Titre: Anarchisme social et organisation
Date: 2012
Source: http://anarkismo.net/article/23574
Notes: ** Bien loin des idées reçues, la question de l'organisation, au sens le plus large du terme, a toujours été centrale dans l'anarchisme, et plus particulièrement dans le courant de l'anarchisme social. Cette centralité de la question organisationnelle dans l'anarchisme social, Erico Malatesta l'a fait transparaître lorsqu'il a affirmé que « l'anarchisme c'est l'organisation, l'organisation et encore de l'organisation » Or, les réflexions sur la question organisationnelle sont peu nombreuses ces dernières décénnies, particulièrement dans le monde francophone. La réflexion des camarades brésiliens est dans ce contexte particulièrement précieuse, puisqu'elle représente un apport nouveau, tout en s'inscrivant dans une longue tradition organisationnaliste.

Traduction française de L'anarchisme social et l'organisation Préface du traducteur

Bien loin des idées reçues, la question de l'organisation, au sens le plus large du terme, a toujours été centrale dans l'anarchisme, et plus particulièrement dans le courant de l'anarchisme social.

Cette centralité de la question organisationnelle dans l'anarchisme social, Erico Malatesta l'a fait transparaître lorsqu'il a affirmé que « l'anarchisme c'est l'organisation, l'organisation et encore de l'organisation »

Or, les réflexions sur la question organisationnelle sont peu nombreuses ces dernières décénnies, particulièrement dans le monde francophone.

La réflexion des camarades brésiliens est dans ce contexte particulièrement précieuse, puisqu'elle représente un apport nouveau, tout en s'inscrivant dans une longue tradition organisationnaliste.

Le courant « especifista », « spécifiste », s'est fait connaître dans un cercle restreint, essentiellement à travers quelques interviews ou textes traduits dans la presse libertaire, sur internet ou sur papier.

La réflexion engagée par les camarades brésiliens, formalisée dans leur ouvrage programmatique « anarchisme social et organisation », permet enfin une présentation plus approfondie de ce courant organisationaliste latino-américain.

Sa traduction en Français fait justice à un courant encore trop méconnu dans l'espace francophone, qui s'inscrit et joue un rôle dans le renouveau de l'anarchisme latino-américain.

Plus largement, elle rend accessible aux francophones la réflexion des camarades brésiliens, et plus largement du courant spécifiste, qui apporte un regard nouveau et actuel sur la question, en prise avec les enjeux auquel le mouvement libertaire est confronté.

Les réflexions sur le fonctionnement organisationnel, leur approche différenciée du plan politique et du plan social, leur volonté de « retrouver le vecteur social de l'anarchisme » par le biais de la pratique et de l'insertion sociales, concepts qu'ils décrivent et développent dans cette ouvrage, leur réflexion sur les rapports entre organisations spécifiques et organisations populaires, tout comme leurs réflexions sur la nécessité d'une stratégie de transformation sociale, tout cela constitute la formalisation d'une expérience organisationnelle riche et fructueuse.

Au coeur des préoccupation des camarades se situe la volonté de réancrer l'anarchisme au coeur des classes exploité-e-s, un anarchisme populaire acteur de la transformation sociale, et non spectateur impuissant.

Bien sur, certaines positions ne manqueront pas de susciter des réactions, en ce sens qu'elles bousculent les conceptions organisationnelles qui dominent dans le monde francophone. Les camarades brésiliens de la FARJ ont le mérite « d'attraper le taureau par les cornes », et d'affirmer clairement et sans détour les positions qu'ils ont développées afin de répondre aux enjeux concrets d'organisation que suppose toute volonté de changement social qui cherche à se traduire concrètement, et ne pas se contenter de voeux pieux et d'incantations.

Loin de présenter leurs options comme les seules possibles ou de réclamer pour leur courant le monopole de la pensée libertaires, ils affirment :

« Nous ne réclamons que le respect de notre choix, de même que nous respectons ceux qui ont fait d'autres choix. »

Ce choix n'est pas seulement respectable ; il a surtout le mérite d'apporter un regard nouveau, de relancer la discussion sur l'organisation et la pratique anarchiste. Une nécessité en cette période de turbulences sociales et économiques liées à la crise capitaliste, pour refaire du courant anarchiste un acteur majeur de la transformation sociale, pesant sur les évênements plutôt que de les subir ou les accompagner au gré du vent.

Sam Berckman (CGA Lyon)


Introduction

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Depuis 2003, le débat sur l'organisation a eu lieu au sein de notre organisation. Nous avions produit des matériaux théoriques, approfondi notre façon de penser, appris des succès et des erreurs de notre pratique politique et il devenait de plus en plus nécessaire de faire avancer le débat et de le formaliser, afin de diffuser cette expérience à la fois à l’interne et à l’externe.

L'anarchisme social et l’organisation

Le premier Congrès de la Farj a eu lieu avec pour objectif principal d'approfondir nos réflexions sur la question de l'organisation et les formaliser dans un programme.

Pour théoriser de manière efficace, il est essentiel d'agir. Fédération Anarchiste Uruguayenne (FAU)

Depuis 2003, le débat sur l'organisation a eu lieu au sein de notre organisation. Nous avions produit des matériaux théoriques, approfondi notre façon de penser, appris des succès et des erreurs de notre pratique politique et il devenait de plus en plus nécessaire de faire avancer le débat et de le formaliser, afin de diffuser cette expérience à la fois à l’interne et à l’externe.

L'activité pratique de nos deux fronts – celui des occupations et des quartiers (communautés) - était absolument au cœur des réflexions théoriques que nous avons eu dans cette période. Il a même contribué à la création de notre troisième front au début de 2008 – le front agro-écologique, appelé « l'anarchisme et la nature ».

Il ya un an, nous avons décidé d'avoir un débat autour de l'organisation, de manière suffisement approfondie, dans le but d'en formaliser les conclusions dans un document qui serait validé lors du Congrès 2008. Pour cette raison, toujours en 2007, nous avons pris des mesures pour contribuer à la nécessaire maturité théorique qui serait indispensable au chemin que nous voulions prendre :

• Activation du secrétariat à l'éducation politique

• Réalisation de séminaires de formation interne

• Développement de brochures de formation pour les militants

Ces actions visaient à donner à chaque militant de notre organisation la structure, l’espace et le soutien nécessaire pour que ce débat puisse avoir lieu dans les meilleures conditions possibles. Nous avons fait un grand effort pour lire, écrire, débattre, revoir les matériaux déjà écrits, approfondir les discussions, apporter des clarifications, en somme, pour préparer de la manière la plus complète souhaitable ce débat.

Cependant, nous ne voulions pas seulement fournir un espace pour le débat. Nous voulions parvenir à des positions plus définitives, ou approfondir la ligne politique de l'organisation. Comme l'une des caractéristiques de notre modèle d'organisation est l'unité théorique et idéologique, nous avons voulu utiliser ce temps pour l'approfondissement de certaines questions théoriques et idéologiques, et, finalement, arriver à des positions concrètes, qui pourraient être définies et diffusées par l'organisation tout entière.

Dans ces cinq années, nous avions toujours pensé que dans le but de développer une ligne politique que nous avions nécessairement besoin de penser à l'influence mutuelle qui existe entre la théorie et la pratique, puisque nous les considérons comme inséparables. Lorsque les deux interagissent réciproquement, et d'une manière positive, ils améliorent les résultats de tout le travail de l'organisation. Avec une bonne théorie, on améliore la pratique, avec les bonnes pratiques on améliore la théorie. Il n'existe aucun moyen de concevoir l'organisation anarchiste comme reposant sur la seule théorie sans aucune pratique, ou même de développer une théorie et essayer d’adapter totalement la pratique à celle-ci.

Dès le début nous avons pensé qu'il serait fondamental de ne pas construire une organisation qui, loin de luttes, rédige des documents et puis aborde la pratique avec l'objectif de l'adapter à la théorie. De même, il ne nous est jamais apparu possible de concevoir l'organisation anarchiste avec une pratique seulement, mais sans théorie, ou encore en partant du principe que tout ce qui se passe en pratique fait office de théorie . Nous avons toujours recherché un équilibre qui, d'une part, n'a pas eu comme objectif de faire d'une réflexion approfondie le préalable à l'action et, d'autre part, cherché à faire en sorte que l'action soit en lien avec la théorie ce qui, dans notre perspective, renforce le résultat des efforts militants sans perte inutile d'énergie.

Dans ce débat, qui a eu lieu dans les deux dernières années et qui est formalisée dans le présent document, nous voulions développer une théorie adéquate qui n'était pas simplement une répétition d'autres théories développées dans d'autres lieux et à d'autres moments. Évidemment, toute notre théorie est imprégné, depuis le début à la fin, d'autres théories et d'autres auteurs qui ont vécu et agi dans d'autres contextes. Il serait impossible de concevoir une théorie anarchiste cohérente sans la contribution des anarchistes classiques, par exemple. Toutefois, nous avons tenu à avoir une longue réflexion sur ceux-ci - les théories et les pensées de ces auteurs - et à déterminer si elles avaient un sens dans notre contexte actuel. Nous cherchons à créer des concepts appropriés, visant à donner un caractère original à la théorie que nous avons voulu créer, et dans cette entreprise, nous pensons que nous avons eu beaucoup de succès ayant pu, à notre avis, construire et formaliser une théorie cohérente, articulant théories classiques et contemporaines, avec nos propres conceptions. Néanmoins, nous ne croyons pas qu'il s'agit d'une théorie définitive. De nombreux aspects pourraient être améliorés. Enfin ... la chose la plus importante est faire apparaître que nous pensons que nous faisons les premiers pas dans la direction que nous voulons prendre.

Enfin, nous voulions construire cette discussion et sa formalisation d'une manière collective. Il ne suffit pas pour nous qu’un camarade ou un autre écrive toute la théorie de l'organisation et que d'autres se contentent d’observer et de suivre leurs positions. C'était pour cette raison que nous avons cherché, tout au long de cette période, à étudier toutes les positions au sein l'organisation et non pas uniquement celle d'un militant ou d'un autre. Cela est aussi, à notre avis, une valeur ajoutée pour le texte. Il ne vient pas de la tête d’un intellectuel ou d’une autre qui pense la politique détachée de la réalité, mais au contraire est le résultat de cinq années de lutte et d'organisation de l'anarchisme en contact permanent avec les luttes de notre temps, la recherche d'une transformation sociale révolutionnaire vers le socialisme libertaire. En somme, il est le résultat de cinq années d'activité pratique.

Dans le but de contribuer un pas de plus, de formaliser théoriquement ce qui s'est accumulé dans notre courte histoire, nous avons tenu le premier Congrès - qui a eu lieu en conjonction avec la commémoration des cinq ans de la Farj - les 30 et 31 Août 2008. Les principales réflexions de celui-ci sont développées ci-après

Ethique, engagement, liberté !

L'anarchisme social, la lutte des classes et les relations Centre

...Parce que l'anarchisme est une idéologie qui refuse de créer de nouveaux systèmes centraux avec de nouvelles zones périphériques. Rudolf de Jong

L'anarchisme est, pour nous, une idéologie, c'est à dire un ensemble d'idées, de motivations, d'aspirations, de valeurs, une structure ou un système de concepts qui a un lien direct avec l'action - ce que nous appelons la pratique politique. L'idéologie exige la formulation des objectifs finaux (à long terme, les perspectives d'avenir), l'interprétation de la réalité dans laquelle nous vivons et un pronostic plus ou moins approximatif quant à la transformation de cette réalité. Sur la base de cette analyse, l'idéologie n'est pas un ensemble de valeurs abstraites et d'idées dissociées de la pratique, avec un caractère purement réflexif, mais plutôt un système de concepts qui existent et sont conçues de manière conjointe avec la pratique et qui la nourrissent à leur tour. Ainsi, l'idéologie exige une action volontaire et consciente avec l'objectif d'imprimer le désir de transformation sociale dans la société. Nous comprenons l'anarchisme comme une idéologie qui fournit une orientation pour l'action dans le but de remplacer le capitalisme, l'État et ses institutions par le socialisme libertaire - un système basé sur l'autogestion et le fédéralisme - sans aucune prétention scientifique ou prophétique. Comme les autres idéologies, l'anarchisme a une histoire et un contexte spécifique. Il n'émerge pas d'intellectuels ou penseurs détachés de la pratique, qui ne poursuivaient que la réflexion abstraite. L'anarchisme a une histoire qui s'est développée au sein des grandes luttes de classe du XIXe siècle, quand il a été théorisé par Proudhon et a pris forme au sein de l'Association internationale des travailleurs (AIT), avec le travail de Bakounine, Guillaume, Reclus et d'autres qui prônaient socialisme révolutionnaire dans l'opposition au socialisme réformiste, légaliste ou étatique. Cette tendance de l'AIT a été plus tard connu sous le nom « fédéraliste » ou « anti-autoritaire" et a trouvé sa continuité dans le militantisme de Kropotkine, Malatesta et d'autres. Ainsi, c'est au sein de l'AIT que l'anarchisme a pris forme, "dans la lutte directe des ouvriers contre le capitalisme, à partir des besoins des travailleurs, de leurs aspirations à la liberté et l'égalité qui ont vécu, en particulier, dans les masses de travailleurs pendant les temps les plus héroïques »[1]

Le travail de théorisation de l'anarchisme a été fait par les penseurs et les travailleurs qui ont été directement impliqués dans les luttes sociales et qui ont contribué à formaliser et diffuser le sentiment qui était latent dans ce qu'ils appelaient le « mouvement de masse". Ainsi Au fil des ans l'anarchisme s'est développé théoriquement et pratiquement. D'une part il a contribué d'une manière unique à des épisodes de la transformation sociale, maintenant son caractère idéologique comme, par exemple, dans la Révolution mexicaine, la révolution russe, la révolution espagnole ou même dans les épisodes brésiliens, comme la grève générale de 1917 et l'insurrection de 1918. D'autre part, dans certains contextes l'anarchisme a endossé certaines caractéristiques qui l'ont éloigné de son caractère idéologique, en le transformant en un concept abstrait qui est devenu tout au plus une forme d'observation critique de la société. Au fil des ans ce modèle de l'anarchisme s'est donné sa propre identité, se trouvant des références dans l'histoire et perdant dans le même temps son caractère de lutte pour la transformation sociale. Cela fut plus particulièrement évident dans la seconde moitié du XXe siècle. La pensée de l'anarchisme dans cette perspective cesse d'être un outil pour les exploité-e-s dans leur lutte pour l'émancipation et fonctionne comme un passe-temps, une curiosité, un thème pour le débat intellectuel, une niche universitaire, une identité, un groupe d'amis, etc Pour nous , ce point de vue menace gravement le sens même de l'anarchisme. Cette influence désastreuse sur l'anarchisme a été constatée et critiqué par divers anarchistes, depuis Malatesta, quand il polémiquait avec les individualistes qui étaient contre l'organisation, jusqu'à Luigi Fabbri, qui avait déjà développé sa critique des influences bourgeoises sur l'anarchisme au début du XXe siècle [3], et à Murray Bookchin qui, dans les milieu des années 1990, a constaté ce phénomène et tenté d'avertir : À moins que je me trompe fortement - et je l'espère - les objectifs sociaux et révolutionnaires de l'anarchisme se sont émoussés à un tel point que le mot anarchie deviendra partie intégrante du vocabulaire bourgeois élégant du siècle prochain - désobéissant, rebelle, insouciant, mais délicieusement inoffensif [4] Nous plaidons pour que l'anarchisme se réapproprie son caractère idéologique originel, ou comme nous l'avons déjà défini, un « système de concepts qui a un lien direct avec l'action, [...] et la pratique politique". Cherchant à retrouver ce caractère idéologique et à nous démarquer d'autres courants dans le camp large de l'anarchisme contemporain, nous préconisons l'anarchisme social et donc nous corroborons les critiques de Malatesta et Fabbri et affirmons la dichotomie identifiée par Bookchin ; affirmant qu'il existe aujourd'hui un anarchisme social retournant aux luttes avec l'objectif de transformation sociale, et un anarchisme « mode de vie » qui renonce à la proposition de transformation sociale et à l'implication dans les luttes sociales de notre temps. Pour nous l'anarchisme social est un type d'anarchisme qui, en tant qu'idéologie, cherche à être un outil des mouvements sociaux et de l'organisation populaire avec pour objectif le renversement du capitalisme et de l'État et d'édification du socialisme libertaire - autogéré et fédéraliste. À cette fin, il favorise le retour organisé des anarchistes à la lutte des classes, dans le but de retrouver ce que nous appelons le vecteur social de l'anarchisme. Nous croyons que c'est parmi les classes exploitées - les principales victimes du capitalisme - que l'anarchisme est en mesure de s'épanouir. Si, comme Neno Vasco l'a dit, nous devons jeter les graines de l'anarchisme sur le terrain le plus fertile, ce terrain est pour nous la lutte des classes qui a lieu dans les mobilisations populaires et dans les luttes sociales. Cherchant à opposer l'anarchisme social à l'anarchisme « mode de vie », Bookchin a affirmé que l'anarchisme social est radicalement en contradiction avec l'anarchisme qui se concentre sur le mode de vie, l'invocation néo-situationniste de l'extase et la souveraineté de plus en plus contradictoires de l'ego petit-bourgeois. Les deux divergent totalement dans leurs principes fondateurs - socialisme ou individualisme. [5] Commentant le titre de son livre « l'Anarchisme social » Frank Mintz, un autre militant et penseur contemporain a souligné : "ce titre devrait être inutile, car les deux termes sont implicitement liés. Il est également trompeur, car il suggère qu'il pourrait y avoir un non-anarchisme social, en dehors des luttes "[6] En ce sens, nous considérons que l'anarchisme social est nécessairement impliqué dans la lutte des classes. Dans notre vision de l'anarchisme social, comme « un outil fondamental pour le soutien des luttes quotidiennes » [7], nous avons aussi besoin de clarifier notre définition de la classe. Tout en considérant la lutte des classes comme centrale et tout à fait pertinente dans la société aujourd'hui nous considérons que les marxistes, en choisissant l'ouvrier d'usine comme sujet unique et historique de la révolution, méprise toutes les autres catégories des classes exploitées, bien qu'elles soient également des sujets potentiellement révolutionnaires. Les conceptions autoritaires de la classe laborieuse, qui se limite seulement à la catégorie des ouvriers de l'industrie, ne recouvrent pas la réalité des rapports de domination et d'exploitation qui ont pris place tout au long de l'histoire ni même les rapports de dominations qui se produisent dans cette société. Tout comme il ne recouvre pas l'identification des sujets révolutionnaires du passé et du présent. A partir de la nécessité de clarifier cette conception de la classe, nous incluons dans le camp des classes exploitées - qui peut et doit contribuer au processus de transformation sociale par des moyens de lutte de classe - les autres catégories qui ont en grande partie retenues l'attention des anarchistes à travers l'histoire. Cette définition de la conception de la classe ne change pas le fait que la lutte de classe est le terrain principal de l'action de l'anarchisme social, mais offre une façon différente de voir notre objectif : la transformation des relations centre-périphérie, ou plus précisément, la transformation de la rapports de domination des périphéries par les centres. Sur la base de la classification de Rudolf de Jong [8] et sur celle de notre propre histoire récente de la lutte, nous conceptualisons toutes les classes exploitées à partir des relations centre-périphérie. Ainsi, font parties de ce groupe :

a. les cultures et les sociétés complètement aliénées et distanciées du centre, pas du tout « intégrée», et « sauvage » aux yeux du centre. Par exemple, les Indiens d'Amazonie.

b. Les zones périphériques liées au centre et appartenant à ses structures socio-économiques et politiques qui tentent, dans le même temps, de maintenir leurs identités. Elles sont dominées par le centre, menacés dans leur existence par l'expansion économique de celui-ci. Selon les normes du centre, ils sont « en retard » et sous-développées. Par exemple, les communautés indigènes du Mexique et les pays andins. D'autres exemples de cette catégorie - peut-être nous devrions parler d'un sous-groupe b.1 – sont les petits agriculteurs, les travailleurs qualifiés et les paysans menacés dans leur existence sociale et économique par le progrès du centre et qui luttent encore pour leur indépendance.

c. Les classes économiques ou socio-économiques des systèmes qui faisaient partie du centre, mais qui ont été ramené à une position périphérique après les innovations technologiques et les développement socio-économiques dans le centre. Par exemple, le lumpen-prolétariat, les travailleurs informels et précaires et l'armée permanente des sans emploi.

d. Les classes sociales et les groupes qui prennent part au centre dans un sens économique, mais qui sont périphériques dans un sens social, culturel et / ou politique : les classes laborieuses, le prolétariat dans les sociétés industrielles émergentes, les femmes, les Noirs, les homosexuels. e. Les relations Centre-Périphérie de nature politique, que ce soit entre États ou en leur sein : les relations coloniales ou impérialistes, les relations entre les capitales et les provinces, etc. De telles relations dans le système capitaliste sont développés en parallèle avec les relations économiques mentionnés ci-dessus – ou groupe. e.1 : la domination néo-capitaliste, la colonisation interne et l'exploitation.

En acceptant cette classification, tout en étant conscient de ses limites, nous définissons la catégorie des classes exploitées comme les zones périphériques qui sont dominés par le centre. Il est important de souligner que nous ne considérons pas comme faisant partie de cet ensemble des classes exploité-e-s des individus qui sont, en théorie, dans les zones périphériques, mais qui dans la pratique établissent des relations de domination sur les autres, devenant ainsi de nouveaux centres. D'où la nécessité pour toutes les luttes des classes exploitées d'avoir une perspective révolutionnaire, afin qu'elles ne cherchent pas simplement à constituer de nouveaux centres à partir de parties des zones périphériques. Partant de cette définition, il existe deux façons de penser les transformations sociales : l'une, autoritaire, historiquement utilisée par les héritiers du marxisme (révolutionnaire ou réformiste) et une autre, libertaire, utilisée par les anarchistes. Les autoritaires, y compris certains qui se disent anarchistes, considèrent le centre comme un moyen, et orientent leur politique vers celui-ci. Pour eux, le centre - considérant que cela soit l'Etat, le parti, l'armée, la position de contrôle - est un instrument pour l'émancipation de la société, et « la révolution signifie en premier lieu la prise de contrôle du centre et de sa structure de pouvoir , ou la création d'un nouveau centre "[9] La conception même de la classe qu'ont les autoritaires est basée sur le centre, quand ils définissent le prolétariat industriel en tant que sujet historique – ce qui est décrit dans la lettre "d" de la définition précitée - et exclut et marginalise les autres catégories des classes exploitées qui sont dans la périphérie, comme, par exemple, la paysannerie. Les libertaires ne considèrent pas le centre comme un moyen, et luttent en permanence contre lui, construisant leur modèle révolutionnaire et leur stratégie de lutte en direction de toutes les périphéries – telles que décrites par les lettres allant de "a" à "e" dans le définition ci-dessus. C'est à dire, que dans son activité dans la lutte des classes l'anarchisme considère comme éléments des classes exploitées les communautés traditionnelles, les paysans, sans emplois, sous-employés, les sans-abri et d'autres catégories souvent négligés par les autoritaires. "Ainsi, la lutte est développée par quelqu'un qui (sent) vraiment les effets du système, et donc [a besoin] de l'abolir de toute urgence » [10] Les anarchistes stimulent les mouvements sociaux dans la périphérie à partir de la base et cherchent à construire une organisation populaire afin de lutter contre l'ordre existant- dans la solidarité - et de créer une nouvelle société qui serait fondée sur l'égalité et la liberté, et dans laquelle les classes ne feraient plus sens. Dans cette lutte les anarchistes utilisent les moyens qui contiennent, en eux-mêmes, les germes de la future société. La conception anarchiste des forces sociales derrière le changement social est beaucoup plus générale [...] que la formule marxiste. Contrairement au marxisme, il ne donne pas un rôle spécifique au prolétariat industriel. Dans les écrits anarchistes, nous trouvons toutes sortes de travailleurs pauvres, et tous les opprimés, tous ceux qui en quelque sorte appartiennent à des groupes ou des zones périphériques et sont donc des facteurs potentiels dans la lutte révolutionnaire pour le changement social [11] Avec cette conception des forces révolutionnaires, nous affirmons que "tout indique que c'est dans la périphérie, dans les marges, que la révolution conserve sa flamme allumée »[12] Par conséquent, notre conclusion est que l'anarchisme doit être en contact permanent avec les périphéries afin de développer son projet de transformation sociale.

L'anarchisme au Brésil : la perte et la tentative de récupération du vecteur social :

Nous sommes les combattants d'une grande guerre. Tous les combattants "s'entendent" entre eux pour se battre, ce qui suppose des "compromis", sans lesquels il ne peut pas y avoir d'unité d'action. Ceux qui « s'entendent » avec d'autres ne sont plus entièrement maîtres de leur volonté, ils sont tenus par quelques fils à un accord signé. Si les fils se brisent, l'accord est rompu, si « vous vous querellez, vous renoncez à la lutte commune», vous fuyez la lutte, vous vous éloignez de vos camarades. José Oiticica

L'anarchisme a émergé au Brésil au XIXe siècle comme un élément déstabilisateur pour l'ordre-, avec une certaine influence sur les révoltes de l'époque - comme ce fut le cas avec l'insurrection de Praieira en 1848- sur l'environnement artistique et culturel ainsi que sur les expériences des colonies agricoles expérimentales à la fin du siècle. La colonie Cecilia (1890-1894) étant la plus connue de ces expériences. Il est fait état de grèves, de journaux ouvriers et des premières tentatives d'organisation des centres de résistance des travailleurs au cours du même siècle. L'émergence de ce que nous appelons le « vecteur social de l'anarchisme » a commencé au début des années 1890, entrainé par une croissance de l'insertion sociale de l'anarchisme dans les syndicats, qui a culminé dans la deuxième décennie du XXe siècle. Nous appelons « vecteur social de l'anarchisme » ces mouvements populaires qui ont une influence anarchiste significative- surtout en ce qui concerne leurs aspects pratiques - quelles que soient les secteurs dans lesquels ils se produisent. Ces mobilisations, les fruits de la lutte des classes, ne sont pas anarchistes étant organisées autour des questions de revendications spécifiques. Par exemple, dans un syndicat, les travailleurs luttent pour de meilleurs salaires, dans un mouvement de sans-abri, ils luttent pour le logement ; dans un mouvement des chômeurs, ils luttent pour le travail, etc Toutefois, ce sont des espaces pour l'insertion sociale de l'anarchisme qui, par le biais de son influence, confère aux mouvements pratiques les plus combatifs et autonomes l'usage de l'action directe et de la démocratie directe, visant à la transformation sociale. Les mobilisations qui s'expriment dans le vecteur social de l'anarchisme ont lieu au sein des mouvements sociaux, que nous considérons comme des espaces privilégiés pour la pratique et l'accumulation sociale, et non comme une masse destinée à être dirigée. Au Brésil, le vecteur social de l'anarchisme a commencé à se développer à la fin du XIXe siècle avec la croissance du réseau urbain et de la population dans les villes, et ensuite avec la croissance industrielle qui, bien sûr, s'est accompagné de l'exploitation croissante des travailleurs, victimes de journées épuisantes, de conditions de travail malsaines et des bas salaires dans les usines qui ont également employé le travail des enfants. Avec pour objectif de défendre la classe ouvrière face à ces conditions d'exploitation pratiquement insupportable ont surgi plusieurs organisations syndicales, les émeutes, les grèves et les soulèvements - qui ont tous été de plus en plus fréquents. L'intensification de la lutte des classes au Brésil a été occasionnée par la grève des cochers de 1900, un certain nombre de grèves en 1903, qui ont culminé dans la grève générale lancé par les tisserands et les soulèvements qui ont abouti à la révolte de Vacina en 1904. En 1903, la Fédération des associations de classe (Federação das Associações de Classe) a été fondée dans l'Etat de Rio de Janeiro. Elle a adopté le modèle syndicaliste révolutionnaire de la CGT française et a ensuite été transférée à la capitale et a été renommée « Fédération Ouvrière régionale Brésilienne » (Federação Operária régional Brasileira - FORB) en 1906, quelque temps après une visite des membres de la Fédération Ouvrière Régionale Argentine (Federación Obrera Regional Argentina - FORA) et une campagne de solidarité avec les travailleurs russes. En 1904, nous pouvons dire que l'anarchisme pouvait se présenter comme un outil idéologique de la lutte et ce fut, sans aucun doute, le syndicalisme révolutionnaire qui fut responsable du premier vecteur social mis en oeuvre par les anarchistes dans les grands centres brésiliens" [13] . En 1905, à Sao Paulo, des cordonniers, des boulangers, des charpentiers et des chapeliers ont fondé la Fédération Ouvrière de Sao Paulo (Federação Operária de São Paulo-FOSP) et, en 1906, émergea la Fédération Ouvrière de Rio de Janeiro (Federação Operária do Rio de Janeiro - FORJ), ce qui a conduit en 1917 à la formation de l'Union générale des travailleurs (União Geral dos Trabalhadores - UGT) et a réunifié les « syndicats de résistance [c.-à-d militant, combatif]". En 1919, l'UGT est devenue la Fédération des travailleurs de Rio de Janeiro (Federação Trabalhadores dos do Rio de Janeiro - FTRJ) et, en 1923, la FORJ a été refondée. En Avril 1906, le Congrès Régional Brésilien du travail (Congresso Brasileiro Operário régional), connu plus tard sous le nom de premier Congrès du travail brésilien (Primeiro Congresso Brasileiro Operário), a eu lieu à Rio de Janeiro acceuillant les délégués de plusieurs états brésiliens, représentant diverses catégories. Le Congrès a approuvé son adhésion au syndicalisme révolutionnaire français, l'adoption de la neutralité du travail, du fédéralisme, de la décentralisation, l'anti-militarisme, l'anti-nationalisme, l'action directe et la grève générale. Les deuxième et troisième Congrès ont eu lieu, respectivement, en 1913 et en 1920. En 1908, la Confédération Ouvrière brésilienne (Confederação Operária Brasileira - COB) a été fondée. Le choix du syndicalisme révolutionnaire s'est produit à travers l'adoption du champ de la mobilisation économique et par la proposition intéressante du fédéralisme, ce qui a permis l'autonomie du syndicat dans la fédération et de celle-ci (la fédération) dans la confédération. Mais aussi du fait de l'influence internationale de l'adoption de ce modèle dans d'autres parties du monde. Les moyens de lutte que constituent la mobilisation autour de questions à court terme servent de « gymnastique révolutionnaire», qui préparent le prolétariat à la révolution sociale. Les anarchistes espèraient que dans l'action concrète, dans la solidarité, et dans l'observation empirique des contradictions entre capital et travail, mis en évidence dans les conflits, résideraient la grande leçon à tirer par les travailleurs. C'était la garantie, disaient-ils, de l'acquisition de principes idéologiques, et non par le prêche rhétorique ou les manuels théoriques, privés de l'expérience sensible, mais par la pratique de l'action révolutionnaire quotidienne par les masses. [14] Dans la première décennie du XXe siècle on a dénombré plus d'une centaine de mouvements de grève, qui ont agi, principalement, en ce qui concerne la question des salaires. Au cours des années de 1917 à 1920 plus de deux cents manifestations et grèves ont eu lieu rien qu'à Rio de Janeiro et Sao Paulo. Ce contexte global de mobilisation était largement influencé par les anarchistes, qui ont tenté de mener à bien leur propagande dans les syndicats ; sans circonscrire ces derniers dans l'idéologie anarchiste - les syndicats étant pour les travailleurs et non pour les travailleurs anarchistes -, mais en les utilisant pour la propagation de leurs idées. Tout cette attente placée dans la révolution sociale, qui devenait de plus en plus réelle depuis le milieu des années 1910, a abouti à trois mobilisations pertinentes. Tout d'abord, en 1917, ce qui est maintenant connu sous le nom de « grève générale de 1917 », lorsque les travailleurs de Sao Paulo, dans une large par organisé autour du Comité de Défense Prolétarienne, ont lutté contre la famine, réalisant des actes de sabotage et boycottant les produits des industries Crespi, Matarazzo et Gamba . Parmi les victoires du mouvement de grève on compte la journée de huit heures de travail et des augmentations de salaire gagnées par les secteurs du mouvement. En 1918, les mobilisations ont continué et, à Rio de Janeiro, et l'insurrection anarchiste a eu lieu. Avec des grèves qui ont lieu dans les usines cariocas (de Rio de Janeiro) et les usines Campo de São Cristóvão, occupées par les travailleurs, les insurgés voulaient la réquisition des bâtiments du gouvernement et la mise en place dans la ville du premier soviet de Rio de Janeiro. Enfin, en 1919, le syndicat des ouvrier du batiment civil (União dos Operários em Construção Civil - UOCC) ont connu la plus grande victoire, obtenant la journée de huit heures de travail pour l'ensemble du secteur. En outre, en dehors de Rio de Janeiro et Sao Paulo, des mobilisations importantes ont eu lieu dans d'autres Etats du Brésil : Rio Grande do Sul, Paraná, Santa Catarina, dans le Minas Gerais, Pernambuco, Alagoas, Paraíba, Bahia, Ceará, Pará et d'Amazonas. Il y avait même un grand mouvement culturel qui a travaillé conjointement avec les mobilisations syndicales et a été très important : les écoles rationalistes inspirés par les principes de (Francisco) Guardia Ferrer et les centres sociaux, les théâtres ouvriers et d'autres initiatives qui ont été fondamentales dans l'établissement d'une culture de classe, un objet d'union dans les moments de lutte. Il y avait aussi, à ce stade ascendant de la lutte, la formation de deux organisations politiques et idéologiques anarchistes qui ont cherché à travailler avec le mouvement syndical. La première d'entre elle était l'Alliance anarchiste de Rio de Janeiro (Aliança Anarquista de Rio de Janeiro), fondée en 1918 par la nécessité d'une organisation anarchiste pour travailler au sein des syndicats, et qui a joué un rôle important dans l'insurrection de 1918. Cependant, avec la répression qui a eu lieu l'Alliance a été dissoute, l'organisation reprenant au sein du premier Parti communiste, d'inspiration libertaire, fondée en 1919. L'Alliance anarchiste et le Parti communiste regroupaient des membres d'un secteur de l'anarchisme qui s'est appelé "organisationaliste » et qui a considéré comme nécessaire la distinction entre des plans d'action - le plan politique, idéologique anarchiste, et le plan social, celui des mobilisations syndicales. Ces militants considéraient comme nécessaire l'existence d'organisations spécifiques anarchistes agissant de concert avec les syndicats. Il est important de souligner que, à cette époque, les anarchistes se préoccupaient déjà de leur organisation spécifique. Nous pouvons dire que le vecteur social de l'anarchisme était sur une courbe ascendante jusqu'au début des années 1920, lorsque la crise de l'anarchisme, en parallèle à celle syndicalisme lui-même, a commencé à se développer. Culminant dans les années 1930 dans leur démobilisation et dans la perte de ce vecteur social. Pour nous, la perte du vecteur social de l'anarchisme est le résultat de deux contextes de crise : l'un lié à la situation et l'autre à l'anarchisme lui-même. Le contexte de crise de la situation a été marqué, d'une part, par la répression à la fois du syndicalisme et de l'anarchisme, que l'on peut constater à travers la troisième révision de la loi Adolfo Gordo de 1921, qui prévoyait la répression et l'expulsion des anarchistes, en plus de la déportation des militants dans la colonie pénitentiaire de Clevelândia, situé dans l'état actuel de l'Amapá, entre 1924 et 1926. Outre cela, il y avait aussi un reflux des luttes sociales à travers le monde et de la frustration à la suite des luttes qui ont survenu après la Révolution russe de 1917. Autre point important, c'était la fin de la Première Guerre mondiale et la reprise d'activité des usines européennes, qui ont repris l'exportation (y compris au Brésil), ce qui a réduit le nombre de travailleurs précaires dans les villes et la croissance du Parti communiste, fondé en 1922, qui a commencé à partir de 1924 à contester fortement les syndicats et à s'allier avec les réformistes, en proposant la participation électorale comme une forme d'expression politique. Enfin, l'intégration des syndicats par l'Etat qui les a légalisé en 1930 et 1931 sous le gouvernement Vargas, a culminé en 1932 lorsque les syndicats ont été obligés, par la loi, à obtenir l'approbation du gouvernement et à suivre les règles de fonctionnement déterminées par l'état. Le contexte de l'anarchisme a été marquée, surtout, par la confusion entre les différents plans d'activité. Pour beaucoup de militants le syndicalisme, qui était le vecteur social, le moyen d'action qui devrait conduire à une fin - la révolution sociale et la constitution du socialisme libertaire - a fini par devenir une fin en soi. Ce phénomène avait déjà été constaté dans l'anarchisme et a fait l'objet d'un débat acharné, déjà en 1907 au congrès d'Amsterdam, entre Malatesta et Monatte. Monatte, défenseur du « syndicalisme pur», a vu une grande similitude entre le syndicalisme et l'anarchisme et a fait valoir que « le syndicalisme se suffit à lui-même » [15]. Malatesta, avec une position diamétralement opposée, considérait le syndicalisme comme"un champ particulièrement favorable à la propagation de la propagande révolutionnaire et aussi comme un point de contact entre les anarchistes et les masses » [16]. Ainsi, Malatesta fait valoir la nécessité de deux plans d'activité : l'un, politiquement anarchiste, et l'autre, social, au sein du syndicat, qui serait les moyens d'insertion. Les positions des Malatesta et Monatte résument les positions des anarchistes brésiliens. D'un côté, une partie des anarchistes a défendu la nécessité d'une organisation spécifiquement anarchiste, qui devrait chercher l'insertion sociale dans les syndicats. De l'autre, les anarchistes qui avaient considéré le militantisme au sein des syndicats comme leur seule tâche, et donc "oublié de former des groupes spécifiques capables d'apporter un soutien à la pratique révolutionnaire » [17]. Notre position concernant les événements sociaux du début du XXe siècle est alignée sur celle de Malatesta, qui a été reprise au Brésil par José Oiticica qui, à l'époque, a considéré le manque d'organisations spécifiques anarchistes comme le problème. En 1923, il avait déjà averti du fait que les anarchistes s'étaient eux-mêmes consacré entièrement aux activités des syndicats et avaient renoncé à des activités idéologiques, confondant le yndicalisme, qui était le moyen d'insertion, avec la fin qu'ils voulaient atteindre. Pour lui, il était essentiel de créer "des fédérations anarchistes en dehors des syndicats » [18], tels que l'Alliance de 1918 et le Parti de 1919 qui, en dépit d'être des groupes ou des fédérations de ce type ont été, malheureusement, insuffisants pour la tâche qu'il était nécessaires de réaliser. Pour Oiticica, comme nous l'avons déjà partiellement mentionné, il était important à ce moment-là de diriger des forces vers la formation de groupes « fermés», avec un programme précis d'action et un engagement tacitement admis par les militants [19]. La « centralisation » des forces anarchistes dans la lutte contre la bourgeoisie, continuait-il, ne doit pas être confondue avec la « décentralisation » typique des organisations libertaires. Il a ensuite défendu deux mesures urgentes pour l'efficacité de l'action anarchiste : "La sélection des militants et la concentration des forces». Et il conclut : « Seul cela nous donnera l'unité d'action". [20] Nous croyons que l'absence d'organisations anarchistes qui pourraient apporter un soutien à la lutte des classes, exprimé à l'époque de la manière la plus notable par les syndicats, a également été largement responsable de la perte du vecteur social de l'anarchisme. Comme les organisations idéologiques n'ont pas été ancrées, le contexte de crise du syndicalisme s'est finalement étendu à l'anarchisme lui-même. Ainsi, une crise au plan social a également condamné le plan politique, car il n'y avait pas de réelle différence entre les deux. Pour nous, il est normal que le plan social, représenté à l'époque par le syndicalisme, connaisse des flux et reflux, des moments de développement et de recul, et l'organisation spécifique anarchiste sert précisément à accumuler les résultats des luttes et, parfois, à chercher d'autres espaces pour la pratique, d'autres espaces pour l'insertion. Le problème est que, sans les organisations anarchistes, lorsque le plan social - ou d'un secteur de celui-ci - entre en crise, les anarchistes ne sont pas en mesure de trouver un autre espace pour l'insertion sociale. Une fois que le vecteur social a été perdu, et sans organisations spécifiques capables de soutenir une lutte idéologique de longue durée, il n'était pas possible pour les anarchistes de trouver immédiatement un autre espace pour l'insertion. [...] Le prestige atteint par l'entrée dans les syndicats, probablement, les a conduit à croire que le potentiel des associations de classe était inépuisable, même supérieure à l'évolution des circonstances. [21] Ainsi, la crise dans le syndicalisme révolutionnaire a également touché le vecteur social des anarchistes, qui ont ensuite commencé à « s'organiser en groupes culturels et pour la préservation de la mémoire » [22].

