même. Et nous le verrons au fur et à mesure du récit. Ceci, pour les enfants, les ados comme pour les adultes; élèves, parents ou enseignant·es. L’emprise du système éducatif d’Etat est aveugle, pas de distinction, toute personne ayant un lien, direct ou non, avec le système éducatif fini par en subir ses tares les plus malsaines. Le « maître » me l’a bien inculqué, car je n’ai plus jamais dessiné sur mes cahiers depuis. Ni dans les marges ni sur aucun papier relatif, de près ou de loin, au système éducatif d’Etat. Mieux encore, et c’est là que je devins un « bon élève », je commençât à réprimer mes manifestations de mon bien-être. D’abord en contexte scolaire, puis petit à petit, aussi dans la vie privée.
Et ceci est paradoxal, car il prétend n’avoir que faire, comme dit plus haut, de cette vie dite « privée ». En réalité, ce qui l’intéresse, c’est de s’y immiscer le plus possible pour conformer les gens dans tous les domaines de la vie. Encore aujourd’hui il m’arrive d’entendre des reproches de ne pas être très expressive. Même si cela est un trait de caractère purement personnel, on ne peut pas dire que l’école mais aidé à m’en débarrasser et à devenir un « extraverti ».
Mes camarades de classe semblent avoir été en avance sur moi pour cet apprentissage car leur réaction ne se firent pas attendre. A la fin de l’exposé des motifs, et seulement à cette fin étoilée, iels réagirent par des exclamations d’étonnement. J’avais transgressé ce qu’iels n’envisageaient que du domaine de l’interdit. Je ne saurai jamais s’iels ont commencé à réfléchir à la contradiction irréconciliable entre leurs bien-être et les institutions dans laquelle iels se trouvent depuis tout·es petit·es et jusqu’à la mort.
Je n’avais pas les mots et les idées que j’ai maintenant, mais c’est à partir de là que j’ai commencé ma construction intellectuelle et petit à petit, sans m’en rendre compte, mes désirs d’émancipation. Ce dernier mot n’est jamais prononcé dans le système éducatif d’Etat, de tout le parcours scolaire d’une personnes humaine, il est impossible de l’entendre, donc de le penser dans le cadre de celui-ci. Ainsi je ne put le mettre sur mes pensées qu’en me renseignant par moi-même sur la philosophie et particulièrement sur Marx (et donc de la notion d’aliénation), une vingtaine d’année plus tard, une fois un peu séparée du système. Une fois libérée, bien que partiellement, de cette prison, de ce formatage.

Primaire et secondaire; la violence et l’humiliation
*Le système éducatif d’Etat est contradictoire au développement de la personnalité, de l’esprit critique et de l’autonomie, car il est un endoctrinement. Il exerce une violence administrative parmi d’autres violences, car il est basé sur la violence. La violence d’Etat se répand à tous ses organes, il est donc logique qu’elle « ruisselle » jusque dans ses institutions de gestion de l’enfance. Dans le système éducatif d’Etat, chaque personne est à son échelle un agent d’une volonté qui la dépasse, celle de l’Etat. Les enfants ont toujours été méprisé·es par l’état et ses institutions, ce qui veut dire aussi, par ses agent·es. La violence du système éducatif d’état est un parallèle étatique de la reproduction de la domination impersonnelle du capitalisme, elle est souvent produite « sans le savoir ». Sans surprise, un Etat, donc une société gérée froidement et administrativement (désolée du pléonasme), fondé sur la violence et consistant à l’endoctrinement pur et simple de la jeunesse sera forcément anti-démocratique. Y mettre fin serait donc un bond gigantesque pour la démocratie.*

Si la maternelle ne me semble pas avoir été violente dans mes souvenirs trop flous de toute façon, c’est à la primaire que le système étatique d’éducation apporte son lot de violence : notes, « bons points », punitions humiliantes etc. Ces rajouts sont introduits aux enfants à l’école et se poursuivront tout au long de leurs vies.
Le système de notation est une violence de base de tout système capitaliste-étatiste. Le classement à outrance, jusqu’aux personnes-mêmes, de tout ce qui existe. On n’hésite pas à quantifier la valeur des enfants, iels seront continuellement jugé·es et classé·es jusqu’à leur mort, lorsqu’iels n’auront plus d’intérêt pour la société capitaliste. La mort échappe encore au classement de nos jours, semble-t-il. Mais pas à la marchandisation, l’article de ce blog sur la mort en parle. C’est à partir du primaire que l’on commence à « rationaliser » la gestion des individu·es. Comparé·es à des chiffres, il n’y aucunement possibilité d’exprimer et développer sa personnalité à l’école.
La violence s’exerce ici plutôt par comparaison. Telle note élevée va être valorisée par telle note basse. On donne bien une valeur chiffrée aux enfants. Comme on les appellera à se « vendre » sur le marché (du travail). Les notes et mentions donnent de la valeur au « dossier » de chaque personne. L’individu n’a plus lieu d’être, il peut disposer, il n’y a plus, il n’est plus, qu’un ensemble de chiffres et d’appréciations par des autorités « supérieures ». De la même manière qu’un CV suffit à certaines entreprises à évaluer l’intérêt d’un·e postulant·e. Avoir eu un père enseignant m’a permis très tôt d’apprendre que les noteureuses sont également noté·es. Mais les noteureuses des noteureuses ne sont pas noté·es, la hiérarchie leur permet la toute puissance, l’autorité suprême. Tout dans le système éducatif d’Etat est sous le joug administratif de l’Etat, ce qui est logique : un organe étatique ne peut que se conformer à celui-ci. Les enseignant·es ne sont que les derniers intermédiaires exécutant·es entre les écolier·es, ou les « apprenant·es » et la machine administrative. A l’image des écolier·es, les enseignant·es sont classé·es, infantilisé·es au maximum, jouissent d’un prestige relatif à l’ancienneté etc. Un article de ce blog revient sur le rôle ambiguë des enseignant·es, pas la peine de le redévelopper. En attendant, on peut déjà comprendre, dès la primaire, la froideur, « l’universalité » des victimes (encore que pour les personnes racisées, et de classes plus « populaires », c’est sans doute en core pire puisque le racisme et le classisme croise les violences de base décrites ici) et le goût de la paperasse de l’état.
Cela est dû au fait que le *système éducatif d’Etat* est avant tout un *système d’Etat* (bien plus qu’un "système d’éducation") donc de gestion administrative. L’université est le moment où le pouvoir administratif est le plus fort, mais nous en discuterons bien plus tard. La gestion s’exerce sans surprise de haut en bas. Les « bénéficiaires » sont alors les personnes les plus touchées par cette violence et ayant le moins de recours et défense face à elle.
Et il n’y aucun moyen d’y échapper tant que l’on se trouve au sein de cette institution. Il n’y a rien de surprenant à ce que les enseignant·es, jusqu’à encore récemment, pouvaient infliger des punitions corporelles aux apprenant·es. C’est d’ailleurs très significatif : si la société a pu tolérer ça aussi longtemps, c’est qu’elle considérait cela comme allant de soit. Les punitions sont les révélatrices les plus flagrantes de l’inscription de la violence d’Etat au sein de son système d’éducation. Les enfants ont toujours été méprisé·es par l’état et ses institutions, ce qui veut dire aussi, par ses agent·es.
La violence est toujours présente au sein des écoles, collèges, lycées et même universités. Elle s’exerce de manière plus subtile aujourd’hui. Dans le fond, mettre 4 sur 20 (si ce n’est le fait de mettre une note, tout court) n’est pas moins violent que de donner un coup de règle sur les doigts. L’humiliation est d’autant plus forte qu’elle est personnelle, « personnalisée » même, on peut écrire des commentaire pour préciser les « motifs » de la note. L’enfant reçoit la note en aparté, ou parfois, pire, est déclarée en classe publiquement à haute voix. L’enseignant·e se permet alors le plaisir jubilatoire d’annoncer publiquement la valeur de chacun·e. Comme une humiliation collective (car tout le monde est classé), mais toutefois individualisée (car elle s’exerce au cas par cas)… Je me souviens, au lycée, avoir reçu ma deuxième note de mathématiques de mon année de première (deuxième année de lycée, entre 15 et 17 ans) avec ce commentaire à très haute voix de l’enseignante : « j’ai été plutôt contente de vous, vous m’avez agréablement surprise », la note : 8 sur 20… Inutile de préciser que toute la classe allait être au courant de celle-ci dans les minutes qui suivirent. Mais si on est entouré·e d’ami·es sincères et matures, c’est l’indignation qui ressort de cette humiliation. Dans tous les cas, après avoir reçu la note, la personne doit cogiter, élaborer une « stratégie » même : si la note est basse, il faut faire mieux la prochaine fois, sinon, il faut continuer comme ça voire se « perfectionner », toujours le point de vue de la performance qui continuera dans « le monde de l’entreprise ». La note rappelle aux éleves qu’il faut se conformer et qu’on les observe toujours. Au final, l’année du bac, je ne regardais même plus mes notes. Je regardais l’enseignant·e dans les yeux en prenant ma copie et la mettait dans mon cahier sans la regarder jamais. Elle sont sans doute maintenant recyclées dans d’autres feuilles ou en train de pourrir à la déchetterie. J’avais compris, sans pouvoir mettre ces mots dessus, que ces notes et les commentaires infantilisants du genre « tant que tu ne travailleras pas tu n’auras pas la moyenne » (je « travaillais » pourtant effectivement, des efforts intellectuels aberrants à en pleurer régulièrement sur mon bureau avant de continuer dans mon lit et essayer d’échapper au monde de l’éveil par le monde des rêves) écrit sur la copie-même ne me faisait pas de bien.
Mais il n’y a pas que les notes comme pratique violente dans l’éducation étatique… Tout un panel de violence est mis en place contre les « apprenant·es ». On a bien évidemment la violence institutionnelle et administrative matérialisée par la notation et la froideur du traitement des personnes mais aussi une violence hiérarchique, qui découle de la première mais plus spécifique, avec un rapport de domination constante prof-élève, ou simplement enfant-adulte. On trouve aussi ce qu’on pourrait appeler une violence organisationnelle, lorsque l’on demande par exemple à une trentaine d’enfants ou d’adolescent·es de rester aligné·es et silencieuseux la majeure partie de la journée…
Tout le monde y participe, sans le savoir, que ce soit le personnel enseignant et les surveillants, comme on le verra plus tard, ou les apprenant·es. Même les enfants répondent à cette volonté en assimilant la servilité et en intériorisant les violences subies comme allant de soi. Bien entendu, c’est insidieux, personne, ou presque, ne le fait consciemment. C’est un parallèle étatique de la reproduction de la violence impersonnelle du capitalisme par l’ensemble des personnes impliquées dedans.
Mes seuls souvenirs d’une époque où je ne me sentais pas trop mal dans le système éducatif d’Etat datent du CP (La première année de primaire vers 6 ans. Intitulée « classe préparatoire », car, comme toutes les classes, elle ne « prépare » qu’à la classe suivante. Encore que celle-ci a quelques bienfaits comme on parle tout de suite). Plusieurs facteurs expliquent cet engouement relatif (plus l’année passait, plus je voulais que ça se finisse) : La naïveté de l’âge, je découvrais cet univers, on m’en parlait en bien, ça ne pouvait qu’être une bonne expérience, si les adultes me le disent… La bonne foi de l’enseignant, il était en effet plutôt agréable. Par exemple il ne voulait pas qu’on l’appelle « maître », ce qui ne fut pas le cas de tout·es les enseignant·es que j’ai croisé·es. L’utilité sociale de l’enseignement en début d’année, en effet, le fameux « enseignement de base », « lire-écrire-compter » (pourquoi pas parler et écouter ?), donne accès à de nouvelles couches de la société écrite. De toute façon, il aurait été impossible de rester 12 ans dans un « système éducatif » sans finir par apprendre un truc. Vraiment apprendre, c’est-à-dire quelque chose qui sera retenu pour longtemps et qui a un lien avec l’extérieur (de l’école). L’on ne nous apprend par contre aucunement à parler et écouter (les différentes manières de s’exprimer selon les contextes, les prises de paroles, la patience avant son tour etc) ce qui amènerait à pousser les enfants à réclamer des droits à la paroles plus étendus et au respect discursif (se faire entendre), par exemple. L’écriture échappe moins que l’oral à la formalisation de son exercice : on doit écrire ce qu’on nous demande aux endroits où nous demande quand on nous le demande; c’est pourquoi l’exercice de la parole est strictement limité dans le cadre scolaire, ou plutôt dans le cadre étatique (dans lequel se trouve l’école). Ce qui révèle bien le caractère simplement « préparatoire » aux différentes tâches qui incomberont aux différent·es futur·es travailleureuses. Bien évidemment, la naïveté et ses illusions s’estompent rapidement, dès les premières années achevées. C’est dû, entre autre, au fait que l’enseignement devient de moins en moins « pratique » au fil du temps. Mais aussi au fait que la routine s’installe : mêmes horaires, mêmes habitudes, mêmes enseignements etc. Alors qu’en « classe préparatoire » on nous donnait des outils minimum d’intégration à la société, cette démarche d’inclusion (qui n’est pas tant une démarche consciente qu’une conséquence heureuse de l’enseignement) commence à s’effacer dès la « classe élémentaire 1 » (CE1), l’année suivante. Il y a bien quelques tentatives de l’Etat pour faire de nous de « bon·nes citoyen·nes », comme des bases stéréotypées, et à la lecture douteuse, de l’histoire de France (idéalisée, par exemple les supposé·es ancêtres Gaulois·es des Français·es, le de gaulle érigé en héro…) Mais ce n’est aucunement dans une perspective d’émancipation des individu·es. L’esprit critique n’est jamais enseigné, ni même simplement évoqué, de tout le parcours scolaire (situation qui devrait vous rappeler, par opposition, la notion d’émancipation évoquée plus haut).
La posture dominatrice de l’enseignant·e face aux élèves (assis, en rang, face à l’enseignant·e debout, ellui, possédant le droit suprême à la parole. Encore que quelques-uns de ces points soient parfois heureusement transgressés) inscrit dans le contexte même de l’école l’autorité suprême du/de la « Maître·sse ».
Le terme instaure dès le plus jeune âge la violence étatique dans l’école. Il implique une situation de domination, d’obéissance, d’infériorité. Les enfants apprennent à subir cette violence et la reproduire. Il s’agit d’un enseignement de plus pour « intégrer » les enfants dans la société. Les préparer à ce qui les attend pour le restant de leur vie. Si, dès le collège, les enseignant·es ne se font plus appeler « maître·sse », la situation reste la même, jusqu’à la fin de l’université. Ce statut de l’enseignant·e face aux enseigné·es est fondamental dans le système éducatif d’Etat. Il fonde à la fois l’autorité et la hiérarchie et justifie toutes les autres violences. Ainsi, il est à la base de l’endoctrinement éducatif d’Etat. Supprimer ce statut, c’est mettre en cause tout le système. Sans maître·sse, les élèves auraient leur mot à dire sur ce qu’on leur enseigne, l’endoctrinement serait hors de propos et l’esprit critique pourrait plus facilement se développer, une entrave majeure en moins.
Dès le primaire, donc, l’enseignement s’avère être un endoctrinement au bénéfice de l’État. Cet endoctrinement s’exerce par la violence, principalement celle des chiffres. L’esprit critique est inexistant et l’infime proportion de savoir « pratique » enseigné n’est montré que dans une perspective d' »intégration », c’est-à-dire d’une volonté de rendre conforme les individus à des rôles qui leur sont insidieusement assignés. Cela nous mène à un point révélateur de par le silence qui l’entoure : l’absence totale de démocratie à l’école, et d’ailleurs les simulacres de bouffonneries qui apparaissent dès la fin de la primaire ne relèvent en rien le niveau, bien au contraire.
Cela montre bien pourquoi l’enseignement est sujet à tant de débats politiques et est si souvent submergé d’idéologie. Il est la base même du fonctionnement de l’Etat, ou de la société. Sans cet outil majeur de propagande, la bourgeoisie aurait une entrave en moins au développement d’une critique radicale du capitalisme.
Les premières parodies de démocratie que j’ai pu observer dans le système éducatif d’Etat est assez floue. Il y avait la traditionnelle « élection des délégué·es » qui consiste en une préparation future aux élections étatiques. Tout y est pour ne pas la prendre au sérieux : L’absence de projet, de débat concernant ces derniers, d’idées, l’inutilité de la fonction, surtout. En effet, la « représentation au conseil de classe » n’est de toute façon pas écoutée, et lorsqu’elle s’exprime, il s’agit d’un avis subjectif d’un camarade de classe qui n’a aucun compte à rendre. Les rares retours que j’ai pu entendre de ces fameux conseils de classe prêtaient au ridicule. Une déléguée (avec qui je m’entendais bien, fait rare) m’a même dit : « on ne savait pas dire si tu es dans le camp des gentils ou des méchants ». Il s’agissait de l’année de quatrième (Troisième année de collège, vers 13 ou 14 ans. Je prends un peu d’avance). Immanquablement, je me sentais mal dans ma peau et éprouvais de plus en plus de difficultés à me conformer au système. Ce dérisoire manichéisme était d’autant plus choquant, même pour le pré-adolescent que j’étais alors, que ma camarade a trouvé utile de préciser « on a mis 5 minutes à parler de toi, c’est énorme ». Même la démocratie fantoche rationalise sa propre mise en scène. Cette division en camp est très intéressante. Elle révèle qu’il y a, d’un côté, le système éducatif d’Etat, et, de l’autre, la liberté des enfants et des personnes en général. Les choses ne s’arrangent pas avec le temps. L’université ne fait que reproduire machinalement ces jeux politiciens puérils. Les agent·es de la fac ont l’air juste plus désabusé·es que celleux des autres établissement. La complexité de l’inutile et délétère appareil bureaucratique atteint son paroxysme dans des immeubles de la fac entièrement dédiés aux métiers de papier. C’est ici que la bureaucratie, outil d’asservissement étatique, y est la mieux représentée dans le système éducatif d’Etat. La présence de « syndicats » étudiants n’y ajoute qu’une malaisante sensation de farce. Mais le cas de l’université mériterait un ouvrage à part tant il est complexe est révélateur du fonctionnement de l’Etat du fait de son mimétisme à celui-ci.
S’il y a des violences que l’on a tou·te·s subies, ressenties, dès la primaire, c’est inévitablement l’ennui, la frustration, le manque se sommeil, le mal de dos, des épaules et des cervicales…
Il s’agit bien de violence. Le dictionnaire que l’on m’a offert en primaire, justement, défini ce mot ainsi : « Caractère de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec force intense, extrême, brutale » (Petit Larousse Illustré, 2003, p1068). Tout ce dont je parle ici sont des formes de violences, au sens validé par le système que jecritique même. Celles-ci sont même reconnues comme telles par les agent·es du système.
Je me souviens très distinctement une CPE, le premier jour de seconde (première année de lycée, vers 15-16 ans), nous faire l’injonction de nous « faire violence » en parlant de la difficulté que l’on pourrait éventuellement avoir (que l’on aura forcément), à 15 ans, à se lever vers 6h du matin tous les jours de la semaine pendant 9 mois, après une journée de 8h dans les conditions que l’on verra plus bas.
C’est peut-être la seule fois où j’entendis un·e agent·e de l’Etat nous demander d’agir de manière autonome. La violence est si intériorisée que notre seul rôle, notre seul acte indépendant, se résume à la subir. Nous allons faire maintenant une liste, bien évidemment non exhaustive, des violences que l’on rencontre dans un parcours scolaire classique (primaire, collège, lycée). Toutes les violences, une fois déployées par le système, se reproduisent dans les classes qui suivent. Nous procéderons toujours par ordre chronologique afin de bien évaluer l’évolution de ces violences.

