Titre: Le regroupement de tendance
Auteur·e: Felipe Corrêa
Date: 6 Juin 2017
Source: https://www.anarkismo.net/article/30325
Notes:
Traduction, Collectif Communiste Libertaire Bienne – CCLBienne

Texte original publié sur le site Passa Palavra : http://passapalavra.info/2010/01/18055
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La tendance est une organisation que nous pourrions appeler de politico-sociale, en d'autres termes, c'est une organisation qui regroupe des secteurs populaires qui possèdent une affinité en relations aux questions méthodologiques et programmatiques, mais qui ne possèdent pas nécessairement des affinités en relation à une certaine idéologie (marxisme, anarchisme, autonomisme, etc.). La tendance, donc, n'est pas une organisation politique (parti) ni, non plus, une organisation de masses (mouvement populaire) ; elle existe à un niveau que nous pourrions appeler d'intermédiaire, entre le politique et le social. La tendance réunit des militant.e.s qui agissent dans un ou plusieurs mouvements populaires et dans les secteurs désorganisés de la population avec pour objectif de promouvoir à l'intérieur des mouvements dans lesquels ils/elles sont actifs/ves une méthodologie de travail et un programme déterminé, en plus d'organiser ces mouvements dans les secteurs les plus divers du peuple qui pour l'instant sont désorganisés. En plus de cela, la tendance offre un espace d'interaction entre les diver.e.s militant.e.s qui partagent des visions proches et sert a augmenter la force sociale de son incidence dans le camps populaire, augmentant son pouvoir d'influence dans ce camps et empêchant que d'autres personnes ou regroupements, qui possèdent des conceptions contraires, puissent faire prévaloir leurs visions et user d'autres militant.e.s pour atteindre leurs objectifs propres. La tendance donne de la cohérence opérationnelle aux militant.e.s qui agissent avec des objectifs clairs et bien définis et constitue la « face » du militantisme quotidien dans le travail social. Contrairement a aspirer à être l'avant-garde des mouvements, elle a la fonction de ferment et de moteur ; elle doit stimuler les mouvements populaires, garantir qu'ils possèdent la capacité de promouvoir leurs propres luttes, tantôt revendicatives (court terme), comme transformatives (long terme). Les militant.e.s de la tendance font partie intégrante du peuple et promeuvent le protagonisme populaire, en d'autres termes, ils et elles ont pour objectif de créer un peuple fort.

C’est la tendance, comme regroupement de secteurs populaires avec certaines affinités, qui augmentera les chances de promouvoir ce en quoi nous croyons au sein des luttes. La tendance augmentera la capacité de ce secteur populaire à promouvoir ses idées et d'influencer, et ceci sera déterminant. Par Felipe Corrêa


Heureusement, nous sommes dans un phase dans laquelle nous pouvons et nous devons expérimenter diverses formes organisationnelles, avec patience et générosité, mais aussi avec persistance et esprit critique. Les formes organisationnelles devront aider et faciliter la mise en œuvre de nos objectifs principaux. L'action immédiate doit être profondément liée à ce que nous voulons dans le futur. Gilmar Mauro



La stratégie

Avant de traiter du thème du regroupement de tendance, il est important de reprendre la stratégie de transformation que nous défendons. Elle se base sur trois prémices fondamentales :


1. Le capitalisme est une société de classes et, à partir de là, la lutte des classes est un des ses aspects centraux.


2. Les mobilisations des secteurs les plus divers des exploité.e.s, dominé.e.s et opprimé.e.s, c'est à dire, les luttes populaires de masses, sont imprescriptibles et, se basant sur les trois piliers de la nécessité, de la volonté et de l'organisation, exposent les contradictions du système de classes.


3. La transformation de cette société doit se baser sur le protagonisme de ses mouvements, c'est à dire, sur le protagonisme du peuple organisé, ce qui différencie cette stratégie des autres qui conçoivent la transformation faite par le parti d'avant-garde, ou par l'action de minorités détachées de la base (comme dans le cas de l'insurrectionalisme de la « propagande par le fait » ou du foquismo, par exemple).