La Farj prétend poursuivre le militantisme de Peres Idéal et le travail qui a pris naissance de son histoire de lutte. Idéal Peres était le fils de Juan Perez Bouzas (ou João Peres), un immigrant galicien, anarchiste et un cordonnier qui a joué un rôle important dans l'anarchisme brésilien de la fin des années 1910. Il était un militant actif de l'Alliance des Artisans des Chaussures (Aliança dos Artifices em Calçados) et de la Fédération Ouvrière de Sao Paulo (Federação Operária de São Paulo - FOSP), après avoir été actif dans de nombreuses grèves, piquets de grève et manifestations. Dans les années 1930, il a été actif dans la Ligue anticléricale (Liga anticléricale) et, en 1934, il a participé de manière décisive à la bataille de Sé - quand les anarchistes ont repoussé les Integralistas (fascistes), sous des rafales de mitraillette. Les anarchistes, l'année suivante, ont également participé à la formation de l'Alliance nationale libératrice ( Aliança Nacional libertador - ANL), une coordination qui a soutenu la lutte anti-fasciste, la lutte contre l'impérialisme et le féodalisme. Idéal Peres est né en 1925 et a commencé son militantisme dans ce contexte de crise, lorsque le vecteur social de l'anarchisme avait déjà été perdu. Cela s'est produit en 1946 quand il a participé à la jeunesse libertaire de Rio de Janeiro (Juventude Libertaria do Rio de Janeiro) ; aux périodiques Ação Direta (action directe) et Archote (Torche) ; àl'Union anarchiste de Rio de Janeiro (União dos Anarquistas do Rio de Janeiro), au congrès anarchiste (Congresso Anarquistas) qui a eu lieu au Brésil, et à l'Union de la Jeunesse Libertaire Brésilienne (União da Juventude Libertaria Brasileira). Peres Idéal eu une participation pertinente dans le Centre d'études « Professeur José Oiticica » (Centro de Estudos professor José Oiticica - CEPJO), le lieu d'une série de cours et de conférences qui ont utilisé l'anarchisme comme une "trame de fond" et qui a été fermé par le dictateur en 1969, quand Idéal a été emprisonné pendant un mois dans l'ancien ministère de l'ordre social et politique (Departamento de Ordem e Política Social - DOPS), d'abord dans la Base aérienne de Galeao et ensuite dans la caserne de la police militaire sur la route Barao de Mesquita, centre de torture de la dictature militaire. Dans les années 1970, après la prison, Idéal a organisée dans sa maison un groupe d'étude qui avait pour objectif d'intégrer les jeunes intéressés à l'anarchisme et, entre autres choses, de les mettre en contact avec d'anciens militants et d'établir des liens avec d'autres anarchistes au Brésil. Ce groupe d'étude constituerait le noyau du cercle d'étude libertaire (Círculo de Estudos Libertarios - CEL), conçu par Idéal et sa partenaire Esther Redes. Le CEL a fonctionné à Rio de Janeiro de 1985 à 1995, cotoyant (ou intégrant) la formation d'autres groupes comme le Groupe Anarchiste José Oiticica (Grupo Anarquista José Oiticica - Gajo), le Groupe d'action directe anarchiste (Grupo Anarquista Ação Direta - Gaad), le collectif anarchiste étudiant du 9 juillet(Coletivo Anarquista Estudantil 9 de Julho - CAE-9), le groupe Mutirão, en plus de publications telles que Libera... Amore Mio (fondée en 1991 et qui existe encore aujourd'hui ), le magazine L'Utopie (Utopia 1988-1992) et la revue Mutirão (1991). En outre, le CEL a organisé des événements, des campagnes et des dizaines (voire des centaines) de conférences et de débats. Avec la mort de Idéal Perèsl en Août 1995, le CEL a décidé de lui rendre hommage en modifiant son nom en Cercle d'Etude libertaire Idéal Peres (Círculo de Estudos Libertarios Idéal Peres - CELIP). Le CELIP a assuré la continuité des travaux du CEL, étant responsable du regroupement militant à Rio de Janeiro et poursuivant l'amélioration théorique de celui-ci. En outre, le CELIP a émergé avec la publication de Libera, à travers lequel il a développé des relations avec des groupes à travers le pays et à l'étranger. Il a présenté d'importantes réflexions libertaires sur les questions qui se trouvaient sur l'ordre du jour au Brésil et dans le monde à l'époque, et a servi pour la diffusion des textes et des nouvelles de divers groupes dans le pays. Les conférences et les débats ont continué d'attirer de nouveaux militants, et les relations que certains militants avaient avec la Fédération Anarchiste Uruguayenne (Federación Anarquista Uruguaya - FAU) ont fini par influencer de façon significative le modèle d'anarchisme qui a été mis au point au sein du CELIP. Il a été co-organisateur de la rencontre des étudiants libertaires de l'Etat de Rio de Janeiro (ENELIB) en 1999, a participé à la Réunion internationale de la culture libertaire à Florianopolis en 2000, et a contribué aux activités de l'Institut de la Culture et de l'Action libertaire à Sao Paulo (ICAL). Il a également pris part à la lutte des travailleurs de l'industrie du pétrole, rétablissant des liens entre les anarchistes et les syndicalistes de l'industrie pétrolière - des liens qui remontent à 1992/1993, quand ils ont occupé les bâtiments du QG de Petrobras (Edificio Sede Petrobrás da - EDISE) ainsi que lors de la première occupation d'un batiment « public » après la dictature militaire. En 2001, cette lutte des anarchistes et des travailleurs de l'industrie pétrolière a repris, culminant, en 2003, dans le campement tenu pendant plus de 10 jours par les anarchistes et les travailleurs de l'industrie pétrolière luttant pour l'amnistie des camarades victimes de licenciement politiques. En outre, le CELIP a organisé de nombreuses autres activités. En 2002, nous avons lancé un groupe d'étude afin d'évaluer la possibilité de la construction d'une organisation anarchiste à Rio de Janeiro, dont le résultat a été la fondation de la Farj le 30 Août 2003. Pour nous, il ya un lien direct entre le militantisme d'Idéal Perès, la construction du CEL, son fonctionnement, le changement de nom en CELIP et la fondation subséquente de la Farj. Quand nous parlons de la recherche du "vecteur social de l'anarchisme", nous devons nécessairement faire référence aux travaux entrepris par Idéal Peres qui, même dans les années 1980, a commencé à travailler avec les mouvements sociaux en vue de sortir l'anarchisme du domaine strictement culturel auquel il avait été cantonné depuis la crise des années 1930. Dans la première moitié des années 1980, Idéal et Esther [Redes] ont pris part à un mouvement social, en tant que fondateurs et membres de l'Association des Amis et résidents de Leme (Associação dos Amigos moradores e do Leme - AMALEME). Dans les années 1980 un certain nombre de fédérations de quartier, de favelas (bidonvilles) et d'associations communautaires est apparu à Rio de Janeiro, et Idéal a participé à l'AMALEME, en essayant de la convaincre d'utiliser l'auto-gestion des pratiques et de faire preuve de solidarité avec la communauté des pauvres de la Morro do Chapéu Mangueira. En 1984, Idéal a été élu vice-président de l'association et en 1985 président. Son attention envers les associations de quartier était né dans une autre association, l'ALMA (Association des résidents de Lauro Muller et ses environs), peut-être la première association à démontrer un élan combatif et l'auto-gestion, qui a fini par influencer d'autres associations [23]. La stimulation d'Idéal Peres et le développement même du militantisme à Rio de Janeiro a montré la nécessité concrète de la pratique sociale et de l'insertion des anarchistes, qui s'était approfondie après les contacts que nous avons eues avec la FAU dans le milieu des années 1990. A travers Libera et le contact avec d'autres groupes au Brésil, nous avons soutenu l'initiative de la construction anarchiste brésilienne (ACR) en 1996, la diffusion d'un document intitulé « La Lutte et l'Organisation," qui a cherché à apporter un soutien à la création de groupes organisationnels qui défendent l'idée de l'anarchisme « especifista"(spécifiste). Nous pouvons dire que tout l'anarchisme especifista (spécifiste) au Brésil a été influencée par l'ACR et la FAU elle-même, et il en est de même pour nous. Depuis lors, l'idée de l'insertion sociale et de la récupération du vecteur n'a cessé de grandir. L'histoire du Brésil et une observation plus stratégique de la propre raison d'être de l'anarchisme nous ont laissé de plus en plus convaincu que l'especifismo était la forme d'organisation anarchiste la plus adapté à nos fins. Pour nous, le chemin vers la récupération des vecteurs sociaux, passe nécessairement, à travers un anarchisme organisé spécifiquement qui différencie les plans d'activité et est présent dans la lutte des classes. Cependant, contrairement au début du XXe siècle, lorsque le terrain de prédilection de la lutte des classes étaient les syndicats, nous considérons maintenant que le syndicalisme peut être un moyen d'insertion, mais qu'il y en a d'autres beaucoup plus important. Comme défini précédemment il existe aujourd'hui une très large classe exploitée qui permet le travail social et l'insertion des anarchistes : les chômeurs, les paysans, les paysans sans terre, etc sans-abri . Pour nous, être bien organisé au plan politique (idéologique) nous permettra de trouver le meilleur chemin pour récupérer ce vecteur social de l'anarchisme, où qu'il puisse être. Toute notre réflexion actuelle vise à penser à un modèle stratégique d'organisation qui permette une récupération du vecteur social, en cela cela souligne notre objectif de vaincre le capitalisme, l'Etat et de mettre en place le socialisme libertaire. Ce que nous cherchons, dans ce contexte, n'est qu'une étape dans la lutte : comme nous l'avons souligné lors de notre fondation : ". Ici, nous créons la Farj, sans en attendre autre chose qu'une étape du combat, de peur que les rêves justes et profondément beau meurent » [24]

La société de domination et d'exploitation : le capitalisme et l'Etat

La société de domination et d'exploitation : Le capitalisme et l'Etat La richesse des uns se fait avec la misère des autres. Piotr Kropotkine Pour ceux qui sont au pouvoir, l'ennemi c'est le peuple. Pierre-Joseph Proudhon

Le capitalisme comme système s'est développé depuis la fin du Moyen Age et a été mis en place au XVIIIe et au XIXe siècles en Europe occidentale. Il s'est constitué comme un système économique, politique et social, en se fondant sur les relations entre deux classes antagonistes. D'une part, celle que l'on appelle la « bourgeoisie » et que nous qualifieront dans ce texte de « capitalistes», les détenteurs de la propriété privée des moyens de production, qui emploient les travailleurs par le biais du travail salarié. D'autre part, ce qui est appelé le « prolétariat», et que nous nommerons dans ce texte « travailleurs » qui, ne possédant rien de plus que leur force de travail, doivent la vendre en échange d'un salaire. Comme nous l'avons souligné précédemment, le travailleur salarié - objet classique d’analyse dans les thèses socialistes du XIXe siècle - pour nous, constitue aujourd'hui seulement l’une des catégories des classes exploitées. L'objectif des capitalistes est la production de biens en vue de réaliser des profits. "L'entreprise [capitaliste] n’est pas préoccupée par les besoins de la société ; son seul but est d'augmenter les profits du propriétaire de l'entreprise " [27] Par le biais du travail salarié, les capitalistes paient les travailleurs aussi peu que possible et s’approprient à leur détriment tout le surplus de leur travail, qui est appelé « plus-value ». Cela se produit parce que, dans le but d'accroître leurs profits, les capitalistes doivent avoir les coûts les plus bas, ou dépenser aussi peu que possible. Vendant leurs marchandises au prix les plus élevés que le marché peut payer, il leur reste la différence entre ce qu'ils dépensent et ce qu'ils gagnent - le profit. Pour contenir les coûts, et donc augmenter les profits, les capitalistes ont divers recours ; parmi ceux-ci accroître la productivité et de diminuer les coûts de production. Il y a plusieurs façons pour réaliser cela, comme imposer un taux plus élevé de travail aux travailleur-euse-s et réduire les salaires qui leur sont versés. Cette relation entre les capitalistes et les travailleur-euse-s génère des inégalités sociales, l'un des grands maux de la société dans laquelle nous vivons. Cela a déjà été démontré par Proudhon, quand il a enquêté sur le sujet au dix-neuvième siècle : J'ai affirmé alors que toutes les causes de l'inégalité sociale peuvent réduites à trois : 1) la libre appropriation de la force collective, 2) l'inégalité dans le commerce ; 3) le droit au profit ou à la fortune. Et, comme cette triple façon d'usurper les biens d'autrui est, en substance, la domination de la propriété, j'ai nié la légitimité de la propriété et ait proclamé qu’elle équivalait au vol [28]. Pour nous la propriété privée, comme Proudhon l’a noté, c'est le vol, puisque, dans le cadre du salariat, il donne au capitaliste le surplus généré par le travail des travailleurs. Cette propriété, « après avoir dépouillé le travailleur par l'usure, le tue lentement par épuisement » [29]. En plus d'être un système qui crée et maintient les inégalités sociales, le capitalisme est basé sur la domination et l'exploitation en résultant. La domination existe quand une personne ou un groupe de personnes utilisent "la force sociale des autres (les dominés), et par conséquent leur temps, afin d'atteindre leurs objectifs (du dominant) - qui ne sont pas les objectifs de l'agent assujetti » [ 30]. Le système capitaliste est caractérisé par l'utilisation de la force de travail du travailleur pour l'enrichissement des capitalistes, et est donc un système dominateur et exploiteur car il "signifie la capacité et le droit de vivre de l'exploitation du travail aliéné, le droit d’exploiter le travail de ceux qui n'ont pas de propriété ou de fortune et sont donc obligés de vendre leur force productive aux heureux propriétaires des deux »[31]. Cette relation entre le capital et le travail qui se joue sur le marché n'est pas la même pour les deux parties puisque les capitalistes vont sur le marché afin d’obtenir un profit, alors que les travailleurs sont forcé de le faire parce qu’ils ont besoin de travailler, faute de quoi ils courent le risque de se retrouver dans le besoin et de ne pas accéder aux conditions de vie minimales. Il s'agit d'une "rencontre entre une initiative à but lucratif et une autre ayant pour origine la faim, entre le maître et l'esclave" [32]. En outre, le chômage a pour conséquence que, lorsque les capitalistes se rendent au marché ils rencontrent les travailleurs en abondance, comme il ya une plus grande offre de travailleurs qu’il n’y a de demande : [...] Les quartiers pauvres de la ville et les villages sont pleins de misérables, dont les enfants pleurent devant les assiettes vides. Ainsi, l'usine n'est même pas encore terminée que les travailleurs sont déjà en train de demander du travail. Une centaine sont nécessaires et un millier se présente [33].

Ainsi, cela permet aux capitalistes d’imposer leurs conditions de travail. Pour les travailleurs, cela les oblige à les accepter, car « ils sont amenés par peur de se retrouver remplacées par d'autres, à se vendre au prix le plus bas. [...] Une fois qu'il se retrouve dans un état de pauvreté, le travailleur est forcé de vendre sa force de travail pour presque rien, et en vendant ce produit pour presque rien, il s'enfonce dans une misère toujours plus grande. "[34] Etant un système complexe, le capitalisme combine plusieurs formes de production et de classes sociales. Les paysans, en dépit de leur appartenance à un processus de production qui est pré-capitaliste, restent soumis aux exigences de compétitivité du marché capitaliste, c’est à dire le besoin d’éléments fondamentaux pour la production vendus sur le marché capitaliste. En situation de concurrence, en raison de difficultés productives et technologiques, ils sont dans une situation désavantageuse par rapport aux grandes sociétés agro-industrielles. Il y a aussi ces paysans qui vendent leur force de travail, que nous pouvons considérer comme les travailleurs ruraux d'un système capitaliste traditionnel. Les paysans, comme nous l'avons déjà vu, font également partie du groupe des classes exploitées. On dit même que le capitalisme ne doit pas être divisé en deux grandes classes - celle des capitalistes et celle des travailleurs - mais, en fait, trois ; qu'il y ait une troisième classe, appelée la "classe dirigeante", responsable du contrôle des aspects décisifs du capitalisme et personnalisant un autre aspect important du capitalisme, qui est celui de la division hiérarchique du travail. Tout au long de l'histoire du capitalisme cette classe a été de plus en plus partie intégrante de la classe capitaliste, en particulier du point de vue des intérêts défendus dans le processus de lutte des classes. Aujourd'hui, la figure de la bourgeoise traditionnelle, le propriétaire, est de moins en moins commune, le contrôle des sociétés étant effectuées par les gestionnaires et les propriétaires étant de plus en plus des groupes multinationaux, voire des actionnaires anonymes. En fait, dans la grande majorité, la classe des gestionnaires fait partie du groupe capitaliste, ou ce qu'on pourrait appeler la classe dirigeante. Il ya aussi d'autres acteurs dans le marché capitaliste, comme les travailleurs des secteurs du commerce et des services, qui distribuent des marchandises en provenance des entreprises capitalistes ou effectuent des travaux pour eux. Les deux secteurs suivent la logique du capitalisme, à un degré plus ou moins grand, et agissent aussi dans le contexte concurenciel du marché, très souvent en utilisant le travail salarié, soutenant les propriétaires qui jouissent des fruits de cette relation injuste entre capital et travail et qui ont l'intention de générer des profits. Comme système reproduisant l’injustice, le capitalisme sépare le travail manuel et intellectuel. Cette séparation est le résultat de l'héritage et aussi de l'éducation, car il y a une éducation différente pour les riches et pour les pauvres. Ainsi, [...] Aussi longtemps que vous avez deux ou plusieurs niveaux d'enseignement pour les différentes couches de la société, vous aurez forcément des classes, c’est à-dire, des privilèges politiques et économiques pour un petit nombre de fortunés, et de l'esclavage et la misère pour la la majorité [35]. Tout au long de son histoire le capitalisme a évolué, devenant impliqué dans les structures politiques des pays européens à le fin du XIXe siècle, ce qui conduit à l'impérialisme et l’a fait atteindre sa phase actuelle d'expansion, qui peut être appelé la mondialisation économique. Selon l'analyse du sous-commandant Marcos, de l'Armée zapatiste : "Ce n'est déjà plus une puissance impérialiste dans le sens classique du terme, une qui domine le reste du monde, mais une nouvelle puissance extra-nationale». [36] En termes généraux, la mondialisation économique est caractérisée par une intégration, à l'échelle mondiale, des processus de production, de distribution et d'échange. La production est réalisée dans plusieurs pays, les marchandises sont importées et exportées en quantités énormes et sur de longues distances. Stimulé depuis les années 1970 et 1980, la « mondialisation » s'est répandue partout dans le monde, "en se fondant, du point de vue idéologique, philosophique et théorique sur la doctrine du néo-libéralisme » [37], qui prône le libre marché et l'État minimal. L'idée de base est que le capital fournit aux espaces les meilleures conditions pour sa reproduction. Comme la production passe nécessairement par la force de travail des travailleurs, il ya une migration des sphères productives des entreprises capitalistes vers les pays dont "le coût de production" est plus faible, à savoir les pays avec une faible législation du travail et une faible législation environnementale, une organisation syndicale faible, des niveaux élevés de chômage etc En somme, les entreprises cherchent les pays ou régions où l'exploitation peut avoir lieu sans intervention de l'Etat, leur permettant de payer ce qu'elles veulent, de telle sorte qu'elles ne sont pas obligés de fournir des prestations aux travailleurs, qu'ils (les travailleurs) peuvent être licenciées à chaque fois qu'ils ( les capitalistes) le souhaite et qu'il y ait toujours plus de travailleurs désireux de combler les postes vacants, ce qui permet la diminution croissante des coûts de production ; le travail précaire est recherché et encouragé. Ce système, s'il laisse d'un côté des personnes au chômage dans les zones aux conditions optimales, permet de l'autre un chantage qui entraine l’acceptation de la précarité et menace l'organisation des travailleurs qui est de plus en plus contrôlée et poussé vers la périphérie, tel que le décrit Chomsky : Les concepts d '« efficacité » et d’« économie saine», chers aux riches et aux privilégiés, n'ont rien à offrir aux secteurs croissants de la population qui ne sont pas rentables et qui sont poussés vers la pauvreté et le désespoir. Si ils ne peuvent pas être confinés dans les bidonvilles, ils devront être contrôlés d'une autre manière [38]. Le néolibéralisme - qui stimule la libre circulation des capitaux, mais pas la libre circulation des personnes, ni la comparaison des conditions de travail - remet en question tout le caractère "social" qui a été impose aux états pendant les grandes mobilisations qui ont marqué le monde au XIXe siècle et au XXe siècle. Le capitalisme a recherché de nouveaux espaces se développant tant à l'interne qu’à l'externe, créant de nouvelles entreprises capitalistes à travers la privatisation et la promotion de faux besoins par des moyens tels que la publicité, qui ne correspondent pas aux exigences réelles de la société. « Les Doctrines néolibérales, indépendamment de ce que vous pensez d'elles, affaiblissent l'éducation et la santé, et accroîssent les inégalités sociales et réduisent la part du travail dans la répartition des revenus." [39] Le capitalisme contemporain est également responsable de la crise écologique majeure qui dévaste le monde d'aujourd'hui. Motivées par la logique du profit, les entreprises privées sont responsables du transfert de toute la hiérarchie de classe à la relation entre les personnes et l'environnement. La pollution, la déforestation, le réchauffement climatique, la destruction des espèces rares et les déséquilibres dans les chaînes alimentaires sont quelques-unes des conséquences de cette relation. Les hiérarchies, les classes, les systèmes de propriété et les institutions politiques qui ont émergé avec la domination sociale ont été transférés, conceptuellement, à la relation entre l'humanité et la nature. Elle a également été de plus en plus considérée comme une simple ressource, un objet, une matière première à être exploitée de façon aussi impitoyable que des esclaves dans une plantation [40]. Le Brésil, bien intégré dans cette logique mondialisée en raison des politiques adoptées par les gouvernements précédents, partage les conséquences globales de cette nouvelle phase du capitalisme.

Nous considérons l'Etat comme l'ensemble des pouvoirs politiques d'une nation, qui prend forme par le biais des « institutions politiques, législatives, judiciaires, militaires et financières, etc" [41], et, de cette manière, l'Etat est plus large que le gouvernement . L'Etat, depuis sa création dans l'antiquité, en passant par l'Egypte des pharaons et de l'Etat militairo-esclavagiste de Rome, a toujours été un instrument pour perpétuer les inégalités et un élément liberticide, quel que soit le mode de production existant. Cette institution de domination, au cours de l'histoire, a connu des périodes de plus ou moins grande puissance, en fonction des temps et des lieux. L'état tel que nous l'observons aujourd'hui (l'Etat moderne) a ses origines au XVIe siècle. Au Moyen Age, dans le but de détruire la civilisation des villes, les barbares modernes ont fini transformer en esclaves tous ceux qui s’organisaient précédemment sur la base de la libre initiative et du libre accord. L'ensemble de la société a été nivelée et basée sur la soumission au propriétaire, affirmant que l'Église et l'État devaient être les seuls liens entre les individus, que seuls ces institutions avaient le droit de défendre des intérêts commerciaux, industriels et artistiques, etc L'Etat a été constitué, par des moyens de domination, pour parler au nom de la société, dès lors qu’il était considéré comme étant la société elle-même. L'Etat a été caractérisé par un « double jeu » qui consiste à promettre aux riches de les protéger contre les pauvres, tout en promettant aux pauvres de les protéger contre les riches. Peu à peu, les villes, victimes de l'autorité, qui mouraient petit à petit, ont été données à l'Etat, qui a aussi développé son rôle de conquérant, en venant à mener des guerres contre d'autres Etats, cherchant à se développer et conquérir de nouveaux territoires. L'effet de l'Etat sur les villes et les régions urbaines a été désastreux. Le rôle de l'Etat dans les zones urbaines dans la période des XVIe et XVIIe siècles a été ; d'anéantir l'indépendance des villes, de voler les riches corporations [42] des commerçants, des artisans, de centraliser le commerce extérieur dans leurs mains et de le ruiner, de saisir toute l'administration interne de la guilde et de soumettre le commerce intérieur, ainsi que la fabrication de toutes choses, même dans leurs détails les plus minutieux, à une nuée de fonctionnaires, tuant, de cette manière, l'industrie et les arts ; de prendre possession des milices locales et de toute l'administration municipale ; le concassage, par le biais des impôts, des faibles au profit des riches, et la ruine des pays avec les guerres. [43] Après la Révolution industrielle est survenue ce qu'on appelle la « question sociale», ce qui a obligé les États à élaborer des plans d'aide afin de minimiser les impacts du capital sur le travail. A la fin du XIXe siècle a surgi, comme une alternative au libéralisme, une conception plus interventionniste de l'État qui, si elle a d'une part cherché à créer des politiques de « protection sociale», a d’autre part mis en œuvre des méthodes visant à contenir la progression des initiatives socialistes, déjà très forte à l'époque. Aujourd'hui, l'Etat a deux objectifs fondamentaux : le premier d'entre eux, assurer les conditions pour la production et la reproduction du capitalisme, et le second, assurer sa légitimité et son contrôle. Pour cette raison, aujourd'hui l'Etat est un pilier solide du capitalisme. L'Etat extrapole le cadre politique et fonctionne comme un agent économique du capitalisme, travaillant pour prévenir ou minimiser le rôle de ses crises ou la chute de son taux de profit. Cela peut se produire de plusieurs façons : par l'octroi de prêts à des secteurs centraux de l'économie, incitant au développement de secteurs de l'économie, par l’annulation de dettes, la réorganisation du système d'import / export, en subventionnant des produits, par la génération de revenus par la vente de produits d’entreprises publiques, etc Les plans d’assistance sociale ont également un rôle important car ils augmentent le pouvoir d'achat de secteurs de la population, stimulant et alimentant l'économie capitaliste. En outre, l'État crée des lois visant à garantir l'accumulation à long terme des capitalistes et veiller à ce que la soif de profit des capitalistes ne mette pas le système lui-même à risque. Dans le cadre du processus historique, il a été constaté qu'il n'y a aucun moyen de maintenir un système fondé uniquement sur la répression. L'Etat, qui s’est lui-même maintenu de cette façon pendant tant d'années, a été progressivement modifié, afin de garantir la légitimité du capitalisme. Un Etat qui défend clairement la position des capitalistes pourrait intensifier la lutte de classe et il n'y a donc rien de mieux, du point de vue des capitalistes, que de lui donner un aspect de la neutralité. Lui donner l'apparence d'un organisme indépendant - ou même autonome- par rapport à la classe dirigeante ou au capitalisme lui-même -. Visant toujours à calmer la lutte des classes par des mesures étatiques développées en faveur des classes exploitées, dès lors qu’avec de meilleures conditions de vie il y a moins de chance de radicalisme. D'autre part, les mouvements de travailleurs organisés ont réussi à imposer des mesures à l'état qui leur apporte des avantages, même au détriment des capitalistes. Comme avec la démocratie représentative, des mesures qui améliorent les conditions pour les travailleurs servent toujours, pour l'Etat, d’outil idéologique pour faire passer cette idée de neutralité, d'indépendance et d'autonomie. Cependant, on devrait plutôt en tirer comme leçon le fait que, comme l'État a l'obligation de garantir sa légitimité, cela ouvre souvent de l'espace pour les travailleurs organisés afin d’imposer des mesures en leur faveur. Il est donc nécessaire [...] d’arracher aux gouvernements et aux capitalistes toutes les améliorations de l'ordre politique et économique de telle sorte que cela rende les conditions de lutte moins difficile pour nous et que cela augmente le nombre de ceux qui luttent consciemment. Il est donc nécessaire, de les arracher par des moyens qui préparent la voie à l'avenir et n'impliquent pas la reconnaissance de l'ordre actuel [44]. Néanmoins, il convient de garder à l'esprit que l'Etat, comme pilier solide du capitalisme, cherche à le maintenir et que, si le capitalisme est un système d'exploitation et de domination, l'État ne peut rien faire d'autre, que de maintenir les relations de classe qui existent en son sein . De cette façon, l'État défend les capitalistes au détriment du travailleur, qui ne possédant que "son bras comme une richesse, n'a rien à attendre de l'Etat ; ne rencontrant en lui qu’une organisation conçue pour faire obstacle à leur émancipation à tout prix" [ 45]. Toute tentative visant à changer le système faites par les classes exploitées est durement réprimée par l'État. Quand l'idéologie ne fonctionne pas, la répression et le contrôle suivent. Comme il dispose d'un monopole sur l'utilisation de la violence dans la société, il l’utilise toujours pour faire respecter les lois, et comme les lois ont été faites afin que les privilèges de la société capitaliste puissent être maintenus, la répression et le contrôle de l'Etat visent toujours à maintenir « l'ordre ». C'est à dire, à maintenir les privilèges du capitalisme et préserver la domination de la classe dirigeante. Au moindre signe des classes exploitées qui réprésente une menace, l'état réprime brutalement, visant toujours à la préservation du système, dont la violence est l'un des piliers centraux. Contrairement à ce que les socialistes autoritaires ont cru (et croient encore), l'Etat n'est pas un organisme neutre qui peut travailler soit au service des capitalistes soit au service des travailleurs. Si les anarchistes ont tant écrit sur l'état c’est, à juste titre, parce que la critique du capitalisme faisait consensus entre les libertaires et autoritaires - la divergence se situait autour de l'état. Les régimes autoritaires soutenaient la conquête de l'Etat et la dictature du prolétariat comme représentant une étape intermédiaire - qui a été appelé à tort le socialisme - entre le capitalisme et le communisme. Ce « socialisme » est une forme de gouvernement de la majorité par la minorité », ayant pour effet de consolider, directement et inévitablement, les privilèges politiques et économiques de la minorité au pouvoir et l'esclavage économique et politique des masses populaires » [46] . Nous estimons que [...] Aucun État, quel que soit le degré de démocratie que leurs formes puissent avoir, même pas la république politique la plus rouge, populaire seulement au sens du mensonge connu sous la dénomination de « représentation du peuple », n’est capable de donner au peuple ce dont il a besoin c'est-à-dire , la libre organisation de ses propres intérêts, de bas en haut, sans aucune interférence, tutelle ou coercition par le haut, parce que tout État, même le plus républicain et démocratique, même pseudo-populaire [...] n'est rien d’autre, dans son essence, que le gouvernement des masses de haut en bas par une minorité intellectuelle, et donc privilégiée déclarant qu'elle comprend les véritables intérêts du peuple, plus que les gens eux-mêmes [47]. La position des libertaires, que nous tenons aujourd'hui, c'est que pour la construction du socialisme, l'Etat doit être détruit, avec le capitalisme, par le biais de la révolution sociale. Ceci parce que « qui dit État dit nécessairement domination et, par conséquent, esclavage ; un état sans l'esclavage, déclaré ou dissimulé, est inconcevable, c'est pourquoi nous sommes des ennemis de l'État » [48]. L'état pense qu'il comprend les besoins des gens mieux que les gens eux-mêmes et défend une forme hiérarchique de gestion de la société, constituant les moyens par lesquels la classe qui le compose exerce une domination sur les autres, ceux qui ne font pas partie de l'état. Tout Etat crée des relations de domination, d'exploitation, la violence, les guerres, les massacres et la torture sous le prétexte de protéger le « citoyen», de même qu’il subjugue les provinces et les villes qui composent l'Etat qui, en tant que groupes naturels, devraient jouir d'une autonomie pleine et entière. [Celles-ci] seront au contraire, régies et administrées non pas par elles-mêmes, comme il sied à des provinces et des villes associées, mais par l'autorité centrale et comm des populations conquises[49]. De la même manière que le socialisme dictatorial, la démocratie représentative fait valoir qu'il est possible d'obtenir le changement à travers l'état. En déléguant notre droit à faire de la politique [50] à une classe de politiciens qui entrent dans l'état dans le but de nous représenter, nous donnons un mandat, sans aucun contrôle, à quelqu'un qui prend des décisions pour nous : il ya une division inévitable entre la classe que fait de la politique et les classes qui suivent. Au départ, nous pouvons déjà affirmer que la démocratie représentative aliène politiquement, car elle sépare les gens de ceux qui font la politique au nom du peuple : les conseillers, députés, sénateurs, maires, gouverneurs, etc Plus les politiciens sont responsables de la politique, moins les gens s'engagent dans la politique et plus ils restent aliénés et éloignés de la prise de décisions. Ceci, évidemment, condamne les gens à une position de spectateur et non celle de « maître de soi-même", directement responsable de la résolution de leurs propres problèmes. "L'émancipation du prolétariat [...]" étant donc « impossible au sein de quelque État qui puisse exister, la première condition de cette émancipation est la destruction de tous les États » [51]. « Les politiciens » représentent la hiérarchie et la séparation entre dirigeants et dirigés, au sein et en dehors de leurs propres partis. Pour être élu partis politiques doivent obtenir un nombre suffisant de suffrages, et doivent pour cela élire un nombre important de candidats. Les politiciens sont ensuite traités comme une marchandise pouvant être vendue sur le "marché électoral" ; afin de se développer, les partis sont prêt à tout - détourner l'argent, abandonner les programmes, faire des alliances avec quiconque, etc... Les « Politiciens » ne font pas de politique sur la base de la volonté populaire, mais prennent des décisions qui favorisent le parti et ses propres intérêts, ce qui accroît toujours plus leur goût du pouvoir. Après tout, les politiciens et les partis veulent conserver leurs positions et leurs pouvoirs, ce qui devient une fin en soi. Les discussions sur les questions importantes pour la société, qui est déjà limitée – dès lors que le Parlement et l'état lui-même sont les piliers du capitalisme et, par conséquent, ne permettent pas que ses bases soient remises en cause - ne sont même pas effleurées, ne sont jamais une priorité ; la démocratie représentative étant conservatrice, limitant même les petits progrès pourraient se produire. Pour cette raison, nous ne devons pas déléguer la politique à des gens sans aucune conviction, qui retournent leur veste entre les libéraux et les conservateurs et sont autorisés à influencer par des promesses, des positions, la flatterie ou la peur - ce petit groupe de nullités qui, en donnant ou en refusant leurs voix, décident de toutes les questions du pays. Ce sont eux qui font ou défont les lois. Ce sont eux qui soutiennent ou suppriment les ministères et de changent les orientations politiques [52]. Cette critique de l'Etat n'est pas lié à une forme ou une autre d'Etat, mais à toutes ses formes. Par conséquent, tout projet de transformation sociale qui pointe vers la révolution sociale et le socialisme libertaire doit avoir la fin du capitalisme ainsi que de l'état comme un objectif. Bien que nous estimons que l'Etat est l'un des piliers les plus solides du capitalisme, nous ne croyons pas que, avec la fin du capitalisme, l'État cesserait nécessairement d'exister (dépérirait). Aujourd'hui, nous savons que nous ne devrions pas nous méprendre ni sur le contexte du dix-neuvième siècle, qui a montré une divergence sur la question de l'état entre les socialistes - et c’est pour cela que l'accent a été mis sur les écrits traitant du sujet - ni avec le contexte de l'Europe de cette époque. Nous savons que les conditions au Brésil sont spécifiques et, si nous pouvons appliquer ces critiques à l'état d'aujourd'hui, nous devons savoir que notre réalité est particulière et que l’orientation de l'économie mondiale a eu une influence profonde sur la forme de l'Etat dans lequel nous vivons. Enfin, une chose est sûre : le capitalisme et l'État sont, encore aujourd'hui, les fondements de notre société de domination et d'exploitation, constituant "pour tous les pays du monde civilisé, un seul problème universel » [53]. Par conséquent, notre idéal est encore « l'émancipation totale et définitive [...] de l'exploitation économique et du joug de l'État » [54].