Le manque de Sommeil

*Le système éducatif d’Etat, comme toute insitution étatique, conditionne ses sujet·es et agent·es à sa propre perpétuation ainsi qu’à la perpétuation du système étatique tout court.*

En primaire, le manque de sommeil ne pose pas encore de graves problèmes (en tout cas, c’est ce que j’ai ressenti personnellement, certaines personnes l’auront vécu autrement). Les choses se corseront au collège, où la physiologie des élèves augmenterons leurs besoin en sommeil, sans que les journées de travail ne diminuent, bien au contraire. Toutefois, on remarque une nouvelle fois comment le conditionnement à des comportement surréalistes (se lever à la même heure tous les jours de la semaine) servent la perpétuation du système éducatif d’Etat, et ensuite de l’Etat lui-même : apprendre, dès la primaire, lorsque le corps le peut sans trop de souci, à se lever avant le soleil tous les jours pour avoir à suivre ce rythme toute la scolarité, puis le restant de la vie.
Le rangement exagéré

*Le rangement est l’allégorie de la froideur du système éducatif d’Etat. Ce que le système éducatif d’Etat enseigne, c’est le conformisme. Il fait également office de préparation militaire, sinon disciplinaire. Dans ce système, comme dans tout système éducatif, les sujet·tes deviennent agent·es lorsqu’iels ont suffisamment intégré la servilité pour pouvoir l’inculquer à autrui et être prêt·es à le faire.*
La maternelle fit office d’introduction à cette violence mais celle-ci peut pleinement s’exprimer dès le CP. Elle est simple mais très efficace : faire s’aligner les enfants en rang, comme des soldat·es. Tel un·e sergent·e, l’enseignant·e passe dans les rangs pour vérifier que tout le monde respecte cette règle. Puis l’on peut enfin (sans enthousiasme, cela va de soi) rentrer dans l’école, toujours en rang, jusqu’à la classe où l’on trouve un rangement bien particulier : En lignes parfaitement parallèles, assis·es face au tableau, la plupart du temps également face à l’enseignant·e et son sacro-saint bureau. L’inspection des bureaux des élèves rappelle celle des lits dans une caserne. Selon les degrés de conformisme de l’enseignant·e, on peut se retrouver à attendre, bien aligné·es et debout, que chaque emplacement eut été observé, que chaque feuille dépassant soit replacée de sorte à être elle-même bien alignée avec le reste des cahiers, que le rangement convienne à l’enseignant·e. Nombreux étaient les reproches faits à notre façon de ranger la paperasse sous les bureaux : pas les classeurs au-dessus, pas de feuille « volante », pas de stylos etc. Alors que rien de tout cela ne dérangeait, d’aucune manière, l’apprentissage supposé de l’école (lire-écrire-compter, les fractions, l’histoire médiévale…).
C’est aussi pour cela que les piercings, les tenues un peu « gothiques », les crêtes iroquoises etc sont interdites (pas toujours sur le papier, mais en pratique, le personnel enseignement vous le fait comprendre) dans les établissements scolaires, notamment au collège et lycée. Inutile de préciser le cas des jupes pour les préadolescent·es, qui rejoint la liberté vestimentaire, sujet traité dans un autre article de ce blog. Finalement, l’enseignement militaire (disciplinaire) commence au rangement stupidement rigoureux. Il manque le garde-à-vous, le pas cadencé, le clairon, le lever de drapeau et l’hymne national pour rendre véritablement explicite cet ordre guerrier. La proposition récente de mettre en place un service paramilitaire pour les personnes de 16 ans est dans la droite ligne de ce concept. Il ne fait que grossir les traits du système éducatif d’état.
C’est d’ailleurs un héritage direct des précendents système éducatifs d’état, notamment des troisième et quatrième Républiques : développer la ferveur patriotique dans le coeur des enfants. Les objectifs ont changés, initialement l’école ayant été une préparation pour enfants pour le service militaire, elle s’est déportée vers la construction d’un conformisme étatique classique. Non pas que l’on y enseignerait encore l' »art » de la guerre et du meurtre (pardon pour ce deuxième pléonasme), mais la servilité et le patriotisme. Qualité essentielle à la fabrication de bon·nes soldat·es qui, s’iels ne prendront pas les armes, auront au moins suffisamment intériorisé·e la servilité pour ne pas entraver la marche de la réaction lors d’une situation de guerre. La volonté, à chaque quinquennat renouvelée, de ressortir les vieux outils de propagande de la République bourgeoise (troisième pléonasme ? 😛 ) (drapeau et marseillaise dans les écoles par exemple) révèle si bien cet objectif inavoué de faire de nous tou·te·s de bon·ne·s soldats de la République, soldats « économiques », agent·es des intérêts capitalistes-étatistes.
Le rangement est l’allégorie de la froideur du système éducatif d’Etat. Nous ne somme plus qu’une masse d’individu·es atomisé·es, classé·es et mis·es en concurrence de fait, en tant que sujet·te économique, donc être « rationnel » etc.
La sonnerie

Comme dans tout organe d’Etat, dans le système éducatif d’Etat, ce sont les sujet·tes et agent·es qui doivent se plier aux exigences de l’outil et non l’inverse. La violence du système éducatif d’Etat, comme toute institution étatique, s’exercera toujours, au moins en partie, physiquement.

Cette violence aurait pu être légitimement placée en première chronologiquement car il s’agit du premier acte du système éducatif d’Etat que l’on a à subir dans la journée et dans la vie, la première dans notre parcours scolaire, avant même encore que l’on s’y trouve : Le réveil et la sonnerie de l’établissement. La première chose que l’on entend de l’école, même maternelle, est une sonnerie stridente. La première chose qui se transpose de l’école à la vie privée est le réveil. Le fait qu’il y ait besoin d’un réveil prouve l’absurdité du système. On admet, en réglant notre réveil, que le système éducatif d’Etat n’est pas adapté à nos besoins en sommeil. Cette violence physique comme symbolique est banalisée. On la reproduit régulièrement, périodiquement même, indépendamment des besoins des sujet·tes et agent·es du système. Au-delà de la violence, voyons brièvement l’utilité pratique. Nombre de cours ont été coupés par une sonnerie, même s’ils intéressaient tous ses protagonistes (chose extrêmement rare), même si ça tombe à un moment compliqué à reprendre. Il faut arrêter le cours, il faut partir, il faut changer de sujet. De la même manière que les enseignant·es disposent d’un calendrier très serré pour faire ingurgiter un nombre toujours plus grand de choses, les élèves apprennent à être réglé·es comme les pendules de leur école. L’inutilité pratique vient donc rajouter une couche de violence par-dessus les violences symboliques et physiques.
Iels doivent donc suivre un rythme inhumain, dans tous les sens du terme. Les machines – ici, la sonnerie – ne sont pas programmées pour convenir à un besoin. Ce sont, au contraire, les humaine·es qui doivent subvenir aux besoins machinistes et étatistes.
Bien évidemment, la sonnerie n’est jamais agréable. Il s’agit toujours d’une cloche brutalement cognée ou d’une imitation synthétique, c’est-à-dire que même lorsque cela est possible, on ne rend pas le son moins désagréable, preuve de plus, s’il en fallait, que la technologie, aux mains de l’Etat, asservi les êtres, et non l’inverse : la technologie au service de ses créateurices.1
Cette violence physique atteint sa quintessence lorsqu’elle se matérialise dans la forme suivante.
L'ennui

*Le système éducatif d’Etat, comme tout organe d’Etat, ne peut être amusant. Il est irrémédiablement ennuyeux. L’Etat est ennui. A l’école, comme dans toute structure d’Etat, il est obligatoire de s’ennuyer, il n’y a pas d’échapatoire à cet ennui au sein des insitutions étatiques. Lutter contre l’ennui, c’est lutter contre l’Etat et ses institutions, et vice-versa. Le système éducatif d’Etat est impropre à la vie d’enfant. Donc la lutte enfantine oblige la lutte contre le système éducatif d’Etat, contre l’Etat, et vice-versa.*

Il s’agit effectivement d’une violence. Les cours sur l’apprentissage de la lecture, le calcul mental etc, sont passionnants du fait qu’ils sont une marche vers l’intégration sociale, comme dit plus haut. En revanche, la grande majorité des disciplines que l’on m’a enseignées étaient assommantes. Cela est autant dû à la discipline par comparaison aux préoccupations des enfants/adolescent·es, qu’à la manière de l’enseigner. La géométrie par exemple n’est pas forcément ennuyeuse en soi, il y des moments dans la vie où l’on peut se passionner pour elle, j’ai à mainte reprise eu à le vivre. Mais elle est enseignée comme une science d’une ridicule abstraction, détachée des réalités des enseigné·es. Ce qui rend la géométrie ennuyante « socialement ». Cela peut bien entendu varier d’un·e enseignant·e à l’autre mais il s’agit avant tout du fonctionnement de l’enseignement, basé sur un dogmatisme, par définition a-critique, à sens unique. C’est-à-dire que l’élève doit ingurgiter mais ne pas questionner, « c’est comme ça et puis c’est tout », sans aucune forme d’esprit critique. Le rôle des enseignant·es est assez complexe et sera décrit plus loin, après un développement à travers les périodes. L’ennui est une chose horrible, douloureuse même, parfois jusqu’à le ressentir physiquement : fatigue, perte de l’attention, maux de tête, courbatures etc. Chercher à rendre un cours non-ennuyeux ne changera rien aux 19 autres de la semaine. L’école est ennuyeuse, le collège est ennuyeux, de même pour le lycée et l’université. On ne peut lutter contre l’ennui dans le système éducatif d’Etat. Ni lutter contre l’Etat sans chercher à stopper l’ennui.
Comme dira Jules Vallès, alors jeune sympathisant « quarante-huitard », futur communard : « Si pour être révolutionnaire il faut s’embêter d’abord, je donne ma démission. Je me suis déjà assez embêté chez mes parents ». On ne peut vouloir changer radicalement les choses sans que ce soit une partie de plaisir. Sinon, autant rester conforme est donc confortable. L’inconfort d’un avenir peu conforme peut faire peur mais ne peut pas être un plaisir une fois mises en pratique les idées révolutionnaires. Pour moi, une enfance ennuyée n’est pas acceptable. On ne peut, on ne doit pas, proposer aux enfants que de l’ennui et de la fatigue. La société qui respecte ses enfants doit leur donner une vie passionnante, sinon elle perdra la passion de la vie en société, si ce n’est de la vie tout court.
L’ennui impacte aussi le moral. Le sentiment que le temps ralenti, l’impression que l’on n’en sortira jamais, que l’on s’est levé·e (difficilement, voire douloureusement, pour les périodes suivantes) pour rien. Un sentiment d’injustice commence doucement à poindre après quelques années à attendre une sonnerie désagréable comme un salut… Mais ce sentiment est traité comme « naturel », inévitable, voire nécessaire. On m’a justifié plusieurs fois que l’ennui serait bon pour la créativité, puisqu’il forçerait à trouver une activité/occupation. Sauf qu’à l’école, comme dans toute structure d’Etat, il est obligatoire de s’ennuyer. Trouver une activité pendant l’ennui (le cours) étant formellement interdit, on trouvait des moyens de s’occuper en douce et sans risquer de rester plus longtemps (la fameuse « heure de colle ») : faire tourner son stylo autour du pouce, regarder dehors pour s’imaginer ce que font les gens qui passent dans la rue, compter le nombre de fois que le professeur dit « effectivement » (il a dépassé les 100 par heure lors d’un cours, j’étais fière de lui), même des batailles navales étaient organisées entre un voisin de table et moi.
Comme la plupart des violences d’Etat que l’on trouve à l’école, il s’agit de préparer les enfants à ce qui leur attend. J’ai toujours du mal à supporter l’ennui, du fait qu’il me rappelle ces années de violences, mais aussi du fait que ce n’est pas un état naturel de l’être humain. Ce symptôme est d’ailleurs une preuve de l’incapacité de l’éducation d’Etat à calibrer sa population sur des comportements contraires aux conditions de vie dignes d’êtres humains.
Primaire et secondaire; Les bases institutionnelles