De cette manière, ma position est qu'il faut opérer la transformation à travers les mouvements populaires. Où il n'y a pas de mouvements, l'objectif est des les organiser ; où il y a des mouvements, y participer et promouvoir une certaine vision méthodologique et programmatique. Enfin, promouvoir des alliances permanentes entre les mouvements, intégrer leurs luttes et augmenter leur force sociale. C'est seulement avec l'accumulation significative de la force sociale qu'il est possible d'appliquer la violence nécessaire pour une transformation révolutionnaire.


Accumuler en permanence de la force sociale, en organisant, mobilisant et luttant dès aujourd’hui. Apprendre et enseigner, construire une nouvelle société à l'intérieur de celle-ci. Cette construction permanente doit viser des objectifs de type finaliste : un processus révolutionnaire et la construction d'une nouvelle société basée sur l'égalité et la liberté. Au commencement de la réalisation de ce processus, certain.e.s disent que se construit l'organisation populaire, d'autres le pouvoir populaire.

La force sociale

A partir de cette stratégie, il est possible de poser cette question : quelle est donc la fonction d'un regroupement de tendance ? Si l'objectif est une transformation par les mouvements populaires, ne devrait-t'on pas simplement créer et participer à ses mouvements ?


Il se trouve que l'on ne peut pas ignorer la question de la force sociale. Pour opérer une transformation qui vise la fin de l'exploitation et de la domination, il est nécessaire d'avoir des mouvements populaires puissants et qui développent en leur sein les semences de la société future, ainsi comme se fût le cas du syndicalisme révolutionnaire brésilien du début du 20e siècle. Nous savons que la majeure partie des secteurs populaires ne sont pas organisés et, de cette manière, ne pourront pas faire face aux objectifs à atteindre. En outre, actuellement, les secteurs organisés en mouvements ne sont pas, dans leur grande majorité, utilisés pour promouvoir les intérêts collectifs et opérer une transformation de la société de la manière qui a été exposé plus haut. Les mouvements sont utilisés pour fournir de l'argent pour des bureaucrates qui n'ont pas besoin de travailler ; pour offrir des ressources pour certains partis politiques ou pour les promouvoir ; pour être une source de votes pour un ou un autre politicien ; pour construire une base pour des propositions autoritaires de pouvoir, avec des dirigeants détachés de la base et qui ne la représente pas ; entre tant autres faits qui constituent des problèmes pour l'implémentation du projet de transformation mentionné.


Dans ce sens, il y existe deux problèmes fondamentaux : la désorganisation de la majorité des secteurs populaires et, à l'intérieur des secteurs organisés, la promotion de formes organisationnelles et de programmes qui ne conduisent pas à une proposition libératrice de transformation.


l est donc possible de dire, qu'il faut traiter avec deux types d'espaces en dispute permanente. Un espace social ample, de travailleurs/euses (formel.le.s, précaires, au chômage), d'habitant.e.s de quartiers périphériques, et autres secteurs populaires qui sont désorganisés et qui ne se mobilisent pas pour une série de raisons. Et un espace social plus restreint, déjà organisé, de mouvements les plus divers : syndicats, communautaire, sans-toits, sans-terre, chômeurs/euses, etc. Et pour agir dans ces espaces, qui sont de disputes – déjà qu'il est admis la règle qu'en chaque espace il y a confit d'intérêts -, la force sociale est nécessaire. Ce sont des espaces de dispute, parce que j'entends qu'il n'y a pas de « vide de pouvoir » dans quelque relation sociale que ce soit.


L'idée de force sociale est que tout possède une certaine capacité de réalisation, mais que, si elle n'est pas mise en pratique, elle ne vaut rien. Par exemple : potentiellement la force du peuple est plus grande que la force de la classe dominante, mais, comme elle n'est pas mise complètement en pratique, il n'arrive pas à défaire les dominants. Donc, il est nécessaire de mettre cette capacité, autrement dit, cette possibilité d'agir, en pratique, transformant cette force potentielle en une force réelle. Dans ce processus, l'organisation est un outil imprescriptible. L'organisation offre un compte dans lequel 1+1 vaut plus que 2. Par exemple : s'il était nécessaire de soulever une grande caisse de 200 kilos, quatre personnes réunies pourraient la soulever, mais si chacune de ces personnes tentaient de la soulever individuellement, l'une après l'autre, elles n'y arriveraient pas. Ceci parce que quand quatre personnes se mettent ensemble, leur force est plus grande que une somme individuelle de la force des ces personnes séparées. Autre exemple : si quelques personnes veulent faire une manifestation en face de la mairie, elles peuvent aller toutes ensemble, ou une après l'autre. Quelle alternative possède la plus grande force ? Clairement, celle où elles sont réunies.