Les objectifs finaux : la révolution sociale et socialisme libertaire

Les objectifs finaux : la révolution sociale et socialisme libertaire Nous portons un monde nouveau dans nos cœurs. Buenaventura Durruti

Le projet politique et social de l'anarchisme est une société libre et anti-autoritaire qui préserve la liberté, l'égalité et la solidarité entre tous ses membres. Nestor Makhno

Mais la révolution universelle, c'est la révolution sociale, c'est la révolution simultanée du peuple des champs et des villes. C'est ce qu'il est nécessaire d'organiser - parce que sans organisation préparatoire, les éléments les plus forts sont nuls et impuissants . Mikhaïl Bakounine

Ayant établi un diagnostic succinct de la société actuelle de domination et d'exploitation, nous affirmons deux objectifs que nous considérons comme finaux : la révolution sociale [55] et le socialisme libertaire. L'objectif de la révolution sociale est de détruire la société d'exploitation et de domination. Le socialisme libertaire, c'est ce qui donne un sens constructif à la révolution sociale. Ensemble, la destruction - en tant que concept de négation - et la construction - en tant que concept de proposition - constituent la transformation sociale possible et efficace que nous proposons. "Il n'y a pas de révolution sans destruction profonde et passionnée, destruction salutaire et fructueuse, parce qu'à partir de là, et seulement par elle, sont créés et nés des mondes nouveaux." [56] Cependant, la destruction ne suffit pas, car « nul ne peut souhaiter détruire sans avoir au moins une vague idée, vraie ou fausse, de l'ordre des choses qui devrait, à son avis, remplacer ce qui existe actuellement »[57]. La révolution sociale est l'un des résultats possibles de la lutte de classe et consiste en l'altération violente de l'ordre social établi, et nous la considérons comme la seule façon de mettre un terme à la domination et l'exploitation. Elle diffère des révolutions politiques des Jacobins et des léninistes qui ne soutiennent la modification de l '« ordre » qu’avec un changement politique, à travers l'état, et le remplacement d'une minorité dirigeante par une autre. Comme nous l'avons souligné plus haut l'Etat, pour nous, n'est pas un moyen pour l'émancipation des classes exploitées, qui devrait être retiré des mains des capitalistes, par des moyens révolutionnaires, par une avant-garde supposée qui prétend agir au nom de la prolétariat. Une révolution politique comme la Révolution française ou la révolution russe, qui ne met pas fin à l'Etat afin de produire l'égalité en son sein, devient une révolution bourgeoise et se termine, "infailliblement, par une nouvelle exploitation, plus sage et plus hypocrite, peut-être, mais cela ne diminue pas l'oppression du prolétariat par la bourgeoisie »[58]. Contrairement à la révolution politique, la révolution sociale est accomplie par le peuple des villes et des campagnes qui amènent la lutte de classe et son rapport de forces avec le capitalisme et l'État jusqu'à un point de rupture, par le biais de l'organisation populaire. La révolution sociale se produit lorsque la force sociale développée au cœur de l'organisation populaire est supérieure à celle du capitalisme et de l'Etat et, mise en pratique, implante les structures qui soutiennent l'autogestion et le fédéralisme ; anéantissent la propriété privée et l'Etat et donnent lieu à une société de liberté et d'égalité. C'est la révolution sociale qui apportera l'émancipation populaire, comme indiqué à plusieurs reprises par Bakounine : C'est précisément ce vieux système d'organisation forcée auquel la révolution sociale doit mettre fin, en redonnant une totale liberté aux masses, aux communes, aux associations, aux individus eux-mêmes et en détruisant, une fois pour toutes, la cause historique de toutes les violences, la domination et l'existence même de l'État [...] [La révolution sociale est] l'abolition de toute exploitation et oppression politique, juridique ou administrative et gouvernementale, y compris l'abolition de toutes les classes par le biais de la mise à niveau économique de toute la richesse [ ...]. [59] La révolution sociale n'est pas un "grand soir" au cours duquel le peuple se révolte, spontanément, et produit une nouvelle société. Il est indéniable que la lutte des classes produit une série de soulèvements, voire des insurrections, des événements spontanés de grande importance. Cependant, s'il n'y a pas un travail intense et dur d'organisation préalable, ces épisodes aporteront parfois des gains aux classes exploitées, mais ne parviendront pas à renverser le capitalisme et l'Etat, ni donner corps à une nouvelle société. La construction de l'organisation populaire développera l'esprit de lutte et d'organisation dans les classes exploitées, recherchant l'accumulation de la force sociale et l'intégration en son sein des moyens de lutte en conformité avec la société que nous voulons construire. Ainsi, nous ne comprenons pas la révolution sociale en tant que simple évolution, ni comme une conséquence obligatoire des contradictions du capitalisme, mais comme un épisode qui marque la rupture et est déterminée par la volonté des classes exploitées organisées. Nous soulignons que dans ce processus révolutionnaire, il est nécessaire de recourir à la violence, parce que nous ne croyons pas que l'expropriation des capitalistes ou même la destruction de l'Etat puisse être accompli sans que la classe dirigeante use de violence. En fait, le système dans lequel nous vivons est déjà un système qui se base sur la violence pour se maintenir, et son aggravation au cours des moments révolutionnaires ne fait que justifier l'usage de la violence de la part des révolutionnaires, principalement comme une réponse à la violence subie dans le présent et le passé. « La violence n'est justifiable que lorsque cela est nécessaire afin de défendre d'autres ou soi-même contre la violence." [60] La classe dirigeante n’acceptera pas les modifications qui lui seront imposées au moment de la réalisation de la révolution sociale. Il est donc nécessaire de savoir que, bien que nous ne sommes ni promoteurs, ni amateurs de la violence, elle sera nécessaire pour l’affrontement que nous avons l'intention de livrer contre tout ce système de domination et d'exploitation. Comme la révolution, par la force des choses, est un acte de violence, il tend à développer l'esprit de la violence plutôt que de le détruire. Mais la révolution menée telle que conçue par les anarchistes est la moins violente possible;. Elle cherche à cesser toutes les violences dès que la nécessité de s'opposer par la force à la force matérielle du gouvernement et la bourgeoisie cesse. L'idéal anarchiste est d'avoir une société dans laquelle le facteur de la violence aurait complètement disparu et cet idéal sert à mettre un terme, à corriger et à détruire cet esprit de violence que la révolution, comme acte matériel, aurait tendance à développer. [61] L'action violente de la révolution sociale doit détruire immédiatement l'état, en même temps que l'expropriation des capitalistes, donnant lieu à des structures autogérées et fédérées, expérimentées et testées au sein de l'organisation populaire. Par conséquent, la conception autoritaire du « socialisme » comme une période transitoire dans laquelle une dictature est créée au sein de l'Etat n’est, pour nous, rien d'autre qu'une façon de continuer l'exploitation du peuple et doit être rejeté absolument, en toute circonstance. Comme la révolution sociale ne doit pas être réalisée que par les anarchistes, il est important que nous soyons complètement insérés dans le processus de lutte de classe, afin de pouvoir orienter la révolution vers le socialisme libertaire. Cela parce que les expériences des révolutions du XXe siècle nous montrent que, si ce n'est pas le cas, les autoritaires vont décimer les expériences d'émancipation dans le but de contrôler l'Etat, mettre fin à la possibilité d'auto-gestion et de fédéralisme, et constituer des régimes plus tyranniques que les précédents. Pour cette raison, la révolution comporte un risque parce que, si les anarchistes ne sont pas suffisamment insérés pour pouvoir lui donner la direction voulue, leur travail conduira à l’implantation d'un autre régime de domination et d'exploitation. Une culture de l'autogestion et du fédéralisme devrait être déjà bien développées dans les luttes de classe afin que le peuple au moment révolutionnaire, ne se laisse pas opprimer par des opportunistes autoritaires ; et cela sera possible grâce à des pratiques de classe, faites d'autonomie, de combativité, d'action directe et de démocratie directe. Plus ces valeurs existent dans l'organisation populaire, moins il y aura de possibilité pour la constitution de nouvelles tyrannies. Autant nous rejetons totalement la conception marxiste du « socialisme», de la dictature dans l'état, autant il est indéniable qu'il y aurait un moment post-révolutionnaire d'adaptation vers le socialisme libertaire. Cela peut-être encore une période où auront lieu de nombreux conflits, et on doit donc s'appuyer sur les organisations spécifiques anarchistes - qui ne fusionneront avec les organisations sociales qu’à une période ultérieure de développement complet du socialisme libertaire, lorsque la menace de la contre-révolution aura cessé et que le socialisme libertaire sera pleinement opérant. Lorsque nous traitons de notre conception de la révolution sociale, ou même quand nous pensons à une possible société future, nous voulons préciser que nous ne cherchons pas à déterminer à l'avance, absolument, la façon dont le processus révolutionnaire ou même le socialisme libertaire va se produire. Nous savons qu'il n'y a aucun moyen de prédire le moment où cette transformation aura lieu, et donc toutes les réflexions doivent toujours aborder cet aspect de projection stratégique des possibilités futures comme des possibilités, des références, et non comme des certitudes absolues. Les caractéristiques du processus révolutionnaire dépendent de quand et où il se produit. Ainsi, les réflexions explicites faites ici à propose de la révolution sociale, et en particulier sur le socialisme libertaire ne doivent pas être comprises comme des formules ou des prédictions de ce qui arrivera nécessairement. Nous travaillons avec les possibilités qui découlent de nos attentes théoriques. Toutefois, si d'une part nous ne voulons pas être trop péremptoires, de l'autre nous pensons que les discussions sur la société future et le fonctionnement possible du socialisme libertaire sont importantes. Sur ce point, nous pensons que les expériences révolutionnaires pratiques ont beaucoup à nous apprendre. Défendre le socialisme libertaire comme projet de société implique, pour nous, de relier deux concepts qui sont inséparables quand il s'agit d'un projet politique. D’une part, un système basé sur l'égalité sociale, politique et économique, - le socialisme- et d'autre part, la liberté. Pour nous, le « socialisme sans la liberté c'est l'esclavage et la brutalité » [62], un système qui dégénère en régimes autoritaires, comme nous l'avons bien connu durant le XXe siècle. Dans le même temps, "la liberté sans le socialisme c’est le privilège, l'injustice » [63], une façon de maintenir la domination et l'exploitation dans une société de classe et de hiérarchies autoritaires. Par conséquent, un projet de société qui favorise l'égalité et la liberté ne peut être, pour nous, que le socialisme libertaire, qui prend forme dans les pratiques d'autogestion et le fédéralisme. Bien qu'ils soient des termes qui ont surgi à des moments différents [64], l'autogestion et le fédéralisme sont aujourd'hui nécessairement liés et doivent être compris comme des concepts complémentaires. L'autogestion est une forme de gestion, un modèle d'organisation dans laquelle les décisions sont prises par les travailleurs eux-mêmes, dans la mesure par laquelle ils sont affectés par celles-ci soit dans leur lieu de travail ou dans les communautés où ils vivent. Le fédéralisme est une méthode pour relier les structures autogérées, ce qui permet la prise de décision sur une grande échelle. Les interprétations contemporaines de l'autogestion et du fédéralisme séparent le premier comme systême économique et le second en tant que système politique du socialisme libertaire. Nous ne considérons pas la séparation entre l'économique et le politique de cette manière quand il s'agit de l'auto-gestion et du fédéralisme. La société autogérée et fédéraliste du socialisme libertaire a parmi ses objectifs celui de rompre avec et de mettre fin aux rapports de domination et d'exploitation du travail. La critique du travail d'aujourd'hui, y compris par des libertaires, est pour nous une critique du travail dans le capitalisme et non pas une critique du travail en tant que tel. Sous le socialisme libertaire le travail libre devra être un moyen de libération pour les travailleurs qui, grâce à l'auto-gestion, rameneront à eux-mêmes la richesse qui leur a été usurpé par la propriété privée capitaliste. Ainsi, la socialisation du travail, des produits du travail, des moyens de production, des formes, des rythmes et des tempos de travail contribuerait à la création d'un modèle de travail en tant « qu'action intelligente des hommes dans la société avec pour finalité préalable la satisfaction personnelle »[65]. Dans la nouvelle société tous ceux qui sont capables de travailler devront travailler, il n’y aura plus de chômage, et le travail sera en mesure d'être réalisé en conformité avec la capacité personnelle et de la disposition. Les gens ne seront plus obligés d'accepter quoi que ce soit sous peine d'être dans le besoin et de ne pas atteindre leurs conditions de vie minimales. Il sera assuré aux enfants, aux personnes âgées et aux personnes incapables de travailler une vie digne, sans dépravation, et tous leurs besoins seront satisfaits. Pour les tâches les plus fastidieuses ou considérées comme désagréables, dans certains cas, il pourra y avoir des rotations ou des alternances. Même dans le cas de l'exécution de la production, où la coordination de certains spécialistes est nécessaire, les rotations de fonction et l’engagement à former les autres travailleurs à acquérir des compétences similaires seront également nécessaire pour des tâches plus complexes. Sous le socialisme libertaire, il ne sera plus possible d'avoir le pouvoir ou une rémunération plus élevée sous prétexte d 'être le propriétaire d'un ou plusieurs moyens de production. Cela parce que la propriété privée aura été aboli, laissant la place à la propriété collective des moyens de production, qui peut être considéré de deux façons : 1.) Personne ne sera effectivement le propriétaire et les moyens de production appartiendraient à la collectivité dans son ensemble, ou 2.) tous les membres de la collectivité seraient propriétaires d'une partie des moyens de production, exactement dans les mêmes proportions que les autres. "Les moyens de production étant le fruit du travail collectif de l'humanité, ils doivent revenir à la collectivité humaine d’où ils proviennent." [66] Dans un système de propriété collective ; les droits, les responsabilités, les salaires et la richesse n'auront plus de relation avec la propriété privée et les rapports de classe anciens, fondé sur la propriété privée, doivent également disparaître. Le socialisme libertaire, par conséquent, est une société sans classes. La classe dirigeante n’existera plus et l'ensemble du système d’inégalité, de domination et d'exploitation aura disparu. Dans les villes, il existe différents types de travailleurs. Tout d'abord, il ya ceux qui effectuent des activités avec des outils simples, avec presque pas de division du travail dans lesquelles la production peut être réalisée, souvent, par un seul travailleur. Pour ce type de travail le travail collectif n'est pas une nécessité, mais il est souhaitable, car il permet d'économiser du temps et du travail, en plus d'aider un travailleur à se qualifier grâce aux compétences des autres. Puis, il y a d'autres travailleurs qui exercent leurs activités collectivement, avec des outils relativement simples et des machines dans les petites entreprises ou des usines. Enfin, une troisième catégorie de travailleurs est celle des grandes entreprises et les industries dans lesquelles la division du travail est énorme, structurée pour produire à grande échelle avec une haute technologie et des investissements importants. Pour les deux dernières catégories le travail collectif est absolument nécessaire en raison de la nature du travail lui-même, dès lors que toute la technologie, les machines et l'outillage doivent être collectif. Ainsi, chaque atelier, chaque usine s'organisera donc au sein d’une association de travailleurs, qu’ils organiseront librement de la manière qu'ils jugent appropriée, à condition que les droits individuels soient garantis et que les principes d'égalité et de justice soient mises en pratique. [...] Chaque fois qu'une industrie a besoin d'un équipement complexe et du travail collectif, la propriété doit aussi être collective. [67] Dans le pays il pourrait y avoir deux situations : celle des paysans qui ont travaillé sur les grandes propriétés qui doivent être collectivisées de la même manière que les grandes entreprises et usines, et celle des paysans qui préfèrent avoir leur propre portion de terre et la cultiver eux-mêmes. Dans cette économie mixte, [...] L'objectif principal de la révolution a été atteint : la terre est devenue la propriété de ceux qui la travaillent et les paysans ne travaillent plus pour le bénéfice d'un exploiteur qui vit de leur souffrance. Avec cette grande victoire obtenue le reste est d'une importance secondaire. Les paysans pourraient, s'ils le souhaitent, diviser la terre en parcelles individuelles et en donner une partie à chaque famille. Ou bien ils pourraient plutôt instituer la propriété commune et la culture coopérative de la terre. [68] Il est important de mentionner que nous ne considérons pas la propriété d'Etat comme collective. Pour nous, la propriété collective est auto-gérée par le peuple, et non gérée par l'Etat qui, quand il centralise la propriété - comme dans le cas de l'URSS, par exemple - ne fait rien de plus que de devenir un État employeur qui continue à exploiter les travailleurs. Mais dans le cas de la persistance de la propriété individuelle des paysans, de ceux qui travaillent la terre eux-mêmes, il serait plus approprié de considérer cette situation non en tant que propriété, mais en tant que possession. Ainsi, la propriété serait toujours collective et la possession individuelle. Possession parce que la valeur de la terre serait dans son utilisation, et non dans le commerce. Et les relations avec cela seraient guidées par les besoins du producteur et non plus ceux du marché. Une telle situation altère tout, il est donc nécessaire d'établir une nouvelle catégorie. Il ya encore une question fondamentale qui devrait s’ajouter à la fin de la propriété privée sur la voie de l'égalité, c'est la fin de l'héritage dans le but de prévenir toute sorte d'accumulation qui a des conséquences sur le point duquel chacun démarre au début de sa vie. Donc, la véritable égalité est un objectif, car tant que l'héritage existe, il y aura des inégalités économiques héréditaires ; non pas l'inégalité naturelle des individus, mais l'inégalité artificielle des classes, et cela se traduira toujours nécessairement par l'inégalité de développement et de culture héréditaire de l'intelligentsia, et cela continuera à être la source de la consécration de toutes les inégalités politiques et sociales. [69] L'économie du socialisme libertaire est dirigée par les travailleurs et les consommateurs. Les travailleurs créent le produit social et les consommateurs en profitent. Dans ces deux fonctions, reliées par la distribution, les gens sont responsables de la vie économique et politique, ayant à décider ce qu'il faut produire, et les consommateurs ce qu’ils consomment. Les structures locales du socialisme libertaire dans lequel les travailleurs et les consommateurs eux-mêmes s’organisent sont les conseils des travailleurs et des consommateurs. Les Conseils sont des organismes sociaux, des vecteurs à travers lesquels les gens expriment leurs préférences politiques et économiques et exercent l'auto-gestion et le fédéralisme. Les activités quotidiennes politiques et économiques y sont décidées et menées. Chaque lieu de travail peut être géré par un conseil des travailleurs, dans lequel tous les travailleurs ont les mêmes droits, les mêmes responsabilités et décident de sa gestion de manière égale, car il n'y a pas de hiérarchie. Si cela est nécessaire, des conseils plus petits peuvent être formés par équipes, unités, divisions ou même des conseils encore plus grands pour les grandes divisions, les lieux de travail ou les industries. Dans ces conseils des travailleurs et les autres personnes impliquées dans le processus de production prennent toutes les décisions. Les consommateurs peuvent s'organiser en comités de consommateurs qui prennent place au sein des communautés. Ainsi, les individus sont organisés en familles, celles-ci dans les comités de bloc, de comités de quartier, et ainsi de suite. Comme nous croyons que le besoin doit guider la production, et non vice-versa, ces conseils auraient la responsabilité d’indiquer aux producteurs ce qu'ils aimeraient consommer, Le Conseil des travailleur-euses organise la production et Conseil des consommateurs-trices organise la consommation. Évidemment, cette explication se veut instructive sur la réalité et les problèmes qui sont susceptibles de mobiliser la future société autogérée, mais, une fois dans ce nouveau contexte, les consommateurs seront aussi les travailleurs eux-mêmes, et la tâche des conseils se réalisera plus facilement, puisque le profit sera plus l'impératif dans les rapports de production. Sous le socialisme libertaire les conseils ouvriers pourraient encore ne pas avoir éliminé la séparation entre travail manuel et intellectuel, et cela devrait être fait dès que possible. L'argument selon lequel le travail manuel et travail intellectuel sont tous deux importants, et que, par conséquent, ils devraient être également reconnus et récompensés n'est pas vrai. De nombreuses tâches, principalement celles impliquant le travail manuel sont complètement désagréables, dures et aliénantes, et il n'est pas juste que certains travailleurs soient entièrement occupées par elles, tandis que d'autres sont dédiés à l'exécution des tâches agréables, plaisantes, stimulantes et intellectuelles. Si cela arrive, alors certainement le système de classe sera reconstruit, ne se fondant plus sur une propriété privée, mais sur une classe d'intellectuels qui commandera, et un autre d’ouvriers qui exécuteront les commandes. Cherchant à mettre fin à cette séparation les conseils ouvriers pourraient avoir un ensemble équilibré de tâches pour chaque travailleur, qui serait équivalent pour tous. Ainsi, chaque travailleur serait responsable de certaines tâches agréables et stimulantes, qui impliquent un travail intellectuel, et d'autres tâches plus dures et plus aliénantes, qui impliquent le travail manuel. Cela ne signifie pas que tout le monde devra tout faire en même temps, mais que tout le monde exécute un ensemble de tâches qui, lorsqu'ils sont comparés, ont le même niveau de travail intellectuel et travail manuel. Dans la pratique, ce processus pourrait fonctionner, par exemple, avec un travailleur dans une école qui effectue la tâche d'un enseignant pour une partie du temps, mais aussi celle de nettoyage. Ou quelqu'un qui travaille pour un certain temps dans le cadre de la recherche industrielle, et le reste du temps à aider avec le travail manuel de la production. Une autre personne pourrait travailler tout le temps dans un travail qui implique des activités manuelles et intellectuelles. Évidemment, le schéma est simplifié, mais l'idée est que tous les travailleurs de chaque conseil aient le même niveau de travail manuel et intellectuel, selon un ratio de temps consacré à l'exécution des tâches et selon le niveau de ces tâches (travail manuel et intellectuel ). Il est important que les conseils aient aussi entre eux des niveaux équivalents de travail manuel et intellectuel, de sorte qu'un travailleur d'un conseil dispose d'un ensemble équilibré de tâches similaires à celle d'un autre. Si finalement il n'y a que des tâches manuelles dans un conseil donné, alors le travailleur doit travailler dans plus d'un conseil. C'est, tant à l'interne qu’entre les conseils qu’il faut chercher un niveau équivalent de travail manuel et intellectuel dans l'ensemble effectué par chaque travailleur, qui peut avoir une, deux ou plusieurs autres tâches. Cela signifierait évidemment une baisse de la productivité, mais nous verrons plus tard comment les autres éléments de la future société compenseraient cela. Le but n'est pas d'éliminer la division du travail, mais de s'assurer que les gens devraient assumer la responsabilité d’une séquence logique de tâches pour lesquelles, la plupart du temps, ils ont été correctement formés et que personne ne bénéficie d'avantages constants, en termes d'effets de leur formation sur leur travail. [...] Tout le monde a un ensemble de tâches qui, ensemble, forment leur travail, de sorte que la pleine implication de l'ensemble des tâches est, en moyenne, comparable à toutes les implications permettant les autres travaux. [...] Tout travailleur a un emploi. Chaque métier a de nombreuses tâches. Les tâches sont ajustées pour les travailleurs et vice versa. [70] L'objectif en matière de rémunération socialiste libertaire est qu'il doit être guidé par le principe communiste « De chacun selon leur capacité, à chacun selon leurs besoins". Toutefois, nous comprenons que pour mettre en œuvre ce principe, le socialisme libertaire devrait être pleinement fonctionnel, avec une production en abondance. Jusqu'à ce que ce soit possible, la rémunération peut être faite en fonction du travail, ou de l'effort - entendu comme un sacrifice personnel pour le bénéfice collectif. La rémunération par le travail ou l'effort signifierait que tous ceux qui ont un ensemble équilibré de tâches recevraient la même chose et pourraient choisir la façon de le dépenser. Certains préfèreraient acquérir une chose ou deux, d'autres préfèreraient investir dans les loisirs, le temps libre, un travail moins stressant, etc Un modèle qui se rapproche du collectivisme classique préconisée par les fédéralistes qui ont travaillé dans l'AIT au XIXe siècle. Pour nous, par conséquent, il s'agirait d'un cas de collectivisme fonctionnant, en utilisant la maxime « de chacun selon leur capacité, à chacun selon son travail", et qui applique au moment où cela devient possible le principe communiste, donnant " à chacun selon leurs besoins ". En fait cela "devient une question secondaire, puisque la question de la propriété a été résolue et qu'il n'y a plus de capitalistes qui s’approprient le travail des masses » [71]. Le marché serait supprimé et remplacé par un système de planification autogérée, avec des prix déterminés conjointement par les conseils de travailleurs et de consommateurs, conjointement à leurs fédérations et leurs associations, qui faciliteraient cette interaction. Ce modèle de planification diffère de la forme autoritaire, où les Etats planifient l'économies dans les pays « socialistes». Il permettrait aux travailleurs et aux consommateurs eux-mêmes de décider complètement de la distribution, effaçant ainsi le problème de la concurrence. Pour que tout cela fonctionne, nous croyons que le rôle joué par la technologie est fondamental. Contrairement à certaines tendances libertaires qui croient que la technologie contient en elle le germe de la domination, nous croyons que sans elle il n'y a aucune possibilité pour le développement du socialisme libertaire. Avec l'avènement de la technologie et son utilisation en faveur du travail, pas du capital, il y aurait sûrement un gain de productivité et par conséquent une réduction significative du temps de travail des personnes qui pourraient utiliser ce temps pour d'autres activités. Ces technologies pourraient également être considérées comme "l'application merveilleuse de la science dans la production, [...] dont la mission est d'émanciper le travailleur, soulageant le travail humain [et constituant] un progrès dont l'homme civilisé est fier à juste titre" [72] . Évidemment, nous comprenons qu'il existe des technologies bonnes et mauvaises et que, par conséquent, la société Ne doit pas nécessairement rejeter les technologies de pointe sur une grande échelle, mais les modifier, nécessitant vraiment le développement de la technologie [en accord] avec les principes écologiques, ce qui contribuera à une nouvelle harmonisation de la société et du monde naturel. [73] Cette préoccupation d’utiliser une technologie qui soit en conformité avec l'environnement devraient être pris en compte dans toutes les sphères de la société future, répondant aux exigences d'une écologie sociale. Défendre cette prise de conscience écologique ne signifie pas que les êtres humains seraient contraints par un système de lois naturelles, dès lors que l'homme fait partie de la nature et en tant que tel ne devrait pas être soumis à elle. Évidemment, nous ne pensons pas que la relation de domination entre les êtres humains et la nature devrait se poursuivre. Au contraire, elle doit cesser dès que possible et laisser la place à une relation égalitaire entre l'homme et la nature. La conscience écologique devrait être développée depuis le moment de luttes qui précèdent la rupture révolutionnaire jusque dans la future société elle-même, sur la base des relations d'entraide théorisée par Kropotkine. Cette évolution pourrait avoir comme référence de principe la prémisse selon laquelle nous, êtres humains, faisont partie intégrante de la nature "qui devient conscience de soi», comme Reclus l’affirme. Les êtres humains se distinguent des autres éléments naturels et d'autres espèces par l'établissement de relations sociales avec tout ce qui les entoure, parce qu'ils possèdent la capacité de penser à eux-mêmes, de faire des théories sur la réalité, et avec ces aptitudes ont réussi à modifier en profondeur le cadre de l'environnement qui les entoure. De cette façon, le système capitaliste, par la raison même de son existence, signifie que les capitalistes exploitent les ressources naturelles d'une manière telle qu’elles ne peuvent pas se régénérer à leur taux naturel. Dans la société future cela ne sera plus en mesure de produire. Le développement des êtres humains provoqués par le socialisme libertaire devrait souligner l'importance des relations d'entraide entre les espèces et la nature. Il convient de souligner que nos propositions écologiques diffèrent radicalement du « conservatisme » et du « primitivisme». De la première, parce qu’elle signifie le maintien de la société de classes et de la marchandisation complète de la nature. De la derniere, parce que nous considérons la proposition « anti-civilisation » comme une absurdité complète, la recherche d'un retour romantique à un passé lointain ou, pire encore, une sorte de suicide de l'humanité tout entière et la négation de toutes nos contributions à l'entretien et au bien -être de la nature. Nous croyons qu'une société qui respecte complètement les principes de l'écologie sociale ne sera possible qu’au moment où le capitalisme et l'Etat cède la place au socialisme libertaire. Par conséquent, avec le socialisme libertaire, nous espérons harmoniser de nouveau la société et l'environnement, considérant que « si nous n'étions pas capable de fonder une société écologique, c’est, outre les conséquences désastreuses qui en découleraient, notre légitimité morale qui serait en cause » [ 74]. Avec l'utilisation de la technologie en faveur des travailleur-euses et de son développement ; avec la fin de l'exploitation capitaliste et les fruits du travail allant complètement aux travailleurs ; avec le plein emploi en place les travailleurs auront plus de temps, qui pourrait être utilisé de trois façons. Tout d'abord, pour compenser la perte naturelle de la productivité que l'ensemble équilibrée des tâches entraînera, étant donné qu'il « dé-spécialisera » un peu le travail. Deuxièmement, pour les décisions politiques, ce qui demandera du temps pour les discussions et délibérations qui devront être réalisés dans le lieu de travail et de la communauté autogéré. Enfin, pour le reste du temps - et nous pensons qu'avec ces changements le temps libre sera beaucoup plus grand que celui d'aujourd'hui - tout le monde sera en mesure de choisir ce qu'il faut faire : repos, loisirs, éducation, culture, etc Les décisions dans un cadre autogestionnaire n’ont pas à obéir à un modèle spécifique. Les conseils de travailleurs et de consommateurs peuvent choisir la meilleure application de la démocratie directe, les débats et les délibérations horizontales étant fondamentaux, avec l'exposition claire des idées et la discussion des questions présentées. De toute évidence, le consensus ne devrait pas être utilisé dans la majorité des décisions, car il est très inefficace - surtout si l'on pense aux décisions sur une grande échelle - en plus de donner beaucoup de pouvoir aux agents isolés qui pourraient bloquer le consensus ou qui auraient beaucoup d'impact sur une décision pour laquelle ils sont une minorité. Les questions peuvent être décidées par un vote, après un débat suffisant, que la majorité l’emporte à 50% +1 des voix, ou à 2/3 des votes, et ainsi de suite. Nous devons garder à l'esprit que le processus de prise de décision est un moyen et non une fin en soi et, par conséquent, nous devons aussi nous préoccuper de la souplesse dans ce processus. Dans le processus de prise de décision l’auto-gestion et le fédéralisme impliquent la démocratie directe, avec la participation de chacun, la prise de décisions collective, la délégation avec le mandat impératif, la rotation et révocabilité des mandats, l'accès à l'information et l'égalité de pouvoir de décision. Les conseils de travailleurs et de consommateurs, tous deux utiliseraient l'auto-gestion comme une forme de gestion et de prise de décisions, sur les lieux de travail comme dans les communautés. Le fédéralisme relierait à la fois le travail aussi bien que les communautés, ce qui permettrait que des décisions soient prises sur une grande échelle. "Fédération, du latin foedus, fœderis génitif, signifie pacte, contrat, traité, convention, alliance » [75], dans laquelle ceux qui sont organisés "sont également liés les uns aux autres pour un ou plusieurs objectif particulier, dont la charge incombe spécifiquement et exclusivement aux délégués de la fédération »[76]. Les liens au sein du fédéralisme permettraient la prise de décision sur une grande échelle, des plus petites instances d'auto-gestion à la plus vaste. Dans l’environnement de travail le fédéralisme permettrait de relier les unités, les petties divisions, les grandes divisions, les lieux de travail ou des industries entières, même. Dans les communautés le fédéralisme permettrait de relier des familles, des voisins, des blocs, des quartiers, villes, régions ou même des pays. Ces liens seront effectuées par les délégués qui articuleraient et de discuteraient des positions délibérées dans les conseils. Des délégués qui auraient des mandats impératifs, ce qui veut dire, qu’ils représentent les positions collectives des conseils et non pas leurs propres positions, comme cela se produit au sein de la démocratie représentative. En outre, les mandats des délégués ne seraient pas fixes et seraient révocable à tout moment. Puisque "le système fédéraliste est à l'opposé de la hiérarchie ou du centralisme administratif et gouvernemental » [77], nous croyons qu'il serait responsable de la structure qui remplacerait l'état et à travers laquelle, de concert avec les conseils autogérés, la politique prendrait place sous le socialisme libertaire. Les conseils, comme associations volontaires, prendraient une dimension encore plus grande afin de remplacer l'Etat et toutes ses fonctions. Ils représentent un réseau entrelacé, composé d'une variété infinie de groupes et des fédérations de toutes les tailles et les niveaux, local, régional, national et international, temporaire ou plus ou moins permanent - à toutes fins possibles : la production, la consommation et l'échange, les communications, l'assainissement, l'éducation, la protection mutuelle, la défense de la région et ainsi de suite, et, d'autre part, pour la satisfaction d'un certain nombre de besoin plus en plus grands : scientifiques, artistiques, littéraires et sociaux. [78] De cette façon, l’état et la démocratie représentative cèderaient la place à l'autogestion et au fédéralisme, et la politique reprendrait sa juste place, au milieu du peuple, il n'y aurait plus de séparation entre ceux qui font la politique et ceux qui ne la font pas - puisque sous le socialisme libertaire, ce serait les membres de la société eux-mêmes qui réaliseraient la politique sur une base quotidienne. La conscience devrait accompagner le rythme de croissance des luttes et être stimulée par des procédés pédagogiques autant que possible. Bien que nous ne croyons pas que pour faire la révolution tous les gens doivent être éduqués, nous considérons que, au moment de la révolution sociale, plus le niveau de la conscience du peuple est haut, mieux c'est. De plus en plus, la société devrait développer sa culture dans une direction libertaire et cela ne devrait pas seulement se produire à l'instant de la révolution sociale et après celle-ci ; mais déjà au moment de la lutte, de la construction et du développement de l'organisation populaire. Il est indéniable que l'idéologie, déjà transformé à l’intérieure de la culture que le capitalisme a introduit dans l'imagination populaire, devra être remise en cause morceau après morceau, ce qui se produira à travers un long processus d'éducation populaire. Des positions telles que les préjugés raciaux et de genre, le patriarcat, l’individualisme,etc… devront être combattues autant que possible, aussi bien dans les processus de lutte qu’au moment de la révolution sociale ou même par la suite. Sous le socialisme libertaire, nous considérons que l'auto-gestion et le fédéralisme devra contribuer à ce processus dans la pratique. Outre cela, il faut investir massivement dans les activités éducatives et culturelles pour l'ensemble de la société, stimuler « l'enseignement [qui] doit être égal en tout points pour tout le monde, et par conséquent doit être intégral » [79], fournissant des connaissances théoriques et pratiques pour les enfants et les adultes des deux sexes. C’est ainsi, que nous croyons que le système de domination et d'exploitation de l'Etat et du capitalisme aura été supprimé- plus personne n'accumulant du pouvoir grâce à la force sociale obtenue par l'exploitation d'autres personnes - et le nouveau système se basera sur l’égalité sociale, politique et économique et la liberté. Une égalité qui aura lieu à l'établissement de la propriété collective, des conseils auto-gérés, des ensembles équilibrés de tâches, de l'égalité salariale, de la planification auto-gérée, de la prise de décisions collectives, et de la lutte constante contre les préjugés et la discrimination. Liberté à la fois en ce qui concerne le système de domination et d'exploitation, ainsi que par rapport à ce que nous souhaitons atteindre. Une liberté qui sera collective, considérant chacun libre dans la mesure où tous les autres sont libres ; "la liberté qui consiste dans le plein développement du potentiel matériel, intellectuel et moral que l'on trouve dans un état de la faculté latente en chacun de nous" [80]. Le Socialisme libertaire apportera un luxe ignoré par tout le monde : "le luxe de l'humanité, le bonheur de l'épanouissement et la liberté de chacun dans l'égalité de tous » [81].