L'incarcération

*Le système éducatif d’Etat, comme tout organe d’Etat, est un outil au service du capitalisme. Lutter contre lui, c’est luter contre l’Etat, donc contre le capitalisme; et réciproquement. Il se moque de l’avis des personnes qu’il éduque. Car il est autoritaire, à l’image de l’état tout entier. Le système éducatif d’Etat n’est donc pas nécessaire à la socialisation de l’individu, il lui est même nuisible. Le système éducatif d’Etat, est un modèle d’incarcération et donc sert le contrôle social de l’état. C’est un univers fermé sur lui-même, comme tout modèle d’incarcération.*

Il s’agit effectivement d’incarcération. Le petit Larousse illustré de 2003 donne comme définition à l’article « incarcérer » (p537) : « Mettre en prison; écrouer, emprisonner ». Il ne s’agit pas de dire que l’école fonctionne exactement comme une prison, mais bien plutôt d’attirer l’attention sur le fait que l’école n’est pas libre, au sens où l’on ne peut pas en sortir ou en rentrer comme on veut. Bien évidemment que dans le système éducatif d’Etat on est traités avec moins de violences que dans les prisons et que l’on doit en sortir tous les soirs. Mais toujours est-il que notre vie, nos journées, sont emprisonnées dans les établissements du système éducatif d’Etat.
Toujours à l’encontre de la dignité humaine, et donc en échouant forcément à paraître naturel (bien que la pratique soit bien intériorisée depuis des générations, des siècles), L’Etat enferme les enfants qui se trouvent sur son territoire, tout à la fois symboliquement et physiquement. Comme déjà dit plus haut, les enseigné·es sont enfermé·es dans des tableaux, des cases, des boîtes desquelles iels ne pourront que difficilement sortir durant toute leur vie. D’avoir eu telle moyenne remarquable, positivement ou non, à telle matière sera inscrit dans l’ADN de l’éduqué·e (son dossier) pour toujours, du moins aux yeux des instances administratives se prononçant sur son avenir. La personne subissant le système éducatif d’Etat se trouve ainsi piégée dans une logique de préjugé : mise dans la classe supposée des gens supposément bon·nes ou mauvais·es à telle matière. Cette classification inchangeable décide de l’avenir de toute la société en les assignant d’office à des castes : « l’élite », celle maîtrisant les sciences naturelles et les mathématiques, destinée à devenir ingénieure et rentrer dans la classe moyenne supérieure, voire la petite bourgeoisie (à supposer que les termes ne soient pas synonymes) et les autres destiné·es au chômage ou aux métiers subalternes.
Un peu comme notre société sexiste assigne à la naissance des genres et sexes qui déterminent la place et les rôles futur·es dans la société; l’école assigne très tôt aux enfants leurs futurs rôles dans la société à partir de critères arbitraires et injustes (avoir été scolarisé·e dans tel quartier, avoir des parents riches etc).
L’enfermement symbolique se prolonge dans l’enfermement physique, dès la maternelle et la primaire. Si l’on peut comprendre qu’une famille ne soit pas rassurée à l’idée de laisser son bébé circuler librement hors de la cours, la question des clôtures (dans ma ville, très similaires à celles de la prison) peut commencer à se poser en primaire. Sans compter le fait que la maternelle, comme la garderie (avant le primaire, 93% des familles mettent leurs bébés dans des établissements pour les garder le temps qu’elles travaillent) ou même la primaire, au début du moins, sont surtout pratiques pour laisser aux parents la possibilité de travailler le jour. Il n’est à en juger que par les problèmes que causent les grèves d’instituteurices et de professeureuses, ou la crise sanitaire de ces dernières années. Les interrogations ne concernent pas le savoir qui ne sera pas diffusé, mais bien plutôt le moyen de prendre en charge ses propres enfants alors que l’on travaille. Il faut savoir qu’à la primaire, vers la fin, on a entre 10 et 11 ans, pour une école primaire qui se trouve donc probablement dans le quartier de résidence des familles (si on a de la chance), il ne devrait pas être problématique de laisser à la plupart des enfants la possibilité de rentrer chez elleux quand ielles le désirent. Évidemment, les risques de violences à l’égard des enfants, sur le chemin entre l’école et l’habitat, effraient légitimement les parents. Il faut savoir cependant que le problème de l’agression des enfants en dehors de l’école ne concerne pas tant l’école que la société tout entière. Car ne pas pouvoir assurer la sécurité d’enfants sans en arriver à les confiner est une faute grave, une preuve d’échec. Les problèmes de pédocriminalité, de viol, d’agression sexuelle sont à traiter en société par l’éducation justement et l’auto-défense des concerné·es, non en s’enfermant et enfermant les autres par peur; ça ne peut que reconduire le problème à d’autres endroits et moments. Les statistiques ensuite nous montrent que la plupart des agressions sexuelles se font par des connaissances de la victime2, ce qui met en avant le fait que si l’école devait protéger les enfants de leurs parents, elle ne répondrait même pas à ce devoir, car elle livrerait les victimes à leurs bourreaux tous les soirs. L’école n’est donc pas carcéral par sécurité pour les enfants mais juste par volonté de les garder le temps que leurs parents soient productif pour le système capitaliste. La logique d’infantilisation, en ce sens qu’il s’agit d’un mépris des enfants avant tout, nie la capacité des personnes mineures de se défendre d’elles-même. On ne parle pas là de constituer des milices de nourrisons mais au moins d’inclure, d’intégrer, les non-adultes progressivement à la société afin de leur donner les moyens de se défendre au sein de celle-ci, non pas de s’enfermere hors de celle-ci. Inutile de préciser que les insitutions que l’on crituqe ne sont pas du même avis…
Des enfants bien éduqué·es ne devraient pas avoir besoin d’être entouré·es de lugubres grilles pour éviter de fâcheux incidents de route ou de mauvaises rencontres 3. Une question devrait se poser :
*Pourquoi ne demande-t-on pas aux éduqué·es leur avis ?*

Deux types de réponses peuvent alors être proposées. Le première, infantilisante, sera le réflexe habituel de tout capitaliste et/ou étatiste : les personnes concernées ne sont pas assez informées et fortes pour décider par elle-même. Mais cela s’accompagne d’un appel à la bêtise : les enfants, puis les préadolescent·es, puis les adolescent·es et enfin les majeur·es, ne seraient pas assez mûr·es pour raisonner sur leurs conditions. Une deuxième réponse, un chouilla plus matérialiste, propose d’expliquer que le système éducatif d’Etat se moque de l’avis des personnes qu’il éduque. Comme tout système d’Etat qui se moque des personnes concernées par son service. Mais ma réponse serait qu’il est évident que, si on demandait leur avis aux non-adulte (et mêmes auxa adultes concernant le travail apr exemple) la réponse serait unanime, et tout le monde le sait : **les enfants n’aiment pas l’école** . Si l’on aime tou·t·es, quel que soit l’âge, acquérir des outils d’inclusion sociale, le système éducatif d’Etat en lui-même est repoussant aux yeux des éduqué·es. Enfin, instaurer un brin de démocratie, d’autogestion, osons rêver, remettrait fatalement en cause tout le système étatique dans son ensemble et dans son principe-même. De plus, former des enfants à s’autogérer, ça suppose avoir plus tard des adultes avec un esprit critique et une expérience de la démocratie directe, ce qui n’est pas bon pour l’Etat et le capitalisme
Rendons-nous à l’évidence : On force les enfants à passer leurs plus tendres années dans de lugubres bâtiments encerclés de barrières encore moins accueillantes; le tout, sans se préoccuper de leurs avis, leurs intérêts personnels, leurs bonheurs, leurs vécus… Ce qui pousse à les inscrire dans ces établissement du malheur, c’est la puissance du système capitalisme : si l’on n’a pas suivi le chemin tout tracé du système éducatif d’Etat, on ne sera pas inclus·e dans le « marché du travail », on ne pourra pas « se vendre ». C’est tout le drame de prendre conscience de sa condition : avoir un drame sous les yeux et ne pouvoir rien y faire, devoir subir ce drame… Le système éducatif d’Etat n’est pourtant pas l’unique modèle de socialisation possible. Il suffit de se retrouver entre ami·es (même s’ielles sont rencontré·es au travail, à l’école etc, mais ça n’invalide pas le propos) pour comprendre comment fonctionnent les relations sociales, s’y habituer automatiquement et développer une individualité qui évoluera immanquablement au fil du temps, des rencontres et des contradictions de la vie. L’engagement associatif et/ou militant est aussi un modèle exemplaire de socialisation non-étatique : on s’organise en dehors des circuits de l’Etat (à part si l’on milite pour un parti au pouvoir actuellement, ou pour une organisation franchement étatiste, qui ne fera que reproduire les mécanismes d’Etat), on rencontre divers personnes, divers points de vues, on apprend des comportements, à vivre en collectivité etc.
Et, de toute façon, l'on peut développer des appétences à la vie en collectivité tout en ayant du temps à consacrer à sa famille, ses ami·es, ses enfants, ses emmerdes etc et même sans être enfermé dans un bureau ou école qui nous ennuie. La manière dont nous nous sommes habitué·es aux organes de l'Etat au point de les trouver indispensables relève du génie. Alors que, comme montré 10 lignes plus haut, le système éducatif d'Etat n'est pas le seul moyen de s'intégrer à la société, et fort heureusement les autres moyens sont encore actifs, malgré tout, en parallèle de celui-ci. Il faut dire que si les syndicats étaient interdits, les associations mises sous tutelle de l'Etat etc, ça commencerait à se voir...
Le système éducatif d’Etat, puisqu’appareil d’Etat, est un système de contrôle social plutôt que de formation ou d’intégration comme on l’entend parfois.
Du moins, ce n’est pas dans les préoccupations de l’Etat que de transmettre aux gens un savoir rationnel neutre et désintéressé, une méthode d’esprit critique. Le but est bien de s’assurer de la fidélité des enseigné·es. Pour preuves supplémentaires, réfléchissons aux contacts que le reste de la société et l’école ont entre elleux. Eh bien, il serait normal de ne pas en trouver, car il n’y en a pas.
Le système étatique, et ses institutions, n’a vocation qu’à sa propre perpétuation et n’a, par conséquent, pas besoin du monde extérieur.
Cela rejoint nos observations sur la perpétuation du système étatique. Le système n'a vocation qu'à sa propre perpétuation et n'a, par conséquent, pas besoin du monde extérieur.
Le travail effectué dans le système éducatif d’Etat ne concerne que le système éducatif d’Etat. Le propre travail du système éducatif d’Etat suffit à l’objectif de tout système étatique, c’est-à-dire la perpétuation de ses institutions.
Nous traiterons des autres formes de violences, apparaissant dans d’autres institutions (collèges et lycées principalement) plus bas. Pour l’instant examinons plutôt les mascarades auxquelles s’emploie le système éducatif d’Etat dès la primaire.
Le Savoir

*Le système éducatif d’Etat est un outil de propagande en faveur du système capitaliste et de l’État lui-même. L’éducation d’Etat n’est pas nécessaire à l’accumulation de savoir. Son enjeu est donc celui de la sélection, par la bourgeoisie, du savoir à disposition de la population. Le système étatique échoue dans son propjet d’hégémonie épistémique8. Tout comme l’État et le capitalisme9, il ne prend en compte de la science que pour aller dans son sens et servir ses intérêts. Militer pour la démocratisation de la science, c’est militer contre le pouvoir (aussi) du système éducatif d’Etat, donc de l’Etat, donc du capitalisme.*

Si l’école et ses successeurs ne sont pas un outil d’intégration comme le prétendent ses défenseureuses, on admettra communément que l’on y apprend des choses. Sans trop avoir une idée précise de ce que l’on peut bien y apprendre au juste. Mais cela va de soit : à l’école on y enseigne des matières diverses et variées telles que l’histoire, les mathématiques, les langues etc. Plutôt que de chercher à savoir tout ce qui est enseigné à l’école, nous nous intéressons plutôt ici à ce qui ne peut être enseigné ailleurs, dans le but de voir à quoi l’enseignement d’Etat se destine.
A chaque nomination d’un gouvernement, les ministres de "l'éducation" qui se succèdent annoncent triomphalement que leur objectif est, qu’après la première année de primaire, on sache « lire, écrire, compter ». Autant dire qu’iels n’ont aucun projet. Car il faut être plutôt mal loti·e pour ne pas savoir ces notions de bases après les 6 premières années de la vie. Même si cela arrive encore4, et c’est évidemment tout à fait regrettable. L’école n’est de toute façon pas absolument nécessaire à l’acquisition de ce savoir de base, du moment que l’on s’occupe convenablement de l’enfant afin de lui permettre un épanouissement digne. Si le but est d’être effectivement « intégrable » à la société, alors cette dernière, si elle est un minimum humaine, comprendra que pas tou·tes les enfants de 5-6 ans sachent encore lire, écrire et compter parfaitement. Cela peut évidemment être inquiétant pour les familles mais dans une société digne, qui transmet une éducation digne aux enfants, cela ne devrait pas trop poser de problème. En vrai, il ne s’agit pas vraiment de cela, en tout cas pas complètement, on y reviendra plus bas. Enfin, si l’on apprenait que cela à l’école primaire (ainsi que les bases de l’histoire et de la géographie), nous ne verrions pas bien l’intérêt de la faire durer 5 ans (pour les non-redoublant·es). Au-delà des mathématiques élémentaires et de la langue unique5, le contenu de l' »enseignement » proposé (ou plutôt imposé) à l’école jusqu’au lycée est un ensemble indigeste de faits à connaître « par coeur »; c’est-à-dire bêtement, dans l’optique d’une récitation quelle que soit le moment de la vie, chose d’ailleurs impossible, les années et les préoccupations passant (récitez-moi un poème appris en primaire pour voir… si vous y arrivez sans être encore en primaire,c’est inquiétant pour votre développement inntellectuel). Pour vous rendre compte, imaginez devoir réciter tout ce que vous avez appris durant vos 12 dernières années, et bien c’est cela que l’on exige théoriquement aux enfants de 5 à 17 ans. Cette impossibilité est de toute façon constamment remise en évidence chaque année, lorsqu’un·e enseignant·e mobilise le savoir normalement appris l’année passée mais se trouve obligé·e de faire un rappel avant de pouvoir continuer le cours. Ce qu’il y a d’assez ironique, c’est que les « rappels » sont parfois involontaires, je ne compte plus le nombre de fois où l’on a travaillé sur l’oeuvre de Rimbaud du collège au Lycée, ou le nombre de fois où l’on a lu Jaques d’Amour de Zola, ou n’importe quelle oeuvre des écrivains français du 19ème siècle en général… Ce savoir encyclopédique est distribué dans un enchaînement incohérent entre les matières, ainsi qu’au sein d’une même matière. On passe de la guerre « de cent ans », au demeurant très complexe politiquement, inutile et ennuyeuse pour les enfants (et n’importe qui d’autre), à l’accord de l’auxiliaire, également d’une complexité ridicule de part son arbitraire6; et ce, le même jour. Mais au sein d’une même matière on va avoir, dans une même année, des choses qui n’ont rien à voir : l’Egypte ancienne, l’empire Ottoman, les guerres de religions etc, la seule année de cinquième par exemple (deuxième année de collège, entre 12 et 13 ans). On fait nos premiers calculs à fractions, puis, quelques heures plus tard, on nous enseigne le crawl à la piscine… Le savoir est éparpillé, réduit à une accumulation de fait à avoir en sa possession pour les ressortir lorsqu’on le demande. C’est pour cela que lorsqu’on demande « à quoi ça va me servir dans la vie ? », aucune réponse satisfaisante ne vient. Il s’agit juste de pouvoir se conformer aux savoirs de l’Etat pour répondre à des examens de l’Etat. C’est aussi pour cela que l’on demande « à quoi ça va me servir dans la vie » : les premiers enseignements donnés sont des vecteurs d’intégration sociale, donc plus qu’utile : indispensable. Or les choses changent avec le temps, habitué·es à des choses « utiles », on finit par remarquer que quelque chose « cloche ».
Nous n’avons pas le temps, ni la motivation (car peu l’utilité), pour une analyse fine de chaque matière. Nous nous contenterons de parler ici de l’Histoire, matière la plus idéologiquement chargée à l’école primaire. L’Histoire de France. Voilà en peu de mots ce que l’on « apprend » à l’école. Un « roman national » à la gloire d’une nation supposée, idéalisée (La « France » existait-elle à l’époque de Charlemagne ?), ou d’une République fantasmée (où De Gaulle et Robespierre son mélangés avec d’autres figures « républicaines », quoi que cela veuille dire après avoir autant fait d’amalgames stupides). Vous me voyez venir, je vais donc le dire : l’Histoire est enseignée à l’école d’Etat comme outil de propagande en faveur d’une République jacobine. Ceci est révélateur du caractère de propagande du rôle du système éducatif d’état.
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Le système éducatif d'Etat est un outil de propagande en faveur du système capitaliste et de l’État lui-même
De toute façon, de quelle Histoire s'agit-il ? Celle de la noblesse et de la bourgeoisie (surtout des hommes, à chaque fois blancs). JAMAIS, je le dis avec une pleine certitude, JAMAIS, je n’ai entendu parlé de la Commune de Paris, ou des révoltes des canuts, ou de l’Espagne de 1936, ou des révolution de 1848 etc. En tout cas, si ce genre d’événement est évoqué, il l’est sous un angle bourgeois, mais en aucun cas d’un point de vue du prolétariat. J’ai pu prendre conscience de l’existence de ce que l’on pourrait appeler un « mouvement ouvrier » que bien après avoir quitté l’éducation nationale. Au final, cette Histoire peut s’apprendre de manière plus qualitative ailleurs que dans les écoles d’Etat. Le fait que je connaisse, ne serait-ce que l’existence d’un mouvement ouvrier prouve que l’Etat échoue à être le seul narrateur de l’Histoire, chose de toute façon impossible hors des pires autocraties totalitaires.
Le cas de la langue est un autre exemple emblématique. Elle n’est jamais vue d’un point de vue linguistique/descriptif mais essentiellement prescriptif. C’est-à-dire qu’il va, dans les fameux « fondamentaux », accentuer le marquage social et se couper des réalités depuis longtemps décrites par la science. Il s’agit, là aussi, d’un outil que l’on donne afin de se conformer au système étatique, en aucune manière il ne va s’agir d’une occasion de développer son esprit critique.
Il y a bien quelques progrès un peu significatifs et individuels d’enseignant·es mais ils sont limités et ne changerons malheureusement pas l’institution dans son ensemble. Car ces belles institution basées sur les recherches scientifiques (ou non, d’ailleurs) ne seront mises en place nationalement que lorsque l’Etat y trouvera un intérêt.
La Démocratie et l’autoritarism