Donc, la conclusion dans ce cas est que, si l'objectif est organiser et participer dans les mouvements populaires, en promouvant toujours certaines conceptions méthodologiques et programmatiques, il est nécessaire d'être organisé-e. Plus nous sommes organisé.e.s, plus grande sera la force sociale et, donc, plus facile il sera d'atteindre les objectifs proposés.


Avoir de la force sociale ne signifie pas que l’on va s’imposer aux autres de manière autoritaire, mais réussir à défendre certaines positions, méthodologies, certains points de vues et programmes. Avoir la capacité d'influencer les mouvements populaires et ne pas être utilisé.e.s par d'autres secteurs ou encore être distant.e ou isolé.e.

La tendance

Ceci dit, il est possible d'expliquer à présent ce qu'est un regroupement de tendance.


La tendance est une organisation que nous pourrions appeler de politico-sociale, en d'autres termes, c'est une organisation qui regroupe des secteurs populaires qui possèdent une affinité en relations aux questions méthodologiques et programmatiques, mais qui ne possèdent pas nécessairement des affinités en relation à une certaine idéologie (marxisme, anarchisme, autonomisme, etc.). La tendance, donc, n'est pas une organisation politique (parti) ni, non plus, une organisation de masses (mouvement populaire) ; elle existe à un niveau que nous pourrions appeler d'intermédiaire, entre le politique et le social. La tendance réunit des militant.e.s qui agissent dans un ou plusieurs mouvements populaires et dans les secteurs désorganisés de la population avec pour objectif de promouvoir à l'intérieur des mouvements dans lesquels ils/elles sont actifs/ves une méthodologie de travail et un programme déterminé, en plus d'organiser ces mouvements dans les secteurs les plus divers du peuple qui pour l'instant sont désorganisés. En plus de cela, la tendance offre un espace d'interaction entre les diver.e.s militant.e.s qui partagent des visions proches et sert a augmenter la force sociale de son incidence dans le camps populaire, augmentant son pouvoir d'influence dans ce camps et empêchant que d'autres personnes ou regroupements, qui possèdent des conceptions contraires, puissent faire prévaloir leurs visions et user d'autres militant.e.s pour atteindre leurs objectifs propres. La tendance donne de la cohérence opérationnelle aux militant.e.s qui agissent avec des objectifs clairs et bien définis et constitue la « face » du militantisme quotidien dans le travail social. Contrairement a aspirer à être l'avant-garde des mouvements, elle a la fonction de ferment et de moteur ; elle doit stimuler les mouvements populaires, garantir qu'ils possèdent la capacité de promouvoir leurs propres luttes, tantôt revendicatives (court terme), comme transformatives (long terme). Les militant.e.s de la tendance font partie intégrante du peuple et promeuvent le protagonisme populaire, en d'autres termes, ils et elles ont pour objectif de créer un peuple fort.


Donc, la tendance agit à partir d'une proposition méthodologique et programmatique. Mais au final des comptes, quelle est cette « proposition méthodologique et programmatique » que j'ai déjà mentionné à diverses reprises ?

Une proposition méthodologique et programmatique

Quand je dis qu'il faut défendre une proposition méthodologique et programmatique, je dis que dans la pratique, quand il se fait un travail social, il faut promouvoir une certaine méthodologie et un programme déterminé. Mais quelle méthodologie et quel programme ?


Évidemment, tout ceci est une construction collective, mais il y existe déjà certaines notions. Premièrement, à partir d'une lecture de la société présente, sachant qu'une société d'exploitation et de domination, comme c'est le cas de la société capitaliste et de tout ce qu'elle implique, n'est pas voulue. Ensuite, sachant que l'objectif est la construction d'une nouvelle société qui soit libre et égalitaire, où il est possible de vivre sans exploitation et ni domination. Pour cela, une stratégie qui se reflétera dans une programme, et qui décrira comment il sera possible d'opérer cette transformation radicale de la société sera nécessaire.