L’organisation et la force sociale

L’organisation et la force sociale [...] Dix, vingt ou trente hommes, qui s'entendent bien, qui son bien organisés, qui savent où ils vont, peuvent entrainer facilement cent, deux cents ou même plus. Mikhaïl Bakounine

Auparavant, nous avons traité de ce que nous considérons comme l'organisation du capitalisme et l'État, en cherchant à déterminer "où nous en sommes», et l'organisation du socialisme libertaire, en essayant de préciser "ce que nous voulons atteindre". Pour compléter la discussion sur l'organisation, il sera nécessaire de nous étendre un peu sur les mouvements sociaux et l'organisation populaire, ainsi que sur l'organisation spécifique anarchiste ; deux différents niveaux d'action qui visent à répondre à [la question], « comment pensons-nous pouvoir partir de là où nous en sommes et arriver au point que nous voulons atteindre", approfondissant les éléments indispensables à notre stratégie permanente. Comme Malatesta l’a bien résumé, « [...] l'organisation en général, comme principe et condition de la vie sociale, aujourd'hui, et dans la société future ; l'organisation du parti anarchiste et des forces populaires » [82]. Pour nous, la transformation sociale que nous voulons voir se réaliser passe, nécessairement, par la construction de l'organisation populaire, grâce à l'accroissement progressif de sa force sociale jusqu'au moment où il sera possible de renverser le capitalisme et l'État, avec la révolution sociale et ouvrir la voie vers le socialisme libertaire. En outre, nous soutenons que l'organisation populaire doit être accompagnée par un développement parallèle de l'organisation spécifique anarchiste, qui devrait l'influencer, en lui donnant le caractère désiré. Par la suite, nous aurons d'autres discussions sur chacun de ces sujets et sur l'interaction entre les uns des autres. À l'heure actuelle, ce qui est essentiel pour nous est de supposer qu'il n'est pas possible de penser à cette transformation nécessaire, sans organisation et sans croissance progressive de la force sociale. Nous considérons la société d'aujourd'hui comme le résultat d'un rapport de forces, ou même d’un conflit permanent - qui prend la forme de lutte des classes - entre le capitalisme, l'État et d'autres forces politiques diverses, et que les premiers sont en position de force, c’est à dire qu’ils arrivent à avoir une plus grande force sociale que les secondes, par conséquent, à établir leur pouvoir. Dans ce sens le capitalisme et l'État oppriment les autres forces politiques qui leur résistent. Cette résistance peut se produire de différentes façons, certaines constituant de plus ou moins grandes forces politiques, et d'autres ne constituant pas de forces politiques. "La Résistance peut être passive (lorsque l'agent n'agit pas contre la puissance qui la réprime) ou active (lorsque le pouvoir est sujet à des représailles de la part de celles et ceux qu’il asservit) ; isolé (il a un caractère individuel) ou articulé (la force collective)" [83]. La résistance passive ne constitue pas une force politique et la résistance isolée possède peu de force sociale. Par conséquent, afin d'atteindre nos objectifs, nous préconisons une résistance active et articulée qui cherche dans l'organisation l'accroissement permanent de la force sociale. Pour la construction de cette résistance, il est nécessaire de faire front avec ceux qui sont en accord avec notre proposition pour la transformation sociale. Si nous voulons aller de l'avant, si nous voulons faire quelque chose de plus que ce qui isole en permanence chacun de nous, nous devons savoir avec quels camarades en particulier nous pouvons être d'accord, et avec lequels nous sommes en désaccord. Cela est particulièrement nécessaire lorsque l'on parle d'action, de mouvement, des méthodes avec lesquelles il est nécessaire de travailler à beaucoup de mains pour être en mesure d'obtenir des résultats qui vont dans notre sens [84]. Ce que nous pouvons appeler aujourd'hui « ordre » ou statu quo est l'organisation du capitalisme et de l'état, qui peut ou ne peut pas prendre en considération d'autres forces politiques qui constituent une menace. Etre désorganisé, mal organisé ou isolé signifie ne pas constituer une résistance suffisante au capitalisme et à l'Etat et, par conséquent, ne pas parvenir à augmenter de manière significative la force sociale de l'organisation qui doit avoir comme objectif de les remplacer par le socialisme libertaire. Nous pouvons dire que « celui qui ne s'organise pas, qui ne cherche pas la coopération des autres et ne leur offre pas des conditions de réciprocité et de solidarité, se met nécessairement dans un état d'infériorité et reste un engrenage inconscient dans la mécanisme social que d'autres font fonctionner à leur manière, et à leur avantage "[85]. Désorganisation, mauvaise organisation et isolement, en effet, finissent par soutenir le capitalisme et l'Etat - car elles ne permettent pas la construction de la force sociale nécessaire. En ne prenant pas partie, d'une manière appropriée, dans le rapport de force ou le conflit permanent de la société vous finissez par reproduire « l'ordre». Ainsi, « si nous ne cherchons pas l'organisation et l’association bien articulées, nous finirons par ne pas réussir à exercer une influence dans les luttes, et par conséquent dans la société d'aujourd'hui » [86]. Ainsi, ceux qui n'ont pas les moyens ou la conscience suffisamment développée pour s'organiser librement avec ceux avec qui ils ont des intérêts et des sentiments en commun, souffrent de l'organisation construite par d'autres personnes, généralement constitués en une classe dirigeante ou un groupe en vue d'exploiter, pour leur propre bénéfice , le travail d'autrui. Et l'oppression séculaire des masses par un petit nombre de privilégiés a toujours été la conséquence de l'incapacité de la plupart des individus à se mettre d'accord et de s'organiser avec d'autres travailleurs pour la production la jouissance et la défense éventuelle contre ceux qui veulent les exploiter et les opprimer. [...] Rester isolé, chacun agissant ou souhaitant agir seul, sans entente avec les autres, sans préparation, sans unir les faibles forces des individus dans un groupe puissant, c'est se condamner à l'impuissance, gaspiller sa propre énergie sur de petits actes sans efficacité et perdre rapidement la foi dans l'objectif et tomber dans l'inaction complète [87]. La désorganisation et la mauvaise organisation se reproduisent sur le plan social – celui des mouvements sociaux, dans lequel on doit construire et développer l'organisation populaire - avec pour conséquence la difficulté d'accumuler une force sociale, rendant la spontanéité naturelle de ce plan incapable d'effectuer toutes les transformations sociales souhaitées. Sur le plan politique – celui de de l'anarchisme, dans lequel on devrait mettre au point l'organisation spécifique anarchiste – cela conduit à la difficulté d'influer sur le plan social pour qu’il développe des méthodes et moyens adéquats. L'isolement et l'individualisme ont pour conséquence que ni le plan politique ni le plan social ne prennent la forme souhaitée, en n’articulant ni l'organisation populaire, ni l’organisation anarchiste. Outre cette désorganisation, une mauvaise organisation et l'isolement sont des facteurs entravant la mise en place du socialisme libertaire, comme nous croyons qu'il ne peut être construit qu'avec beaucoup d'organisation. L’organisation signifie la coordination des forces, ou « l’association avec un objectif commun et avec les voies et moyens nécessaires pour atteindre cet objectif » [88]. De cette façon, nous devons penser à des méthodes et des moyens pour l'organisation populaire lui permettant de renverser le capitalisme et l'État, et, par le biais de la révolution sociale construire le socialisme libertaire - son objectif. Dans le même temps, nous devons penser à des méthodes et des moyens pour l'organisation spécifique anarchiste, lui permettant de créer l'organisation populaire et de l'influencer, en lui donnant le caractère souhaité et en arrivant au socialisme libertaire par le biais de la révolution sociale - son objectif. Ensuite, nous discuterons plus en détail de ces deux plans d'organisation. Tout d'abord, nous discuterons du plan social, dans lequel les mouvements sociaux fonctionnent et dans lequel nous devons chercher à construire l'organisation populaire. Ensuite, du plan politique et du développement de l'organisation anarchiste spécifique. Quand on parle de force sociale, il est important pour nous de définir ce que nous entendons par ce terme. Nous croyons que chaque individu, en tant qu'agent social, possède naturellement une force sociale qui est l'énergie qui peut être appliquée dans le but d'atteindre leurs objectifs. Cette force varie d'une personne à l'autre, et même pour chaque personne sur une période de temps donnée. Pour atteindre leurs objectifs, les individus font souvent recours à des instruments qui peuvent accroître leur force sociale. Beaucoup de choses peuvent être utilisés pour augmenter la force sociale, tels que : des armes, des informations, la formation, les techniques adéquates, l'optimisation des ressources, la persuasion, les machines, etc Toutefois, l'instrument le plus important pour cela est l’organisation ; qui peut être mise en place d'une manière autoritaire, par le biais de la domination, ou d'une manière libertaire, par le biais de l'association libre. Dans une organisation autoritaire la force sociale des divers agents (par exemple dans l'état avec une armée, ou dans une entreprise avec le travail salarié) est aliéné, et les met dans une position de dominé par rapport à l'organisation (dans ces cas, l'État et le patron), les obligeant à contribuer à un objectif étranger, différent du leur. C'est exactement la façon dont la force sociale du système actuel est aujourd'hui constituée, c’est à dire, par le biais de l'aliénation de divers agents qui contribuent aux objectifs du capitalisme, qui ne sont pas les mêmes que les leurs. Dans une organisation libertaire, c’est la libre association ou l'organisation anti-autoritaire, qui produit l'accroissement de la force sociale – celle-ci étant toujours associée à d'autres instruments. L’Organisation qui prend la forme de l'association libre est indispensable à notre projet de transformation sociale parce que, quand les individus travaillent ensemble, leur force sociale n'est pas simplement la somme des forces individuelles, mais beaucoup plus que cela. Nous utiliserons l'exemple de Proudhon pour expliquer l'affaire. "Deux cents travailleurs ont mis en place l'obélisque de Louqsor en quelques heures ; croyez-vous qu'un seul homme ait pu accomplir la même tâche en deux cents jours ? [89]. Certainement pas, parce qu'il ya une « force immense qui résulte de l'union et l'harmonie des travailleurs, de la convergence et du concours de leurs efforts » [90]. Dans l'exemple ci-dessus l'organisation des travailleurs leur a donné une force collective, permettant un plus résultat que la simple somme des résultats individuels. Ainsi, nous pouvons conclure que, pour être en mesure de mener à bien notre projet de transformation sociale l’association est fondamentale, car c'est par elle, et seulement à travers elle, que nous serons en mesure d'accumuler de la force sociale nécessaire pour renverser le capitalisme et l'État. Toutefois, pour le gain permanent indispensable en force sociale qui doit se produire dans une forme anti-autoritaire de l'organisation, tant sur le plan de l'organisation populaire que sur le plan de l'organisation anarchiste, nous considérons comme fondamentale [...] Une certaine discipline, pas automatique, mais volontaire et réfléchie, étant pleinement en accord avec la liberté des individus, a été et sera nécessaire chaque fois que de nombreuses personnes, librement unis, entreprennent un travail collectif ou une action. Cette discipline n'est rien de plus que l'accord volontaire et réfléchi de tous les efforts individuels vers un but commun. Au moment de l'action, au milieu de la lutte, les rôles se divisent naturellement en fonction des aptitudes de chacun, appréciées et jugées par le collectif entier : certains dirigent et ordonnent, d'autres exécutent les ordres. Mais aucune de ces fonctions n’est figée, ni fixée, ni irrévocablement liée à quelque personne que ce soit. Les niveaux et la promotion hiérarchique n'existent pas, de telle sorte que le commandant d'hier peut être le subordonné d'aujourd'hui. Personne ne s'élève au-dessus des autres, ou, s'il s'élève, ce n’est que pour retomber dans l'instant suivant, comme des vagues dans la mer, revenant toujours au niveau sain de l'égalité [91]. Évidemment, cette discipline ne doit pas « suivre le modèle autoritaire, à la fois dans l'oppression des membres [...] ainsi que par l'intermédiaire [de] charges, qui [...] devraient également prendre en compte le respect et l'éthique. [...] C’est une grande préoccupation pour nous de différencier l'auto-discipline que nous promouvons ici, de la discipline militaire, l'exploitation et d'oppression, en substance, et qui, de notre point de vue, n’emprunte pas différents chemins menant à d'autres autoritarismes que nous connaissons bien »[92]. Afin de différencier la discipline souvent prêchée par les autoritaires de la discipline que nous défendons, nous choisissons d'utiliser le terme d'auto-discipline, affirmant que "l'auto-discipline est le moteur de l'organisation autogérée » [93], celle-ci étant pour nous, avec l'engagement et la responsabilité, indispensable à la construction d'une organisation anti-autoritaire, qui vise à augmenter sa force sociale. Cette auto-discipline, à notre avis, se situe moins dans l'organisation populaire et plus dans l'organisation spécifique anarchiste, tout en variant selon le contexte. Dans les périodes de turbulence sociale plus grande la nécessité e l'autodiscipline augmente. En période de reflux, elle peut être plus petite. Pour nous, comme nous l'avons souligné, l'objectif de l'organisation populaire comme forme de résistance active et articulée est, augmentant progressivement sa force sociale », de renverser le capitalisme et l'État et, par le biais de la révolution sociale, de construire le socialisme libertaire ". Cette augmentation de la force sociale peut être réalisée avec divers instruments, mais surtout l'organisation des classes exploitées avec le plus grand nombre de personnes possible et un bon niveau d'organisation - ce qui implique nécessairement l'auto-discipline, l'engagement et la responsabilité. En outre, comme nous l'avons également déjà défini, l'objectif de l'organisation spécifique anarchiste est de « construire l'organisation populaire et de l'influencer, en lui donnant le caractère désiré, et d'arriver au socialisme libertaire par le biais de la révolution sociale". Pour cela l’organisation spécifique doit se constituer en une organisation de la minorité anarchiste active avec un niveau élevé d'auto-discipline, d'engagement et de responsabilité. Conçue de cette manière, "l'organisation, loin de créer l'autorité, est le seul remède contre elle et le seul moyen par lequel chacun de nous s'habitue à prendre une part active et consciente dans le travail collectif » [94].

Les mouvements sociaux et l'organisation populaire

Ce sont les gens eux-mêmes, ceux qui ont faim, les dépossédés, qui ont à abolir la misère. Ricardo Flores Magón

Organiser les forces populaires pour réaliser la révolution [Sociale], C’est le seul objectif pour ceux qui désirent sincèrement la liberté. Mikhaïl Bakounine

Favoriser les organisations populaires de toutes sortes est la suite logique de nos idées fondamentales et, par conséquent, devrait être une partie intégrante de notre programme. Errico Malatesta

Nous avons mentionné l'organisation populaire et nos attentes par rapport à elle à quelques reprises auparavant. Nous avons déjà défini que son objectif est de « renverser le capitalisme et l'État, et, par le biais de la révolution sociale, de construire le socialisme libertaire», et à travers cela nous la considérons comme un véritable protagoniste dans le processus de transformation sociale. Nous avons également mentionné que le plan sur lequel les mouvements sociaux se développent et au sein duquel nous devons chercher à construire et augmenter la force sociale de l'organisation populaire est ce que nous appelons le plan social. À ce stade, nous cherchons à discuter des mouvements sociaux, de leurs caractéristiques souhaitées et leurs méthodes d'action souhaitées, ainsi que la façon dont ils peuvent contribuer à la construction du développement de l'organisation populaire. En traitant de ce plan social, nous devons penser aux possibilités du peuple, qui doit être l’agent principal du changement social que nous proposons. Il est indéniable qu'il y a une force sociale latente dans les classes exploitées, mais nous considérons que c'est seulement à travers l'organisation que cette force peut quitter le champ des possibilités et devenir une force sociale réelle. La question se pose, alors, comme suit : Il est vrai qu'il ya [dans le] peuple une grande force élémentaire, une force qui sans aucun doute est supérieure à [celle du] gouvernement et à [celle des] classes dirigeantes réunis, mais sans organisation une force élémentaire n'est pas une force réelle. C'est sur cet avantage incontestable de la force organisée par rapport à la force élémentaire du peuple que se fonde la force de l'Etat.. Ainsi, le problème n'est pas de savoir si il [le peuple] peut se soulever, mais si il est capable de construire une organisation qui lui donne les moyens d'arriver à une fin victorieuse - non pas par une victoire fortuite, mais un triomphe prolongée et définitif. [95]

À partir de l'organisation et de son application pratique sur le terrain cette force croît de façon exponentielle, offrant une chance réelle de lutter contre le capitalisme et l'Etat. [96]. Ceci parce que "nous avons avec nous la justice, des droits, mais notre force n'est pas encore suffisante" [96]. Comme nous l'avons dit plus tôt, ce sera l'accroissement permanent de la force sociale de l'organisation des classes exploitées qui sera en mesure de fournir la transformation sociale souhaitée. Pour la construction d'une organisation qui nous donne les moyens d'atteindre les objectifs souhaités - la révolution sociale et le socialisme libertaire - consolidant la victoire, nous préconisons un modèle pour la création et le développement de ce que nous appelons l'organisation populaire. Tout d'abord, nous défendons l'organisation comme nous l'avons défini précédemment, c'est-à-dire la « coordination des forces » ou« l’association autour d’un objectif commun et avec les voies et moyens nécessaires pour atteindre cet objectif ». Nous avons également déjà dit que l'organisation multiplie la force sociale du peuple et c'est seulement à travers elle que nous pouvons construire une opposition capable de renverser le capitalisme et l'État. Ce modèle d'organisation que nous revendiquons est le fruit de la libre association des membres des classes exploitées. A travers l’association, ils [les travailleurs] s'instruisent, s’informent mutuellement et mettent fin, par leurs propres efforts, à cette ignorance fatale qui est l'une des causes principales de leur esclavage. A travers l’association, ils apprennent à s'aider eux-mêmes, à se connaître, à s’entr’aider les uns les autres, et finalement à créer une force plus redoutable que celle de tous les bourgeois capitalistes et de tous les pouvoirs politiques réunis. [97] [97] En second lieu, nous justifions cette organisation comme étant populaire, ce qui lui donne une caractéristique combattive de lutte de classe. En d'autres termes, l'ensemble de la catégorie des classes exploitées doit être mobilisées dans ce modèle d'organisation, tel que défini ci-dessus. La participation de tous les secteurs qui souffrent de la plus dure manière des acts du capitalisme est, par conséquent, une priorité. Lorsque l'organisation a un caractère de classe cela stimule et favorise la lutte des classes. De cette façon, l'organisation populaire est construit à partir du bas vers le haut, de la "périphérie vers le centre", et à l'extérieur des centres de pouvoir du système actuel. L'organisation populaire est construite au moyen de la volonté de lutte du peuple. Ainsi, elle n'est pas le fruit d'un mouvement spontané, tout en sachant que de nombreuses expressions de la lutte de classe surgissent spontanément. Elle est également nécessaire parce que nous ne croyons pas – à la différence de ce qu’ont défendu de nombreux socialistes au XIXe siècle - que la société capitaliste se dirige vers sa propre fin, ou que le socialisme est le résultat d'une évolution naturelle du capitalisme. Il semble tout à fait clair pour nous que nous devons penser à un modèle organisationnel comme un outil de lutte, car, autrement, le capitalisme et l'État ne cesseront pas d'exister. Nous comprenons l'organisation populaire comme le résultat d'un processus de convergence de diverses organisations sociales et de différents mouvements de base, qui sont le fruit de la lutte des classes. Pour cette raison, nous croyons que nous devrions favoriser toutes sortes d'organisations et de mouvements de ce type, considérant ce soutien comme la conséquence de nos idées les plus fondamentales. Ces organisations et ces mouvements ont été appelés « mouvements de masse » dans le passé, mais le côté autoritaire du socialisme a fini par donner à l'expression "masses" la connotation de « masse de pions", d'un mouvement sans conséquence qui devrait être dirigé et guidé par une avant-garde, qui serait organisé dans un parti verticalisé. Autrement dit, les autoritaires ont traité les mouvements de masse à partir d'un point de vue hiérarchique, en cherchant à les dominer. Nous considérons la participation sociale et populaire dans le processus de transformation sociale essentielle. Les mouvements de masse peuvent être appelés « organisations sociales », « mouvements populaires », mais aussi « mouvements sociaux », un terme que nous utiliserons à l'avenir. Un mouvement social est une association de personnes et/ou d'entités qui ont des intérêts communs dans la défense ou la promotion d’objectifs déterminés au sein de la société. Ces mouvements peuvent se produire dans les secteurs les plus différents de la société et lèvent les étendards de lutte les plus divers, qui montrent les besoins de ceux qui se regroupent autour de la cause commune qu’est le mouvement. Comme nous l'avons vu la société d'aujourd'hui offre à la plus grande partie de la société une situation de souffrance et de privation et cela sert souvent comme un facteur d'association, qui donne corps à des organisations qui défendent les intérêts du peuple. Grâce à des organisations fondées pour la défense de leurs intérêts les travailleurs acquièrent la conscience de l'oppression dans laquelle ils se trouvent, et à partir de l'antagonisme qui les sépare des patrons [ou de la classe dirigeante] ils commencent à désirer une vie meilleure, à s’habituer à la lutte collective et à la solidarité et à être capable de gagner ces améliorations qui sont compatibles avec la persistance du régime capitaliste et étatique. [98]

Les mouvements sociaux sont le fruit d'un trépied composé de la nécessité, de la volonté et de l'organisation. Ce trépied motive la création de divers mouvements sociaux à travers le monde, et ce n'est pas différent au Brésil. Ici il ya des mouvements de paysans sans terre, de sans-abri, de chômeurs et des mouvements communautaires, et des mouvements pour un transport abordable et de qualité. Il ya des mouvements de collecteurs de déchets recyclables, des autochtones, des étudiants, des droits de l'homme, du monde du travail, des féministes, des Noirs, des homosexuels, des conseils populaires, artistiques, culturels, environnementaux, entre autres. Ces mouvements ont en commun le fait qu'ils ont surgi de la domination et de l'exploitation de la société dans laquelle nous vivons, beaucoup d'entre eux étant des fruits de la lutte des classes. Cependant, il n'y a pas beaucoup de mouvements sociaux qui cherchent à construire l'organisation populaire ou même à lutter contre le capitalisme et l'État Beaucoup d'entre eux sont imprégnés des caractéristiques et des valeurs de la société capitaliste et, plus que cela, propagent souvent ces caractéristiques et ces valeurs. La majorité de ces mouvements, que nous pourrions appeler réformistes, croient qu'il y a une solution à leurs questions sous le capitalisme. C'est-à-dire, l’objectif pour une grande partie de ces mouvements est la réalisation de gains à court terme, au sein du capitalisme, et rien de plus. En outre, dans la majorité des cas, les mouvements sociaux ne sont pas correctement articulés entre eux et portent chacun leur propre lutte, sans articulation entre eux. Par conséquent, ils ne prenent même pas la direction du commencement de la construction de l'organisation populaire. Cela montre que même si il y a un certain nombre de mouvements sociaux, le fait est que leurs caractéristiques et leurs façons de faire ne sont pas, en grande partie, en conformité avec ce que nous pensons être approprié. Les moyens qui sont choisis ne conduisent pas aux fins que nous préconisons. Les mouvements sociaux que nous défendons, et qui nous paraissent contribuer à notre projet politique, partagent certaines caractéristiques et manières de faire les choses. Ils sont le plus fort possible, avec une bonne organisation et le plus grand nombre de personnes concentrées sur la lutte qu'ils ont décidé être leur priorité. Ainsi, un mouvement des paysans sans terre devrait englober tous ceux qui sont prêts à lutter pour la terre, un mouvement des sans-abri doit embrasser tous ceux qui sont prêts à lutter pour le logement et ainsi de suite. Ainsi, nous croyons que les mouvements sociaux ne doivent pas adhérer et se retreindre à une idéologie, quelle qu'elle soit. Nous ne croyons pas en des mouvements sociaux anarchistes, marxistes ou sociaux-démocrates, ou de quelque autre idéologie particulière. Par conséquent, les personnes d’ idéologies les plus diverses doivent « s'intégrer » dans les mouvements sociaux que nous sommes prêts à créer ou à développer. Pour nous, un mouvement social anarchiste, ou un mouvement de quelqu’autre idéologie, ne tendraient qu’à diviser la classe des exploités, ou même ceux qui sont intéressés à lutter pour une cause particulière. Autrement dit, la force qui doit conduire à la création et au développement des mouvements sociaux est la nécessité, et non l'idéologie. Ainsi, « aucune théorie philosophique ou politique ne doit entrer comme base essentielle, et comme une condition officielle requise dans le programme [...].” [99] Mais cela ne signifie pas que toutes les questions politiques et philosophiques [...] ne peuvent pas et ne devraient pas être librement discutées. "[99] Bien que nous croyons que les mouvements sociaux ne devraient pas [être conduit] à se fondre dans l'anarchisme, nous pensons que l'anarchisme doit, autant que possible, être diffusé au sein des mouvements sociaux. À l'avenir, nous verrons comment cela doit être fait et dans quel but. Pour l'instant, il suffit de dire que les mouvements sociaux que nous préconisons ne sont pas et ne devrait pas être anarchiste, mais, plutôt, qu’ils sont un terrain fertile pour l'anarchisme. Nous pensons de même de la question de la religion. Bien que sur le plan politique, nous avons des positionnements anti-cléricaux, nous pensons que sur le plan social il ne faut pas insister sur cette question, empêchant les membres des classes exploitées qui ont des croyances religieuses de lutter. Beaucoup de gens dans les classes exploitées ont des croyances religieuses et il est possible de travailler avec cette question au sein des mouvements, sans pour autant empêcher ces personnes de se battre. Il existe de nombreux groupes religieux progressistes dans les mouvements sociaux, qui font partie du camp large de la gauche et avec lesquels il ya une possibilité de travailler. Les mouvements sociaux "doivent rechercher une base commune, une série de principes simples sur lesquels tous les travailleurs, quelles que soient [leurs choix politiques et religieux], étant au moins des travailleurs, c'est à dire des hommes sévèrement exploitées et souffrant, sont et doivent être en accord »[100]. Une autre caractéristique importante des mouvements sociaux, c'est l'autonomie, qui se développe principalement par rapport à l'Etat, aux partis politiques, aux syndicats bureaucratiques, à l'église, entre autres. Les mouvements sociaux doivent prendre des décisions et agir par eux-mêmes, prenant en charge leurs propres affaires indépendemment d'organismes qui exercent, ou cherchent à exercer une domination sur eux. Par conséquent, ceux qui veulent diriger, commander ou à faire en sorte sorte que les mouvements sociaux servent leurs propres objectifs ne devraient pas avoir d'influence sur eux, car ils ne luttent pas pour le bien collectif des mouvements, mais utilisent la maxime selon laquelle se servir est la meilleure façon de servir les autres. Les mouvements sociaux ne devraient pas être liés à des politiciens ou à quelque secteur de l'Etat que ce soit parce que nous savons que quand ils viennent en voulant aider, dans la grande majorité des cas, ils sont à la recherche d'une « base » pour leur intérêts politiques politiciens, ou cherchent à calmer les mouvements, en établissant leurs dialogues avec les institutions de l'Etat. Connaissant bien la conception autoritaire des partis, nous savons que leur intérêt est toujours d'exploiter les mouvements sociaux, qu'ils soient des partis réformistes ou révolutionnaires. Tout d'abord, ils participent aux élections et voient les mouvements sociaux comme une réserve de votes. Deuxièmement, ils cherchent un « mouvement de masse" qui sert de base pour l'avant-garde qu'ils souhaitent être. Dans ce cas, les partis politiques veulent diriger et orienter les mouvements sociaux, se croyant supérieur à eux et [se] jugeant être les « éclairés » qui apporteront la conscience aux classes exploitées.. Souvent, leurs membres sont des intellectuels qui veulent savoir, mieux que les gens eux-mêmes, ce qui est le mieux pour eux. D'autres organisations qui cherchent à contrôler, telles les églises et les syndicats bureaucratiques n’aident également pas les mouvements sociaux. Toutes ces personnes devraient être évincés des mouvements sociaux, car ils ne défendent pas les intérêts des mouvements sociaux, mais leurs propres intérêts. Le mouvement social n'a pas besoin de patrons, de dirigeants ou de personnes qui veulent l'utiliser. Le mouvement social a besoin de gens qui veulent le soutenir et lutter avec lui, mais pas se battre pour lui, à sa place. C'est un endroit qui est légitimé par la nécessité de la survie et par la dignité qu'ont les causes qui promeuvent la vraie solidarité. [101] Ce dont les mouvements sociaux ont besoin ce sont des gens qui veulent les soutenir, indépendamment de leurs origines de classe, parce qu'ils considèrent leur lutte comme juste. Il n'ya pas de problème avec les gens qui soutiennent les mouvements sociaux tout en n'étant pas exactement dans les mêmes conditions que les autres militants. Ainsi, nous considérons qu'il est juste que les gens employés soutiennent la lutte des travailleurs sans emploi, que les gens qui ont un logement soutiennent la lutte des sans-abri, et ainsi de suite. Même les gens qui viennent des classes moyennes peuvent et même doivent, si ce sont des gens eux-mêmes éthiques, se rapprocher des secteurs les plus exploités de la population et offrir leur soutien. Cette solidarité devrait toujours être bien accueillie, car elle est importante pour les mouvements sociaux. Un devoir éthique, comme Kropotkine l'a dit, pour inciter les membres des classes moyennes à lutter aux côtés du peuple. Il a dit : [...] Vous tous qui possèdez des connaissances, des talents, si vous avez du cœur, venez, vous et vos compagnons, les mettre au service de ceux qui en ont besoin. Et sachez que si vous veniez, non comme des maîtres, mais comme des camarades de lutte, non pas pour gouverner, mais pour vous inspirer d'un nouveau milieu, moins pour enseigner que pour concevoir les aspirations des masses, les deviner et les formuler, et ensuite travailler, sans relâche, sans cesse, [...] pour les faire venir à la vie - sachez que là, et là seulement, vous aurez vécu une vie complète. [102] L'acceptation de cette candidature de soutien pour les mouvements sociaux devrait être conditionnée aux attitudes qu'adoptent ceux qui ont l'intention d'agir dans cette situation. Tant les soutiens, que les militants qui interviennent dans le cadre d'une organisation doivent démontrer qu'ils sont beaucoup plus disposés à écouter que de parler. Ils doivent prendre conscience de la situation et des conditions que vivent ceux qui forment les mouvements sociaux et lutter au coude à coude, grandir avec eux et ne pas définir de manière autoritaire et verticale leurs moyens et leurs formes. A cette condition, le soutien ou le militant s'apercevra que la chose la plus pertinente sera de confronter leur idéologie avec la réalité du groupe et de ne pas essayer de réduire le mouvement social à leurs certitudes idéologiques. En outre, lorsque nous parlons d'autonomie, nous devons garder à l'esprit que l'autonomie, pour nous, ne signifie pas absence de lutte idéologique, ou même un manque d'organisation. Lorsque vous encouragez l' "absence d'idéologie», la fréquente spontanéité ; lorsque vous renoncez au projet et au programme révolutionnaire – appelant souvent cela « autonomie » - vous ouvrez des espaces et laissez le terrain libre pour la classe dirigeante, les bureaucrates et les autoritaires qui occupent ces espaces. Une autre caractéristique importante des mouvements sociaux est leur combativité. En affirmant qu'il doivent être combatifs nous voulons dire que les mouvements sociaux doivent établir leurs conquêtes en imposant leur force sociale, et ne pas dépendre des faveurs ou des bonnes actions de quelque secteur de la société que ce soit, y compris l'état. La combativité est également caractérisé par une posture de défense de la lutte de classe en dehors de l'État. Comme nous considérons l'État comme un important pillier du capitalisme, nous ne croyons pas que les mouvements sociaux sont capables de mettre en oeuvre leurs politiques en son sein sans que cela revienne à légitimer le capitalisme. Les approches que les Etats adoptent envers les mouvements sociaux sont toujours un moyen de les coopter, de conclure un certain « pacte social » visant à calmer l'esprit de lutte de classe avec l'objectif d'assurer la légitimité du système. Indépendamment du fait que les mouvements sociaux sont plus ou moins violents, le fait est qu'ils doivent toujours rester combatifs, confrontant le capitalisme et l'État lui-même. Nous soutenons également l'action directe comme forme d'action politique, par opposition à la démocratie représentative. Les mouvements sociaux ne doivent pas chercher à faire confiance aux politiciens qui opèrent dans l'état pour représenter leurs intérêts. Nous savons que le mécanisme du système représentatif transforme tous ceux qui y entrent, ne permettant pas - même avec les bien-intentionnés - que les politiciens élus effectuent des actions au nom des classes exploitées. Même les politiciens de « gauche » confondent les fins avec les moyens et ils rendent plus confus les mouvements sociaux au lieu de les clarifier ; n'étant pas, par conséquent, le moyen le plus appropriés pour leur émancipation. L'action directe se produit lorsque le mouvement social lui-même, en réaction constante contre l'environnement actuel n'attend rien des hommes, des pouvoirs ou des forces extérieures à elle, mais [...] crée ses propres conditions de lutte et tire de lui-même ses moyens d'action. [...] Par conséquent, l'action directe est la concrétisation claire et pure de l'esprit de révolte : elle matérialise la lutte de classe, et la fait passer du domaine de la théorie et de l'abstraction au domaine de la pratique et de la réalisation. En conséquence, l'action directe est la lutte des classes vécue au quotidien, elle est l'assaut permanent contre le capitalisme. [103] De cette façon, les mouvements sociaux ne confient pas leur action à des politiciens, mais il la mène sur leur propre base, mettant en pratique la devise de l'AIT selon laquelle « l'émancipation des travailleurs sera l'œuvre des travailleurs eux-mêmes." La lutte pour cette émancipation doit être réalisée de façon stratégique, ce qui rend l'action directe plus ou moins violente selon les exigences des circonstances. Quand elle a besoin d'être violente, elle doit toujours être comprise comme une réponse, comme de l'auto-défense vis à vis du système de domination et d'exploitation dans lequel nous vivons. L'action directe est un moyen pour les mouvements sociaux de faire de la politique dès lors que nous affirmons que la politique, dans le sens où nous la préconisons, n'a pas de sens partisan, mais le sens de la gestion de ce qui est public, pour tout le monde. La politique faites par le peuple, bien organisé, qui se prononce effectivement sur tout ce qui le concerne. La politique que nous préconisons est celle qui se présente aujourd'hui comme une lutte des travailleurs, organisée de bas en haut, contre l'exploitation et l'oppression dont nous sommes victimes. C'est dans la mobilisation sociale que nous voyons toute perspective de changement politique significatif dans la société. [104] Dans ce cas, les mouvements sociaux ne se battent pas pour avoir du pouvoir dans l'État ou dans ses structures institutionnelles de pouvoir. Ils sont toujours organisés en dehors de l'Etat, prônant le retour du pouvoir politique au peuple. Ainsi, nous croyons que le problème n'est pas « qui occupe l'Etat ? », mais l'Etat lui-même. Et c'est seulement de cette façon que nous comprenons le concept du pouvoir populaire [du peuple] préconisé par d'autres groupes et organisations. Si par « pouvoir populaire », nous comprenons la force sociale croissante des organisations des classes exploitées, qui sont incorporés dans un litige en cours avec le capitalisme et l'Etat, alors nous sommes d'accord. Cependant, il ya ceux qui défendent le pouvoir populaire sous la forme d'un soutien à des avant-gardes détachées de la base, à la hiérarchie, aux partis autoritaires, à la conquête de l'État et aux bureaucraties de toutes sortes. Lorsque le pouvoir populaire signifie ce deuxième modèle, alors nous sommes en complet désaccord. En plus de l'action directe comme moyen de faire de la politique, les mouvements sociaux - dans la manière dont nous les comprenons – ont pour nécessité, dans le cas où ils se proposent eux-mêmes comme agents d'une transformation sociale significative, d'utiliser la démocratie directe comme méthode de prise de décision. La démocratie directe prend place dans les mouvements sociaux quand tous ceux qui y sont impliqués participent de manière effective au processus de prise de décision. En utilisant cette méthode les décisions sont prises de façon égalitaire (tous ont la même voix et le même pouvoir de voter) dans les assemblées horizontales, où les questions sont débattues et délibérées. Il n'y a pas de personnes ou de groupes qui discutent et délibèrent des questions en dehors des assemblées, il n'y a pas de hiérarchie ou de patrons qui commandent et d'autres qui obéissent.