*Le système éducatif d’Etat n’a rien de démocratique, comme l’état. L’état et ses isntitutions sont fidèles à elleux-même et au capitalisme, rien d’autre. Le système éducatif d’Etat enferme des enfants. L’État n’a que faire du consentement, il impose, par l’intermédiaire de ses institutions, dont fait partie le système éducatif d’état. L’état ne peut qu’être autoritaire, car il est l’autorité qui prend vie. Lutter pour les droits des enfants passe par la lutte pour une révolution (aussi) pédagogique. Le système éducatif d’Etat, en tant qu’institution étatique, est indispensable à la société capitaliste-étatiste.*

Un point sur la démocratie scolaire s’impose. Il est souvent argué que l’école apprend le « vivre-ensemble ». Cela est vrai, dans la mesure où l’on considère que le « vivre-ensemble » signifie être obéissant à l’égard d’une institution carcérale hiérarchisée et ne pas avoir son mot à dire là-dessus. En effet, l’avis des enfants (car il s’agit ici d’elleux) n’est jamais demandé, sinon pris au sérieux. Vous répondrez sans doute qu’il est normal de traiter ainsi des enfants. A ceci, je répondrais « oui ! … Si on veut leur apprendre à ne pas exprimer d’opinion contraire à l’ordre établi, à ne pas développer d’esprit critique et à ne pas avoir la moindre idée de ce que peut bien être la démocratie ! » Je ne sais pour vous, mais je refuse de formater une jeunesse a-critique et irresponsable. Nous devons mieux à nos enfants, aux générations qui écrirons l’Histoire, iels valent mieux que ça. C’est justement en les prenant au sérieux, même progressivement, que nos enfants gagneront le sens des responsabilités et se feront une idée de ce que peut bien être la démocratie : se forger une opinion, argumenter/débattre, délibérer, formuler, voter, avoir des responsabilités… C’est le genre de chose que l’on ne peut apprendre par soi-même dans un isoloir. Et ne parlons pas des élections de délégué·es de classe, qui résument la démocratie à élire un·e pote qui n’aura aucun pouvoir car pas pris au sérieux dans une institution de toute façon digne des pires mascarades : le « conseil de classe ».
Comme le système éducatif d’état a pour rôle de « naturaliser », imposer l’hégémonie de l’état, il est à l’imagine de l’état. Il ne peut donc être démocratique. Et ce, dans son ensemble, que ce soit dans sa pitoyable tentative de faire rendre normal le régime plébiscitaire ou dans le fonctionnement du travail au sein des établissements et des administrations. Car, aucun organe d’Etat ne peut être démocratique, tout simplement parce qu’aucun État n’est démocratique. Il s’agit d’une classe administrative qui règne sur une population par la force des lois, soutenues par la force physique des matraques. Si seulement nous développions l’esprit critique dans les écoles, nous verrions un parallèle avec l’élection de délégué·es syndicaux pas écouté·es car infantilisé·es par les employeureuses. Nous comprendrions le conditionnement nous amenant à confondre démocratie et « représentation » qui ne représente personne et n’a aucun pouvoir. Également, le principe même du fonctionnement de la démocratie scolaire n’est jamais remise en question. Ce qui fait qu’il n’y a aucun débat de fond, aucune possibilité légale de changer quoi que ce soit. Comme les règles de grammaire stupidement compliquées et sexistes, « c’est comme ça » et pas autrement. Au final, l’élection de délégué de classe fonctionne surtout comme un marqueur social de plus. La personne élue pourra frimer, se sentir populaire le temps des jours suivant le vote. Rien de tout ceci ne change au collège ou au lycée. Quant à l’université, la complexité de l’appareil bureaucratique stérile ne doit pas faire d’illusion sur la continuité de l’infantilisation et de l’absence de démocratie. Un système étatique reste étatique, quoi qu’il arrive.
Cette absence de démocratie rejoint le problème de l’incarcération. En effet, que ce soit en démocratie, ou sur les horaires de cours, l’élève n’a pas le choix. La possibilité même de trouver une alternative est soigneusement écartée. En tout cas, tout est fait pour que l’on ne puisse même pas imaginer être ailleurs, faire autre chose de sa vie. Encore une fois, cette entreprise a ses limites car on ne compte plus les personnes « séchant » les cours. Dès le collège, la pratique devient courante. J’ai même pu assister à une « évasion », visiblement planifiée, de l’établissement : Un garçon fait le guet pendant qu’un autre escalade le mur, à l’abri des regards, à un endroit où se trouve une benne à déchet en verre de l’autre côté. Il lança son sac par-dessus le mur, puis grimpa ce dernier jusqu’à la liberté. Les stratagèmes pour ne pas aller en cours sont nombreux et parfois impressionnants d’ingéniosité. Le stratagème le plus impressionnant fut cette étrange substance qu’une camarade de classe présentait fièrement, dans un petit tube transparent. Cette chose, selon elle, avait la propriété de la rendre malade suffisamment longtemps pour être envoyée chez elle le jour-même, mais pendant un temps assez court pour profiter de la journée une fois rentrée à la maison.
*C'est une technique d'évasion.*
Ces comportements devraient nous alerter sur tout un ensemble de choses qui ne vont pas sur le bien-être des incarcéré·es/éduqué·es.
Du moins s’y sentent-iels suffisamment à l’étroit pour s’y comporter comme leurs héroï·nes de leur série d’évasion préférée (La série Prison Break était très populaire lorsque j’étais au collège). Le vocabulaire, le langage, des enseigné·es est celui de personnes encourant des peines de prison : « Combien il te reste à tirer ? », « ça fait combien de temps que t’es là ? », « hâte de sortir de cette prison »… (citations véridiques). Des connaissances travaillant en lycée ont pu me confirmer que les surveillant·es de leur établissement sont appelé·es les « matons » par les élèves…
*Il n'est pas normal de se sentir emprisonné lorsqu'on est enfant.*
Il n'est pas normal de forcer des enfants à subir des choses qu'elles détestent faire; quelle que ce soit cette chose. On peut arguer qu'il est nécessaire de passer par là, la détestation d'un travail obligatoire, pour apprendre la vie en société. Si vous ne voyez pas l'horreur de cette affirmation, c'est que vous avez été suffisamment endoctriné par ce système étatique pour le trouver normal et ne plus être capable de le remettre en question.
*Il n’est pas normal de forcer des enfants (comme n’importe qui) à subir (ou faire) des choses qu’elles détestent (faire); quelle que ce soit cette chose.*
Des enfants qui apprennent à banaliser la souffrance et l'associer à la réussite ont toutes les chances de produire une société fondée sur la souffrance. Les modèles scolaire sud-coréens et japonais en sont les parfaits exemples.
On peut arguer qu’il est nécessaire de passer par là, la détestation d’un travail obligatoire, pour apprendre la vie en société. Si vous ne voyez pas l’horreur de cette affirmation, c’est que vous avez été suffisamment endoctriné par ce système étatique pour le trouver normal et ne plus être capable de le remettre en question. Non, il n’est pas nécessaire de souffrir pour apprendre la vie en société. Des enfants qui apprennent à banaliser la souffrance et l’associer à la réussite ont toutes les chances de produire une société fondée sur la souffrance. Des enfants qui souffrent n’apprennent rien d’autre qu’à encaisser la souffrance passivement une fois adultes. Cela nous ramène au point qui lie le système éducatif d’Etat et la société étatique tout entière : l’État « prépare » (endoctrine) ses ouailles dès le plus jeune âge afin de reproduire son système de domination. La souffrance et son encaissement fondent notre société. Combien de fois ai-je entendu « il faut souffrir pour être beau » lorsque j’étais à l’école primaire ?
Enfin, chose plus grave et inquiétant : comment faire comprendre à des enfants qui ont appris à encaisser la souffrance forcée, et même la considérer comme nécessaire, la notion de consentement ? Les revendications féministes se portent toujours sur l’éducation au consentement dès le plus jeune âge. Sans être naïf sur la capacité de l’État à détourner l’éducation à son avantage, il est clair que cela résoudrait évidemment nombre de problèmes sexistes basés sur l’absence de consentement justement… La chose que je crains et que l’État saura enseigner une telle chose aux enfants (et encore, sous le pression des féministes) en l’éloignant le plus possible des conséquences logiques sur le système éducatif d’Etat et l’État tout court.
De même que la situation de nombre de travailleureuses est anormale : être forcé·e de travailler des années durant pour un système capitaliste-étatiste ingrat.
Il devrait être au contraire normal de ne pas aller là où l’on se sent mal, ne pas faire ce que l’on déteste et, lorsque l’on n’est plus assez motivé·e pour produire un effort, faire une pause, au grès des envies et besoins.
Comme dit plus haut, tout ceci n’est pas contradictoire au fait que l’on doive bénéficier d’une éducation digne, bien au contraire. Une éducation digne ne rend pas malheureux des enfants et est suivie avec enthousiasme, car les besoins et désirs de ces dernier·es sont alors pris en compte dans le processus de production du programme. De même pour l’organisation du travail, qui prend en compte les revendications des travailleureuses, réuni·es en syndicats, ou pas. Ainsi que les parents d’élèves, qui seront tenu·es au courant de l’avancée de l’éducation de leurs enfants, comme rassurés et soutenus en cas de difficulté.
Les rôles du système carcéral sont reproduits aussi par le personnel des établissements : les « pion·nes » maton·nes, les « CPE » sergents/officiers, le/la proviseur·e et son adjoint·e directeurices, les secrétaires-appareil bureaucratique etc. Sauf que personne ne peut faire l’avocat de l’enfant, hormis les parents de toute façon pas inclus·es dans ce système, et qui ne pourront jamais sortir leurs enfants de son enfermement. Seul le directeur le peut, et quand il le fait, c’est souvent une catastrophe pour la famille.
Cet outil indispensable à la perpétuation du capitalisme n’a pas eu d’autres choix que de se rendre indispensable à la vie sociale des familles, tant il est difficile de trouver la moindre raison d’accepter ses violences. Indispensable pour la reconnaissance sociale (comme lorsqu’on dit avoir « payé sa dette » à la société en subissant jusqu’au bout une peine de prison), cette même reconnaissance sociale dépendante des critères bourgeois de « réussite sociale ». D’ailleurs, le fait de devoir montrer son carnet (équivalent de la pièce d’identité, à montrer comme lors d’un contrôle de police, lorsque l’on est suspecté de commettre une infraction au règlement intérieur de l’établissement) pour sortir mais pas pour rentrer est assez révélateur de biens de choses. Faciliter l’entrée dans le système, mais réguler la sortie par la plus stricte bureaucratie10. N’importe quel autre établissement qui faciliterait l’entrée mais mettrait de lourdes restrictions à la sortie, serait traitée, à raison, de sectaire.
Collège

Les enseignant·es


*Révolutionner le système éducatif n’est, ne peut être, qu’une partie d’un projet de révolution sociale.*