La stratégie est le chemin qui sera choisi pour cette transformation, autrement dit, une route. Et s'il existe une destination définie, il est bon de prendre la bonne route, puisqu'une route incorrecte mènera à une autre destination. Pour cette raison, nous devons nous préoccuper des moyens qui conduiront aux fins voulues : ce sont les moyens que nous choisiront (les tactiques et stratégies) qui conduiront aux objectifs. Ainsi la tactique est subordonnée à la stratégie et les deux sont subordonnées aux objectifs stratégiques. La maxime « les fins justifient les moyens » est erronée ; se sont les moyens choisis qui déterminent les fins auxquelles on arrive. Une vision programmatique doit être construite collectivement, indiquant à partir d'une lecture du présent, les objectifs finalistes est un chemin en grandes lignes pour la transformation et c'est cette ligne programmatique qui devra être défendue à l'intérieur des organisation de masses par les militants de la tendance.


En relation aux questions méthodologiques, nous pouvons dire que lorsqu'on crée des mouvements ou lorsqu'on y participe, il est nécessaire de promouvoir un certain type de fonctionnement, certaines caractéristiques, un style de travail militant qui, dans leur ensemble, constituent des moyens pour atteindre les fins voulues. En termes généraux, quelle est cette méthodologie ?


- La défense de la force des mouvements, nous pensons qu'ils ne doivent pas être « idéologisés », c'est à dire, nous ne pouvons permettre seulement l'entrée de militant.e.s d'une ou d'une autre idéologie ou la subordination à l'une d'entre elles. Un mouvement social doit agréger tous ceux qui sont disposé.e.s à lutter en utilisant comme critère la nécessité.


- La défense de l'action directe, ce qui se passe quand on fait une politique pour son propre compte, quand il se fait des actions contre la domination et l'exploitation, en protagonisant les propres luttes, sans compter sur les politiciens ou représentants, ou sans qu'on parle en son nom.


- La défense de la solidarité entre les classes exploitées pour la lutte, sans prévaloir sur un ou un autre secteur ou groupe. Dans ce cas, il est important de promouvoir une perspective de classe qui visera à la croyance de la lutte de classes et pour la nécessité d'un processus révolutionnaire protagonisé par les secteurs exploités, dominés et opprimés.


- La défense de l'autonomie, ou de l'indépendance de classe, séparant les luttes de l’État, des partis politiques et des syndicats bureaucratisés, entre autres, qui veulent utiliser les mouvement pour leurs propres fins. Les mouvements ne doivent pas être des courroies de transmission d'individus, de groupes ou d’organisations.


- La défense de la démocratie directe, ou démocratie de base, offrant à tous/tes et stimulant les prises de décisions collectives, dans les assemblées. Dans celles-ci, les décisions doivent être prises avec une participation égalitaire et sans hiérarchie, promouvant des objectifs d'autogestion des luttes et d'articulations par le fédéralisme, qui en même temps produisent de l'organisation et de la cohérence dans les luttes, respectent leur autonomie.


- Finalement, chercher l'augmentation permanente de la force sociale dans ce processus de lutte de classes, ce qui fait que les mouvements sociaux envisagent la double proposition de lutte : garantir les conquêtes pour améliorer leur situation et lutter pour une transformation révolutionnaire à long terme, une construction permanente de l'organisation et du pouvoir populaire.

La fonction de la tendance

Je sais que ces propositions diffèrent beaucoup d'autres secteurs qui travaillent avec les mouvements populaires. C’est pourquoi, je crois que l'organisation dans une tendance pour la promotion de ces objectifs programmatiques et méthodologiques est d'une grande importance, donnant force à cette proposition et agrégeant de manière permanente des militant.e.s des mouvements populaires qui sont en accord avec ces propositions ou des militant.e.s qui ont la volonté de faire du travail social et qui se retrouvent aussi en accord.


C’est la tendance, comme regroupement de secteurs populaires avec certaines affinités, qui augmentera les chances de promouvoir ce en quoi nous croyons au sein des luttes, rendant aussi plus difficile les attaques, les expulsions, les boycotts, les mises à l’isolement, etc qui sont assez communs dans ces milieux. La tendance augmentera la capacité de ce secteur populaire à promouvoir ses idées et d'influencer, et ceci sera déterminant.