La démocratie directe exercée dans ce sens peut être comparé au fonctionnement du socialisme libertaire comme expliqué précédemment. En d'autres termes, les mouvements sociaux sont coordonnés en interne par les principes de l'auto-gestion et sont reliés, en cas de nécessité, par le fédéralisme. Il est important de noter que, en agissant de cette façon, nous intégrons dans nos moyens de lutte les positions défendues quant aux finalités que nous voulons atteindre, ce qui confirme la maxime selon laquelle « les fins sont dans les moyens." Même les reponsabilités et les fonctions assumées sont temporaires, révocables et soumis à une rotation.

Dans ce modèle de mouvement social, il y a une nécessité pour les militants de se conduire avec éthique et responsabilité. l'Éthique, qui guide la conduite militante correcte, est fondée sur des principes qui sont opposés au capitalisme et à l'état et qui soutiennent la coopération, la solidarité et l'entraide. Elle oriente aussi le comportement militant qui fonctionne sans nuire à autrui, qui favorise le soutien, ne permettant pas des postures visant à la division ou aux affrontements injustes. La responsabilité, un principe qui s'oppose aux valeurs du capitalisme, encourage les militants des mouvements sociaux à faire preuve d'initiative, qu'ils prenne des responsabilités et les assume - cela empêchera que quelques-uns soient surchargés de nombreuses tâches - qu'ils ont des attitudes compatibles avec l'esprit combattif et qu'ils contribuent de la meilleure façon aux mouvements sociaux.

La Solidarité et l'entraide sont également des principes qui devraient être encouragées dans les mouvements sociaux. En opposition à l'individualisme du capitalisme l'unité des classes exploitées, afin de lutter contre le capitalisme et l'État, devrait être encouragée. En sortant de l'isolement et en cherchant à se associer, à se joindre à d'autres personnes qui veulent construire un monde plus juste et plus égalitaire, les gens construisent la solidarité de classe. Cela se produit par l'association d'une personne à une autre pour former un mouvement social, ou même d'un mouvement social à l'autre dans la poursuite de la construction de l'organisation populaire et le dépassement du capitalisme et l'État. Dans ce cas, les fonriètres de l'État ne devraient pas être reconnues, dès lors que les mouvements sociaux devraient faire preuve de solidarité par intérêts de classe, et non pas par nationaux. Quand ils sont guidés par les intérêts de classe, les mouvements sociaux sont internationalistes. En outre, les mouvements sociaux constituent un espace privilégié pour le développement de la culture et de l'éducation populaire. C'est la culture, comme manière d'être et de vivre des classes exploitées, qui donnera corps à l'éducation populaire. Tous ceux qui sont mobilisés pour développer leur apprentissage et de nouvelles formes, manifestations, langues et expériences traduisent l'esprit de lutte. Comme il n'y a pas de connaissance complète, c'est le processus d'échange entre les militants qui permet cette éducation, dans laquelle il n'y a pas d'un côté les professeurs et de l'autre les élèves, car tous sont les enseignants et les étudiants. Tout le monde enseigne et tout le monde apprend. De cette façon se produit la construction d'une éducation qui respecte la culture des gens et forme les militants à travers des dialogues, débats, des échanges d'expériences. Dans ce processus, il est possible de tenir la comparaison avec les valeurs du capitalisme qui sont transmis chaque jour par les médias, les écoles et autres moyens de reproduction. En outre, la « gymnastique révolutionnaire" elle-même, fournies par les expériences de lutte, en même temps qu'elle apportera des gains à court terme, aidera ce processus éducatif, y contribuant avec les expériences pratiques de recherche de la liberté à travers la liberté elle-même.

Les gains à court terme, les soi-disant réformes, quand ils sont conquis par les mouvements sociaux serviront de moyens pour réduire la souffrance de ceux qui luttent et en même temps nous apprennent des leçons en terme d'organisation et de lutte. Nous comprenons, par conséquent, que « nous allons prendre ou conquérir d'éventuelles réformes dans le même esprit que celui qui commence à prendre à l'ennemi pied à pied le terrain qu'il occupe, pour avancer toujours plus" [105]. Et nous croyons que dans la lutte pour les réformes, les mouvements sociaux ne deviennent pas réformistes- ceux qui considèrent les réformes comme une finalité. Même avec la lutte pour des réformes ils peuvent soutenir une pratique révolutionnaire et être contre le réformisme, car « si nous sommes contre le réformisme, ce n'est pas parce que les améliorations partielles ne nous intéressent pas, mais parce que nous croyons que le réformisme n'est pas seulement un obstacle à la révolution , mais même aux réformes "[106]. Cette affirmation laisse place à une autre caractéristique essentielle que nous croyons fondamentale dans les mouvements sociaux : la perspective révolutionnaire à long terme. Sur cette base, l'idée est que les mouvements sociaux, en plus d'avoir leurs étendards spécifiques (terre, au logement, travail, etc) peuvent avoir comme objectifs la révolution et la construction d'une nouvelle société. Nous considérons que les luttes de court et moyen terme sont complémentaires avec cette perspective à long terme et non pas incompatibles. Avec une perspective à long terme les mouvements ont une plus grande capacité de conquête sociale, plus les objectifs étant éloignés, plus grandes étant les conquêtes sociales- les premières conquêtes sociales n'étant pas la fin de la lutte. De nombreux mouvements sociaux qui n'ont pas de perspective à long terme, ayant leurs demandes satisfaites (terres pour les paysans sans terre, maisons pour les sans-abri, travail pour les sans emploi, etc.) pensent que l'horizon est atteint. Pour nous ce n'est que la première étape, et même s'il est atteinte, elle devrait stimuler d'autres luttes et mobilisations autour d'autres problèmes qui affectent notre société. C'est cette perspective qui fournit également un regard critique sur les mouvements sociaux en lien avec le capitalisme et l'État, préservant leur vigilance face à des tentatives de collaboration de classe et d'intégration. Cette perspective encourage également la solidarité et d'entraide, dès lors que les classes exploitées ne se voient plus comme fragmentées, mais en tant que partie d'un tout qui se bat pour une société nouvelle. Ainsi, les mouvements sociaux défendent une perspective à long terme qui est révolutionnaire, dans le sens où elle veut remplacer une société fondée sur l'inégalité, sur l'exploitation de l'immense majorité des hommes par une minorité oppressive, sur le privilège, sur la paresse, et sur une autorité protectrice de toutes ces belles choses par une société fondée sur l'égalité, la justice pour tous et la liberté de tous. [...] Elle veut, en un mot, une organisation économique, politique et social dans laquelle chaque être humain, sans préjudice de leurs particularités naturelles et individuelles, trouve une chance égale de se développer, de se former, de penser, de travailler, d'agir et de profiter de la vie comme un être humain. [107] Un autre point important qui doit être mentionné est le fait que les mouvements sociaux ont souvent été le résultat d'actions et mobilisations spontanées des classes exploitées. Ce fait est naturel pour nous et nous considérons que nous aurons toujours à vivre avec lui. Dans des situations extrêmes des secteurs de la population se révoltent ou sont mobilisés pour des raisons différentes : pour dénoncer une injustice, pour répondre à une attaque du système, pour obtenir quelque chose à manger, un endroit pour vivre, etc Si d'une part nous préconisons l'organisation nous croyons, d'autre part, que nous devrions toujours soutenir ces moments de mobilisation populaire spontanée. Les objectifs organisationnels doivent être poursuivis au sein de la lutte. Nous ne devons pas, par conséquent, remettre en cause la spontanéité quand elle prend place, mais plutôt, impliqué dans les luttes, essayer de catalyser les forces afin d'atteindre le degré nécessaire d'organisation. L'interaction de cette dynamique des mouvements sociaux, qui contient naturellement un haut degré de spontanéité, avec des contextes sociaux variables (la répression, la législation, les changements dans les forces politiques agissantes, etc) entrainera naturellement des flux et reflux des mouvements sociaux. Il y aura des moments où les circonstances permettent une réalité de luttes plus radicale et permanentes. A d'autres moments ils produiront des contextes difficiles pour l'articulation, du découragement, de la peur, etc Autrement dit, il est naturel qu'il existe des contextes de flux et reflux. A certains moments, qui sont généralement précurseurs de grands événements historiques, des plus grands triomphes de l'humanité, tout semble avancer à un rythme accéléré, tout respire la force : l'esprit, le cœur, la volonté, tout se passe à l'unisson, tout semble aller vers la conquête de nouveaux horizons. Donc, il s'établit dans la société, comme un courant électrique qui unit les individus les plus éloignés dans le même sentiment et les esprits les plus disparates dans une pensée commune qui imprime la même volonté à tous. [...] Mais il y a d'autres moments sombres, désespérés et fatals, où tout respire la décadence, la prostration et la mort, et qui expriment une véritable éclipse de la conscience publique et privée. C'est le reflux qui suit toujours les grandes catastrophes historiques. [108] Nous considérons qu'il est de notre devoir de bien évaluer le contexte et d'agir de manière appropriée. À une époque où le contexte s'oriente vers un flux nous devons attaquer, agissant avec toute la force et de fournissant toute l'organisation nécessaire. À une époque où les contexte s'oriente vers un reflux, nous devons savoir comment vivre avec les problèmes, « Garder la flamme allumée", et attendre le bon moment pour se re-mobiliser. Enfin, notre point de vue est que nous devons briser l'isolement des individus, en créant et en encourageant le développement des mouvements sociaux avec les caractéristiques indiquées ici. Il s'agit d'une première étape dans notre stratégie permanente. Après cela, dans une seconde étape, nous considérons comme nécessaire l'assemblage de divers mouvements sociaux pour la constitution de ce que nous appelons dans l'ensemble du texte l'organisation populaire, c'est à dire la convergence des mouvements sociaux dans une lutte constante contre le capitalisme et l'Etat. Cherchant à accroître de façon permanente la radicalisation et la force sociale de l'organisation populaire, nous considérons qu'il est possible de parvenir à la révolution sociale et donc de mettre en place le socialisme libertaire. Dans ce processus de transformation sociale nous croyons que les classes exploitées ont un rôle indispensable , « cette masse, [...] sans l'aide déterminante de laquelle le triomphe de la révolution ne sera jamais possible" [109].

L'organisation spécifique anarchiste

Si [les révolutionnaires] n'ont pas d'idée directrice pour leur action, ils ne seront pas autre chose qu'un vaisseau sans boussole. Ricardo Flores Magón

Une organisation anarchiste doit être fondée, à mon avis, sur l'autonomie complète, sur l'indépendance complète, et, par conséquent, sur la pleine responsabilité des individus et des groupes ; le libre accord entre ceux qui croient qu'il est utile de s'unir pour coopérer avec un objectif commun, un devoir moral de respecter les engagements pris et de ne pas faire tout ce qui contredit le programme accepté. Errico Malatesta

L'Organisation anarchiste

Dans ce texte, nous avons parfois discuté de l'organisation spécifique anarchiste et de nos attentes par rapport à elle. Comme nous l'avons précédemment défini, son objectif est « de construire l'organisation populaire et l'influencer, lui donnant le caractère désiré, pour atteindre le socialisme libertaire par le biais de la révolution sociale". En outre, nous la considérons comme le plan politique de l'activité. L'organisation spécifique anarchiste est le regroupement d'individus anarchistes qui, par leur propre volonté et libre-accord, travaillent ensemble avec des objectifs bien définis. Pour cela, elle utilise des formes et des moyens pour que ces objectifs soient atteints, ou qu'au moins, elle se dirige vers eux. Ainsi, nous pouvons considérer l'organisation anarchiste comme « [...] l'ensemble des individus qui ont un objectif commun et qui s'efforce d'y parvenir ; il est naturel qu'ils se comprennent mutuellement, unissent leurs forces, partagent le travail et prennent toutes les mesures adaptées à cette tâche »[110]. Grâce à l'organisation anarchiste les anarchistes s'articulent sur le plan politique et idéologique, dans le but de mettre en pratique la politique révolutionnaire et de mettre au point les moyens - la façon de travailler - qui devraient pointer vers les objectifs finaux : la révolution sociale et le socialisme libertaire. Cette pratique politique, qui vise les objectifs finaux, doit être effectuée créant une organisation qui puisse remplir les tâches de l'anarchisme, non seulement en temps de préparation de la révolution sociale, mais aussi par la suite. Une telle organisation doit unir toutes les forces révolutionnaires de l'anarchisme et se préoccuper immédiatement de la préparation des masses pour la révolution sociale et de la lutte pour la réalisation de la société anarchiste. [111] Cette organisation est fondée sur des accords mutuels, tant pour son fonctionnement interne que pour son action extérieure - sans avoir de relations de domination, d'exploitation ou d'aliénation en son sein - qui constituent une organisation libertaire. La fonction de l'organisation spécifique anarchiste est de coordonner, faire converger et augmenter de façon permanente la force sociale des activités militantes anarchistes, fournissant un outil de lutte solide et cohérent, ce qui est un moyen fondamental pour la poursuite des objectifs finaux. Par conséquent, [...] Il est nécessaire de s'unir et de s'organiser : en premier lieu pour discuter, puis pour rassembler les moyens pour la révolution, et enfin, pour former un tout organique qui, armé de ses moyens et renforcé par son union peut, lorsque le moment historique a sonné, balayer toutes les aberrations et toutes les tyrannies du monde [...]. L'organisation est un moyen de se différencier, de détailler un programme d'idées et de méthodes établies, un modèle de bannière unificatrice pour se lancer dans le combat en sachant ceux sur lesquels on peut compter et en ayant pris conscience de la force à sa disposition. [112] Pour constituer cet outil de combat solide et cohérent, il est essentiel que l'organisation anarchiste aie des lignes stratégiques et tactiques, et politiques bien déterminées- ce qui se produit à travers l'unité théorique et idéologique, et l'unité de la stratégie et de la tactique. Cette organisation aux lignes bien définies regroupe les anarchistes au niveau politique et idéologique, et développe leur pratique politique au plan social – ce qui caractérise une organisation de minorité agissante, car le plan social est toujours beaucoup plus large que le plan politique. Cette pratique politique prend forme lorsque l'organisation anarchiste de la minorité agissante effectue un travail social au sein de la lutte des classes, à la recherche d'insertion sociale qui prend forme à partir du moment où l'organisation anarchiste parvient à influer sur les mouvements sociaux avec lesquels elle travaille. Dûment organisés comme une minorité agissante, les anarchistes constituent une force sociale beaucoup plus grande dans la réalisation du travail social et une plus grande chance d'avoir une insertion sociale. Outre la pratique et l'insertion sociales, l'organisation spécifique anarchiste exerce d'autres activités : la production et la reproduction de théorie, de propagande anarchiste, d'éducation politique, la conception et la mise en œuvre de la stratégie, les relations politiques et sociales et la gestion des ressources. On peut donc dire que les activités de l'organisation spécifique anarchiste sont les suivantes : - Pratique et insertion sociales - Production et reproduction de théorie - Propagande anarchiste - - Éducation politique - Conception et mise en œuvre de la Stratégie - Relations sociales et politiques - Gestion des ressources Ces activités peuvent être réalisées d'une manière plus ou moins publique, en tenant toujours compte du contexte social dans lequel elle [l'organisation] fonctionne. Nous disons plus ou moins public parce que nous croyons que « l'on devrait faire publiquement ce qu'il est convenu que tout le monde devrait savoir, et secrètement ce qu'il est convenu qu'il doit être caché » [113]. En période de moindre répression l'organisation anarchiste opère publiquement, exécute la plus grande propagande possible en essayant d'attirer le plus grand nombre de personnes. En période de répression accrue, si, "par exemple, un gouvernement nous interdit de parler, d'imprimer, de nous rencontrer, de nous associer, et que nous n'avons pas la force de nous rebeller ouvertement, nous essayerions de parler, d'imprimer, de rencontrer et de nous associer dans la clandestinité »[114]. Dans ce travail, qui varie selon le contexte social, l'organisation spécifique anarchiste doit toujours défendre les intérêts des classes exploitées, parce que nous la considérons comme une expression politique de ces intérêts. Pour nous, les idées de l'anarchisme [...] Ne sont rien si elles ne sont pas l'expression la plus pure et la plus fidèle des instincts populaires. Si elles ne correspondent pas à ces instincts elles sont fausses, et, dans la mesure où elles sont fausses, elles seront rejeté par le peuple. Mais si ces idées sont l'expression honnête de ces instincts, si elles représentent la vraie pensée du peuple, elles vont rapidement pénétrer l'esprit des multitudes se révoltant, et aussi longtemps que ces idées rencontrent le chemin de l'esprit populaire, elles progresseront rapidement vers leur pleine réalisation. [115] L'organisation spécifique anarchiste, comprise comme une expression politique des intérêts des classes exploitées, n'agit pas en leur nom et ne se place pas au dessus d'eux. Elle ne remplace pas l'organisation des classes exploitées, mais donne une chance aux anarchistes de se mettre à leur service. Dans cette pratique politique consistant à se mettre au service des classes exploitées l'organisation anarchiste est guidée par une Charte de Principes. Les principes sont les propositions éthiques et des notions, toutes deux non-négociables, qui guident toute pratique politique, en fournissant des modèles d'action anarchiste. "L'hypothèse de cohérence avec ces principes est ce qui détermine l'authenticité idéologique relative à l'anarchisme." [116] Dans notre cas, la Charte des Principes de 2003 [117] définit neuf principes : la liberté, l'éthique et des valeurs, le fédéralisme, l'autogestion, l'internationalisme, l'action directe, la lutte des classes, la pratique politique et l'insertion sociale et l'aide mutuelle. En premier lieu, nous affirmons le principe de la liberté, affirmant que "la lutte pour la liberté précède l'anarchie." Comme la pensée de Bakounine, nous estimons que « la liberté individuelle [...] ne peut trouver son expression ultime que dans la liberté collective», et nous rejetons, par conséquent, les propositions de l'anarchisme individualiste. La poursuite du socialisme libertaire est donc la lutte incessante pour la liberté. Un autre principe tout à fait central pour nous est celle de l'éthique et des valeurs qui nous amènent à fonder l'ensemble de notre pratique sur l'éthique anarchiste, qui est un "engagement militant non-négociable ." Grâce à l'éthique, entre autres choses, nous préconisons la cohérence entre les moyens et les fins et le respect mutuel. Nous affirmons le fédéralisme et l'autogestion en tant que principes d'organisation non-hiérarchiques et décentralisés, soutenus par une aide mutuelle et la libre association, en présupposant la prémisse de l'AIT selon laquelle tout le monde a des droits et des devoirs. Au-delà de cela, ce sont ces principes qui guideront la gestion de la société future à tous les niveaux : la gestion économique, politique et sociale, étant effectuée par les travailleurs eux-mêmes. Soulignant la nécessité pour les luttes d'être auto-gérées, nous affirmons que « même si elles prend corps dans le système obsolète actuel, [l'autogestion] donne du potentiel aux transformations qui pointent vers une société égalitaire." En affirmant l'internationalisme, nous soulignons le caractère international des luttes et la nécessité pour nous de nous associer par affinités de classe et non par celles de la nationalité. Les exploités d'un pays doivent voir dans les exploités d'un autre des compagnons de lutte, et non des ennemis. L'internationalisme est opposé au nationalisme et à l'exaltation de l'État, car ils représentent un sentiment de supériorité sur les autres pays et les peuples, et renforcent l'ethnocentrisme et les préjugés - les premiers pas vers la xénophobie. Tout le monde, indépendamment de sa nationalité, est égal et doit être libre. L'action directe est posée comme un principe fondé sur l'horizontalisme et encourage l'implication des travailleurs, en s'opposant à la démocratie représentative qui, comme nous l'avons déjà dit, aliène politiquement. L'action directe met les gens en face de leurs propres décisions et actions », reliant les travailleurs et les opprimés au centre de l'action politique." En outre, nous avons choisi de nous baser sur la lutte des classes, nous définissant comme une organisation de travailleurs, des travailleurs qui défendent les exploités, et lutte pour l'extinction de la société de classe et pour la création d'une société dans laquelle les esclaves et les maîtres n'existent plus. Par conséquent, nous reconnaissons et nous donnons la priorité à la lutte des classes. Pour nous, il y a un besoin central de lutte contre les maux auquel le capitalisme conduit, et pour cela il est essentiel de combattre aux côtés des exploités, là où les conséquences de la société de classes deviennent plus claires et plus évidentes Les principes de la pratique politique et de l'insertion sociale renforcent l'idée que c'est seulement avec les classes exploitées que l'anarchisme est en mesure de s'épanouir. Par conséquent, l'organisation anarchiste doit chercher à se rapprocher de toutes les formes de lutte populaire, indépendamment du lieu où elles peuvent avoir lieu. Nous affirmons que l'interaction de l'organisation anarchiste avec toute manifestation "dans la vie sociale, culturelle, paysanne, syndicale, étudiante, communautaire (de quartier), dans les camps de lutte autour de l'environnement, etc, tant qu'elle est insérée dans le contexte des luttes pour la liberté», correspond à la concrétisation de ce principe. Comme dernier principe dans la Charte, l'aide mutuelle encourage la solidarité dans la lutte, en encourageant le maintien de relations fraternelles avec tous ceux qui travaillent vraiment pour un monde juste et égalitaire. Il encourage la solidarité effective entre les exploités. Au moment où elle met en oeuvre une pratique sociale l'organisation spécifique anarchiste cherche à influencer les mouvements sociaux d'une manière constructive, avec des propositions et, en même temps, tenir loin d'eux l'influence négative des individus et des groupes qui - au lieu de défendre les intérêts du peuple, en les encourageant à être les protagonistes de leur propre émancipation - les utilisent pour atteindre d'autres objectifs. Nous savons que des politiciens, des partis, des syndicats et aussi d'autres organisations et individus autoritaires - comme l'église, les réseaux de trafic de drogue, etc.. - constituent des obstacles à la construction de l'organisation populaire, car ils pénètrent les mouvements sociaux, dans la grande majorité des cas, en cherchant à prendre avantage du nombre de personnes présentes là pour : trouver de l'aide aux élections, constituer une base pour des projets de pouvoir autoritaires, obtenir de l'argent, faire du prosélytisme, ouvrir de nouveaux marchés et ainsi de suite. Les organisations autoritaires et les individus autoritaires ne veulent pas soutenir les mouvements sociaux, mais les utiliser pour atteindre leurs (celle des organisations et des individus autoritaires») propres objectifs, qui ne sont pas compatibles avec les objectifs des militants des mouvements sociaux – c'est à dire, que les autoritaires cherchent à établir une relation de domination sur les mouvements sociaux. Tout anarchiste qui a organisé ou même vu comment fonctionnaient les mouvements sociaux sait que, s'il n'y a pas une organisation cohérente, capable de donner la force nécessaire aux anarchistes dans le conflit en cours à propos de l'espace politique, les autoritaires deviennent hégémoniques et le travail des anarchistes est complètement perdu. Les anarchistes, en ne constituant pas la force sociale nécessaire, offrent deux possibilités : soit ils seront utilisés par les autoritaires comme main d'oeuvre (« petites mains ») dans l'accomplissement de leurs projets autoritaires, ou ils seront tout simplement supprimés Dans le premier cas on parle d'anarchistes qui ne sont pas spécifiquement organisés et se laissent porter par les événements. Quand ils ne sont pas organisés, ils n'exercent pas l'influence nécessaire pour avoir même un peu de force sociale. Bien qu'ils ne gênent pas beaucoup, ils sont admis dans les mouvements sociaux. Dans le second cas on parle d'anarchistes isolés qui commencent à exercer une certaine influence, ou, dans la compréhension autoritaire, ils commencent à géner. Dans ce cas, ils sont expulsés, chassés ou vilipendés. Ils se font littéralement « écraser » par les autoritaires. Sans l'organisation nécessaire, ils ne peuvent pas se maintenir dans les mouvements sociaux et peuvent beaucoup moins exercer l'influence souhaitée. Cela arrive parce que quand il n'y a pas une bonne organisation des anarchistes, il est possible de constituer des organisations autoritaires, ou moins libertaire. En abordant le différend permanent s'exprimant dans l'espace politique, nous ne disons pas que les anarchistes doivent se battre pour le leadership, la supervision, ou n'importe quelle position de privilège dans les mouvements sociaux. Nous parlons, au contraire, de la lutte interne qui a lieu lorsque l'on veut inciter les mouvements sociaux à adopter des pratiques libertaires. Nous croyons qu'il n'y a jamais un vide politique, nulle part. Par conséquent, à partir du moment où nous parvenons à faire prévaloir nos positions, cela signifie nécessairement une diminution de l'influence des autoritaires et vice-versa. Par exemple, en voyant que certains anarchistes se battent pour qu'un mouvement utilise l'action directe et la démocratie directe, les politiciens et les appareils de parti seront contre, et à moins qu'il y aie une organisation solide des anarchistes, l'insertion sociale et la capacité de se battre pour ces positions, les positions autoritaires ont plus de chances de prospérer. Quand nous serons bien organisés comme anarchistes, nous ne seront pas à la traîne des événements, mais parviendrons à marquer nos positions et exercer notre influence dans les mouvements sociaux, allant vers une vraie insertion. C'est à travers l'organisation spécifique anarchiste que nous parvenons à être bien organisé pour le travail que nous voulons accomplir dans les mouvements sociaux les plus divers . L'organisation anarchiste doit être le prolongement de nos efforts et notre propagande, elle doit être le conseiller libertaire qui nous guide dans notre action de combat quotidienne. Nous pouvons nous baser sur son programme pour diffuser notre action dans d'autres champs, dans tous les organismes spéciaux de luttes particulières dans lesquelles nous pouvons pénétrer et mener notre activité et notre action : par exemple, dans les syndicats, les sociétés anti-militaristes, dans les groupements anti-religieux et anti-cléricaux, etc Notre organisation spéciale peut servir également comme une base pour la concentration anarchiste (non centralisée!), comme un champ d'accord, de compréhension et de solidarité la plus complète possible entre nous. Plus nous sommes unis, plus faible sera le risque que nous glissions dans l'incohérence, ou que nous nous détournions de notre élan pour la lutte vers des batailles et des escarmouches où d'autres qui ne sont pas du tout d'accord avec nous pourraient nous lier les mains [118] Ainsi, l'organisation anarchiste, en plus d'être responsable de sa pratique politique dans des champs différents sert à augmenter la force sociale des anarchistes en leur sein. Parmi les diverses forces présentes dans ces espaces les anarchistes doivent se démarquer et faire fructifier leurs positions. Cette pratique politique dans différents champs exige que l'organisation anarchiste se divise en fronts, qui sont les groupes internes qui mettent en oeuvre la pratique sociale. Généralement, les organisations qui travaillent avec cette méthodologie suggèrent que trois fronts de base soient développées : syndical, communautaire (lutte de quartier) et étudiant. Autrement, nous croyons que les fronts devraient être divisé, non pas en fonction de ces espaces pré-planifés de l'insertion, mais sur la base du travail pratique de l'organisation. De notre point de vue, cela ne devrait pas être une obligation de développer le travail dans ces trois fronts et, en outre, il peut y avoir d'autres espaces intéressants qui nécessitent des fronts dédiés. Chaque organisation devrait chercher les espaces les plus propices au développement de sa pratique sociale, et à partir de cette nécessité pratique former ses fronts. Ainsi, si il y a du travail dans le secteur étudiant, il peut y avoir un front étudiant. Si il y a du travail syndical, il peut y avoir un front syndical. Toutefois, si d'autres travaux sont développés, par exemple, avec les mouvements paysans ou avec des mouvements urbains, etc, les fronts devraient suivre cette division. C'est à dire, au lieu d'avoir un seul front communautaire qui travaille avec les mouvements sociaux des populations rurales et urbaines, on peut un front de mouvements ruraux et un autre front de mouvements urbains. En ce sens, nous soutenons un modèle de fronts dynamiques qui représentent la division interne de l'organisation anarchiste spécifique pour la réalisation concrète de la pratique sociale de la meilleure façon possible. Les fronts sont responsables, dans leur domaine de travail respectif, de la création et du développement des mouvements sociaux ainsi que de veiller à ce que les anarchistes occupent l'espace politique - espace qui est en affrontement permanent - et d'exercer une influence raisonnable sur ces mouvements. Dans le cas de notre organisation nous avons engagé une pratique sociale divisée en deux fronts. Le « front communautaire», qui combine le travail de gestion de la Bibliothèque Fabio Luz sociale (Biblioteca Social Fábio Luz - BSFL), du Centre de culture sociale de Rio de Janeiro (Centro de Cultura Social - CCS-RJ) et de son travail communautaire, le Centre de recherche Marques da Costa(Núcleo de Pesquisa Marques da Costa - NPMC) le Cercle d'études libertaire Ideal Peres (Círculo de Estudos Libertarios Peres Idéal - CELIP). L'autre était le "front des occupations", qui a été impliqué dans des occupations urbaines et le Front internationaliste des sans-abri (Frente Internacionalista dos Sem-Teto - FIST). Suite à un changement de situation nous avons quitté le FIST, continuant à travailler avec les occupations et nous avons travailler à rassembler un peu les occupants, et beaucoup d'autres chômeurs au sein du Mouvement des travailleurs sans emploi (Movimento dos Trabalhadores Desempregados - MTD). Ce mouvement a pris une grande importance dans ce front. Dans cette perspective, le « front des occupations » a été rebaptisé « Front des mouvement sociaux urbains." De même, parce que nous l'avons jugé nécessaire, nous avons constitué un troisième front : le « Front agro-écologique" (l'anarchisme et la Nature) à partir de travaux pratiques dans les mouvements sociaux ruraux, de l'écologie et de l'agriculture, qui ont commencé à être développé par l'organisation. De cette façon, nous estimons que les fronts sont adaptés au contexte pratique du travail.

Nous illustrons comment cela fonctionne dans la pratique.