Impossible de savoir quelle est la proportion d’enseignant·es « de bonne foi », qui s’efforcent de ne pas produire de violence, d’humiliation, qui cherche à développer l’esprit critique, de démocratiser (rêverions-nous en disant « politiser »?), à leur échelle, l’école et le collège. Comme pour critiquer toute institution, il ne s’agit pas de s’en prendre à des personnes mais à un système. Le système scolaire est largement décriti dans cette série d’articles, il n’est pas donc pas nécessaire de repréciser les raisons en faveur de son abolition. Toutefois, il est important de rappeler le niveau de complicité que l’on peut avoir dans un sysème. Rappel qui, de toute façon, n’accablent ici personne en particulier (à part si vous vous sentez visé·e·s personnellement, ce qui est parfaitement fortuit et inutile). Il serait en effet déplacé de mettre sur le dos de personnes précises des problèmes généraux d’ordre institutionnels, chroniques. Il est un constat que l’on peut tou·te·s faire : quelque soit la volonté de la personne, quelle que soit l’institution, il n’est pas possible de la changer « de l’intérieur ». Cela est d’autant plus vrai lorsque ladite institution est ancienne et fortement verrouillée par l’ordre établi du fait de son importance dans la perpétuation de cet ordre. D’ailleurs, il est paradoxal de vouloir « changer de l’intérieur » une institution car, cela signifie à la fois que l’on reconnaît l’inutilité de l’institution (sinon, pas besoin de la « changer ») et son efficacité (sinon, pourquoi penser pouvoir la « changer »? Pourquoi imaginer important de la « changer » ?). Dans le cas de l’enseignement, quelle que soit la volonté, la force, avec laquelle l’enseignant·e voudra rendre la vie des enfants (et de la population en général, pas de raison que les seul·es enfants puissent bénéficier d’une éducation publique) meilleure, le système restera profondément hiérarchique, violent, et l’on ne peut s’empêcher de reproduire la violence dans un système ne comprenant que ce langage. Ce qui compte ici c’est qu’en tant qu’enseignant·e, lea prof participe à un système pourri, largement au service du capitalisme. Pas de « bon·ne » ou de « mauvais·e » prof, juste un ensemble d’agent·es de l’état qui n’ont pas le choix que d’obéir à l’ordre étatique, du moment qu’iels sont engagé·es en tant que « fonctionnaires ». Que l’on soit un·e « bon·ne » ou un e « mauvais·e » prof, que nos intentions soient « louables » ou « malsaines », on est au service du système scolaire, on légitime la présence des autres. Et puis, le problème avec ce genre de manichéisme, c’est que personne ne va déclarer être lea « mauvais·e » prof… Au final, le système change de l’intérieur les personness venues changer le système… de l’intérieur. Les personnes avec la meilleure volonté du monde auront de moins en moins de choix au fur et à mesure qu’elles seront incluses dans le système.. jusqu’à être confondue petit à petit avec les autres, les « mauvais·es ». Il y aurait sans doute un parallèle avec la police à faire, jusqu’à une certaine limite, car les profs n’usent pas de violence physique, du moins rarement, de ce que j’ai pu vivre (si vous avez un témoignage à faire dans ce sens, n’hésitez pas, mon adresse mail c’est anartube@protonmail.com) Enfin, un enfant croise au grand minimum 15 enseignant·es différent·es de la CP au BAC (et encore, en supposant que des professeur·es fassent plusieurs cours et plusieurs années…). Les qualités humaines d’un·e enseignant·e n’empêcheront pas de subir la violence des 14 autres. Il est aussi très important de surligner le fait que le personnel enseignant lui aussi subit la violence institutionnelle. Les travailleureuses, de l’école au lycée, comme tout travailleureuse, aussi sont noté·es11, infantilisé·es, n’ont pas leur mot à dire dans un système à la hiérarchie quasi-militaire. Il ne s’agit donc pas tant de défense de la cause juvénile en affaiblissant celle d’un corps de métier, mais bien plutôt, dans une perspective révolutionnaire de lutte de classe (dans les deux sens du terme, cette fois; les enfants/ados/âgisé·es formant un ensemble de classes sociales), de faire la critique d’une institution conservatrice (pour éviter les euphémismes, nous dirons « réactionnaire »), et d’appeler les élèves, ancien·nes élèves, enseignant·es et enseignant ·es, famille etc, tout le monde en bref à converger vers une révolution qui rendra plus belles et heureuses nos vies. Même si la problématique des « apprenant·es » est bien particulière et peu comparable à celle des travailleureuses, on peut remarquer la convergence d’intérêts, ayant tou·te·s été pris·e dans ce système, qui prendra à nouveau nos enfants, entre les « apprenant·es » et les enseignant·es; ainsi que la société toute entière, tant l’enseignement concerne un projet de société global
Après m’être rendu compte que mon enfance et adolescence ont été sacrifiées sur l’autel de l’Etat, je n’ai plus peur d’écrire des choses pouvant paraît odieuses à nos restes de pensées bourgeoises 12. On m’a privé de l’épanouissement de mes plus belles et tendres années, et on continue de me priver de mes années autrement (chômage, pression sociale…) 13 et près de 100 000 nouvelles personnes (la population moyenne d’une tranche d’âge) se retrouvent dans ce système infernal chaque année. Comment ne pas être révolté·e·s ? A l’arrivée au collège, la figure des enseignant·es évolue, les hiérarchies se complexifient pour atteindre la forme finale que revêtira toutes les institutions que l’enfant aura à côtoyer au long de sa vie (services publique d’Etat, formations, entreprises, etc, avec leur directions, secrétariats, cadres etc). D’un·e « Maître·sse » ayant seule figure d’autorité dans la classe qu’iel suivra toute l’année sur toutes les matières et même en accompagnement social, on arrive à une situation où une dizaine de professeur·es vont se partager les enseignements et autres fonctions (bureaucratie, discipline, assistance sociale, etc). Ces « profs » vont voir leurs élèves quelques heures par semaines, sinon une heure toutes les deux semaines 14. Quelque soit la situation, cette figure reste une figure d’autorité hors de toute critique, de toute remise en question. Du moins par les élèves, car comme vu plus haut, les supérieurs hiérarchiques ne se privent pas de cette critique, pour en faire un outil de conformisme acerbe et injuste. L’institution tout entière est injuste, de part ses objectifs mais aussi part son fonctionnement interne. Fonctionnement injuste car hiérarchique, « de haut en bas ».
La critique de l’enseignement, n’est évidemment pas celle du « on se fait chier, ce cours est nul » mais bien plutôt, dans la perspective d’une société toute entière tournée sur le respect mutuel, une invitation à la discussion et à la construction sociale du savoir (= le fameux « socioconstructivisme », pour parler vulgairement).

L’autoritarisme


*Toutes les luttes sociales, écolos, féministes, pour les droits de l’enfant etc sont liées entre autre par l’état, base fondamentale de l’oppression capitaliste. Mettre fin à l’âgisme implique de l’humilité, une « déconstruction » de nos idées préconçues sur plus jeune que soit. La fin de l’autoritarisme implique la fin du pouvoir, par son partage maximal. Apprendre de manière autoritaire = apprendre l’autoritarisme et le prendre comme modèle. Apprendre en autogestion = apprendre l’autogestion et le prendre comme modèle.*

On pourrait sortir le refrain sur 1968 et sa « révolution ». 50 ans plus tard, on ne peut toujours pas contester l’autorité des enseignant·es et encore moins remettre en cause la hiérarchie scolaire. Si les violences physiques ont, semble-t-il, cessées (encore heureux !), les humiliations publiques continuent. Si l’on peut poser des questions sur le cours à l’enseignant·e (encore heureux !), on ne peut contester sa supériorité de « maître·sse ». Le terme lui-même n’a aucune place dans une relation sociale saine (sauf dans le cas d’une relation de domination librement consentie, mais cela ne concerne en aucun cas des enfants…), encore moins lorsque des enfants sont impliqué·es. Ce terme sous-entend une absence de liberté : un·e maître·sse, des serviteurices. Attention, on critique là l’autoritarisme, pas l’autorité. L’autoritarisme est la violence avec laquelle l’état se manifeste dans nos comportements en imposant une hiérarchie, en donnant des ordres, et. C’est un système d’oppression qui passe par une hiérarchie simpliste et indiscutable et l’absence de discussion. L’autorité concerne tout lemonde. C’est la manière avec laquelle on va être respecté·e·s, écouté·e·s etc. C’est un statut que l’on obtient en fonction de nos choix, nos copmportements etc. Des enfants/ados/âgisé·es peuvent aussi avoir de l’autorité, et devraient en avoir, du fait qu’il n’y a qu’elleux qui savent pleinement ce qu’iels ressentent, et même, à parti d’un certrain âge (à condition qu’ont les y préparent.., ce que l’état et son ssystème scolaire ne font pas), qui savent exactement ce dont iels ont besoin ! Ca n’implique pas un conflit permanent d’autorités en concurrence, du moins pas dans la révolution sociale que l’on appelle de nos voeux. Ca implique une application d’un respect mutuel et éclairé : chaque personn dispose de son autorité propre qui me permet de l’écouter sur ces sujets-ci : « l’adulte qui m’enseigne la lecture sait mieux que moi la lecture, donc je dois écouter les conseils qu’il a à me donner. Mais, il me doit le respect, car je suis un·e sociétaire de cette fédération mondiale, qui n’a aucune intention malveillante. De plus mon développement psychologique et social aura une influence sur l’évolution de la société, donc il doit préter attention à mes désirs et besoins. » etc. L’autoritarisme, c’est donc quand l’autorité est indiscutable, hiérarchisée et à sens unique. Si pas tout le monde à de l’autorité, alors la société est autoritaire. Plus de personnes se partagent le pouvoir, moins le pouvoir est autoritaire. Si tout le monde à de l’autorité, alors personne ne peut être autoritaire. De même, on peut garder en tête que tout le monde à encore et toujours à apprendre de l’autre, y compris de plus jeune que soit. Même aujourd’hui, dans le système scolaire et sa hiérarchie stricte on voit des moments où les enseignant·es apprennent des leurs « enseigné·es », alors nul doute que la société future sera une multiplication d’échanges de savoir, partout et pas dans des bâtiments fermés comme des prisons. Dans un pays où le travail des enfants est interdit, on leur fait faire leurs « devoirs ». Comme s’il y avait une dette à payer, une peine à purger, l’enfant doit résoudre le problème abstrait qu’on lui donne. Le vocabulaire cache-misère n’est parfois même pas utilisé et l’on arrive à reprocher à des élèves de ne pas assez travailler. On fait ainsi une idéalisation d’un travail coupé de toute réalité et de toute démocratie. Le travail capitaliste en sommes diront certain·es. Le travail tout court diront d’autres. Les conclusions restent les mêmes. Ce travail, l’enfant a l’obligation de l’effectuer, sous peine d’aggravation de sa condition scolaire. Pire, sur le long terme, sa peine pourrait être allongée ! L’autorité indiscutable des enseignantes est corrélée à l’absence de démocratie scolaire. On ne pourrait imaginer l’autogestion sans la fin du modèle « 35 élèves, 1 enseignant·e ». Reste encore à élaborer une autogestion spécifique aux particularités de l’enseignement. Un enseignement par la pratique : la pratique de l’autogestion enseigne aussi l’autogestion. On entendra sûrement à ce moment parler des classes dites « difficiles » qui rendent la vie difficile aux employé·es de l’éducation nationale. Le fait que l’on soit choqué·e·s de l’absence d’autorité effective de l’enseignant·e montre bien l’excès d’autorité souhaité que l’on impute à ces figures étatiques. On pourrait rapidement répondre à cette critique commune qui assimile l’absence d’autoritarisme au chaos et le manque de discipline/rigueur/organisation que c’est justement cet excès d’autorité concentrée, cet enfermement, qui produit de telles réactions/comportements/situations qui ne devraient pas avoir lieu (ou moins souvent, juste assez pour pouvoir les (auto)-critiquer librement 15 par la suite). C’est l’ordre hiérarchique qui rend dispensables l’esprit critique, la rigueur, la méthode… Puisque dans un tel système politique, l’enfant n’apprend pas à dépasser ses limites réflexives, on ne l’accompagne pas non plus vers cette voie par la dialectique (au sens socratique : dépassement des contradictions par la confrontation des idées entre elles dans une discussion bienveillante).
Dans le Manuel indocile des sciences sociales (quoi qu’on pense de ce pavé indigeste est assez limite sur les questions queer, sans parler du fait qu'il est dans une posture au mieux sociale-démocrate au pire proche du néo-léninsme friordonien…), on peut lire le témoignage d’une ancienne employée d’un abattoir de cochon·nes. Elle y relate que le manque d’espace et le stress pousse les porcelets à se mordre entre eux… Voyez en ces enfants « turbulent·es » (en fait, ici « turbulent·e » veut dire « pas encore tout à fait formaté ») des personnes enfermées de force à 35 dans une pièce prévue pour 28, avec la pression constante de la note (nous y reviendrons de suite) et vous avez des porcelet·tes qui se mordent la queue ! Toute proportion gardée bien sûr, il ne s’agit en aucun cas de considérer les enfants/ados/âgisé·es comme des cochon·nes, mais l’analogie permet de rappelle les similitudes dans les stratégies capitalistes-étatistes : l’enfermement, rendre le « public » comme el personnel malade de leur travail, les faire s’entre-déchirer etc. Qu’il n’y ai pas encore eu d’incident grave relève du miracle (songeons aux USA, où la vente facilitée d’armes à feu complique d’autant plus les choses…). Ou plutôt, il y en a régulièrement, de moins grave heureusement qu’une tuerie de masse. Les pages faits divers des journaux regorgent de « dérapages en classe ». Sauf que les enfants/ados·âgisé·es font juste le bazar dans la salle de classe. Un·e professeur·e intentionné·e jusqu’au bout avec une conscience de classe ferait le bazar avec elleux. Ou au moins, cherchera à leur faire faire quelque chose de créatif 16 à partir de ce besoin de liberté. C’est-à-dire essayer d’échapper un tant soit peu au blocage de l’autonomie créative de l’enfant par le système éducatif d’Etat.
Quand le chaos est mis en classe, ce n’est pas tant l’autorité de l’enseignant·e qui est remis en cause que l’entièreté du système scolaire et sa violence carcérale, à travers la figure de l’enseignant·e, ou pas, consciemment ou non (ce serait l’échec de l’État : une conscience de classe dans son outil principal de propagande !). Le terme même de bazar est une autre manière de dire que l’ordre imposé est renversé, momentanément. D’ailleurs en formation d’animation pour mineur·es on nous apprend à ne pas prendre personnellement les remises en cause de l’autorité des animateurices. C’est dire que même pour une formation si peu qualifiée comparée à celle de prof on a conscience de cela… mais les formations étant agrées et financées apr l’état, à aucun moment il y aura une critique radical de l’état et son autoritarisme. Combien de fois ai-je rêvé (vécu en rêve) d’une « mutinerie » en classe, où l’on chassait les enseignant·es et CPE de la salle, où l’on mettait en place notre propre organisation autonome, où l’on se sentait joyeuseux de vivre ! Libre ! Seulement, je mis quelques années avant d’apercevoir la profondeur de ces rêves. L’autorité s’exerce cependant plus fortement à travers les chiffres et algorithmes que par les enseignant·es désemparé·es et ne pouvant/voulant pas être clairement des allié·es, ce qui mettrait en jeux leur gagne-pain.
Les notes


*Le système de notation, à l’image du système éducatif qui l’utilise, est un système violent, autoritaire et inefficace/inapte, contradictoire à l’enseignement .*

Comme déjà traité plus haut, les notes sont une violence à base de chiffre, classant les enfants, le plus tôt possible, soit parmi les futur·es ingénieur·es soit parmi les futur·es chômeureuses.
Au collège commence l’obsession abherrante des statistiques, avec son lot de moyennes, de courbes, de colonnes surlignées qui ne veulent plus rien dire. 17 Et pour ajouter de « l’humain » à tout ce gloubi-boulga de numéros réduisant l’enfant à un ensemble de données statistiques, on trouve des « commentaires » (une par matière et par semestre = à peu près 50 mots différents par an). Ces quelques mots correspondent au sentiment que l·es’enseignant·e·s se fait/font de l’élève/de la classe. Si les notes ne sont décidées que dans le domicile des enseignant·es respectif·ves, les « appréciations générales » 18 correspondent à une délibération collective des professeur·es, au sujet de l’élève, mais en se passant de sa présence. Seul·e un·e délégué·e de classe pourra faire office de présence, iel pourra placer son petit commentaire assorti, mais à condition que ce dernier soit conforme au système. Par exemple, en quatrième, la déléguée me dit avec stupéfaction qu’on avait discuté de mon « cas », pendant 5 minutes, comme s’il avait s’agit d’un chiffre élevé. Ce qui me stupéfiait à mon tour, mais pour la raison inverse, c’était que l’on pusse délibérer moins de 5 minutes sur le sort de toutes ces personnes, très jeunes en plus, sans même leurs présences. Mais ce qu’elle me dit après fut révélateur du fonctionnement de ce système et sa volonté de conformer/formater/calibrer les enfants à celui-ci : "On ne sait pas si t’es dans la camp des gentil·les ou des méchant·es." Ma déléguée de classe de quatrième Cela révèle également la complicité entre le·la délégué·e de classe, qui va devenir un·e acteurice du conseil du classe, un de ses produits, donc reproduire les comportements attendus par le système éducatif d’Etat. Donc ça apprend dès le plus jeune âge aux sociétaires que l’on ne peut pas changer un système en le rejoignant. Ce n’est pas de la « délégation ». A aucun moment on donne un « mandat » aux prétendu·es délégué·es, mais, au contraire, on se sert du vote et de sa conception erronée pour justifier des commentaires et des décisions dures (l’avenir de l’élève) par une prétendue démocratie. C’est un calque des élections en France, où l’on va avoir des « représentant·es » qui ne représentent qu’elleux-mêmes et qui vont reproduire les comportements « raisonnables » dans le système capitaliste. Il n’y a rien de démocratique, ni même de « syndical » là-dedans.
Les sciences sociales montrent, comme toujours, ce que toutes les personnes concernées dénoncent depuis toujours, que l’école favorise la sélection et la reproduction sociale, les personnes riches, à fort « capital culturel » (c’est-à-dire avec un entourage rempli de références culturelles majeures) ayant statistiquement (on voit là l’importance des statistiques pour la société de classe) les meilleures notes. Puis, ces dernières auront les meilleures chances d’aller dans des écoles huppées. Puis, elles auront alors plus de chance de ne pas avoir de problème pour trouver un travail bien rémunéré où l’on travaille dans de bonnes conditions.
L’enseignement au sens où on l’entend dans le sens courant, au sens de la révolution sociale à venir, est tout simplement le cadet des soucis de l’état. Au contraire, il veut éviter que les masses apprenantes réussissent à s’éduquer par elles-mêmes. L’État cherche avant tout à formater les nouvelles générations à son système autoritaire, les habituer à l’injustice et la violence de son monde comme une chose allant de soi, à intérioriser. Au final, les notes hiérarchisent les personnes, leur donne une « valeur » intrinsèque, les essentialisent.
L’inconfort fait partie des violences subies et à intérioriser par les élèves. Pour des exemples très concrets, parlons du stress lié à l’obsession du temps…
L'obsession du temps


