Titre: Quand le maton te cultive…
Auteur·e: Lucioles
Sujet: prison
Source: Consulté le 10 octobre 2016 de lucioles.noblogs.org
Notes: Extrait de Lucioles n°5, bulletin anarchiste du Nord-Est de Paris, novembre/décembre 2011.

Oh oui ! Celle-ci est très bonne ! Les crevures de l’Administration Pénitentiaire sont bourrés d’humanité, de cette humanité qui sue des canons, celle de ces grands hommes qui en enferment d’autres pour un salaire, cette belle candeur qui te tabasse pour ton bien, pour ta sécurité, le bras armé de la société qui bande à la vue du sang. D’un coté, le décors est dur et austère, la taule de Poissy, Maison Centrale, 230 détenus dont 80% purgeant des peines supérieures à vingt ans. Vingt ans, oui, vingt ans, le mensonge démocratique de l’abolition de la peine de mort, la banalité de la cruauté et de ses minables petits exécutants qui ne font qu’obéir. De l’autre, il est grandiose et flamboyant, le musée du Louvre, premier musée au monde en termes de fréquentation, une véritable usine culturelle, une centrale du profit.

Le rapport avec la semoule ? Se demande-t-on…

« Au-delà des murs », c’est le nom donné à une exposition installée depuis fin janvier dans la cour intérieure de la prison de Poissy. Cette opération inédite associe le musée du Louvre, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) du département et la maison centrale de Poissy.

Autant dire que les métaphores gratinées du genre « Au-delà des murs » lorsqu’on se trouve entre quatre murs 24h/24h 7j/7j sont au choix génératrices d’éclats de rires nerveux ou de pulsions meurtrières. Les matons doivent se marrer entre deux fouilles à nu. Le patron de l’AP, ce fils de pute de Jean-Amédée Lathoud et le président-directeur du Louvre Henri Loyrette ont bien du se marrer en organisant leur petite partouze de cynisme. Une opération donnant-donnant. D’un coté, l’AP se tartine une belle tranche d’opinion publique pendant 48 secondes sur France-Info, de l’autre le Louvre se targue d’être « ouvert à tous, même aux prisonniers ». Comprendre : le Louvre ne donne pas que dans l’humain, mais aussi dans le repris de justice, le paria. C’est pas beau ?

Il s’agit, pour le président du Louvre, de faire en sorte, tenez-vous bien, que les détenus de la Maison centrale de Poissy puissent « ouvrir les portes des royaumes disparus ». « Je suis particulièrement heureux de venir ici, à Poissy, pour inaugurer cette exposition assez atypique, hors-les-murs et hors-normes ».

« Au-delà des murs », « ouvrir les portes », « hors-les-murs ». Comme disait l’autre, les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît ! Même si l’uniforme ou la cravate sont déjà des indicateurs fiables à 100% de la connerie qui se meut de porte en porte et de bureau en bureau, clés et matraques à la ceinture pour les uns, attaché-case en main pour les autres.

La joyeuse bande de bâtards que voilà !

Parmi les dernières « actions » culturelles soutenues, la visite de l’écrivaillon J.M.G. Le Clézio, maton culturel en CDD et actuellement « grand invité du Louvre », qui « va à la rencontre » des détenus de la maison d’arrêt de la Santé courant novembre. En 2012, un travail sur l’art de la statuaire commencera à la maison centrale de Poissy, encore elle. Sans oublier que depuis 2007, un partenariat à vocation pédagogique (si si), lie le musée du Louvre avec la maison d’arrêt de la Santé et le Service pénitentiaire d’insertion et de probation de Paris (SPIP 75). Il a été complété depuis 2009 par un partenariat avec la maison centrale de Poissy et le SPIP des Yvelines.

Ça veut dire quoi concrètement une activité culturelle en taule ? Les détenus reçoivent avec leur gamelle de croquettes avariées pour poisson un petit papier les invitant à s’inscrire à un atelier tout pourri sous la surveillance des porte-clés avec un gentil spécialiste d’un thème absolument inoffensif. Une centaine s’inscrit sans conviction, pour sortir de la monotonie poisseuse de la routine carcérale, une dizaine est retenue, ça dure vingt minutes chrono, ça se passe à l’heure de la promenade pour te la faire rater et c’est tout pourri parce que de toute façon il y a trop de bruit autour pour entendre quoi que ce soit. Et tout le monde est content, ou presque, la bonne conscience droits-de-l’hommiste est satisfaite.

Petit exemple de la beauté de la culture en milieu carcéral : janvier 2011 à la Santé, Michel Onfray, un philosophe de salon à la con vient « organiser une discussion » pour les détenus. Seule une petite dizaine de détenus triée sur le volet pourra y participer, en présentant à l’avance à l’AP ce qu’ils comptent dire, les questions qu’ils comptent poser, comme si ça pouvait se prévoir à l’avance, et interdiction de déborder de ce qui a été convenu par la matonnerie improvisée culturelle. C’est comme ça que ça se passe, alors que ceux qui se font des illusions se prennent un seau de mazout à la gueule en guise de réveil, et qu’Onfray et ses potos du show-biz se mangent des tartes dans la face, des tartes à l’acide.

Ni hors-les-murs, ni au-delà des murs. A bas les murs ! Rien ne peut rendre l’enfermement acceptable à nos yeux, ni art, ni cellules en or, ni climatisation, la prison ne se reforme ni ne s’améliore. Les prisons en feu, et les matons en uniformes bleus, en col blanc, à pinceau, à stylo ou à matraque au milieu !