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Schéma front

L'OSA étant l'organisation spécifique anarchiste (divisée en fronts A, B et C) et MS les mouvements sociaux, l'OSA est divisé intérieurement en les fronts qui agissent, chacun, dans un secteur déterminé ou MS. Dans ce cas, en supposant que l'OS fonctionne avec trois MS, ou avec trois secteurs MS, elle se divise pour la pratique en trois fronts. Le Front A travaille avec le MS A ou avec le secteur A d'un MS déterminé. Le Front B fonctionne avec le MS B ou avec le secteur B d'un MS déterminé, et ainsi de suite. Pour Donner des exemples concrets : l'OSA peut être divisé en un front syndicaliste (A), un front communautaire (B) et un front étudiant (C), et chacun d'eux agira dans un MS. Un Front A agira au sein du syndicat, un front B dans la communauté et C dans le mouvement étudiant. Dans notre cas, notre OSA est aujourd'hui divisée en trois fronts : les mouvements sociaux urbains (A), la communauté (B) et de l'agro-écologie (l'anarchisme et de la Nature) (C). Chacun de ces Front travaille dans un ou plusieurs mouvements sociaux. Un Front A dans le mouvement des sans-abri et dans le MTD, un Front B dans le mouvement communautaire et un Front C dans les mouvements ruraux de l'écologie et l'agriculture. Outre cette division interne en fronts, qui fonctionne pour la pratique sociale, les organisations spécifiques anarchistes utilisent, tant pour leur fonctionnement interne qu'externe, la logique de ce que nous appelons « cercles concentriques » - fortement inspirés par le modèle d'organisation bakouniniste. La principale raison pour laquelle nous adoptons cette logique de fonctionnement est parce que, pour nous, l'organisation anarchiste doit préserver différentes instances d'action. Ces différentes instances devraient renforcer son travail tout en lui permettant en même temps de réunir des militants préparés avec un haut niveau d'engagement et des gens se rapprochant, sympathisant avec la théorie ou la pratique de l'organisation - qui pourraient être plus ou moins bien préparés et plus ou moins engagés . En bref, les cercles concentriques cherchent à résoudre un paradoxe important : l'organisation anarchiste doit être suffisament fermée pour avoir des militants préparés, fortement engagés et politiquement cohérents, et suffisamment ouverte pour y attirer de nouveaux militants. Une grande partie des problèmes qui se produisent dans les organisations anarchistes sont causés par le fait qu'elles ne pas fonctionnent pas selon la logique de cercles concentriques et n'appliquent pas ces deux instances de l'action. Une personne qui dit qu'elle est anarchiste et est intéressée par le travail de l'organisation devrait elle être dans l'organisation, bien qu'elle ne connaisse pas la ligne politique en profondeur ? Un laïque qui s'intéresse aux idées anarchistes devrait-il être dans l'organisation ? Comment se relier aux "libertaires" - dans le sens le plus large du terme - qui ne se considèrent pas comme des anarchistes ? Devraient-ils être dans l'organisation ? Et les membres les plus âgés qui ont déjà accompli un travail important, mais veulent maintenant être proche, mais ne pas s'engager dans les activités permanentes de l'organisation ? Et ceux qui ne peuvent que rarement consacrer du temps pour le militantisme ? Il y a beaucoup de questions. D'autres problèmes se produisent parce qu'il y a des doutes quant à la mise en œuvre de la pratique sociale. L'organisation doit-elle se présenter comme une organisation anarchiste dans les mouvements sociaux ? Dans sa pratique sociale peut-elle former des alliances avec d'autres individus, groupes et organisations qui ne sont pas anarchiste ? Dans un tel cas, quels sont les points communs à préconiser ? Comment peut-on mettre en oeuvre une pratique sociale dans un champ avec des gens de différentes idéologies et maintenir une identité anarchiste ? Comment s'assure-t'on que l'anarchisme ne perd pas son identité lorsqu'il est en contact avec les mouvements sociaux ? Sur ce point, il se pose aussi de nombreuses questions. Les cercles concentriques sont destinés à proposer une place précise à chacun des militants et sympathisants de l'organisation. En outre, ils cherchent à faciliter et renforcer la pratique sociale de l'organisation anarchiste, et enfin, établir un canal pour le recrutement de nouveaux militants. Dans la pratique, la logique de cercles concentriques s'établi comme suit. A l'intérieur de l'organisation spécifique anarchiste, il y a seulement des anarchistes qui, à un degré plus ou moins grand, sont en mesure d'élaborer, de reproduire et d'appliquer la ligne politique de l'organisation en interne, dans les fronts et dans l'activité publique. En outre, à un degré plus ou moins important, les militants devraient être en mesure d'aider à l'élaboration de la ligne stratégique et tactique de l'organisation, ainsi que d'avoir la pleine capacité de les reproduire et de les appliquer. Les militants assument des fonctions internes de l'organisation - qu'elles soient exécutives, délibératives ou extraordinaire - ainsi que des fonctions externes en ce qui concerne la pratique sociale. Les fonctions assumées par les militants au sein de l'organisation relèvent de l'auto-gestion et du fédéralisme, ou de décisions horizontales où tous les militants ont le même droit de parole et de vote et où, dans des cas spécifiques, il y a délégation avec mandat impératif. Les fonctions à remplir par les délégués doivent être très bien définies de sorte qu'ils "ne peuvent pas agir au nom de l'association à moins que les membres de celle-ci les ont explicitement autorisé à [le faire], ils ne doivent exécuter que ce que les membres ont décidé et non pas dicter la voie à suivre à l'association "[119]. En outre, les fonctions devraient être mis en rotation afin de les rendre accessible à chacun et d'éviter la cristallisation de positions ou de fonctions. L'organisation spécifique anarchiste pourrait avoir un seul cercle des militants, chacun d'entre eux étant dans la même instance, ou elle pourrait avoir plus d'un cercle - les critères étant définis collectivement. Par exemple, cela peut être le temps qu'une personne a passé dans l'organisation ou sa capacité à élaborer des lignes politiques stratégiques ou tactiques. Ainsi, les militants les plus récents ou ceux qui ont une moindre capacité d'élaboration des lignes peuvent être dans un cercle plus externe (lointain), et les militants les plus expérimentés avec une plus grande capacité pour l'élaboration des lignes dans un autre plus interne (plus). Il n'y a pas une hiérarchie entre les cercles, mais l'idée est que plus les militants sont "à l'intérieur", ou plus proches, plus ils sont mieux à même de formuler, de comprendre, reproduire et d'appliquer les lignes de l'organisation. Plus les militants sont à "intérieur" , plus grand sont leurs niveaux d'engagement et d'activité. Plus un militant propose à l'organisation, plus il lui en est exigé par elle. Ce sont les militants qui décident de leur niveau d'engagement et ils participent ou ne participent pas aux instances de délibération sur la base de ce choix. Ainsi, les militants décident comment ils veulent s'engager et plus ils s'engagent, plus ils vont décider. Le moins qu'ils s'engagent, moins ils vont décider. Cela ne signifie pas que la position la plus engagée a plus de valeur que celle la moins engagée. Cela signifie qu'ils participent à différents organes de décision. Par exemple, ceux qui sont plus engagés participent avec voix délibérative au Congrès, qui définit les lignes politiques et stratégiques de l'organisation, les moins engagé ne participent pas aux Congrès, ou participent seulement en tant qu'observateurs, et participent aux assemblées mensuelles où les tactiques et les applications pratiques des lignes sont définies. Ainsi, à l'intérieur de l'organisation spécifique anarchiste, on peut avoir un ou plusieurs cercles, qui devraient toujours être définies par le niveau d'engagement des militants. Dans le cas de plus d'un niveau cela doit être clair pour tout le monde, et les critères pour changer un niveau doivent être accessible à tous les militants. C'est, par conséquent, le militant qui choisit là ou il veut être. Le cercle suivant, plus extérieur et éloigné de la base de l'organisation anarchiste, ne fait plus partie de l'organisation, mais a une importance fondamentale : le niveau des sympathisant. Cet organisme, ou instance, cherche à regrouper toutes les personnes qui ont des affinités idéologiques avec l'organisation anarchiste. Les sympathisants sont chargés d'aider l'organisation dans son travail pratique, tel que la publication de brochures, de périodiques ou de livres ; la diffusion de matériel de propagande, en aidant dans le travail de production de théorie ou d'analyse contextuelle ; dans l'organisation des activités concrètes pour la pratique sociale : les activités communautaires, l'aide dans le travail de formation, les activités logistiques, l'aide à l'organisation du travail, etc... Cette instance de soutien est l'endroit où les gens qui ont des affinités avec l'organisation anarchiste et son travail en contact avec d'autres militants, sont en mesure d'approfondir leur connaissance de la ligne politique de l'organisation, mieux connaître ses activités et d'approfondir leur vision de l'anarchisme, etc... Par conséquent, la catégorie de sympathisant a un rôle important pour aider l'organisation anarchiste à mettre en pratique ses activités, chercher à atirer les plus intéressés à elle. Ce rapprochement a pour objectif qu'à l'avenir certains de ces sympathisants deviennent des militants de l'organisation. L'organisation spécifique anarchiste attire le plus grand nombre possible de sympathisant-e-s et, à travers des travaux concrets, identifie ceux qui sont intéressés à se joindre à l'organisation et qui ont un profil approprié à l'adhésion. La proposition pour l'entrée dans l'organisation peut être faite par les militants de l'organisation pour le candidat et vice-versa. Bien que chaque militant choisit son niveau d'engagement envers l'organisation et où il veut être, l'objectif de l'organisation anarchiste est toujours d'avoir le plus grand nombre de militants dans les milieux les plus internes, avec un plus haut niveau de l'engagement. Donnons un exemple concret : Supposons que l'organisation a délibéré de travailler en interne avec deux niveaux d'engagement, soit deux cercles. Lorsque les militants sont nouveaux, ils entrent au niveau de « militant » et, quand ils ont été là six mois et sont préparés et des militants engagés, ils vont de l'avant au niveau de « militant à part entière". Supposons que cette organisation a également décidé d'avoir un niveau de sympathisant. L'objectif de l'organisation sera d'avoir le plus grand nombre possible de sympathisant, sur la base de l'affinité de chacun avec l'organisation, de les transférer au niveau de la militance et, au bout de six mois - une fois préparé s- au niveau de la militance à part entière.

Nous illustrons comment cela peut fonctionner dans la pratique.

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Schéma Flux de militants

S'étant le niveau des sympathisants, M des militants et de MAP des militants à part entière, l'objectif est le débit indiqué par la flèche rouge - pour aller de S à M et de M à la MAP. Ceux qui sont intéressés peuvent suivre ce flux, et ceux qui ne le sont pas peuvent rester là où ils se sentent mieux. Par exemple, si une personne veut donner un soutien sporadique, et pas plus que cela, elle peut vouloir toujours rester à S. La question ici est que la volonté de travailler de toutes les personnes devrait être utilisée par l'organisation. Tout simplement parce que ce n'est pas parce qu'une personne a peu de temps, ou parce qu'elle préfère aider de temps en temps qu'elle devrait rester à l'écart. Dans une organisation spécifique anarchiste, il doit y avoir de la place pour tous ceux qui souhaitent contribuer. "Les réalisations concrètes sont les critères de sélection qui ne se trompent jamais. L'aptitude et l'efficacité des militants est, fondamentalement, mesurée par l'enthousiasme et l'application avec laquelle ils accomplissent leurs tâches". [120]

La logique de cercles concentriques exige que chaque militant et l'organisation elle-même aient des droits et des devoirs bien définis pour chaque niveau d'engagement. Cela parce qu'il n'est pas juste pour quelqu'un de prendre des décisions au sujet de quelque chose qu'il ne le concernera pas. Un sympathisant qui fréquente les activités une fois par mois et verse des cotisations sporadiques, par exemple, ne peut pas se prononcer sur des règles ou des activités qui doivent être respectées ou réalisées quotidiennement, car il déciderait alors beaucoup plus pour les autres militants que pour lui-même.

C'est une pratique très courante dans les groupes libertaires que les gens qui font des contributions sporadiques se prononcent sur des questions qui finissent par être pris en charge ou effectués par les membres permanents. Il est très facile pour un militant qui apparaît de temps à autre de vouloir définir la ligne politique de l'organisation, par exemple, car il n'est pas celui qui aura à suivre cette ligne la plupart du temps.

Ce sont des formes disproportionnées de prise de décision dans lequel les uns finissent par décider quelque chose que d'autres mettront en pratique. Dans le modèle de cercles concentriques nous cherchons un système de droits et de devoirs dans lequel tout le monde prend des décisions au sujet de ce qu'ils pourraient et devraient les engager à la suite. De cette façon, il est normal pour les sympathisants de décider seulement sur ce dans quoi ils seront impliqués. De la même manière, il est normal pour les militants de l'organisation de se prononcer sur ce qu'ils vont réaliser. Ainsi nous prenons des décisions et leurs engagements proportionnellement, ce qui implique que l'organisation a des critères clairs pour l'adhésion, en définissant clairement qui y prend ou et n'y prend pas part, et à quel niveau d'engagement les militants sont. Un critère important pour l'adhésion, c'est que tous les militants qui entrent à l'organisation doivent être en accord avec sa ligne politique. Pour cela l'organisation anarchiste doit avoir le matériel théorique qui exprime cette ligne - en moins approfondis pour ceux qui ne sont pas encore membres de l'organisation et de manière plus approfondie pour ceux qui le sont. Quand quelqu'un est intéressé par le travail de l'organisation anarchiste, montrant de l'intérêt dans le rapprochement, on devrait faire de cette personne un sympathisant et lui donner les orientations nécessaires. En tant que sympathisant, connaissant la ligne politique de manière plus approfondie et ayant une affinité avec les travaux pratiques de l'organisation, la personne peut montrer de l'intérêt à se joindre à l'organisation ou l'organisation peut manifester son intérêt que le sympathisant deveniene un militant. Dans les deux cas, le sympathisant doit recevoir des conseils permanents de l'organisation anarchiste, lui donnant la matière théorique qui permettra d'approfondir sa ligne politique. Un ou plusieurs militants qui connaissent bien cette ligne discuteront des doutes, débattront et apporteront des éclaircissements. Ayant obtenu l'accord du sympathisant avec la ligne politique de l'organisation, et avec l'accord des deux parties, le militant est intégré dans l'organisation. Il est important que dans la période initiale chaque militant nouveau soit accompagné par un autre plus ancien, qui l'orientera et le formera au travail militant. En tout état de cause, l'organisation anarchiste doit toujours se préoccuper de la formation et de l'orientation des sympathisants et des militants de telle sorte que cela puisse leur permettre de modifier leur niveau d'engagement, si ils le désirent.

Cette même logique de cercles concentriques fonctionne au sein de la pratique sociale. Grâce à elle l'organisation anarchiste est articulée pour réaliser la pratique sociale de la manière la plus appropriée et efficace. Comme nous l'avons vu, l'organisation anarchiste est divisée intérieurement en fronts pour l'exécution de travaux pratiques. Pour cela, il y a des organisations qui préfèrent établir des relations directes avec les mouvements sociaux, et il y a d'autres qui préfèrent se présenter à travers une organisation sociale intermédiaire, que nous pourrions appeler un groupement de tendance.

La participation dans le groupement de tendance implique l'acceptation d'un ensemble de positions qui peuvent être partagées par des camarades de diverses origines idéologiques, mais qui partagent certaines oppositions indispensables (aux réformistes, par exemple) si l'on souhaite obtenir un niveau minimum de cohérence opérationnelle réelle. (...) Les groupements de tendance, sont coordonnés les uns avec les autres et sont enracinés dans les secteurs les plus combatifs de la population (...)et sont un niveau plus élevé que celui-ci [le niveau des masses]. [121]

Le groupement de la tendance se place entre les mouvements sociaux et l'organisation anarchiste spécifique, réunissant des militants d'idéologies distinctes qui ont une affinité par rapport à certaines questions pratiques.

Comme nous l'avons souligné, il existe des organisations anarchistes qui préfèrent se présenter directement dans les mouvements sociaux, sans la nécessité de groupes de tendance, et d'autres préférant se présenter par le biais de ces derniers. Dans les deux cas il y a des points positifs et négatifs et chaque organisation doit déterminer la meilleure façon d'agir. Comme les points de vue que nous défendons dans les mouvements sociaux sont beaucoup plus pratiques que théorique, il peut être intéressant de travailler avec un groupe de tendance, intégrant des gens qui sont d'accord avec tout ou partie des positions que nous défendons dans les mouvements sociaux (la force, la lutte des classes, l'autonomie, la combativité, l'action directe, la démocratie directe et la perspective révolutionnaire) et qui nous aident à augmenter la force sociale dans la défense de ces positions.

De la même manière que dans le schéma ci-dessus, l'idée est que l'organisation anarchiste spécifique vise l'insertion dans ce niveau intermédiaire (groupement de tendance) et se présente, à travers elle, conduisant ses travaux dans les mouvements sociaux à la recherche d'insertion sociale.

Encore une fois, nous illustrons comment cela fonctionne dans la pratique.

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Schéma Flux d'influence

L'OSA étant l'organisation spécifique anarchiste, GT le groupement de tendance GT et MS le mouvement social, il ya deux flux.

Le premier- celui de l'influence de l'OSA- cherche à passer par le GT et de là aller vers le MS. Penchons-nous sur quelques exemples concrets. L'organisation anarchiste qui veut agir dans un syndicat peut former un groupement de tendance avec d'autres militants du mouvement syndical qui défendent des positions spécifiques (perspective révolutionnaire, action directe, etc) et par le moyen de cette tendance peut influer sur le mouvement syndical, ou le syndicat, dans lequel il agit. Ou l'organisation anarchiste peut choisir de travailler avec le mouvement des paysans sans terre et, pour cela, rassemble les gens qui défendent des positions similaires (autonomie, démocratie directe, etc) dans le mouvement social ainsi que dans un groupement de la tendance. Par le biais de ce groupement de tendance l'organisation spécifique anarchiste agit au sein du mouvement des paysans sans terre et, de cette manière, cherche à l'influencer.

Cette forme d'organisation vise à résoudre un problème très commun que l'on trouve dans le militantisme. Par exemple, quand on connait des militants très dévoués ; des révolutionnaires qui prônent l'auto-gestion, l'autonomie, de démocratie, de la démocratie directe, etc et avec qui nous n'agissons pas parce qu'ils ne sont pas anarchistes. Ces militants pourraient travailler avec les anarchistes dans des groupements de tendance et défendre leurs positions dans les mouvements sociaux ensemble.

La deuxième flèche dans le diagramme montre l'objectif du flux de militants. C'est à dire, dans ce plan de travail le but est d'amener les gens qui dans les mouvements sociaux ont une affinité avec les pratiques anarchistes dans les groupements de tendance et, à partir de là, rapprocher de l'organisation anarchiste ceux qui ont une affinité idéologique. De la même manière que dans le schéma précédent, si un militant a une grande affinité avec les pratiques anarchistes, mais n'est pas un anarchiste, il doit être un membre du groupement de tendance et sera indispensable à la mise en oeuvre de la pratique sociale. Si il a des affinités idéologiques, il peut se rapprocher ou même adhérer à l'organisation.

L'objectif de l'organisation anarchiste n'est pas de transformer tous les militants en anarchistes, mais d'apprendre à travailler avec chacun de ces militants de la manière la plus appropriée. Tout en ayant des intérêts mutuels des militants peuvent changer leurs positions dans les cercles (du mouvement social au regroupement de tendance ou du groupement de tendance à l'organisation anarchiste). Sans ces intérêts mutuels, cependant, chacun agit là où il pense que c'est le plus pertinent.

Le processus de prise de décision utilisé dans l'organisation anarchiste est une tentative de consensus, en utilisant le vote, lorsque le consensus n'est pas possible. Contrairement à certains groupes et organisations libertaires nous croyons que le consensus ne devrait pas être obligatoire. Comme nous l'avons mentionné plus haut, outre que le consensus est une forme très inefficace de la prise de décision, il devient irréalisable plus le nombre de personnes impliquées dans les décisions augmente. Il offre le grave problème de donner un grand pouvoir à des agents isolés. Dans une organisation de 20 militants, un seul pourrait bloquer le consensus, même si 19 étaient en faveur d'une position et un de l'autre ; on devrait alors trouver un « juste milieu » qui tiendrait compte, d'une manière très disproportionnée, du seul dissident. Pour donner l'efficacité adéquate au processus de prise de décision et de ne pas donner trop de pouvoir aux agents isolés, nous avons choisi ce modèle d'une tentative de consensus, et lorsque cela n'est pas possible, du vote. "Si c'était au sein même de l'organisation que le désaccord était survenu, que la division entre majorité et minorité étaient apparus autour des questions mineures, sur des modalités pratiques ou sur des cas particuliers [...], alors il peut se produire plus ou moins facilement que la minorité soit enclin à faire, comme la majorité. " [122] Dans le cas du vote tous les militants de l'organisation, même ceux qui sont mis en minorité, ont l'obligation de suivre la position majoritaire. Ce processus décisionnel est utilisé pour établir l'unité théorique et idéologique, mais aussi pour l'unité stratégique et tactique. Nous reviendrons sur ces derniers plus tard. À ce stade, il suffit de souligner que pour la lutte que nous voulons poursuivre, nous devons mettre un terme à la dispersion et la désorganisation et "la façon de surmonter cela est de créer une organisation qui [... repose] sur la base de positions théoriques et tactiques spécifiques, et qui nous conduise à une solide compréhension de la façon dont ceux-ci devraient être appliquées dans la pratique "[123].

Il est important d'ajouter, aussi, que les militants doivent utiliser le bon sens au moment des décisions par vote. Ils doivent observer avec attention les positions des militants qui sont les plus directement concernés par les questions qui sont votées, car ces positions sont plus importantes que celles de ceux qui sont moins directement concernées, même si ils ont le même poids dans le vote. Lorsque le vote se produit, il peut être facile pour les militants qui ne sont pas impliqués par le sujet de voter afin de déterminer ce que les autres auront à faire. Une telle situation demande de la prudence et le cas dans lequel tous les membres qui effectueront ce qui a été délibéré ont été mis en minorité dans le vote, et sont tenus d'appliquer ce qui a été décidé par d'autres, doit être évité.

Toujours en relation avec des décisions, au moment auquel elles sont prises "il doit y avoir beaucoup d'espace pour toutes les discussions et tous les points de vue doivent être analysés avec soin » [124]. Après délibération, les « responsabilités [sont divisés], les membres étant officiellement responsables de leur exécution», car « l'organisation ne fait rien par elle-même." Et "toutes les activités sur lesquelles on a délibéré et qui sont de la responsabilité de l'organisation, devront, d'une manière ou d'une autre, être mises en œuvre par ses membres » et, pour cette mise en œuvre, il y a la nécessité de « répartir les activités entre les militants, toujours à la recherche d'un modèle qui distribue bien ces activités et évite la concentration des tâches sur les membres les plus actifs ou capables ". "A partir du moment où un militant assume une ou plusieurs tâches pour l'organisation, il a l'obligation de les exécuter et une grande responsabilité envers le groupe [...]. C'est la relation d'engagement que le militant assume avec l'organisation ".

En outre, nous croyons qu'il est pertinent de réaffirmer, une fois de plus, que « l'auto-discipline est le moteur de l'organisation autogérée » et cela s'applique également à l'organisation spécifique anarchiste. Ainsi, "Quiconque assume une responsabilité doit avoir suffisamment de discipline pour l'exécuter. De même, lorsque l'organisation détermine une ligne à suivre ou quelque chose à accomplir, il y a une discipline individuelle qui permettra à ce qui est collectivement décidé de se réaliser." Nous notons :

« nous demandons également la discipline, parce que, sans comprendre, sans coordonner les efforts de chacun pour une action commune et simultanée, la victoire n'est pas physiquement possible. Mais la discipline ne devrait pas être une discipline servile, un dévouement aveugle aux dirigeants, une obéissance à celui qui dit toujours de ne pas interférer. La discipline révolutionnaire est compatible avec les idées acceptées, la fidélité aux engagements pris, c'est se sentir obligé de partager le travail et les risques avec des camarades de lutte. [125]

"Nous croyons que pour que notre lutte porte ses fruits prometteurs, il est fondamental que chacun des militants de l'organisation aie un degré élevé d'engagement, de responsabilité et d'auto-discipline." [126] « C'est la volonté et l'engagement militant qui vont nous permettre d'aller, jour après jour, vers le développement des activités de l'organisation de telle manière que que nous puissions surmonter les obstacles et ouvrir la voie à nos objectifs à long terme." [127] Enfin, nous devrions savoir que « la responsabilité et la discipline organisationnelle ne devraient pas nous faire horreur : ils sont des compagnons de voyage de la pratique de l'anarchisme social » [128].

Cette position introduit une relation de co-responsabilité entre les militants et l'organisation, celle-ci signifiant que l'organisation anarchiste "sera responsable de l'activité révolutionnaire et politique de chaque membre, de la même façon que chaque membre sera responsable de la politique révolutionnaire et l'activité "[129] de l'organisation anarchiste.

La pratique et l'insertion sociale

La pratique et l'insertion sociales sont les activités les plus importantes de l'organisation anarchiste spécifique. Comme nous l'avons déjà soulevé, nous vivons dans une société qui oppose la classe dirigeante et les classes exploitées. Nous rappelons aussi que notre lutte vise la création d'une société sans classes – le socialisme libertaire. Et que le moyen de parvenir à cette nouvelle société, à notre avis, passe par la lutte de mouvements sociaux, leur convergence dans l'organisation populaire et la révolution sociale. À cette fin, tout ce processus doit avoir lieu dans les classes exploitées, qui sont les véritables protagonistes de la transformation sociale que nous préconisons. Ainsi, si la lutte de l'anarchisme s'oriente vers les objectifs finaux de la révolution sociale et du socialisme libertaire, et si nous considérons les classes exploitées comme les protagonistes de la transformation menant à ces objectifs, il n'y a pas d'autre moyen pour l'anarchisme, que de chercher un moyen d'interagir avec ces classes. Pour cette raison, l'anarchisme ne peut plus continuer piégé dans les limites de la pensée marginale et revendiqué seulement par quelques petits groupes, dans leurs actions isolées. Son influence naturelle sur la mentalité des groupes humains dans la lutte est plus qu'évident. Pour que cette influence soit consciemment assimilée, il devrait maintenant être en possession de nouveaux moyens et prendre la voie de pratiques sociales dès aujourd'hui. [130] Dans la lutte de classe les classes exploitées sont toujours en conflit avec la classe dirigeante. Ce conflit peut se manifester d'une manière plus ou moins spontanée, plus ou moins organisée. Le fait est que les contradictions du capitalisme génèrent une série de manifestations des classes exploitées et nous considérons que c'est le meilleur terrain pour planter les graines de l'anarchisme. Neno Vasco, parlant du semeur de graines, a utilisé une métaphore pour dire que les anarchistes doivent planter leurs graines dans les terrains les plus fertiles. Comme nous l'avons déjà souligné, pour nous, ce terrain est le champ de la lutte des classes. Comme nous avons l'intention de planter nos graines dans la lutte de classe, et parce que nous considérons les classes exploitées comme étant les protagonistes du processus de transformation sociale, nous affirmons que les classes exploités sont essentielles pour atteindre les objectifs finaux de l'anarchisme. Quand nous expliquons ce point de vue nous n'idolâtrons pas ces classes pas plus que nous supposons que tout ce qu'elles font est toujours juste, mais nous soulignons que leur participation dans le processus de transformation sociale est absolument central. Par conséquent, nous anarchistes, « devons toujours être avec le peuple" [131]. La manière dont l'organisation spécifique anarchiste cherche l'interaction avec les classes exploitées passe par ce que nous appelons la pratique sociale1. La pratique sociale est l'activité que l'organisation anarchiste réalise eu sein de la lutte des classes, ce qui amène l'anarchisme à interagir avec les classes exploitées. La pratique sociale donne au plan politique de l'anarchisme un plan social, un corps sans lequel l'anarchisme est stérile. Grâce à la pratique sociale l'anarchisme est capable de réaliser sa fonction d'être un moteur pour les luttes de notre temps. La pratique sociale de l'organisation anarchiste se produit de deux façons : 1.) Avec la pratique en cours au sein des mouvements sociaux existants et 2) Avec la création de nouveaux mouvements sociaux.. Depuis notre fondation, nous avons considéré les mouvements sociaux comme étant le terrain de prédilection pour notre activité, tel que l'énonce notre Charte de principes quand nous affirmons : « la Farj propose de travailler - immédiatement et sans inter-médiation - dans le sens d'intervenir dans les diverses réalités qui composent l'univers des mouvements sociaux »[132]. Comme nous l'avons mentionné ci-dessus, nous considérons les mouvements sociaux comme le résultat d' "un trépied constitué par la nécessité, la volonté et l'organisation. " Ainsi, les anarchistes organisés doivent chercher à stimuler le désir et l'organisation d'un mouvement qui se fonde principalement sur les besoins des classes exploitées. Celles-ci, dans la plupart des cas, sont démobilisés par le fait de « ne pas avoir le sens de leurs droits, ni foi dans leur force, et comme ils n'ont pas ce sentiment, ni cette foi, […] ils demeurent, depuis des siècles, des esclaves impuissants" [133].

Dans ce processus de mobilisation, nous devons encourager ce sens et cette foi. Dès lors, la question de la nécessité devient centrale parce que c'est grâce à cela que la mobilisation se produit. Rares sont ceux qui sont prêts à se battre pour une idée qui ne fera que porter des résultats à long terme. Par conséquent, pour mobiliser les gens, nous devons, avant toute autre chose, faire face à des questions et des problèmes concrets qui les affectent et sont proches d'eux. Pour gagner leur confiance et le respect [...] Nous devons commencer à parler avec eux, non pas des maux généraux de l'ensemble du prolétariat international, ni des causes générales qui leur donnent naissance, mais de leurs malheurs particuliers, quotidiens et personnels. Il est nécessaire de leur parler de leur profession et des conditions de leur travail, précisément dans la localité dans laquelle ils habitent ; de la durée et la vaste étendue de leur travail quotidien, de l'insuffisance de leur salaire, de la méchanceté de leur patron, de la pénurie de nourriture et de leur incapacité à bien nourrir et éduquer leur famille. Et en leur proposant les moyens de lutter contre leurs malheurs et d'améliorer leur position, il n'est pas nécessaire de parler trop vite des objectifs généraux et révolutionnaire. [...] Dans un premier temps, il est seulement nécessaire de leur offrir des objectifs que leur sens naturel commun et leur expérience quotidienne ne peut pas ignorer, ni repousser . l'utilité [134] De la même manière, dans le processus de mobilisation, on peut poser la question des personnes n'ayant pas d'emploi, n'ayant pas d'endroit pour vivre, etc. Par conséquent, le rôle de l'organisation anarchiste est d'expliquer quels sont les besoins et de mobiliser autour d'eux. Que ce soit dans la création de mouvements sociaux ou dans le travail avec les mouvements existants l'idée centrale est toujours de se mobiliser autour des besoins. Les mouvements sociaux sont les situations dans lesquels la mobilisation des classes exploitées prend place et, par conséquent, ce sont ces mouvements qui les amènent à avoir une pratique politique. Leur pratique politique se développe à travers « une activité qui a pour objet la relation [de confrontation] des exploités et des opprimés avec les organes du pouvoir politique, l'état, le gouvernement et leurs diverses expressions" [135] en plus d'autres organismes de soutien du système capitaliste. La pratique politique vise à amener le peuple à affronter les forces du système qui l'opprime et, par conséquent, incite à la confrontation face à ces forces, à "la défense et à l'expansion des libertés publiques et individuelles, à la capacité à formuler des propositions qui correspondent aux intérêt généraux de la population ou à des aspects partiels de celle-ci. " La pratique politique peut aussi être « l'insurrection comme exemple de questionnement violent d'une situation que nous voulons changer [... et aussi] les propositions qui, partant des revendications populaires qui font face aux organes du pouvoir, peuvent présenter des solutions à des questions générales et spécifiques et requièrent que ces organes soient en mesure de les adopter et de les rendre valides pour l'ensemble de la société ". Grâce à leur pratique politique les mouvements sociaux doivent imposer toutes leurs conquêtes aux forces du capitalisme et à l'État. Les gens eux-mêmes doivent exiger, appliquer et réaliser toutes les améliorations, les conquêtes et les libertés désirées comme il l'est jugé nécessaire, par les moyens de l'organisation et de la volonté. Ces demandes doivent être permanentes et augmenter progressivement, demandant toujours plus et recherchant la pleine émancipation des classes exploitées. Quelles que puissent être les résultats concrets de la lutte pour des améliorations immédiate, leur utilité principale réside dans la lutte elle-même. Parce que les travailleurs apprennent à défendre leurs intérêts de classe, qu'ils comprennent que les employeurs et les gouvernements ont des intérêts opposés aux leurs, et qu'ils ne peuvent pas améliorer leurs conditions, encore moins s'émanciper, si ce n'est en se joignant les uns aux autres et en se rendant plus forts. [...] S'ils peuvent obtenir ce qu'ils veulent, ils vivront mieux. Ils gagneront plus, travailleront moins, auront plus de temps et d'énergie pour réfléchir sur les choses qui les intéressent, et ils vont soudainement ressentir plus de besoins et de désirs. Si ils n'ont pas réussi, ils seront poussés à étudier les causes de leur échec et de reconnaître la nécessité d'une plus grande unité, une énergie accrue, ils vont comprendre, enfin, que pour gagner, en toute sécurité et sans aucun doute, il est nécessaire de détruire le capitalisme. [136] La pratique politique des mouvements sociaux traduite dans la lutte pour des gains à court terme a une portée pédagogique, renforçant la conscience accrue des militants, dans le cas de victoires ou même de défaites. La pratique politique de l'organisation spécifique anarchiste fonctionne de la même manière. Nous avons dit précédemment que nous considérons l'anarchisme comme une idéologie et, dans ce cas, "un ensemble d'idées, de motivations, d'aspirations, de valeurs, une structure ou un système de concepts qui ont un lien direct avec l'action -. Que nous appelons la pratique politique" La pratique sociale est la partie principale de la pratique politique de l'organisation anarchiste qui, dans ce cas, interagit avec les classes exploitées organisés en mouvements sociaux, sortant l'anarchisme de son isolement dans de petits cercles et implantant largement ses idées au sein de la lutte des classes. Outre cela, la pratique sociale de l'organisation spécifique anarchiste ne doit pas se contenter d'interragir avec les mouvements sociaux mais doit chercher à les influencer dans la pratique, les poussant à avoir certaines caractéristiques de fonctionnement. Nous appelons le processus consistant à influencer les mouvements sociaux à travers la pratique anarchiste l'insertion sociale . Ainsi, l'organisation anarchiste a une pratique sociale lorsqu'elle crée ou développe une pratique au sein mouvements sociaux et une insertion sociale quand elle parvient à influencer les mouvements avec les pratiques anarchistes. L'insertion sociale n'est pas destinée à "ideologiser" mouvements sociaux, en les transformant en des mouvements anarchistes sociaux. En revanche, elle cherche à leur donner certaines caractéristiques déterminées afin qu'ils puissent procéder à la construction et au développement de l'organisation populaire, et s'orienter vers la révolution sociale et le socialisme libertaire. elle cherche à faire aller les mouvements sociaux aussi loin que possible. Nous ne voulons pas "attendre que les masses deviennent anarchistes", afin de faire la révolution, et plus encore, nous sommes convaincus qu'elles ne deviendront jamais (anarchistes) si, au départ, nous ne renversons pas, dans la violence, les institutions qui les maintiennent dans l'esclavage. Comme nous avons besoin de l'assentiment des masses pour construire une force matérielle suffisante, et pour atteindre notre objectif spécifique qui est le changement radical de l'organisme social à travers l'action directe des masses, nous devons nous rapprocher d'elles, les accepter telles qu'elles sont et, comme partie prenante des masses, les faire aller aussi loin que possible. Ceci parce que nous voulons, bien sûr, travailler effectivement pour réaliser, dans la pratique, nos idéaux et de ne pas se contenter de prêcher dans le désert, pour la simple satisfaction de notre orgueil intellectuel. [137] Nous rappelons que nous avons fait valoir que c'est l'idéologie qui devrait intégrer les mouvements sociaux, et non les mouvements sociaux qui devraient s'intégrer à une idéologie. L'organisation spécifique anarchiste interagit avec les mouvements sociaux, cherchant à les influencer de manière à ce qu'ils aient les formes les plus libertaires et égalitaires possible. [138] Bien que nous traitons les mouvements sociaux et l'anarchisme comme différents plans d'activité, nous croyons qu'il existe une relation d'influence mutuelle entre les deux. Cette relation complémentaire et dialectique a pour conséquence le fait que l'anarchisme influence les mouvements sociaux, et que les mouvements sociaux influencent l'anarchisme. Quand nous traitons de l'insertion sociale, nous parlons de l'influence de l'anarchisme au sein des mouvements sociaux. Dans cette perspective, bien que nous défendions une séparation entre le plan politique (l'organisation anarchiste) et le plan social (les mouvements sociaux), nous ne pensons pas qu'il devrait y avoir une hiérarchie ou une domination du plan politique sur le plan social. Nous ne croyons pas non plus que le plan politique se batte « pour » le plan social ou « à sa tête », mais avec lui -ceci étant une relation éthique. Dans son activité comme minorité active l'organisation spécifique anarchiste lutte avec les classes exploitées et non « pour » ou « à sa tête », considérant que « nous ne voulons pas émanciper le peuple, nous voulons qu'il s'émancipe »[ 139]. Nous discuterons plus loin, de manière un peu plus détaillée, de cette relation entre l'organisation spécifique anarchiste et les mouvements sociaux. Lorsque nous traitons de l'insertion sociale comme de l'influence que l'organisation spécifique anarchiste exerce sur les mouvements sociaux, nous considérons qu'il est important que nous développions un peu plus ce que nous entendons par « influence ». Influencer, pour nous, veut dire entrainer des changements chez une personne ou un groupe de personnes à travers la persuasion, des conseils, des exemples, des perspectives stratégiques, des points de vue et des pratiques. Tout d'abord nous pensons que dans la société elle-même il y a, à un moment donné, une multiplicité d'influences entre les différents agents qui influencent et sont influencés. On peut même dire que « renoncer à exercer une influence sur les autres, c'est renoncer à l'action sociale, ou même à l'expression de ses propres pensées et sentiments, ce qui est [...] tendre vers l'inexistence » [140]. Même dans une perspective anti-autoritaire, cette influence est inévitable et saine.