*Le système éducatif d’état est inhumain, car l’état n’est pas humain, c’est une machine artificielle au service du capitalisme, une "abstraction réelle" (abstraction ayant une matérialisation, une existence, cncrète), un système de création de valeur économique et de dissociation des goupes et individu·es.*

Chaque minute compte. On le comprend vite dès l’école où l’on court parfois avec son parent pour ne pas être en retard. Mais dès le collège ça se gâte, car les cours sont alors divisés heure par heure. Il faut parfois traverser tout l’établissement pour assister au cours suivant. Passons sur le ridicule de faire ingurgiter en une heure une matière puis l’heure d’après une matière qui n’a rien à voir et ainsi de suite jusqu’à atteindre parfois 7 matières différentes par jour ! Concentrons-nous plutôt sur le temps. Une « législation » a court dans chaque établissement. La plupart du temps, si retard il y a, il faut faire remplir un « billet de retard » au bureau des CPE, souvent éloigné des salles de cours, puis revenir présenter son billet comme passe-droit. Nouvelle « ridiculité ». Car l’on fait perdre du temps à l’élève à qui on reproche d’être arrivé trop tard. En réalité, ce n’est pas tant le retard en soi qui est puni mais plutôt le non-conformisme au chronométrage, et la non-surveillance des personnes qui ont à charge l’élève (car à ce niveau-là non plus, l’émancipation n’est jamais encouragée). Au final, la sanction n’est pas tant le billet que l’humiliation de devoir faire un aller-retour pour un bout de papier, sous le regard de la classe entière… est d’être dissocié des profs qui elleux n’ont jamais besoin de s’adonner à cette bassesse. On y apprend aussi l’amour du papier inhérent à tout système bureaucratique, tout en découvrant ce qu’il en coûte de ne pas être en conformité avec les attentes d’un système qui nous dépasse.
Un dernier point sur la gestion littéralement algorithmique des emploi du temps. Ce sont des machines qui décident du temps que l’on va avoir pour manger (on y viendra plus bas), de si on va voir le soleil en rentrant chez so (et de si on le voit en arrivant), de si on a une pause dans la journée, hormis la séance d’ingurgitation de nutriment (je vous jure qu’on y vient)… Au lycée, nos emplois du temps dépassaient largement les 35 heures par semaine, en comptant les devoirs maisons. Les sociétés humaines des centres capitalistes n’ont que faire de leurs enfants, des générations qui sont arrivées récemment et qui arriveront dans le futur, alors les machines feront l’affaire, semble-t-il…
Lycée

Le lycée, cette prison dans laquelle on perd nos plus belles années, celles où on se développe physiquement et mentalement de sorte à devenir des personnes dites « adultes ». Celles où on découvre, la sexualité, les fêtes, la joie, la rebellion etc, du moins en principe. C’est aussi la période où l’on subi l’expression la plus caricaturale du système éducatif d’état : le bac. Cet examen de fin de cycle (seconde, première, terminale) où tous les jours des trois ans (minimum), on nous prépare à stresser, à paniquer, à ne vivre que pour ce moment de deux semaines à peine. Aussitôt, les « enseignement » vomis, recrachés, lors des dernièrs jours de l’année, on peut se permettre d’oublier, ce qu’on a « appris », mais aussi la vie de merde qu’on nous a infligé de nos 16 à nos 18 ans, si ce n’est depuis notre scolarisation… Ou plus essayer d’oublier. Passé le quart de siècle, je fais encore des cauchemars réguliers en lien avec le système scolaire : peur de la punition, du redoublement, ennui, professeur·es particulièrement odieuseux… Le bac mériterait un article à part entière, donc on y reviendra peut-être plus tard. En attendant, voilà la suite des nuisances que l’on peut vivre dans le système scolaire.
La nourriture (je vous l'avait dis)


L’état, et système éducatif n’ont que faire du plaisir. Ils s’y opposent même. Ils décident de l’occupation du temps par leurs sujets, de même que la société marchande et du spectacle englobe toutes les formes de « loisir » comme de « travail ». Toutes ces institutions sont contradictoires à l’autodétermination, à l’autonomie. On parle « d’abstraction étatique », ou « d’abstraction capitaliste » parce que l’état comme le capitalisme fonctionnenent largement à l’aide d’abstraction naturalisées, à suivre. L’état et le capitalisme ne sont pourtant pas des abstractions comme on le vois depuis 3 articles et dans tout ce blog et dans la vraie vie, où l’on subi ses désirs et ses injonctions au quotidien. Le système éducatif d’état fait acquérir des automatismes pour la futur condition de prolétaire des élèves. C’est une « école de la vie capitaliste ». Dans le capitalisme-étatisme, c’est aux corps, aux personnes, de se plier à la volonté de l’état et du capitalisme, pas l’inverse. Les modèles compétitifs, élitistes, des classes élevées (lycées, bts, grandes écoles…) ne sont que les modes aboutis, « maximalistes », de l’étatisme scolaire. L’état cherche à contrôler le tout de la vie capitaliste-étatiste, son système éducatif en contrôlle qu’une (bonne) partie mais cherche à étendre son influence à la « vie privée, voire intime.

Comme dit plus haut, il y a un écart entre la théorie et la réalité concernant la nourriture. Ma première expérience de la cantine me le fit comprendre. Il s’agissait d’un jour de visite du collège en tant que CM2 (la classe juste avant le collège, vers 10-11 ans). Nous étions accompagné·es par un·e camarade de sixième (première année du collège, 11-12 ans). Au moment du déjeuner, nous attendions devant les préfabriqués faisant alors office de cantine (ce qui ne changea pas durant toute ma scolarité dans l’établissement en question, 3 ans). Nous étions en rang comme il faut, mais l’attente était longue. Une surveillante avec un micro disait le nom des classes qui pouvaient rentrer : « sixième 5 », un temps relativement long, « sixième 3 » etc. Seulement notre tour tardait à arriver et le mécontentement devenait général. Je me souviens que des personnes criaient « on a faim ! », mon accompagnateur inclus. Ce dernier, se rendant compte de l’absurdité de la scène, sembla vouloir me rassurer et se tourna vers moi pour me dire « ne t’inquiète pas, c’est pas tous les jours comme ça ». Ce qu’il ne pouvait m’empêcher de comprendre (plus tard évidemment), c’est que le « dysfonctionnement » était en fait révélateur de l’organisation chaotique d’une bureaucratie informatisée. En effet, à des degrés divers, chacune de mes attentes à la cantine seront de cet acabit par la suite. Petite parenthèse qui n’en est pas vraiment une. Dans le monde du travail, j’ai vu la même chose avec les cadences impossibles. Au sens propre, il n’était pas possible de finir son travail à temps, et tout le monde le savait. Les collègues qui étaient là depuis longtemps me disaient la même chose : « ne t’inquiète pas, ce ‘nest pas comme ça tout le temps ». Sauf que je n’ai jamais connu rien d’utre. Par exemple, durant mes 2 mois et demi de travail à la poste, je n’ai jamais pu finir seule une tournée à temps. Jamais. De même pour la plupart des collègues qui étaient souvant débordé·es dès le vendredi voire le jeudi. Et toujours la phrase qui montre à quel point on a accepté la sitaution : « ce n’est pas toujours comme ça »… Parce que oui, c’est toujours comme ça, c’est même comme ça et pour ça que le capitalisme fonctionne. On voit là comment le système scolaire peut tendre à enseigner le rôle d’aspirant·e prolétaire en induisant de la passivité, de résignation, de l’acceptation de nos conditions pourtant inacceptables. Les emplois du temps sont décidés par informatique, mais dans la vraie vie, une fois des êtres vivants tentant d’appliquer les consignes informatiques, ça ne peut pas marcher. Le programme informatique donne une « attente » abstraite de ce qu’un « bon fonctionnement » doit donner. Les pires attentes furent celles du lycée : théoriquement nous disposions de 55 minutes exactement pour manger. Il s’agit des 55 minutes séparant les deux sonneries de la « pause » déjeuner, qui a plus l’air d’une expédition en kayak dans des grands rapides de rivière que d’une pause. La journée d’école et son horreur ne s’arrête pas à la pause déjeuner, bien au contraire, le seul « havre » que l’on pouvait supposer avoir de la journée est remplacé par un facteur supplémentaire de stress. Comme la cantine se trouvait dans le même bâtiment que les cours, le temps peut paraître suffisant pour des gens qui ont eu la chance de ne pas avoir à manger là-bas. Et encore, en 55 minutes, il faut vivre vraiment juste à côté du bâtiment pour pouvoir manger chez soi. Mais dans la pratique, ces 55 minutes étaient pour le plupart gaspillées dans l’attente. Parfois plus d’une demi-heure, sans exagérer, d’attente dans la cour alors qu’il pleut et fait plutôt froid (j’étais dans un lycée de Normandie). Quand on y pense, il ne pouvait en être autrement, vue la petitesse du dispositif alors que plus de 1000 élèves devaient y manger chaque jour à la même heure et donc se retrouvaient au même endroit au même moment pour la même chose. La situation était pire lorsque l’on avait cours « d’éducation physique et sportive » (de la course la plupart du temps) dans un stade municipal à 15 minutes de marche du lycée. On se retrouvait donc au mieux avec 20 minutes pour ingurgiter le repas (et quel repas !) qui nous est servi et quelques minutes pour rejoindre la prochaine salle de cours, qui nous a toujours été assignée par ordinateur. Certain·es professeur·es étaient réputé·es pour considérer comme en retard un·e élève se présentant à l’heure pile en cours. La pression du temps reste donc constante. Comme le temps s’écoule de manière fluide, sans à-coup. Parlons au moins du contenu des assiettes. Là au aussi, la théorie ne peut contredire la réalité : Il est impossible de nourrir, avec un si petit dispositif, 1000 personnes par jour, et ce toute la semaine, sans faire des repas insipides totalement oubliables, trempés dans l’eau… De toute façon, cette nourriture est gobée le plus vite possible sans plaisir, ni même considération autre que le dégoût, lorsque l’on prend la peine de regarder ce que l’on pique à la fourchette. Si l’horaire « creux » du midi n’était imposé par l’emploi du temps et les sonneries, certaines personnes ne s’en rendraient pas compte, elles continueraient de courrir pour arriver le plus tôt possible à la file d’attente et de manger le plus vite possible. En fin de compte, on ne peut que finir par subir tout cela par réflexe, routine, habitude, automatisme etc.
Un dernier détail, et pas des moindres, sur la nourriture, me revient : la faim et la digestion, deux sensations essentielles mais qui nuisent à l’apprentissage. Quand, passé 9h du matin, la faim tenaille les personnes ayant sauté le repas matinal par manque de temps, ces dernières ne peuvent que penser qu’à la nécessité urgente d’avaler quelque chose de consistant. Je me souviens que, surtout au collège, un peu moins au lycée, la pratique de la papiphagie (néologisme personnel pour parler de la consommation de papier) est assez courante, jusqu’à ne plus choquer grand monde. Mais ce n’est pas tout ! en effet, après avoir ingurgité un repas en environ 15 minutes, parfois moins, montre en mains et monté parfois 4 étages par les escaliers, il se trouve que le corps n’a pas fini les efforts surhumains et mobilise de la force à nouveau pour digérer. Tellement que nous étions nombreuseux à ne plus pouvoir suivre le cours de 13h05 à 14h et même souvent ceux d’après. Je me souviens d’un professeur de mathématiques nous ayant un jour par semaine juste après l’heure de pointe nous faire cette remarque à ce sujet : « Heureusement que nous ne sommes pas en été, le soleil vous aurait empêché définitivement de suivre ». On en arrive à cette situation étrange où l’on nous reproche nos conditions de travail rentrant en contradiction à notre métabolisme. A nous des ados en pleine croissance, ayant un besoin immense de sommeil, de repos, de nourriture, d’affection et de plaisir.
L’école, le collège, le lycée et ensuite la fac vont décider, à toutes les échelles, de ce que devra faire les élèves de leur temps, même en dehors du système en question. A l’échelle d’une journée, l’élève est « guidé » par les figures d’autorité qui décident ce qu’iels doivent faire ou ne pas faire. Même une fois à la maison, le système éducatif suppose traditionnellement de continuer le travail à la maison, donc d’avoir sa vie submergée par le système éducatif d’Etat.
Les modèles compétitifs des classes élevées ne sont que les modes aboutis de l'étatisme scolaire.
Déjà, à l’intérieur de l’établissement, le règlement intérieur est décidé unilatéralement par la bureaucratie et interdit des usages pourtant évidents, tels que l’écoute de musique, avec des écouteur, dans l’enceinte de l’établissement. Qui sa dérange qu’un·e ado ecoute sa musique du moment dans un couloir, si personne d’autre ne l’entend ?
Déjà, à l’intérieur de l’établissement, le règlement intérieur est décidé unilatéralement par la bureaucratie et interdit des usages pourtant évidents, tels que l’écoute de musique, avec des écouteur, dans l’enceinte de l’établissement. Qui sa dérange qu’un·e ado ecoute sa musique du moment dans un couloir, si personne d’autre ne l’entend ? L’emploi du temps est produit par un logiciel automatique et décide des activités que pourra faire l’élève, même celles en dehors de l’établissement et qui ne semblent pourtant pas avoir le moindre rapport avec les cours : si un cours de l’établissement chevauche une activité « extrascolaire », le système éducatif principal sera choisi systématiquement. 19 Le dossier de l’élève, constitué des notes et commentaires des professeur·es, décidera plus ou moins des occupations futures de l’élève : si telle matière reçoit des notes basses chez l’élève, il pourra difficilement choisir une filière s’en rapprochant à l’université, donc moins probablement faire tel métier, donc faire partie plus à telle classe sociale etc. Au final, le parcours scolaire de l’élève est utilisé pour décider de l’avenir de l’élève. Et il est réjouissant que certaines personnes réussissent miraculeusement à s’affranchir de ces barrières. Mais le système dans l’ensemble s’en sort bien. L’État, par le biais de tous ses outils, ne fonctionne que par effet de pouvoir divin : l’État répondrait à des volontés suprêmes nous dépassant et il serait dérisoire de vouloir s’y opposer. Qu’est-ce que cette « logique » rappelle, si ce n’est le droit divin, l’absolutisme ?
La lumière

Les pollutions lumineuses et sonores sont les grandes absentes du combat écologique. Une généalogie de la pensée écologiste 21 montre la quasi-inexistence de ces problèmes dans les préoccupations écologistes. Il y a seulement quelques décennies se sont constituées des associations pour le « droit à l’obscurité », mêlant volonté d’économiser de l’énergie et désir d’observer les étoiles. Ces revendications oublient la lumière au travail, dans la journée, et les différences entre classes sociales par rapport à cette pollution. En effet, la pollution lumineuse concerne la totalité d’une journée normale d’un être humain moyen, mais va plus toucher les personnes travaillant de nuit, souvent précaires, racisées, non homme cisgenre etc. Au travail, et dès le collège, les personnes enfermées la journées sont aveuglées par des néons dans des « open spaces » fermés à la lumière du soleil. Longtemps j’ai eu mal aux yeux, puis au crane, à cause de cette luminosité maximale dès le petit matin. Au lycée, les salles de physique-chimie, presqu’entièrement blanches, couplées aux néons exagérément puissants, faisait même virer les verres à transitions d’un camarade au foncé quasiment opaque. Ce dernier se faisait réprimander pour avoir amené des « lunettes de soleil » en classe… Quelle absurdité que de rendre la violence tellement basique qu’elle devient impensable… Quelle double violence que de nier la violence. Alors qu’elle est pourtant visible, et c’est le cas de le dire, sous nos yeux ! Ajoutez à cela, la combinaison des horaires (de 8 heures à 17 heures 30, la plupart du temps) avec le fait de vivre dans une région peu ensoleillée. C’est-à-dire que l’on peut dans certaines régions rester des mois entiers sans avoir des rayons directs de soleil, juste une lumière tamisée par l’unique gigantesque nuage blanc-gris au-dessus de nos têtes (blanc-gris qui vire au jaune-vomi la nuit, par le reflet des lumières publiques). On peut aussi parler du fait que les journées sont très courtes entre novembre et mars. On entre au lycée à 8 heures, avant que le soleil se lève, à part en été; le midi, la demi-heure passée dehors dans le froid à attendre son tour pour ingurgiter des pâtes à l’eau se fait sous un ciel voilé du gigantesque nuage blanc décrit plus haut, quand il ne se fait pas sous un préaux à cause de la pluie, et pour les plus « chanceuseux », en intérieur; le soir à 17h30-18h, le soleil est couché, il fait nuit à part en été; l’intégralité de notre journée se passe à l’intérieur d’un cube de béton éclairé artificiellement. J’ai précisé « à part en été », mais les sessions d’école ne se passe pas en été, donc au final, j’aurais presque pu ne pas le mettre. Presque, parce qu’en France « l’année scolaire » 20 commence début septembre et fini en juin. Donc une petite partie de l’été est impliquée.
Cette violence physique met en lumière (petit jeu de mot au passage) les violences symboliques du système éducatif d’Etat. Ce n’est qu’une partie des violences, parmi les plus directement visibles.
Ajoutez encore à cela les couloirs totalement fermés sur l’extérieur. J’étais dans ce genre de vieil établissement très peu, voire pas du tout, rénové. On a tous·te·s connu ce type de bâtiment. Aucune fenêtre dans les couloirs, à part si on compte les éventuels hublots teintés qui ornent une salle de toilettes sur deux. Cela nous mène au sujet suivant.
Les besoins intimes


*Le système éducatif d’Etat est contradictoire aux besoins corporels et spirituels, au métabolisme. Comme les corps ne peuvent se plier à son fonctionnement, il apport ela souffrance à ses sujet·tes*

Les toilettes sont toujours des lieux évités au maximum par les personnes travaillant dans les établissements scolaires. L’odeur, la saleté, l’absence d’intimité. Rien ne rend ces lieux un minimum agréable, comme tout le reste de l’établissement, mais les toilettes rendent avec une meilleure précision cette certitude, cette évidence. A tel point que nombreuses sont les personnes à se retenir jusqu’à rentrer chez soi, pour pouvoir vider ses déchets corporels.
Il suffit d’imaginer la souffrance d’un enfant se retenant d’aller aux toilettes toute la journée pour le comprendre. J’ai fait partie de ces personnes.
C’est une torture. Du moins une souffrance abominable que l’on s’inflige soi-même, ou plutôt que l'on inflige "par substitution" (c'est-à-dire qu'on nous fait nous infliger cette vilence à nous-mêmes) par la faute du système qui cherche à nos contrôller.
Ajoutez à cela l’absence de distribution de serviettes hygiéniques en accès libre et gratuit, alors que les préservatifs jouissent de conditions d’accès bien meilleures. Le besoin auquel répond la serviette hygiénique est d’une nécessité au moins aussi élevée que le préservatif, surtout concernant les préadolescent·es. Alors pourquoi ne pas rendre accessible aussi les serviettes hygiéniques ? De même qu’à l’infirmerie, on peut se fournir en doliprane et autres médicaments de base, si tant est que l’on feint (ou non) suffisamment la maladie. Au mieux, celle-ci peut faire partie des techniques d’évasion évoquées plus haut.
Le bonheur


*Dans le capitalisme-étatisme et son système éducatif d’Etat, le bonheur est envisagé comme soumission à l’ordre étatique-capitaliste. Le « bonheur » sous le capitalisme-étatisme est donc contradictoire au bonheur cherché/obtenu/produit en autonomie individuelle et collective. Respecter une autorité arbitraire, c’est déléguer la légitimité du respect à autrui, ce n’est plus se respecter soi-même, le système éducatif d’état inculque ça pour avoir des sujet·tes dociles, passif·ves, face au capitalisme-étatisme.*

Au final, l’école peut-elle développer le bonheur d’autrui ? Notre réponse sera sans surprise négative. Nous ne rentrerons pas dans la tentative de définition de ce mot creux, et par conséquent ayant une définition trop subjective pour pouvoir chercher à en faire un principe social. 22 Nous allons plutôt nous contenter de donner la définition étatique du bonheur.
Une nouvelle anecdote : Les cours de mathématiques en première scientifique (avant dernière année du lycée, entre 16 et 17 ans) sont d’une difficulté et d’une abstraction ridicule. Même des ami·es à moi qui devinrent par la suite ingénieureuses ou chimistes m’ont avoué n’avoir jamais eu l’utilité d’un tel niveau de technique pour effectuer leur travail correctement au quotidien. Les réactions des professeur·es de mathématiques faces à nos difficultés étaient toujours à l’inverse de la tentative de compréhension. Ce qui aggravait un peu plus à chaque fois la distance entre élèves et professeur·es. Une réaction fut d’une telle absurdité que je n’en compris que récemment sont sens (c’est-à-dire, la soumission à l’étatisme-capitalisme comme seule perspective de bonheur). Le professeur faisait un « tour de rang » pour vérifier que tout le monde avait « fait » (dans ce cas, plutôt réussit en entier sans problème) ses exercices. J’avais essayé la veille, en pleurant et me tirant les cheveux de d’espoir, comme chaque soir de lycée. En passant, le professeur vit que j’avais mis n’importe quoi (pour ne pas passer pour une fainéante, et la tentation est grande de noircir ses cahiers de réponses fausses juste pour être débarrassé·e). Ceci l’énerva, bien entendu, au point qu’il me dit à peu près ceci : « regarde les oiseaux dans ce cas ». Je fus tentée de rire, mais il était bien sérieux. Moi aussi je finis par devenir sérieuse. J’aurais effectivement préféré être dehors en pleine nature à observer la faune de ma région. Mais le professeur n’en avait que faire. A ce moment-là, il parlait de toute activité dite « récréative » ou « extrascolaire », c’est-à-dire qui échappe au cadre étatique de contrôle autoritaire de la jeunesse. La preuve en est que, si j’avais répondu que j’aurais effectivement préféré faire de l’ornithologie plutôt que d’être emprisonnée à longueur de journée dans un cube de béton moche et malodorant rempli de vielleux con·nes qui méprisent mes semblables et moi à longueur de journée pour nous farcir le cerveau d’idioties, j’aurais eu des problèmes d’ordre disciplinaire. Personne n’aurait cherché à comprendre mes paroles et l’on m’aurait sanctionnée. Comme ce fut et sera le cas avec nombre de mes camarades avant moi et après moi. C’est pour ça que je ne blâme pas les élèves que l’on dit « difficiles ». Ce sont parfois juste les personnes qui on le plus de mal à interrioriser, à accepter, à se résigner, à l’ordre capitaliste-étatiste absurdement abstrait. Les élèves « difficiles » sont juste « difficile » à faire rentrer dans le rang, ce sont peut-être le personnes les plus sensées au final. Il y a des « débordement » parce qu’il y a des « bords » trop serrés et arbitraires. Le bonheur, ou le bien-être, ou la simple quête de ces choses, c’est-à-dire l’épanouissement, est impossible dans une institution qui confond l’autoritarisme et l’infantilisation 23 avec l’éducation, qui ne connaît que le langage de la violence. Une professeure m’avait par exemple lancé une copie à la figure sous le prétexte que j’avais eu une mauvaise note (double humiliation : une d’ordre « statistique », de classement/comparaison avec le sautres camarades, voir parties précédentes, et une produite physiquement). J’ai eu suffisamment de « cran » pour lui asséner, droit dans les yeux, un simple : « c’était pas obligé ça ». Elle répliqua en mettant ma main dans les cheveux comme pour caresser un animal « domestique », avec un sourire méprisant en coin (troisième humiliation publique d’affilée). Je sais avec quel calme j’ai pu me contenter de secouer la tête pour me dégager de cette arrogance : c’est le calme de l’humiliation perpétuelle, du conditionnement, de la passivité intériorisée, de la résignation. Ce respect intransigeant de l’autorité suprême que l’on inculque au point de ne même plus se respecter soi-même. Osez encore prétendre que l’école peut rendre heureuseux ses élèves et même ses sujet·tes. Entendu par-là que nombres d’agent·es de l’État sont très malheureuseux de faire un métier aussi aliénant. D’ailleurs dans l’éducation nationale l’État a de plus en plus de mal à trouver des agent·es, tant il devient de plus en plus évident que les conditions de travail sont abominables, pour le « corps enseignant » et les élèves. Aussi, beaucoup d’agent·es finissent par se rendre compte de ce qu’il y a de décrit dans cette série d’article et même ce blog entier. Même si ce n’est pas du point de vue des élèves, c’est déjà un espoir que le débat soit porté sur l’inclusion des élèves dans la préparation de leur éducation et, au final, dans la société tout entière. Les suicides dans l’éducation nationale sont nombreux, l’année scolaire 2018-2019 a représenté 58 suicides et les seuls deux mois de la rentrée, septembre et octobre 2019, ont vu 11 suicides. 24 J’ai moi-même été déprimée du collège à la fac (même un peu à l’école primaire). Je pleurais quasiment chaque nuit avant de m’endormir. Chaque soir avant de me coucher, chaque après-midi en faisant mes devoirs et presque chaque matin en me levant. Et si cette situation n’était pas celle de tout le monde, c’est uniquement dû au degrés de complaisance, de passivité, d’acceptation/résignation, de tout·e un·e chacun·e face à la servilité imposée par un système autoritaire.

Conclusion


En définitive, le système éducatif d’Etat est un outil d’endoctrinement étatique. A ce titre, il est autoritaire et violent, lutte automatiquement contre toute opposition. L’État, à travers son système éducatif, ne cherche qu’à formater et endoctriner la jeunesse sous son emprise afin d’avoir des citoyens modèles serviles et loyaux. Il produit une diversité de classes sociales (enfant, ado, mineur·e, jeune, élève, apprenant·e, étudiant·e…) repoussant toujours plus loin l’échéance de l’émancipation,de la libération vis-à-vis de la famille patriarcale. L’absence d’apprentissage d’une méthode personnelle et d’un esprit critique rigoureux atteste de ce point. Les parodies de démocratie y ayant cours ne peuvent masquer le fait que les élèves n’ont pas droit de cité dans les décisions concernant leur avenir et leur propre éducation. Ces dernier·ères ne sont même pas consulté·es une seule fois de leur parcours scolaire (obligatoire jusqu’à 16 ans à ce jour en rance, c’est-à-dire, et avec la dernière loi d’obligation de la maternelle, plus de 10 ans) sur ces sujets pourtant d’une importance capitale.
Sur le plan moral et psychologique, il apparaît au travers de ces analyses que l’État n’a que faire du bien-être de ses jeunes générations. A l’âge où l’on se sent le plus mal dans sa peau avec la transition de l’enfance à l’âge dit « adulte », on nous met constamment sous pression pour « réussir son avenir » : avoir de bonnes notes, ne pas faire de vague, réussir son brevet, trouver une idée de travail (c’est-à-dire avoir l’ambition être ingénieureuse, car on se moque de nos réels projets personnels, il faut avoir le projet de nos parents de combler leur désir inassouvis de prestige sociale) passer son bac pour ensuite faire des études longues etc. A l’âge où l’on éprouve un besoin de rébellion contre les autorités établies, on est enfermé dans un cube de béton avec des personnes âgées qui nous dictent quoi faire de notre jeunesse. L’État a tout intérêt à démoraliser le plus tôt possible ses citoyens et tuer dans l’oeuf toute hardeur rebelle.
Les quelques témoignages personnels qui ont agrémenté ce vidage de sac aurait pu être complétés de bien d'autres, mais vouloir brosser un portrait exhaustif des violences d'Etat à l'école serait tout simplement ridiculement long. Nous pouvons, pour faire très bref, nommer quelques aspects de plus qui vont dans le sens de nos analyses tels que : la surcharge des sacs à dos; l'enseignement de théories charlatanesques pourtant ne jouissant d'aucune confirmation scientifique ni philosophique à ce jour, comme le complexe d’Œdipe; la diversité des punitions et leurs cruauté; la vitesse à laquelle doivent être exécutés les "devoirs" etc.
Ce texte, comme annoncé en introduction, n’a pas de solution miracle à proposer pour remplacer la violence d’Etat. D’autres ouvrages se proposent de le faire (sans doute, j’ai volontairement omis de me renseigner sur le sujet, dans le but de ce texte, voir en introduction pour les détails de mes motivations). Ce texte avait juste pour but de démontrer que du point de vue de la jeunesse aussi, le système éducatif d’Etat est nocif. Si nous n’avions qu’une proposition à faire spontanément après la rédaction de ce livre, ce serait d’inclure les élèves dans la gestion de l’éducation. Prendre au sérieux les aspirations des « âgisé·es », ou « jeunisé·es », plus ou moins proches de l’âge adulte, c’est déjà remettre en cause le déterminisme étatique. C’est déjà faire un bras d’honneur aux bureaucrates qui se prennent pour dieuesse à décider qui va faire quoi de sa vie. Mais j’ai conscience que si cette « mesure » était prise, au-delà d’une simple remise en cause du système éducatif d’Etat, il ne se passera rien de concrètement révolutionnaire et les choses finiront par rester les mêmes. Une sorte « d’autogestion de la misère scolaire » en quelque sorte. Notre critique est sous-tendue par tout un projet de société libertaire et pas seulement quelques revendications qui, bien qu’amenant une réelle amélioration des conditions de vie, ne changeront rien en profondeur. La fin des violences physiques n’a pas mis fin aux violences morales et institutionnelles. La fin (toute relative) du modèle hyper-centré sur l’enseignant·e n’a pas ouvert la voie aux critiques nécessaires du modèle vertical par le haut de l’enseignement. Bien que les chercheureuses commencent timidement à confirmer l’importance de ce qu’ielles appellent le « socio-constructivisme » (= l’élève est producteurice de son savoir; production elle-même déterminée socialement), les rares mises en pratique dépendent du bon vouloir de l’enseignant·e et, surtout, de la hiérarchie, donc du capitalisme-étatisme et de sa bureaucratie. Sous le capitalisme-étatisme, tant qu’une découverte scientifique ne peut être exploitée afin de faire du profit, il n’est pas envisagé d’en faire profiter la société. L’immobilisme du progrès apporté par la science, lorsqu’il est assujetti aux illogismes capitalistes, ne peut faire avancer la société.
révolutionnaire. C’est pour cela qu’une simple liste de revendications ne pourraient suffire à cette critique du système éducatif d’état en particulier, s’étant mu en une critique acerbe du système étatique en général. Les professionnel·les et leurs syndicats ne sont sans forcément mieux placé·es qu’une simple ancienne élève pour savoir quelles revendications avoir. C’est leur travail certes, mais un travail de merde qui participe à l’oppression âgiste. Donc les concerné·es par l’oppression, les classes sociales que constituent le enfants, ado, élève (et quel que soit l’âge) etc ont toute la légitimité dans la produciton de leur savoir et donc dans la construction d’une société émancipée du capitalisme étatisme, une société communiste libertaire. Ce texte a tenté de le démontrer.
Comme tout outil étatique, celui-ci est nocif pour tout le monde. L’expression des personnes concernées par l’oppression du système éducatif d’état manque gravement. Ce problème est nié, à tel point qu’il va dans le sens de nos conclusions que l’État n’a que faire du bien-être de ses sujets. Tout simplement parce que l’État est une machine administrative inhumaine qui gère des dossiers plus qu’il s’occupe d’individus. Il n’y aura pas de donnée publique sur le bien-être des élèves, sur leur plaisir ou non d’être dans ce monde. Ces « souvenirs critiques » ont tenté de pallier à mon échelle àce manque, mais il serait encore mieux que des personnes encore dans ce système prennent la peine de décrire leur vécu et commencent à prendre la parole, on et là pour l’écouter maintenant. C’est le premier pas vers l’émancipation : se retrouver entre personnes d’une même classe sociale opprimée, échanger sur nos différentes souffrances et discuter de comment y remédier. Il n’y a pas à avoir peur de la « non-mixité » des lycéen·nes dans le militantisme au lycée, par exemple. La non-mixité ne divise aps les luttes, elle les renforce d’ue critique plus précise et sévère que jamais. Et comment l’émancipation vis-à-vis des « adultes » et/ou « profs » peut avoir lieu s’iels sont toujours sur le dos des élèves ?
Le texte s’arrête volontairement avant la description de l’épreuve du bac et des études dites « supérieures » car nous pensons qu’un texte à part devrait leur être consacré, du fait de la situation bien particulière de la dernière année de lycée puis des années d’université. Sans séparer totalement les deux périodes, nous pensons au contraire que les points communs entre les différentes structures éducatives d’Etat sont plus nombreuses que leurs différences, nous mettrons en rapport la continuité du système jusqu’au monde du « travail ». Comme vu dès le début de cette série, chaque étape du système éducatif d’état se donne pour tâche de « préparer » aux étapes suivantes et est de toute façon en lien perpétuel avec celles-ci et avec « l’extérieur » qui n’est pas ci « en dehors » que ça. En effet, nous faisons ce projet afin d’avertir les générations future, encore dans leur jeunesse, de la continuité que l’État et son capitalisme ont mis en place entre les premières années d’école et la dernière année de « vie professionnelle », même après la prétendue retraite. Nous voulons prévenir les élèves qui rentrent dans ce système que l’on va chercher à dicter leur avenir, à renforcer les déterminismes sociaux qu’iels subissent, et qu’il ne faudra pas se laisser faire et s’organiser entre elleux pour lutter contre cette société où une machine abstraite décide de toute vie concrète qu’elle peut matérialiser en un dossier. Et ce, afin de produire les ébauches de projets de la société de demain.