Dans la nature comme dans la société humaine, laquelle fait partie de la nature, chaque être humain est prédéterminé pour intervenir de la manière la plus positive dans la vie des autres - intervenir de la manière la plus puissante possible selon la nature particulière de chaque individu. Rejeter cette influence réciproque est mortifère. Et lorsque nous demandons la liberté pour les masses, nous n'avons pas la prétention d'avoir aboli l'influence naturelle exercée sur elles par tout individu ou groupe d'individus. [141] Dans les travaux pratiques l'influence doit découler des caractéristiques que nous cherchons à donner aux mouvements sociaux. Auparavant, lorsqu'il s'est agit de mouvements sociaux et de l'organisation populaire, nous avons discuté de ces caractéristiques plus en détail. Donc, nous ne les détaillerons pas une nouvelle fois à ce point de la discussion. Nous ne faisons que souligner, une fois de plus et brièvement, quelles sont les caractéristiques que nous devons soutenir dans les mouvements sociaux. Elles sont les suivants : la force, la lutte des classes, la combativité, l'autonomie, action directe, démocratie directe et perspective révolutionnaire. Les mouvements sociaux doivent être forts, sans tomber dans une idéologie, car imposer la cause de l'anarchisme aux mouvements sociaux "ne reviendrait qu'à une absence totale de pensée, d'objectif et de conduite commune, et [...] entraînerait nécessairement, une impuissance commune "[142]. Ils devraient avoir une orientation lutte de classe et une ligne de classe, ce qui signifie rechercher une large participation des classes exploitées et soutenir la lutte des classes, ils devraient être combatifs, établissant leurs conquêtes par l'imposition de leur force sociale, ils devraient être autonomes par rapport à l'État, aux partis politiques, aux syndicats bureaucratiques, à l'église, ou tout autre organisme bureaucratique et/ou autoritaire, en prenant leurs décisions et en agissant par eux mêmes. En outre, ils doivent utiliser l'action directe comme une forme d'action politique, en opposition à la démocratie représentative. « Fondamentalement, il s'agit de donner la priorité au protagonisme des organisations populaires, luttant pour qu'il y ai le moins de médiation possible et veillant à ce que la médiation nécessaire n'entraîne pas l'émergence de différents centres de décision séparés de ceux qui sont concernés" [143]. Les mouvements sociaux doivent également utiliser la démocratie directe comme méthode de prise de décision, qui prend place dans des assemblées horizontales dans lesquelles tous les militants décident de manière effective, de façon égalitaire. La démocratie directe ne laisse pas d'espace à « quelque sorte de privilège que ce soit, qu'il soit économique, social ou politique, [... et constitue] un cadre institutionnel où la révocabilité des membres est immédiatement assurée et où, par conséquent, il n'y a pas de place pour l'habituelle irresponsabilité politique qui caractérise la démocratie représentative "[144]. Enfin, la perspective révolutionnaire, "devrait être introduite et développée (...)[dans les mouvements sociaux] par le travail constant de révolutionnaires qui oeuvrent en (leur) sein ainsi qu'en dehors, mais elle ne peut être la manifestation naturelle et normale de leur fonction » [145]. L'insertion sociale de l'organisation spécifique anarchiste dans les mouvements sociaux qui se produit grâce à l'influence doit s'orienter, dans un deuxième temps, vers la convergence des luttes et la création de l'organisation populaire, en cherchant en permanence à accroître leur force sociale. Pour mener à bien la pratique sociale et l'insertion l'organisation anarchiste doit prêter attention à certaines questions. La mobilisation doit avoir lieu principalement à travers la pratique, car c'est au coeur de la lutte que les gens remarquent qu'ils peuvent gagner de plus en plus. Beaucoup plus que parler, nous devons enseigner à travers la pratique, par l'exemple ; ce qui est "mieux que les explications verbales que [le travailleur] reçoit de ses camarades ; il prend conscience de tout par sa propre expérience personnelle, désormais indissociable et unie à celle des autre membres "[146]. Il est très important pour nous de constater que le processus de mobilisation et d'influence passe, au-delà des aspects objectifs de la lutte, à travers des aspects subjectifs. Notre pratique a montré que, dans le but de mobiliser et d'influencer les mouvements sociaux, il est très important d'utiliser non seulement les aspects rationnels et objectifs, mais aussi les aspects émotionnels et subjectifs, qui sont les liens affectifs et les amitiés ou les relations qui sont naturellement construits au sein des luttes. Il est également important d'identifier les personnes dans les quartiers, communautés, mouvements , syndicats, etc qui ont une influence sur les autres (les meneurs locaux orientés vers la base et légitimés par elle) et concentrer les efforts sur eux. Ces personnes sont très importantes pour aider à la mobilisation de la base, pour donner un potentiel à l'influence anarchiste, ou même pour s'intégrer dans les groupements de tendance. Faite de cette manière, la mobilisation finit par fonctionner comme une sorte de « conversion» ; il est important de noter que [...] Vous ne pouvez convertir que ceux qui se sentent le besoin d'être convertis, ceux qui ont déjà dans leurs instincts ou dans les misères de leur position, soit extérieure soit intérieure, tout ce qu'on veut leur donner ; vous ne convertirez jamais ceux qui ne sentent pas la nécessité d'un changement, pas même ceux qui, désireux de quitter une position dont ils sont mécontents, sont poussés, par la nature de leurs habitudes morales, intellectuelles et sociales, à rechercher une position dans un monde qui ne correspond pas à vos idées. [147] Dans ce processus de mobilisation l'organisation spécifique anarchiste doit toujours, quoi qu'il arrive, agir de manière éthique, en essayant de ne pas vouloir établir des relations de hiérarchie ou de domination avec les mouvements sociaux ; de dire la vérité et de ne jamais tromper le peuple, et toujours soutenir la solidarité et l'aide mutuelle vis à vis des autres militants. De même, elle devrait avoir une posture positive, en cherchant à construire des mouvements et les amener à aller de l'avant et ne pas se contenter de présenter des positions critiques. Même lorsque les positions de l'organisation anarchiste ne sont pas majoritaires, elles doivent être assumées, rendant clairs les points de vue qu'elle défend. Lorsqu'elle entre en contact avec des mouvements hiérarchiques l'organisation anarchiste doit toujours garder à l'esprit que ce qui l'intéresse, c'est toujours la base des mouvements sociaux. Par conséquent, pour tout type de travail, l'organisation devrait toujours aborder non pas les dirigeants et ceux qui détiennent les structures de pouvoir des mouvements sociaux, mais les militants de base, qui sont généralement opprimés par la direction et forment la périphérie et non les centres des mouvements. Une autre question qui doit être observé, c'est que les militants de l'organisation spécifique anarchiste doivent être très familier avec l'environnement dans lequel ils agissent, maintenant une présence constante dans les mouvements sociaux dans lesquels ils envisagent de réaliser dans la pratique sociale. La connaissance du « terrain » sur lequel on opère est essentiel pour savoir quelles sont les forces politiques en jeu, qui sont les alliés potentiels, qui sont les adversaires, où résident les forces, les faiblesses, les opportunités et les menaces. Une présence constante est importante pour que les militants anarchistes soient pleinement intégrés par les autres militants des mouvements sociaux, de manière à ce qu'il aient la reconnaissance, la légitimité, soient écoutés, soient recherchés, soient des gens bienvenus. Dans un cadre stratégique, nous pouvons considérer que l'organisation spécifique anarchiste doit effectuer la pratique sociale, car « comme anarchistes et comme travailleurs, nous devons inciter et encourager les [les travailleurs] à lutter, et lutter avec eux » [148]. Incitant et encourageant les gens, nous devons chercher l'insertion sociale et veiller à ce que les mouvements sociaux fonctionnent de la manière la plus libertaire et égalitaire possible. Avec l'insertion sociale dans les mouvements sociaux, nous devons faire converger les luttes et construire l'organisation populaire. Ainsi nous serons en mesure de stimuler l'accroissement permanent de la force sociale et préparer les classes exploitées pour la révolution sociale, parce que « notre objectif est de préparer le peuple, moralement et matériellement, pour cette expropriation nécessaire ; il est d'essayer et d'essayer encore, autant de fois que l'agitation révolutionnaire nous donne l'occasion de le faire, jusqu'à la victoire finale »[149], avec la mise en place du socialisme libertaire. Nous pouvons dire, alors, que la fonction de l'organisation spécifique anarchiste dans sa pratique et son insertion sociale est d'être le « moteur des luttes sociales. Un moteur qui ne s'y substitue ni ne les représente" [150]. Nous pensons qu'il possible de construire ce moteur « participant de manière militante aux luttes quotidienne des mouvements populaires en activité, dans un premier temps, au Brésil, en Amérique latine et en particulier à Rio de Janeiro." [151] Notes :

Production et reproduction de la théorie

Une autre activité importante de l'organisation spécifique anarchiste spécifique est la production et la reproduction de la théorie. Nous considérons la théorie comme « [un] ensemble de concepts articulés de manière cohérente entre eux [...], un instrument, un outil, [qui] sert à faire un travail, qui sert à produire les connaissances dont nous avons besoin pour produire" [152 ]. La théorie est fondamentale tant pour la conception de la stratégie, ainsi que pour la propagande que l'organisation effectue La Stratégie vise à accroître l'efficacité du travail de l'organisation anarchiste alors que la propagande est très importante dans la perspective de la promotion des idées anarchistes. Ainsi, nous considérons cet ensemble de concepts articulés de façon cohérente - la théorie - comme un outil indispensable pour la pratique, afin d'effectuer une tâche spécifique. Par conséquent, "si elle ne nous sert pas à produire de nouvelles connaissances utiles pour la pratique politique, la théorie est inutile" [153]. Etant produite au sein de l'organisation spécifique anarchiste, la théorie formalise les concepts afin de permettre à l'organisation:. 1) de comprendre la réalité dans laquelle elle agit, 2) d’être capable de faire un pronostic sur les objectifs du processus de transformation sociale et 3. .) de définir les actions qui seront prises afin de mettre ce processus en pratique. Nous appelons ce schéma la stratégie, et nous en discuterons plus en détail ci-dessous. En cherchant à comprendre la réalité dans laquelle nous opérons, la théorie organise l'information et les données, formalise la compréhension du moment historique dans lequel nous évoluons, et la définition de ses caractéristiques sociales, politiques et économiques. Autrement dit, elle effectue un diagnostic complet de la réalité dans laquelle l'organisation spécifique anarchiste opère. En l'occurence, il est important, au-delà de la lecture en général, de penser au contexte régional, de l’endroit où l'on agit, car si cela n'est pas fait on coure le risque de l'application d’une méthodologie qui est incorrecte pour le processus de transformation sociale (l’« importation » de théories toutes faites d'autres époques et d'autres contextes). Cependant, pour nous la théorie ne s'arrête pas là. C'est à travers elle que l'organisation anarchiste fait un pronostic quant aux objectifs que la transformation sociale entend imprimer au système capitaliste. La conception du socialisme libertaire et du processus révolutionnaire de transformation ne peut être pensée, aujourd'hui, qu’à partir d'un point de vue théorique, puisque dans la pratique, nous ne vivons pas dans une époque révolutionnaire. Ainsi, la théorie organise les concepts qui définissent la transformation de la société future, ainsi que celle de la société elle-même, qui sont les objectifs finaux de l'organisation spécifique anarchiste. La Théorie définit également comment l'organisation anarchiste devrait agir dans la réalité dans laquelle elle se trouve afin de parvenir à ses objectifs finaux. De cette façon, toute la réflexion que nous élaborons aujourd'hui sur le processus complet de transformation sociale que nous entendons imprimer à la société est une réflexion théorique, puisque, malgré le fait qu’elle soit mise en pratique, cela ne se fait pas complètement, mais partiellement, conjointement au développement des étapes qui correspondent au début du processus. D'autres étapes ne sont envisageable que dans l'avenir et, aujourd'hui, peuvent également être pensées de façon théorique. La théorie est également très importante dans le processus de la propagande, puisque pour promouvoir les idées anarchistes, il est nécessaire d'articuler les concepts de manière cohérente. Outre la propagande prenant place - plus largement - dans la pratique, la théorie joue aussi un rôle très important dans celle-ci. Quand la théorie est utilisée pour la propagande elle formalise le passé avec l'étude et la reproduction des théories anarchistes, qui ont comme objectif d'approfondir le plan idéologique et de faire connaître plus largement l'idéologie anarchiste. Elle peut également avoir lieu en ce qui concerne le présent et l'avenir avec la propagation théorique de matériaux qui expliquent nos critiques de la société actuelle, notre conception de la société future et du processus de transformation sociale. Il est également important que la production de la théorie vise à mettre à jour des aspects idéologiques obsolètes ou cherche à adapter l'idéologie aux réalités spécifiques et particulières. Cet ensemble du processus de propagande théorique est fondamental pour rassembler les gens autour de notre cause. Plus il y a de théorie produite et distribuée, plus facile sera la pénétration de l'anarchisme dans la société. Nous considérons que la théorie est indispensable à la pratique. Lorsque nous travaillons avec des concepts corrects et bien articulés, la pratique est beaucoup plus efficace. « S'il n'y a pas de ligne [théorique] claire et concrète, il n'existe aucune pratique politique efficace » [154] et la volonté politique de l'organisation encourt un risque sérieux d'être gaspillée. Malgré cela, nous ne croyons pas que, pour agir, l'organisation anarchiste, ai besoin avant toute autre chose, d'avoir une théorie approfondie et développée. En fait, il existe des organisations qui croient que le gros problème de l'anarchisme est dans la résolution, presque mathématiquement, de la théorie anarchiste. Pour nous, bien que nous défendions de manière insistante que la théorie est très importante pour une pratique efficace, nous ne croyons pas que la théorie produite sans contact concret et prolongé avec la pratique peut porter des fruits prometteurs. La théorie promue par des intellectuels retirés de la lutte ou avec peu de pratique sociale - des intellectuels qui pensent qu'ils ont compris la théorie plus que quiconque et ont trouvé des réponses définitives à des questions théoriques - est de peu d'utilité, car c’est dans la pratique que nous vérifions si le la théorie sert à quelque chose ; pratique qui contribue nécessairement à la théorie. Nous ne croyons pas, comme beaucoup de ces intellectuels, qu’avec la théorie seulement on aura nécessairement une pratique efficace. Si cette théorie n'a pas été construite avec un contact suffisant et permanent avec la pratique, la probabilité qu’elle aie peu d'utilité est énorme. Quand nous avons commencé l'introduction de ce texte avec le sous-titre " pour théoriser de manière efficace, il est essentiel d'agir » [155] nous faisions allusions de manière précise à l'idée que pour une production théorique cohérente et efficace, il n'y a pas d'autre moyen que de la produire, aussi, à partir des expériences pratiques.. Dans ce cas, ce n'est pas toujours la théorie qui détermine la pratique. Nous croyons que la théorie et la pratique sont complémentaires et que de la théorie on pratique, et de la pratique, on théorise. Si nous pouvons théoriser aujourd'hui au sujet de notre idéologie, c'est parce que nous la « testons » dans notre pratique quotidienne et nous vérifions ce qui fonctionne, ce qui ne fonctionne pas, ce qui est actuel et ce qui doit être mis à jour. Nous savons que, souvent, « dans la pratique, la théorie est autre » et cela s'applique surtout à l'anarchisme.. Tout ce qui a été produit ou est produit théoriquement dans l'anarchisme ne sert pas la pratique que nous voulons. Cela vaut également pour des aspects qui sont moins idéologiques, comme l'analyse de la conjoncture, l'évaluation des forces politiques en jeu, etc qui peuvent même être des théories intéressantes, mais si elles ne trouvent pas de cohérence dans la pratique, ne nous serviront à rien. La valeur importante que nous accordons à la pratique donne une importance absolue au processus de travail social et d'insertion. Elle met l'idéologie anarchiste à l'épreuve, permettant à l'organisation anarchiste de mieux réfléchir à ses possibilités et horizons, d'être beaucoup plus programmatique, d'agir avec ses pieds sur le terrain et de faire avec la vie telle qu'elle est, et non pas comment nous aurions voulu qu'elle soit. Pour cette raison, la pratique et l'insertion sociales permettent de réaliser de manière plus précise, toute la production théorique de l'organisation anarchiste. De ce rapport entre la théorie et la pratique nous considérons le chemin théorique de l'organisation anarchiste spécifique comme une manière constante de théoriser, pratiquer, évaluer la théorie et, si nécessaire, de reformuler, re-théoriser, re-pratiquer, et ainsi de suite. Beaucoup d'organisations anarchistes définissent la théorie uniquement comme compréhension de la réalité dans laquelle elles agissent. De cette façon, elles séparent la théorie de l'idéologie, la première étant cette « un ensemble de concepts articulés entre eux de manière cohérente » qui servirait uniquement pour l'élaboration de réponses à ce que nous appelons « la première question de la stratégie », qui est « Où sommes-nous ? ». En ce sens la théorie reviendrait à rechercher une compréhension plus profonde de la réalité dans laquelle on évolue. Sur cela nous sommes d'accord. Cependant, nous croyons, comme nous l'avons précisé ci-dessus, que la théorie permet également de répondre aux deuxième et troisième questions de stratégie, qui sont , « Où voulons-nous aller ? ", et "Comment pensons-nous que nous pouvons partir de là où nous sommes et arriver là où nous voulons aller ? ". Ainsi, dans ce cadre stratégique la théorie ne se limite pas à la première question, mais cherche également à répondre aux deuxième et troisième questions. En outre, cette théorie impliquée dans la stratégie a nécessairement des éléments idéologiques et, par conséquent, dans ce cas la théorie et l'idéologie, en dépit d'être des concepts distincts, ne peuvent pas être clairement séparés. La Théorie comporte nécessairement des aspects idéologiques et l'idéologie comporte nécessairement des aspects théoriques. Il y a, par conséquent, un lien direct entre l’un et l'autre. A partir de cette compréhension de la relation entre la théorie et l'idéologie, nous pensons que l'organisation spécifique anarchiste doit travailler avec ce que nous appelons l'unité idéologique et théorique. Cette unité se produit à travers le processus décisionnel de l'organisation anarchiste et a pour objectif de déterminer une ligne politique claire (théorique et idéologique) qui doit, nécessairement, guider toutes les activités et les actions de l'organisation qui, « à la fois dans l’ensemble ainsi que dans les détails, devrait être en accord exact et constant »[156] avec la ligne définie par l'organisation. Nous ne croyons pas qu'il serait possible de travailler avec plusieurs conceptions théoriques et idéologiques sans que cela signifie des conflits permanents et des pratiques inefficaces. L'absence de cette ligne théorique et idéologique politique conduit à un manque d'articulation, voire à des articulations contradictoires de l'ensemble des concepts, dont le résultat est une pratique incorrecte, confuse et/ou inefficace. Avec cette ligne politique bien définie tout le monde sait comment agir et, en cas de problèmes pratiques, il apparaît clairement que la ligne devrait être révisée. Lorsque la ligne théorique et idéologique n'est pas bien définie et qu'il y a un problème, il y a des difficultés à identifier ce qui doit être révisé. C’est, par conséquent, la clarté de cette ligne qui permet à l'organisation de se développer théoriquement.

la propagande anarchiste

La propagande ne peut être, que la constante, l’inlassable répétition des principes qui doivent nous servir de guide dans la conduite que nous devons tenir dans les diverses circonstances de la vie." [157] Ainsi, nous considérons la propagande comme la diffusion des idées de l'anarchisme, et, par conséquent, comme une activité fondamentale de l'organisation anarchiste. Son objectif est de faire connaître l'anarchisme et d’attirer des gens à notre cause. La propagande est l’une des activités de l'organisation anarchiste et non sa seule activité. Elle doit être effectuée en permanence et de manière organisée. « La propagande de l'organisation doit être faite sans interruption, tout comme la propagande en faveur de tous les autres postulats de l'idéal anarchiste". [158] Pour avoir de la force la propagande doit être effectuée en permanence. La propagande qui se fait de temps en temps ne suffit pas à faire connaître l'anarchisme, et encore moins, pour attirer les gens vers lui. Par conséquent, la première affirmation que nous faisons est que la propagande doit être continue. Outre cela, la propagande ne doit pas être faite de façon isolée, puisque, comme toute activité désordonnée, cela n'a pas la force désirée. Comme nous l'avons vu l'organisation - entendue comme la coordination des forces pour la réalisation d'un objectif - multiplie les résultats des travaux individuels, et ceci s'applique également à la propagande. Lorsque nous sommes organisés, le résultat de notre travail de propagande - que ce soit de la propagande théorique ou pratique - est multiplié, et obtient des résultats bien supérieurs à la simple somme des forces individuelles. Par conséquent, la seconde assertion que nous faisons est que la propagande doit être faite d'une manière organisée, parce que cela multiplie ses résultats. La propagande isolée, ponctuelle qui est souvent faite pour calmer sa propre conscience ou tout simplement pour atténuer la passion à travers la discussion n’a que peu ou pas d’effet. Dans les conditions d'incohérence et de misère dans laquelle les masses se trouvent, avec autant de forces qui s'opposent à elles, une telle propagande est oubliée avant que ses efforts puissent s'accumuler et avoir des résultats fertiles. Le terrain est trop ingrat pour que les graines semées au hasard germent et prennent racine. [159] Nous soutenons que l'organisation spécifique anarchiste doit utiliser tous les moyens qui sont à sa disposition pour la réalisation de cette propagande permanente et organisée. Tout d'abord, par rapport à la sphère théorique, pédagogique et / ou culturelle avec la réalisation de cours, de discussions, de débats, de conférences, de groupes d'étude, de sites web, d’e-mail, de pièces de théâtre, de bulletins, de journaux, de magazines, de livres, de vidéos, de musique, de bibliothèques , de manifestations publiques, d’émissions radiophoniques, d’émissions de télévision, d’écoles libertaires, etc Nous apprécions réellement toute cette propagande et pensons qu'elle est fondamentale pour attirer les gens et s'assurer qu'ils connaissent les critiques et aussi les propositions constructives de l'anarchisme. Ainsi, il est possible de développer des valeurs anti-autoritaires chez les gens, de stimuler leur conscience, de leur faire voir l'exploitation et la domination d'une manière plus critique de telle sorte qu'ils cherchent d'autres solutions de lutte et d'organisation. Ces personnes peuvent être abordées, en cherchant à approfondir leurs connaissances, à les impliquer dans les discussions et aussi de les organiser pour l'action. Ce type de propagande, lorsqu'il est effectué sur une grande échelle est fondamental, car il fonctionne comme un "lubrifiant" social qui modifie lentement la culture dans laquelle nous vivons et permet de faciliter l'introduction des idées anarchistes et des pratiques dans la sociét. Ce travail de propagande massive change lentement la conscience du peuple et a pour conséquence une remise en question plus forte et une moindre reproduction de l'idéologie du capitalisme, qui est déjà transmise sous la forme de la culture. Comme nous considérons la conscience comme une capacité que les gens ont de connaître des valeurs et des principes éthiques et de les appliquer, nous croyons que cette activité de propagande est très pertinente pour l’accroissement permanent de la conscience. La première étape est d'éliminer les préjugés et la culture capitaliste, puis, d’amener les gens à voir l'autoritarisme de manière critique. Enfin, d’amener certaines de ces personnes à la lutte contre l'autoritarisme.. Nous considérons que tout processus de transformation sociale avec des objectifs finaux tels que ceux que nous proposons dépendra de l'acceptation, ou tout au moins du« non-rejet" de larges secteurs de la population. Et la propagande en ce sens, qu’elle soit théorique, pédagogique et / ou culturelle contribuera de manière significative à cela.. Ainsi, « la propagande menée par les anarchistes organisés est également un moyen de manifestation en vue de préparer la société future : c'est une collaboration afin de construire un moyen d'influencer l'environnement et de modifier ses conditions" [160] Cependant, nous devons prendre en considération les limites de cette propagande. La propagande par rapport à cette sphère théorique, pédagogique et / ou culturelle a pour objectif principal d'augmenter le niveau de conscience. Par conséquent, elle vise à transformer les idées des gens. Et c'est la raison pour laquelle nous voyons de sérieuses limites dans ce modèle de la propagande. Ce gain dans la conscience ne signifie en aucune façon que l'exploitation et la domination de la société capitaliste aura tendance à diminuer. Il ne veut pas non plus dire, nécessairement, que les gens vont en venir à s'organiser pour lutter. Aujourd'hui, les médias et même la croissance des villes, la fragmentation communautaire, entre autres facteurs, rendent la propagande à grande échelle très difficile et nous devons nous rappeler que, même lorsqu'il n'y avait pas de telles difficultés, et quand la propagande anarchiste était très forte - avec en permanence le fonctionnement de centres culturels, de journaux à très haut tirage quotidien - la transformation sociale n'était pas garantie. En fin de compte, on peut considérer que, même avec toutes les difficultés que nous rencontrons pour réaliser de la propagande « de masse », le gain dans la conscience ne signifie pas nécessairement l'organisation et la lutte, ni la fin, ni même une diminution de l'exploitation et de la domination. On pourrait dire que, dans une situation hypothétique dans laquelle chacun serait conscient, néanmoins, nous continuerions à être exploités et dominés. Par conséquent, Ni les écrivains, ni les philosophes, ni leurs oeuvres, pas même les journaux socialistes constituent le socialisme vivant et bien-portant. Celui-ci ne peut trouver d'existence réelle que dans l'instinct révolutionnaire bien-compris, dans la volonté collective et dans l'organisation [...] - et quand cet instinct, cette volonté et cette organisation font défaut, les meilleurs livres du monde ne sont rien d’autre que des théories vides et des rêves impuissants. [161] Pour cette raison, nous estimons que, en plus de la propagande qui a lieu dans la sphère théorique, pédagogique et / ou culturelle, nous devons également entretenir, principalement, de la propagande qui a lieu dans la lutte et l'organisation, c’est à dire, de la propagande dans la pratique sociale, visant à l'insertion sociale. Lorsqu'il est effectué dans le cadre de la lutte des classes et des mouvements sociaux, le travail de propagande anarchiste vise à mobiliser, organiser et influencer les mouvements sociaux par la pratique anarchiste. Nous rappelons, avec insistance, que l'influence des mouvements par l’anarchisme signifie pour eux avoir les caractéristiques que nous défendons : la force, la perspective lutte des classes, la combativité, l'autonomie, l'action directe, la démocratie directe et de la perspective révolutionnaire. Pour atteindre cette influence l'organisation spécifique anarchiste effectue sa propagande, de manière opiniâtre, à travers les mots et, surtout, par l'exemple [162]. Nous considérons l'ensemble du processus de pratique et d'insertion sociales dont nous avons traité plus tôt comme le travail de propagande principal que l'organisation anarchiste devrait développer. Dans la lutte, tout en étant une minorité active, les anarchistes créent des mouvements sociaux, rejoignent des mouvements déjà existants et cherchent à les influencer autant que possible - toujours par l'exemple – pour qu’il fonctionnent de la manière la plus libertaire et égalitaire possible. Ce travail consiste, par conséquent, À éduquer à la liberté, à élever la conscience de leur [celle des travailleurs] propre force et capacité en tant qu’êtres humains habitués à l'obéissance et la passivité. Il est donc nécessaire de procéder de telle sorte que les gens agissent pour eux-mêmes, ou du moins soient convaincus de le faire par leur propre instinct et leur propre inspiration, même si, en réalité, la chose leur a été suggérée. [163] Dans ce sens, la propagande anarchiste sert l’ensemble du processus de travail des anarchistes comme minorité active au sein des mouvements sociaux, et dans la création effective de l'organisation populaire. Lorsque nous effectuons la propagande anarchiste, nous devons penser, nécessairement, au champ qui lui est le plus propice. Nous considérons que la meilleure propagande est celle que nous réalisons au sein des mouvements sociaux qui donnent forme à la lutte des classes. Ainsi, en cherchant des gains à court terme, en travaillant parmi les gens organisés par nécessité, nous considérons qu'il est possible de planter les graines de notre anarchisme par le biais de la propagande, et d’amener la société à un processus révolutionnaire qui ouvre la voie vers le socialisme libertaire. Ce n'est pas que d'autres alternatives ne nous sont pas utiles, mais cette réflexion sur « où et pour qui la propagande pour effectuer" doit toujours avoir lieu .

Formation politique, relations et gestion des ressources

L'Organisation spécifique anarchiste spécifique : Formation politique, relations et gestion des ressources Enfin, nous allons traiter un peu des autres activités de l'organisation spécifique anarchiste : la formation politique, les relations et la gestion des ressources. La formation politique est fondamentale pour le fonctionnement de l'organisation anarchiste. Sur le plan politique, celui de l'organisation spécifique anarchiste, la formation a pour objectif principal d'accroître la connaissance et l'approfondissement théorique et idéologique des militants de l'organisation. Cela apporte également du soutien aux nouveaux militants de sorte que les différences de niveau de formation entre les moins et les plus formés doivent être aussi petites que possible, et de telle sorte que le niveau élevé de discussion au sein de l'organisation ne soit pas affecté par ces différences. En termes généraux, la formation politique favorise le développement théorique et idéologique de l'organisation et assure l'unité. Pour les militants sympathisants de l'organisation anarchiste spécifique, la formation politique apportent la base théorique et idéologique permettant de comprendre sa ligne politique. La formation politique du plan politique approfondit les questions historiques, actuelles et futures de la même façon que les connaissances sur d'autres courants idéologiques et les mouvements sociaux. Elle est mise en œuvre de différentes manières : par des cours et des livres de formation pour les militants, par des séminaires de formation, par l'auto-formation que les militants mettent en œuvre par eux-mêmes, entre autres. Au niveau social, des mouvements sociaux, l'organisation anarchiste travaille également avec la formation politique dans le sens de promouvoir le développement de la théorie et l'idéologie. Cette formation sert, en premier lieu, à mobiliser les gens. Ensuite, à former les militants de base et à leur donner le soutien nécessaire pour leur permettre de développer leur réflexion théorique et, si possible, de rejoindre les groupes de tendance. Enfin, la formation politique vise à renforcer les militants qui agissent dans le groupement de tendance et, ayant des affinités idéologiques, à les intégrer dans l'organisation anarchiste. Cette formation politique au niveau social est fondamentale pour la politisation des militants. Pour que les mouvements sociaux aient les caractéristiques souhaitées et pour qu’ils s’orientent vers la construction de l'organisation populaire, il est fondamental que les militants soient politisés autant que possible, et dans cette perspective la formation politique joue un rôle important. En pratique, cette formation politique au plan social peut également se produire de différentes façons : avec l'approfondissement de questions historiques, actuelles et futures et avec la connaissance de l'anarchisme et des mouvements sociaux, avec des livres et des cours de formation sociale, avec des conférences et des débats, entre autres. La formation politique a une grande importance tout au long du mouvement prévu pour le militantisme au sein de la logique des cercles concentriques présentées plus tôt, à la fois au plan politique, et au plan social. Les relations de l'organisation spécifique anarchiste sont également fondamentales et sont divisés, de la même manière, entre le plan politique et le plan social. Au niveau politique, l'organisation anarchiste cherche à se mettre en relation avec des organisations, groupes et individus de toutes les localisations, de manière à ce que cela puisse contribuer à sa pratique. Les relations peuvent être plus ou moins organique, plus ou moins formelles. De toute façon, il est important d'avoir des partenaires, et de cibler les grandes organisations confédérées qui rassemblent différentes organisations anarchistes. Au niveau social, elle cherche à connaître et se rapprocher des mouvements sociaux, se reliant plus ou moins à eux, ou même à avoir des contacts avec d'autres organismes tels que les universités, les conseils, les fondations, les ONG, les organisations de défense des droits de l'homme et les organisations écologiques, etc La gestion des ressources de l'organisation spécifique anarchiste se fait à travers des projets d'auto-support, à côté de la collecte de fonds des militants eux-mêmes, d'autres personnes ou même à travers des initiatives telles que les coopératives et ainsi de suite et qui sont fondamentales pour maintenir l’organisation anarchiste et toutes ses activités. Bien qu'étant contre la logique du capitalisme, dès lors que nous vivons en son sein, nous aurons à lever et gérer des fonds pour la réalisation de nos activités. Ces fonds sont importants : pour la réalisation d'œuvres sociales (transport de militants, etc) ; pour l'achat de livres ; pour l'impression de matériel de propagande (tracts, journaux, livres, vidéos, etc) ; pour les structures de l'organisation (l'entretien des espaces, etc) ; pour les voyages et autres activités.

Rapports entre L'organisation spécifique anarchiste et les mouvements sociaux

L'organisation spécifique anarchiste : rapports entre L'organisation spécifique anarchiste et les mouvements sociaux Nous avons, jusqu'à présent, traité à plusieurs reprises de la séparation entre le plan d’action social et le plan d’action politique. Nous avons l'intention d'exposer, de manière un peu plus détaillée, ce que nous entendons par chacun de ces plans, les forces et les faiblesses de chacun et, surtout, les types de rapport qu’ils peuvent selon nous avoir l’un avec l’autre. Pour nous, le plan social est le cadre dans lequel les mouvements sociaux sont développés et dans lequel nous devons nous efforcer de construire et d'augmenter la force sociale de l'organisation populaire. Il comprend des mouvements sociaux en tant qu'acteurs privilégiés, mais ne se réduit pas à eux. A ce niveau, lorsque nous traitons avec les mouvements sociaux, nous soulignons qu’ils ne doivent pas s'inscrire dans une idéologie, mais devraient être formé autour d'un besoin, une cause commune et concrète. Ils devraient être organisés autour de questions concrètes et pragmatiques qui cherchent, en cas de victoires, à améliorer les conditions de vie des classes exploitées. Les mouvements sociaux peuvent être organisés pour lutter autour de la question de la terre, du logement, du travail, pour défendre les travailleurs contre les patrons, pour exiger des améliorations dans la communauté/ le quartier, pour revendiquer autour de nombreuses autres questions. Tous ceux qui s'intéressent à la lutte autour de ces questions et qui gagneraient à ce que la lutte soit victorieuse doivent se retrouver au sein de ces mouvements.. Comme nous l'avons vu, plus ces mouvements sociaux sont organisés et ont les caractéristiques souhaitées (force, lutte des classes, combativité, autonomie, action directe, démocratie directe et perspective révolutionnaire), plus ils seront en mesure de construire l'organisation populaire et augmenter de façon permanente leur force sociale. Nous considérons que ce n'est que grâce à la convergence des différents mouvements sociaux dans la construction de l'organisation populaire que nous serons en mesure de renverser le capitalisme et l'État, et construire le socialisme libertaire par la révolution sociale. C'est à dire, que le plan social est le niveau le plus important pour la transformation sociale que nous entendons imprimer à la société et, que sans lui, aucun des changements auquel on pense ne peuvent produire des résultats autres que la création d'une nouvelle classe d'exploiteurs. Par conséquent, le plan social est le principal protagoniste dans le processus de transformation sociale. Néanmoins, comme nous l'avons vu certaines caractéristiques sont inhérentes à ce niveau social, qui finissent par compliquer ce processus de transformation sociale (les mouvements sociaux -> organisation populaire -> révolution sociale -> le socialisme libertaire). Tout d'abord, parce que les différentes forces politiques qui interagissent avec les mouvements sociaux, et les mouvements sociaux eux-mêmes, les conduisent souvent à ne pas avoir les caractéristiques souhaitées pour que ce processus de transformation se produise. Les difficultés qui découlent des forces autoritaires qui agissent dans les mouvements sociaux sont nombreuses : il y a des organisations qui cherchent à idéologiser les mouvements, ce qui a pour conséquence de les rendre faibles, il ya des organisations qui tentent de les exploiter, les obligeant à fonctionner à leurs propres fins (qui sont différentes des fins des mouvements), il ya des mouvements qui ne cherchent pas la participation des classes exploitées et finissent par devenir une « avant-garde » détachée de la base, il ya des mouvements qui fonctionnent uniquement avec l'aide des gouvernements et capitalistes, il ya des mouvements totalement liés à des politiciens, des partis et autres groupements autoritaires, il ya des mouvements qui veulent faire élire des candidats et seulement participer politiquement à travers la démocratie représentative, il ya des mouvements défendent des rapports hiérarchiques, dans lesques la direction décide et la base ne fait qu'obéir ; il ya des mouvements réformistes, il y a des mouvements isolés qui ne veulent pas se connecter avec d'autres, il ya des mouvements qui ne produisent pas de théorie et d'analyse de la situation, parmi beaucoup d'autres. D'autres difficultés découlent du fonctionnement actuel des mouvements sociaux. Comme ils sont toujours organisés autour de crises à court terme, il ya un très grand risque que leur objectif ultime finisse par être la simple victoire dans ces luttes. Lorsque cela se produit, de nombreux mouvements sociaux deviennent des mouvements réformistes – c’est à dire, des mouvements dont le but est une adaptation ou une réussite au sein du système capitaliste. La plupart du temps, ces luttes à court terme éloignent les mouvements sociaux de la lutte révolutionnaire. En outre, comme ces mouvements sont dans la plupart des cas spontanément formés, il ya, incontestablement, une difficulté d'organisation pour mener à bien une lutte à long terme. "Par conséquent, le spontanéisme, les mobilisations spontanées des masses, répercussion d'une accumulation de problèmes non résolus qui « éclosent », si elles ne sont pas correctement articulées et si on n’en tire pas correctement parti, peuvent rarement bouleverser le plan politique en termes de relations de pouvoir. "[164] Comme nous l'avons vu, les mouvements sociaux sont encore soumis à des variations de situation, et ils sont, parfois, à l’origine d’une démobilisation. Ces processus de reflux ont également souvent pour conséquence de leur faire perdre les acquis et l'expérience tirée des luttes. Autrement dit, si d'une part le plan social devrait être le principal protagoniste de la transformation sociale, de l'autre, il comporte de sérieuses limites pour que cela se produise. Nous considérons que cette transformation sera le résultat d'un apport à ce plan social, fait par le plan politique. Le plan politique est le champ d'application dans lequel l'organisation spécifique anarchiste se développe. Contrairement au plan social, le plan politique est un plan idéologique ; un plan anarchiste. "Le problème du pouvoir, décisif pour la transformation sociale en profondeur, ne peut être résolu qu’au plan politique, par la lutte politique. Et cela exige une forme spécifique d'organisation : l'organisation politique révolutionnaire »[165] Ce plan politique doit, nécessairement, interagir avec le plan social car nous considérons que sans le plan social, le plan politique est incapable de réaliser la transformation sociale souhaitée. Ainsi, le plan politique a absolument besoin du plan social qui, comme nous l'avons dit, est le protagoniste de la transformation sociale. Ni une insurrection, ni un long processus de lutte ne sont possibles sur le dos, ou éloigné des masses. La prédisposition spontanée de ces dernières, dont la fonction de l'organisation politique est de les relier en termes de développement organisationnel et idéologique, a toujours un rôle absolument capital. On ne peut pas faire une révolution en marge ou en dépit des gens. Et encore moins construire un nouveau système social sans le soutien initial d'au moins un secteur sensiblement large du peuple. [166] L'organisation spécifique anarchiste vise à mettre en pratique une politique révolutionnaire qui conçoit les moyens d'atteindre les objectifs finaux (la révolution sociale et le socialisme libertaire) avec une action toujours basés sur une stratégie. Pour cela, elle s’organise comme minorité active, coordonnant les activités idéologiques militantes qui font office de catalyseur pour les luttes du plan social. La principale activité menée par ce plan politique est la pratique sociale qui se produit lorsque le plan politique interagit avec le plan social. Dans ce contact le plan politique cherche à influencer le plan social autant que possible, l'amenant à fonctionner de la manière la plus libertaire et égalitaire possible. Nous avons vu que cela peut se faire directement entre l'organisation anarchiste et les mouvements sociaux, ou par l'intermédiaire des groupements de tendance. A partir du moment où le plan politique obtient cela - même partiellement - on dit qu'il y a insertion sociale. Ce n'est que par cette insertion sociale que nous considérons qu’il est possible de construire l'organisation populaire et, en augmentant sa force sociale, d’atteindre les objectifs finaux. Par conséquent, pour nous, de même que le plan politique a besoin du plan social, de la même manière le plan social a besoin du plan politique. D'où la nécessité d'une activité idéologique d'explication (et d'avoir les éléments nécessaires à celle-ci) qui n'est pas contradictoire, mais complémentaire avec d'autres niveaux de la lutte (économique, militaire, etc.) Par activité idéologique, nous n'entendons pas, bien évidemment, le prosélytisme idéologique « éducationaliste », qui se réfère plus ou moins exclusivement à la diffusion de la « théorie » révolutionnaire, même si, que ce soit bien clair, celle-ci a aussi son importance. L'activité idéologique est quelque chose de plus que la simple diffusion des connaissances théoriques. Les faits, la pratique politique réelle sont des ingrédients, des éléments clés pour l'intégration d'un niveau de conscience révolutionnaire. [...] Un résultat idéologique essentiel est fondé sur la démonstration devant le peuple de la perspective de la victoire, d’un chemin d'espoir, de confiance dans la possibilité d'une profonde transformation révolutionnaire. [...] Et cette fonction "démonstrative" [...] est la fonction d'une minorité politiquement organisée, avec un niveau de conscience idéologique qui ne peut être généré dans la pratique spontanée des masses. Un niveau qui implique le dépassement du spontanéisme. [167]