« Salut les enfants, ne travaillez jamais à l'école » Un punk à chien, à des enfants attendant le bus


Postface

L’écriture de ce texte a commencé en 2018 pour être publié en fêvrier 2019 sur la Bibliothèque anarchiste, dans une version ne me satisfaisant plus actuellement. J’ai donc voulu en produire une nouvelle version. J’avais pour projet d’en faire des copies papier, pour distribuer en scred dans les facs et lycées, voire une version simplifiée pour les collèges, mais n’y connaissant rien en édition et n’étant pas suffisamment sûre de moi, j’ai préféré garder le mode numérique pour l’écriture de la deuxième version… pour le moment. Dans la deuxième version j’ai cherché à rester fidèle à la démarche de la première version : ne pas rentrer dans de la théorie hyper-abstraite, juste développer autour du vécu d’une ancienne élève, mon vécu, et témoigner. J’espère avoir réussi à faire comprendre d’où me vient la haine du système scolaire voire, mieux, vous avoir fait réfléchir sur votre propre vécu dans ce système pourri. Cette version sur la bibliothèque anarchiste est une mise à jour à partir de la deuxième version, avec encore quelques rectifications de formes : coquilles, termes maladroits et problématiques etc. Dans cette optique, je ne me suis que très peu renseignée et, encore à l’heure où j’écris ces lignes, je n’ai pas beaucoup de références d’adultes, enseignants etc. Déjà parce que la démarche de critiquer le système scolaire quand on est un·e de ses agent·es les plus fidèles me paraît assez bancale, mais aussi parce que la parole des concerné·es mérite selon-moi plus d’intérêt actuellement, après des siècles de travaux universitaires sans lien avec le vécu des personnes opprimées. J’ai bien sûr lu Illich et sa Société sans école, mais après avoir écrit la première version du texte, car je ne voulais pas nuire à ma démarche première qui est juste de partir d’un vécu pour faire une critique plus générale d’un système étatique. Le livre en question a beaucoup résonné avec ce que j’ai écrit ici, et j’ai même été étonnée de voir certaines très fortes similarités entre les textes. Toutefois, Illich est un enseignant, un « adulte confirmé » au moment où il a écrit ce livre, et parle surtout de comment gérer la société (par exemple, en parlant du gâchis de pognon que représente l’école dans le monde entier), rarement, il va parler de la souffrance des enfants/ados, parce qu’il n’a pas souvenir avoir souffert à l’école sans doute, et peut-être parce qu’en tant que professeur d’université, il n’aurait jamais voulu admettre participer à une système aussi oppressif. Dans tous les cas, ça ne semble pas l’intéresser de partir de là pour faire cette critique. J’ai lu aussi quelques livre sur Ferrer et ses projet d’éducation et sur l’éducation libertaire. Si les démarches sont intéressantes, elles manquent d’actualisation. Ferrer reste évidemment ancré dans un « républicanisme » anticlérical qui serait hors de propos de nos jours par exemple. Evidemmetn, je penche vers le côté anarchiste (« libertaire » est plus à la mode comme mot apparemment), je suis plus emballée par l’éducation envisagée comme émancipation sociale, à tout âge de la vie et contre toutes les oppressions. Pour finir, j’invite toute personne actuellement dans un système scolaire, de n’importe quel état, à témoigner, à dire avec ses propres mots ce qu’elle ressent actuellement: comment elle envisage son avenir ? que ressent-elle à l’approche du bac ? qu’elle utilité trouve-t-elle a apprendre la biochimie molécullaire à 16 ans ? et quelle utilité elle y trouvera plus tard ? etc Mon projet est presque fini. Presque, parce qu’il y a encore l’université à démonter. Et ça risque d’être à la fois rapide, car pas mal de choses auront déjà été dites ici, et intense, car la « fac » accumule toutes les tares du système scolaire et du du monde du tavail. C’est un énième apprentissage de la soumission au capitalisme-étatisme. Tout ceci n’a pas encore été écrit, il s’agira donc d’une première version en exclusivité sur ce blog. Vive l’Anarchie ! 🏴


[1]Cela dit, j’ai pu entendre une sonnerie moins désagréable dans un lycée récemment mais cela ne change rien à la violence : essayez d’écouter une chanson, même votre préférée, toutes les heures de 8 heures à 18 heures tous les jours de la semaine pendant une année… La violence se situe plus dans la répétition et l’imposition des horaires que dans la douleur auditive.
[2]Chiffres de l’association Colosse aux pieds d’argile : http://www.colosseauxpiedsdargile.org/quelques-chiffres/ « Dans 94% des cas, l’agresseur fait partie de l’entourage. »

[3]Cela est encore plus évident pour les adultes, d’ailleurs l’université prend en compte cette dimension pour enlever les grilles… sans enlever le système carcéral : Un exploit qui fera l’objet d’un chapitre d’un ouvrage consacré aux particularités de l’université.



[4]L’illettrisme n’est toujours pas éradiqué de France à l’heure où ces lignes sont écrites, le 30/08/2019. Ni à l’heure de la dernière relecture personnelle, le 27/02/2020, ni à l’heure où je republie sur mon blog, le 04/05/2021. Toujours pas non plus lors de la mise à jour sur ce site, le 17 octobre 2021...
[5]Une brochure de la taille de celle que vous lisez actuellement pourrait être consacrée à la critique de l’étatisme linguistique, tant il y a a dire sur l’absence de sens, autre que l’uniformisation, le conformisme, de l’obstination de l’Etat à imposer sa langue unique. Situation d’ailleurs elle-même unique à la France, tant il est plus facile pour les autres pays d’accepter l’existence d’autres langues, et donc les autres tout court.
[6]A savoir, le caractère sexiste de cette règle, évoqué par Eliane Viennot dans son ouvrage Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin. L’accord du genre étant la règle de grammaire qui fait le plus « tiquer » les élèves. Je me souviens encore comment l’enseignante devait insister sans explication sur le fait qu’un homme parmi 1000 femmes devait se dire « ils », parce que le masculin « domine » : « c’est comme ça ». Ce qui nous conforte dans le fait que l’école cherche à conformer les gens plus qu’à développer un esprit critique ou une vie, une société saine.
[7]Les fonctionnaires, sont des agent·es de l’état, iels sont donc à son service. Bien que certain·es enseignant·es sortent des sentiers battus, le fonctionnement même des systèmes d’état fait que même avec la meilleure volonté du monde, un·e enseignant·e finira par suivre les logiques capitalistes-étatistes. Le rôle des fonctionnaires est traité plus bas au chapitre intitulé « Les enseignant·es » mais aussi dans un article de ce blog intitulé « prof = flic ? » à paraître.
[8]Du grec epistếmē, signifiant : « science ». Relatif au savoir. Ici, « l’hégémonie épistémique » est le monopole que cherche à avoir l’État sur les récits scientifiques; surtout l’histoire, mais pas que.
[9]Et comme toute institution antidémocratique/autoritaire/obscurantiste. [10]Avec les lois dites « anti-terroristes » prétextes à répressions et à alimenter un climat de terreur, on limite aussi les entrées depuis quelques années, à des créneaux horaires bien précis, avec vérification du carnet pour certains établissements. Je ne sais si cette pratique est majoritaire, ou s’il elle a simplement survécu au quinquennat hollande.
[11]Iels sont même invité·es régulièrement à faire leur autocritique...
[12]Bien que je ne sois pas la plus pauvre, je suis loin d’être bourgeoise. Il est aussi tout à fait naturel que, après avoir passé des années dans un monde bourgeois, on acquière des réflexes bourgeois difficilement effaçables.
[13]De même qu’à l’école, on trouve un vocabulaire carcéral dans le monde du travail par exemple « Encore quelques années à tirer ». La retraite est linguistiquement similaire à une libération d’un·e détenu·e.
[14]e fut le cas de la matière intitulée « technologie », où je n’ai jamais compris ce qu’on était censé·es y étudier…
[15]Il n’y a pas là de contradiction avec la critique de l’autocritique imposée par la hiérarchie aux enseignant·es. Là où ces derniers sont forcé·es de trouver des points positifs comme négatifs nécessaires (se rendre compte d’une erreur, d’un comportement contraire aux valeurs communes etc), l’on puisse se remettre en question et en débattre avec les personnes proches voire les personnes blessées prêtes à pardonner ou à évoluer. Cette (auto)-critique libre serait donc comme une « dialectique socratique », où chaque participant·e d’un débat gagnerait en évoluant sur ses positions. A l’inverse, l’injonction à se critiquer par en haut, ressemblerait plus à une « autocritique » bolchévik/maoïste…
[16]Évidemment « faire faire quelque chose » à des enfants ne les encourage en rien à développer leur autonomie créative, mais dans un système étatique tel que celui que nous décrivons, il est difficile de faire mieux, vous l’aurez compris.
[17]PPour donner un ordre d’idée, ce que l’on a le plus couramment c’est : • Une moyenne par matière et par trimestre • Une moyenne générale (= la moyenne des moyennes de matière) par trimestre • Une moyenne générale (=la moyenne de la moyenne des moyennes) par an. Ce qui donne environ une cinquantaine de moyennes différentes au cours d’une seule année. Imaginez, de la sixième à la terminale, cette quantité de données produites des 10 aux 18 ans…
[18]Il s’agit d’un seul mot censé résumer tout le semestre puis toute l’année de l’élève. La plupart du temps, il s’agit des mots « encouragement », « félicitation », « avertissement ». Inutile de préciser l’importance de ce mot, il détermine la durée de la peine ou la possibilité d’améliorer son dossier pour accéder à des écoles prisées. La critique de ces dernières, du mythe autour de l’enseignement « supérieur » et de la crainte du chômage, mériteraient un texte de la taille de celui ci-présent.
[19]Preuve, s’il en fallait, que les activités dites « extrascolaires » ne sont qu’un prolongement du système éducatif d’Etat. Même pour des petites structures associatives. Surtout pour celles-ci, tant elles sont susceptibles d’être inféodées à l’État.
[20]Le système éducatif d’état cherche tellement à tout contrôller qu’il a ses propres unités de temps : « l’année scolaire » de 9 mois, le « semestre » de 4 mois, le trimestre » de 2 mois etc…
[21]Il s’agit du livre intitulé La société écologique et ses ennemis de Serge Audier, paru en 2017.
[22]Bien évidemment, l’expression « poursuite du bonheur » est un piège capitaliste produit par l’industrie du livre et de « coaching » en développement personnel, mais il faut justement pour cela répondre à la frustration du capitalisme en proposant un moyen de s’épanouir autrement qu’en fournissant de l’argent aux charlatan·es de tout poils mais plutôt en s’engageant politiquement, en militant pour de bonnes conditions de vie. Le bonheur étant, selon l’anarchisme, "performatif" = la recherche du bonheur étant déjà un bonheur en soi, le moyen et la fi nse rejoignent "dialectiquement" (=en s'influençant mutuellement), lorsqu’il n’est pas détourné par le capitalisme-étatisme. Mais ce genre de réflexion abstraite, idéaliste même, autour d’une notion encore plus abstraite ne mène pas très loin.
[23]On peut définir ce mot simplement ainsi : « la projection sur autrui du mépris spécifique avec lequel on considère les personnes perçues comme enfantines ». Voir introduction. Plus simplement, le système éducatif d’état va créer la « classe » des « enfants ». L’état parle plus volontier de « mineur·es » (= inférieur·es) et le capitalisme parle plutôt de « jeune ». On ne sort totalement de cette clase sociale, méprisée, dominée, que lorsque l’on a soit-même des enfants « à charge », ou un travail « stable », ou que l’on passe un âge décidé arbitrairment (18 ans en france pour la « majorité », 26 ans pour la « jeunesse ») là on devient la classe « adulte » dominante de manière plus ou moins nuancée, car on peut être majeur·e mais rester « jeune » (entre 18 et 26 ans) ou continuer d’être « infantilisé·e » après les 26 ans etc.
[24]https://www.liberation.fr/depeches/2019/11/06/suicides-dans-l-education-nationale-58-en-2018-2019-11-depuis-la-rentree_1761956