Ainsi, nous considérons que les plans sociaux et politiques sont complémentaires. Ceci parce que le plan politique, dans ce processus d'influence qui se produit lorsque l'insertion sociale a lieu, vise à donner au plan social, les caractéristiques souhaitées, qui lui manquent souvent - certains en raison de l'influence de forces politiques autoritaires, et d'autres en raison du fonctionnement du plan social lui-même. Dans cette interaction avec le plan social le plan politique devrait : se battre pour que les mouvements ne soient pas fondés sur des bases idéologiques, pour éviter l'influence négative de tous les autoritaires, les empêchant d'utiliser les mouvements sociaux à leurs propres fins ; impliquer les classes exploitées autant que possible dans le processus de lutte les amenant à être les véritables protagonistes de la transformation sociale ; veiller à ce que les mouvements ne vivent pas des faveurs et de l'aide de la classe dirigeante, mais qu'ils imposent leurs conquêtes par la force ; pour s’assurer que les mouvements ne soient pas liés à des politiciens, des partis et d’autres groupements autoritaires, qu'ils ne cherchent pas l'élection de représentants au sein du système parlementaire, mais qu'ils effectuent leurs propres politiques ; afin que tout le monde au sein des mouvements puisse discuter et délibérer de toutes les questions de la manière la plus démocratique possible ; de ​​telle sorte qu’il n'y ai pas de hiérarchie, de manière à ce que les mouvements sociaux utilisent leurs gains à court terme afin de construire un projet révolutionnaire à long terme ; afin que les mouvements sociaux se connectent et construisent l'organisation populaire ; afin qu'ils aident à l'élaboration et à la production de la théorie et de l'analyse nécessaire de la situation, afin que la spontanéité soit transformée en organisation ; de telle sorte qu'en cas de reflux, ils ne perdent pas les acquis et l'apprentissage de la lutte. Le plan social est caractérisé par de forts flux et reflux car il varie plus que le plan politique par rapport à la conjoncture. Ainsi, une fonction importante du plan politique, est d’assurer la continuité de l'idéologie et des acquis des luttes en temps de reflux (ou même de flux) du plan social. Ceci parce que « l’organisation politique [anarchiste] politique est aussi le cadre dans lequel est accumulé l'expérience de la lutte populaire, tant au niveau national qu’international. Une instance qui empêche la dilution des connaissances que les exploités et opprimés acquièrent au fil du temps. "[168] Dans les temps de flux des mouvements sociaux le rôle de l'organisation spécifique anarchiste est de les promouvoir. En période de reflux, son rôle est de « maintenir la flamme allumée", ou d'attendre et se préparer à de nouvelles possibilités d'agir. L'anarchisme n’aspire pas à la conquête du pouvoir politique, à la dictature. Son aspiration principale est d'aider les masses à prendre le chemin authentique de la révolution sociale et de la construction du socialisme. Mais il ne suffit pas que les masses prennent le chemin de la révolution sociale. Il est également nécessaire de maintenir cette orientation de la révolution et de ses objectifs : la suppression de la société capitaliste au nom de la société de travailleurs libres. [169]

Ainsi, le processus du plan politique influençant le plan social cherche à s'assurer qu'il possède les caractéristiques désirées. Dans les cas où elles se font déjà jour, le plan politique se contente de les accompagner ; dans le cas où elles n'existent pas, elle se bat pour les faire exister. Lorsque nous définissons le plan politique comme l'organisation spécifique anarchiste de la minorité active, nous lui donnons un sens opposé à celui de l'organisation autoritaire d'avant-garde. Les Autoritaires, tout en proposant une distinction entre les plans sociaux et politiques, croient que le plan politique a une relation de hiérarchie et de domination par rapport au plan social. Ainsi, la hiérarchie et la domination provenant de l'intérieur du plan politique (des partis autoritaires) sont reproduites dans ses relations avec le plan social. Les autoritaires considèrent la reproduction de la conscience de la même manière, comme allant de pair avec la hiérarchie et la domination au plan politique, et devant dans leur conception être apportée du plan politique au plan social, des "conscients" aux « inconscients». C'est ainsi que la relation de hiérarchie et de domination du plan politique sur le plan social fonctionne. La relation ne fonctionne pas dans les deux sens, de la politique au social et vice-versa, mais plutôt comme une relation à sens unique, de la seule politique à la vie sociale - qui finit par être une courroie de transmission des idées de la politique. L'idée autoritaire, qui défend l'avant-garde comme un faisceau de lumière qui a l'intention d'éclairer le chemin du peuple, est un exemple de cela. Le plan social, dans l'obscurité, dépend de la lumière du plan politique. Nous savons par divers exemples historiques que, dans cette relation dans laquelle le plan politique se bat pour le social, le plan politique obtient des positions de privilège. Mais nous les anarchistes ne pouvons pas émanciper le peuple, nous voulons que les gens s'émancipent. Nous ne croyons pas au bien qui vient d'en haut et est imposé par la force ; nous voulons que le nouveau mode de vie social sorte des entrailles du peuple, correspondant au degré de développement atteint par l'être humain et qui puisse évoluer à mesure qu'il progresse. Il est donc important pour nous que tous les intérêts et toutes les opinions trouvent dans une organisation consciente la possibilité de s'affirmer et d’influencer la vie collective en proportion de leur importance. [170] Pour toute organisation spécifique anarchiste la relation entre les plans sociaux et politiques implique nécessairement une discussion sérieuse sur la question de l'éthique. Nous avons affirmé dès le début que : "la Farj respectera les principes éthiques forts qui la soutiennent, promouvant le développement d'une culture politique fondée sur le respect de la pluralité des points de vue et l’affinité des objectifs" [171]. C'est grâce à l'éthique, et seulement à travers celle-ci, que l'organisation anarchiste n'agit pas comme un parti autoritaire (même révolutionnaire). L'éthique de l'anarchisme, contrairement à toutes les autres idéologies, défend une position unique sur la relation entre les plans sociaux et politiques. Pour cette raison, l'éthique est absolument essentielle à toute organisation anarchiste qui veut travailler avec les mouvements sociaux. Contrairement à l'organisation d'avant-garde, le plan politique organisé en tant que minorité active qui agit avec éthique n'a pas une relation de hiérarchie ni de domination par rapport au niveau social. Pour nous, comme nous l'avons souligné, les plans sociaux et politiques sont complémentaires et ont une relation dialectique. Dans ce cas, le plan politique est complémentaire avec le plan social, de même que le plan social est complémentaire avec le politique. Contrairement à ce que les autoritaires proposent, l'éthique de l'horizontalité qui opère au sein de l'organisation spécifique anarchiste est reproduite dans sa relation avec les mouvements sociaux. En cas de contact avec le plan social l'organisation spécifique anarchiste agit avec éthique et ne cherche pas des positions de privilège, n'impose pas sa volonté, ne domine pas, ne trompe pas, n’aliène pas, ne se juge pas elle-même supérieure, ne se bat pas « pour » les mouvements sociaux ou en face d'eux. Elle se bat avec les mouvements sociaux, n’avançant pas même un pas plus loin que ce que ceux-ci en ont l’intention. Nous considérons que, à partir de cette approche éthique du plan politique, il n'y a pas de feu qui n'est pas allumé collectivement, il n'y a pas d’avant-garde, illuminant la voie du peuple, tandis que le peuple lui même suit derrière dans l'obscurité. L'objectif de la minorité active est, avec éthique, de stimuler, d'être au coude à coude, apportant la solidarité quand elle est nécessaire et demandée. De cette manière, contrairement à l'avant-garde, la minorité active est légitime. La demande individuelle de soutenir le mouvement social devrait être conditionnée aux attitudes de ceux qui ont l'intention de travailler dans cette situation. Le sympathisant, ou même le militant organisationnel légitime doivent démontrer qu'ils sont prêts à écouter beaucoup plus qu’à parler. Ils doivent prendre conscience des circonstances dans lesquelles vivent les membres naturels qui composent le mouvement social spécifique dans lequel ils agissent. Comme partie d'un ensemble, c'est à dire, d’une organisation, ils doivent grandir avec elle et ne pas définir ses chemins et sa forme d'une manière autoritaire et verticale. Il est important de se rappeler qu'un processus de construction collective est toujours, et surtout, un processus d'auto-éducation. Avec le temps, si les véritables codes du groupe sont suivis, et alors seulement, le sympathisant ou militant se rendront compte que la chose la plus importante est de confronter leur idéologie avec la réalité du groupe et de ne pas essayer de réduire le mouvement social à leurs certitudes idéologiques. [172]

Cela ne signifie pas que nous préconisons un certain type de "basisme", qui considère que tout ce que les mouvements sociaux préconisent est juste. Nous savons que la majorité du temps, ces mouvements ont des caractéristiques différentes de celles que nous désirons, et ce qui est pire : parfois se droitisent, et défendent des positions capitalistes ou même dictatoriales, comme ce fut le cas du fascisme. Par conséquent, si d'une part nous ne croyons pas que nous devrions être en face des mouvements sociaux, nous ne croyons pas non plus que nous devrions être à leur remorque, suivant tous leurs souhaits. Nous voulons être dans une position d'égalité et, en voyant qu'ils sont éloignés des positions que nous croyons être les plus correctes pour le projet de transformation sociale destiné, nous luttons en interne et cherchons à les influencer pour qu’ils adoptent les caractéristiques déjà expliquées . Ce n'est pas que nous croyons que les masses ont toujours raison, ou que nous voulons toujours les suivre dans leurs humeurs changeantes. Nous avons un programme, un idéal à faire triompher, et c'est pourquoi nous nous distinguons de la masse et sommes des personnes partisanes. Nous voulons agir sur elle, la propulser sur le chemin que nous croyons être le meilleur, mais comme notre objectif est de libérer et de ne pas dominer, nous voulons habituer à la libre initiative et de liberté d'action. [173] En outre, contrairement aux autoritaires, pour nous le plan social influence et doit toujours influer sur le plan politique. C'est à dire, le plan politique, en comparant son idéologie à la pratique du plan social, identifiera aussi des contributions très importantes qui doivent être ajoutées à l'organisation anarchiste. Nous croyons qu'il n’est possible pour le plan politique de concevoir une stratégie révolutionnaire cohérente qu’à partir du moment ou il est en contact avec la pratique sur le plan social. Ainsi, nous soutenons que cette voie à double sens entre le politique et le social a aussi beaucoup à apporter au plan politique. Nous pensons que cette division entre les plans sociaux et politiques sera nécessaires jusqu'à ce que la révolution sociale soit consolidé et sécurisé, avec le socialisme libertaire en fonction. A cette époque, le plan politique devrait se fondre au sein du plan social.

La nécessité de la stratégie, de la tactique et du programme

Il est essentiel que l'organisation spécifique anarchiste fonctionne avec une stratégie. Nous pouvons définir la stratégie comme la formulation des réponses à trois questions : 1.) Où sommes-nous ? 2.) Où voulons-nous aller ? 3.) Comment pensons-nous que nous pouvons partir de là où nous sommes et arriver là où nous voulons aller ? La stratégie est donc la formulation théorique d'un diagnostic de la situation actuelle, la conception de la situation que l'on veut atteindre et un ensemble d'actions qui visent à transformer la situation actuelle, l'amenant à atteindre la situation souhaitée. Nous pouvons également dire que « nous considérons la stratégie comme un ensemble d'éléments, unis d'une manière systématique et cohérente qui s’orientent vers de grands objectifs finaux. [... et] relient les objectifs finaux à la réalité historique spécifique "[174]. Concevoir notre stratégie de transformation sociale c’est ce que nous tentons d'accomplir dans ce texte. Tout d'abord, en réfléchissant à la première question et en identifiant le capitalisme et l'Etat, donnant corps à la société de domination et d'exploitation, puis, en réfléchissant à la deuxième question, en essayant de concevoir nos objectifs finaux de la révolution sociale et du socialisme libertaire. Enfin, en réfléchissant à la troisième question et en proposant une transformation sociale qui prend place grâce à des mouvements sociaux, constitués en organisation populaire, en interaction constante avec l'organisation spécifique anarchiste. Tout cela tout en tenant compte en priorité des intérêts des classes exploitées. Ainsi, derrière la conception de tout ce matériel théorique il y a un raisonnement stratégique. En l’occurrence, la stratégie a été utilisée pour concevoir une proposition pour la transformation sociale de la société actuelle, cherchant à l’orienter vers le socialisme libertaire - ce que nous appelons la stratégie permanente, une stratégie très large pour la réalisation de nos objectifs à long terme. La stratégie peut aussi être conçue de manière moins large, et même limitée. Toute action que l'organisation spécifique anarchiste, ou même ses militants, vise à réaliser peut être conçue de manière stratégique. Un front de l'organisation anarchiste, par exemple, peut concevoir sa pratique comme « réponse » aux trois questions ci-dessus:. 1) Aujourd'hui, nous n'avons pas d'insertion dans le mouvement communautaire d'un quartier particulier qui se développe de plus en plus et nous pensons qu’une bonne pratique pourrait y être développé. 2) En un an, nous voulons être en mesure d'avoir une pratique sociale régulière et parvenir à une certaine insertion. 3.) Par conséquent, nous allons essayer d'aborder ce mouvement, d'apprendre à le connaître de plus près, et commencer à mettre en œuvre de manière permanente une pratique sociale, recherchant l'insertion sociale. De même un militant peut, par exemple, faire une proposition d'auto-éducation politique en répondant aux trois questions. 1.) J'ai des lacunes sur une question théorique particulière et je crois qu’elles entravent mon militantisme. 2.) Je voudrais résoudre ce problème dans les six mois, parce que je pense que cela va ouvrir plus de possibilités pour mon militantisme. 3.) Je vais le faire, tout d'abord, en conversant avec les camarades les plus expérimentés de mon organisation et en demandant des conseils sur où je peux trouver du matériel sur le sujet, puis je vais lire toute la documentation et proposer un débat avec d'autres camarades et, enfin, je vais formaliser mes idées dans un texte et le présenter à l'organisation pour que les camarades puisse donner leurs opinions. En bref tout dans l'organisation, du plus complexe au plus simple, peut et doit être fait de façon stratégique. Dans l'organisation spécifique anarchiste la question de la stratégie de développement est traitée comme suit. Il devrait toujours y avoir un débat large sur la stratégie, incluant les trois questions ci-dessus. L'organisation spécifique anarchiste devrait chercher à réaliser un diagnostic de la réalité dans laquelle elle opère, à définir les objectifs finaux à long terme et, surtout, à déterminer les différentes périodes et cycles de lutte, chacun avec leurs objectifs respectifs. Cette ligne "macro" (de diagnostic, des objectifs à moyen et à long terme) est appelée la stratégie, et les grands objectifs (sont appelés) les objectifs stratégiques. Puis la stratégie est détaillé dans une ligne plus « micro», c'est-à-dire les tactiques, qui déterminent les objectifs à court terme et les actions qui sont mises en pratique par des militants ou des groupes de militants qui visent à atteindre les objectifs tactiques à court terme. De toute évidence, la réalisation des objectifs tactiques devraient contribuer à se rapprocher, voire à réaliser, des objectifs stratégiques. Lorsque cette ligne stratégique et tactique de l'organisation est mise en place un plan d'action est déterminé, et chaque militant a une fonction bien définie et des objectifs clairs à atteindre. Il est important de fixer des délais pour la réalisation d'actions, avec des bilans des résultats à la fin de chaque période ou cycle. Ces bilans sont effectuées par des évaluations de la façon dont les activités se déroulent, si elles s’orientent vers où nous l'avions imaginé, si nous avions tort à propos de quelque chose. En somme : nous voyons si nous nous dirigeons vers les objectifs fixés, ou si nous nous sommes éloignés d'eux. Dans le premier cas, nous corrigeons les erreurs, faisons des ajustements et procédons de la même manière. Dans le second, nous changeons d’actions tactiques et, éventuellement, de stratégie, mettant en œuvre le même processus au sein d’une période déterminée. C'est ce processus de déplacement, d'évaluation, de poursuite, de réévaluation etc qui amène l'organisation à avancer avec stratégie et à procéder correctement dans la lutte. Ainsi, [...] La stratégie ne fournit que des lignes générales pour une période. Ce sont les tactiques qui l'incarnent de manière concrète, la réalité actuelle la traduisant [la stratégie] dans les faits. Comme elles répondent à des problèmes plus précis, concret et immédiats, les options tactiques peuvent être plus variés, plus souples. Cependant, ils ne peuvent pas être en contradiction avec la stratégie. Une conception stratégique-tactique adéquate doit prendre en compte, comme nous l'avons dit, la situation actuelle et la période à laquelle elle répond. [175] La stratégie devrait être la même tant que le diagnostic de la réalité dans laquelle on opère et les objectifs restent inchangés. "Si la situation générale a connu des changements très importants, cela pourrait altérer les conditions dans lesquelles l'organisation doit travailler et celle-ci, si elle voulait agir efficacement, devrait revoir sa stratégie afin de l'adapter à la nouvelle situation." [176 ] Il en est de même pour les objectifs. Si les objectifs changent, par exemple dans une situation postrévolutionnaire, la stratégie peut être modifiée. D'où l'importance à la fois de la compréhension de la situation réelle dans laquelle nous vivons, mais aussi de la mise en place d'objectifs clairs et précis ; des éléments essentiels dans le développement de la stratégie, car "en politique, il n'y a pas de pratique honnête et utile possible sans une théorie et des objectifs clairement définis"[177]. Le diagnostic de la société actuelle que nous avons l'intention de transformer et de "la fin que nous voulons atteindre, par la volonté ou par nécessité" [ayant été] déjà mis en place, "le grand problème de la vie est de trouver les moyens qui, selon les circonstances, nous mènent de la manière la plus sure et la plus économique vers la fin que nous avons pré-déterminé »[178]. La ligne stratégique est formalisée dans un programme qui guide toutes les actions de l'organisation et ses militants. "On ne doit jamais renoncer au programme socialiste révolutionnaire, clairement établi, tant sur la forme que sur le fond». [179] Nous considérons, par conséquent, que la stratégie doit prendre vie dans un programme d'action qui établit des lignes directrices générales pour une période ou une étape. Un programme doit prendre racine dans les réalités des différents plans de notre société. Notre stratégie n'est pas en mesure de progresser, de se développer, si elle n'a pas de contact fluide avec les problèmes concrets qui existent dans les situations spécifiques qui composent une phase d'action. [180] C'est-à-dire, que pour que la ligne stratégique soit établie et formalisée dans le programme, il est essentiel de la relier à la pratique, ce qui permet une théorisation à partir des constats. Ce contact permettra également un déploiement tactique correct de la stratégie. Le programme [...] constitue la plate-forme commune pour tous les militants de l'organisation anarchiste. Sans cette plate-forme, la seule coopération que l’on pourrait avoir serait fondée sur des désirs confus, vagues et sentimentaux, et n’aurait pas une unité réelle de perspectives. [...] Le programme n'est pas un ensemble d'aspects secondaires qui regroupent (ou, souvent, ne divisent pas) des gens qui pensent d'une manière similaire, mais un corps d'analyse et de propositions qui n'est adoptée que par ceux qui croient en elles et qui choisissent de diffuser ce travail et de le transformer en réalité. [181] Grâce au programme l'organisation spécifique anarchiste fait connaître sa proposition stratégique pour la transformation sociale. Dans le même temps, tout comme il sert à guider l'action des militants de l'organisation, il sert à affirmer les positions de l'organisation pour d'autres personnes qui ne font pas partie de celle-ci, à rendre public l'ensemble de ces analyses et propositions. Cet ensemble composé d’une stratégie, de tactiques et d’un programme donne à l'organisation une forme d'activités planifiées à travers lesquelles il est possible d'obtenir les meilleurs résultats. La planification est indispensable à toute organisation anarchiste. La conception stratégique de l'organisation spécifique anarchiste a, inévitablement, une composante idéologique. L’idéologie constitue un moteur essentiel de l'action politique et une composante inévitable de toute stratégie. Chaque pratique politique suppose certaines motivations et une orientation qui ne deviennent clairement perceptibles que dans la mesure où elles sont explicites et organisés comme une idéologie. [182] Cependant, nous ne devons pas confondre idéologie et stratégie. Comparée à l'idéologie la stratégie est beaucoup plus flexible car elle varie selon le contexte social, la situation actuelle. Par conséquent, l'idéologie anarchiste peut avoir des stratégies différentes, étant donné que chaque organisation opère dans des contextes et des situations complètement différents. Quand on parle de tactique, c’est une vérité encore plus grande. Comme la composition sociale de chaque emplacement est différente, de même que celles des forces politiques, des positions gouvernementales, des forces réactionnaires, etc, il est naturel que, dans chaque contexte et conjoncture on applique des tactiques différentes pour la pratique politique de l'anarchisme. Par exemple, il ya des endroits et des contextes dans lesquels cela vaut la peine de considérer le syndicalisme comme un espace pour la pratique sociale, il y en a d'autres dans lesquels ce n’est pas le cas, et ainsi de suite. Nous avons dit précédemment que l'organisation spécifique anarchiste devrait fonctionner avec une unité stratégique et tactique, ce qui se produit à travers le processus de prise de décision décrit ci-dessus, qui recherche le consensus et dans les cas où il n'est pas possible opte pour le vote, la majorité l’emportant. Dans ce cas, tous les militants de l'organisation sont tenus de suivre la position majoritaire. Comme avec n'importe quel autre processus de décision, les questions sont clairement posées, débattues, et il y a une tentative de concilier les différents points de vue. Si cette conciliation n'est pas possible, l'organisation doit résumer les principales propositions et voter. Ainsi, l'organisation choisis, par consensus ou par vote, les réponses aux trois questions de stratégie. Elle formule la ligne stratégique-tactique et tout le monde va dans le même sens. Elle évalue périodiquement cette ligne, et peut la reformuler. Nous avons souligné que toutes les décisions sont prises collectivement, sans aucun type d'imposition. Cependant, les priorités et les responsabilités étant établies chaque militant ne peut faire ce qu'il pense personnellement préférable, dans son coin. Chacun a une obligation relative envers l'organisation d’accomplir ce à quoi il s’est engagé et ce qui a été défini comme une priorité. Évidemment, comme nous l'avons souligné, nous devons toujours essayer de concilier les activités que chacun apprécie de réaliser avec les responsabilités établies par l'organisation, mais nous ne devons pas toujours ne faire que ce que nous aimons. Le modèle de l'organisation spécifique anarchiste implique que les militants ont à faire des choses qu'ils n'aiment pas beaucoup ou cesser de faire certaines des choses qu'ils aiment faire. Cela pour permettre que l'organisation progresse avec une stratégie. Le fait de progresser avec stratégie fait de l'organisation anarchiste une organisation cohérente et efficace, un organisme dédié à un militantisme sérieux, engagé dans lequel les militants font ce qu'ils ont établi comme priorité et travaillent sur les tâches qui contribuent de la manière la plus efficace possible à la consolidation de leurs objectifs stratégiques. La pratique relativement courante de nombreux groupes et organisations anarchistes consistant à se disperser dans des actions différentes, à droite et à gauche, considérant qu’elles contribuent à un ensemble commun, n'est pas acceptée. Contrairement ce modèle, une pratique basée sur une stratégie consiste à ne pas aller faire, ni évaluer de manière isolée tout ce qui se présente, ni se décourager parce que les avancées ne sont pas immédiatement visibles. Elle se base sur la définition d'objectifs et la progression vers ceux-ci. Sur le choix d'action et l'établissement de priorités pour appuyer ces objectifs. Ceci implique clairement qu'il y aura des activités que nous ne réaliseront pas, des événements dans lesquels nous ne seront pas impliqués. Ils peuvent être importants et même spectaculaire, mais ils ne rentrent pas en ligne de compte si ils ne cadrent pas avec les propositions pour l'étape de notre programme. Dans d'autres cas, nous serons investis dans des activités qui sont compatibles avec nos objectifs de manière absolument minoritaires, ou avec des difficultés majeures. Choisir ce que nous aimons le plus ou ce qui amène moins de difficultés n'est pas une politique correcte. [183] Revenant à la question du vote pour l’élaboration de la stratégie, il est important de préciser que ce qui délibère c’est l'organisation et non pas un individu ou un autre. Donc, quand une question stratégique est réglée par le vote, quel que soit le vote de chacun, tous les militants de l'organisation ont l'obligation de suivre la position collectivement déterminée. Il s'agit d'une position importante dans le modèle d'organisation que nous préconisons parce que les positions prises collectivement ne sont pas des recommandations, mais plutôt une partie d'une ligne stratégique qui doit nécessairement être suivie par tous. Pour nous, "l'organisation implique la coordination des forces avec un objectif commun, et une obligation de ne pas promouvoir des actions contraires à cet objectif" [184]. Nous devons souligner que la liberté d'adhérer à une organisation est égal à la liberté d’en partir, et, dans le cas d'un individu ou une minorité se sent souvent négligée par les décisions de la majorité, ils ont la liberté de se séparer. Il est important de souligner que les décisions stratégiques, même si elles sont prises au moyen d'un vote, sont des décisions collectives et non des conflits individuels au sein de l'organisation. En termes stratégiques cette unité permettra à tout le monde dans l'organisation de faire avancer le bateau dans le même sens et peut multiplier les résultats des forces militantes. Ainsi, tout le monde a une lecture similaire de l'endroit où nous en sommes, où nous voulons aller et comment passer d'un point à un autre.

L'Especifismo : L'organisation anarchiste, perspectives et influences historiques

Le manque d'organisation visible, normale et acceptée par chacun de ses membres rend possible la mise en place d'organisations arbitraires, moins libertaires. Luigi Fabbri

Depuis que le terme « especifismo » est arrivé au Brésil au milieu des années 1990, il y a eu une série de polémiques, voire des confusions à son propos. Il y avait, et il y a malheureusement encore des gens qui disent que l'especifismo n'est pas de l'anarchisme ; ils accusent les organisations especifista d'être des partis politiques, entre autres absurdités. Lorsque nous identifions la Farj comme une organisation spécifique anarchiste nous cherchons, avant tout, à situer dans la discussion sur l'organisation anarchiste quelles sont les positions que nous épousons. Le terme especifismo été créé par la Fédération Anarchiste Uruguayenne (Federación Anarquista Uruguaya - FAU) et, à travers celui-ci, nous nous référons à une conception de l'organisation anarchiste qui a deux axes fondamentaux : l'organisation et la pratique/l'insertion sociale. Ces deux axes sont basés sur les concepts classiques de l'activation différenciée de l'anarchisme sur les plans sociaux et politiques (concept bakouniniste) et de l'organisation spécifique anarchiste (concept Malatestien). Par conséquent, le terme especifismo, bien qu'ayant été récemment conçu, renvoie à des pratiques anarchistes organisationnelles qui ont existé depuis le XIXe siècle. En plus de ces deux axes, il y a une série d'autres questions d'organisation qui sont traitées dans l'especifismo et que nous cherchons à développer par la suite. Par conséquent, les deux principales références classiques de l'especifismo sont Bakounine et Malatesta. Cela ne signifie pas que l'on fait abstraction d'autres théoriciens importants tels que Proudhon et Kropotkine - nous avons utilisé un grand nombre de leurs références théoriques dans ce texte - mais nous croyons que, pour la discussion sur l'organisation anarchiste, Bakounine et Malatesta ont des propositions plus appropriées à notre travail. Dans les paragraphes suivants, nous avons l'intention de reprendre brièvement quelques discussions que nous avons eues tout au long de ce texte, et en particulier dans ce dernier chapitre, et de les situer et de les comparer avec d'autres positions qui existent dans l'anarchisme. Nous croyons que plus que d'affirmer les positions que nous défendons - ce que nous avons fait jusqu'à présent - il est opportun de réaliser quelques critiques fraternelles des autres conceptions de l'organisation (ou de la désorganisation) présentes dans l'anarchisme et, sur la base de quelques points en particulier, de comparer nos conceptions avec les autres. Le meilleur contraste avec le modèle d'organisation especifista serait probablement ce que nous appelons le modèle de la synthèse, ou synthesisme. Ce modèle a été formalisé en théorie dans les deux documents homonymes appelés « La Synthèse anarchiste", l'un rédigé par Sébastien Faure et l'autre par Voline. Historiquement et globalement c'ést la plate-forme de Dielo Trouda qui a établi ce contraste. Nous avons l'intention de reprendre une partie de ce débat sur ​​l'organisation anarchiste, bien que, à notre avis, l'especifismo est plus large que le plateformisme- même si celui-ci possède une influence significative. La Synthèse préconise un modèle d'organisation anarchiste, dans lequel se regroupent tous les anarchistes (anarcho-communistes, anarcho-syndicalistes, anarcho-individualistes, etc) et, par conséquent, elle présente de nombreuses caractéristiques que nous critiquons ci-dessous. Nous savons que certaines de ces caractéristiques ne sont pas nécessairement liées au modèle synthésiste de l'organisation. Cependant, il est indéniable que beaucoup d'entre elles sont reproduites dans les organisations de ce type, principalement du fait de l'influence de l'individualisme, mais pas seulement. Nous reconnaissons que dans les organisations synthésistes il ya aussi des militants sérieux dévoués à l'anarchisme social et, par conséquent, nous ne voulons pas que les critiques paraissent généralisées. Bien que nous ne nous remettions jamais en cause le caractère anarchiste de ces organisations (pour nous, elles le sont toutes), elles ne correspondent pas, dans la plupart des cas, avec notre façon de concevoir l'organisation anarchiste. Tout d'abord, lorsque nous traitons dans ce texte de l '« organisation spécifique anarchiste " de ce point de vue particulier, nous ne parlons pas de toute organisation anarchiste. Il ya diverses organisations anarchistes qui ne sont pas especifista. Par conséquent, l'especifismo implique beaucoup plus que de préconiser l'organisation anarchiste. La première différence est dans la façon de comprendre l'anarchisme elle-même. Comme nous l'avons noté au début de ce texte, nous considérons l'anarchisme comme une idéologie, c'est à dire, un ensemble « d'idées, de motivations, d'aspirations, de valeurs, une structure ou un système de concepts qui ont un lien direct avec l'action - ce que nous appelons la pratique politique". En l'occurence, nous cherchons à différencier cette compréhension de l'anarchisme d'une autre, purement abstraite et théorique, qui ne fait qu'encourager la libre pensée, sans nécessairement concevoir un modèle de transformation sociale. L'anarchisme, pensé seulement à partir de ce modèle d'observation critique de la vie, offre une liberté esthétique et des possibilités infinies. Cependant, si il est conçu de cette manière, il n'offre pas de réelles possibilités de transformation sociale, car il n'est pas mis en pratique, dans l'action. Il n'a pas la pratique politique qui vise les objectifs finaux. L'Especifismo préconise un anarchisme qui, en tant qu'idéologie, cherche à concevoir un modèle de fonctionnement qui transforme la société d'aujourd'hui en socialisme libertaire par le biais de la révolution sociale. Ce processus implique nécessairement l'organisation des classes exploitées dans une organisation populaire et exige le recours à la violence, entendue d'abord comme une réponse à la violence du système actuel. D'autres courants anarchistes sont contre la violence et nous croyons que la transformation sociale ne peut avoir lieu par d'autres moyens. Une autre différence se situe autour de la question même de l'organisation. Pour nous, l'organisation est une question absolument centrale lorsqu'il s'agit de l'anarchisme. Sans elle, nous croyons qu'il est impossible de concevoir un projet politique sérieux qui a pour objectif d'arriver à la révolution sociale et au socialisme libertaire. Il ya des courants anarchistes qui soutiennent des positions « anti-organisationnelles», voire spontanéistes, et croient que toute forme d'organisation est autoritaire, voire hostile à l'anarchisme. Pour ces courants, la formation d'un bureau pour coordonner une assemblée est autoritaire. Quoi qu'il en soit, pour ces anarchistes la lutte doit avoir lieu spontanément. Les gains, s'ils viennent, doivent arriver spontanément. La convergence entre les luttes doit être spontanée et même le renversement du capitalisme et l'Etat, s'il avait lieu, serait le résultat d'une mobilisation spontanée. Peut-être, que même après une éventuelle révolution sociale, les choses évolueraient par elles-mêmes, se mettraient en place sans effort. Ces anarchistes croient que l'organisation préalable n'est pas nécessaire, d'autres pensent que ce n'est même pas souhaitable. Certains individus anarchistes qui défendent ces points de vue et qui sont prêts à avoir une pratique sociale ne peuvent pas faire face aux forces autoritaires et, sans l'organisation adéquat, finissent par être la main d'oeuvre et les « petites mains » de projets autoritaires ou ils repartent frustrés parce qu'ils ne peuvent pas trouver d'espace dans les mouvements sociaux. Nous avons noté précédemment que nous concevons l'organisation spécifique anarchiste en tant qu'organisation de la minorité active. Ainsi, c'est une organisation d'anarchistes qui se regroupent sur le plan politique et idéologique et qui exercent leur activité principale sur le plan social, qui est plus large, visant à être le ferment de la lutte. Dans le modèle especifista il ya nécessairement cette différenciation entre les plans politiques et sociaux de l'activité. Par ailleurs, il ya des anarchistes qui conçoivent de l'organisation anarchiste comme un vaste ensemble qui fédère tous ceux qui s'appellent eux-mêmes anarchistes, servant d'espace de convergence pour la réalisation d'actions avec une autonomie complète. Dans l'anarchisme, grosso modo, cette division entre les plans sociaux et politiques n'est pas acceptée par tous les courants, qui comprennent l'organisation anarchiste d'une manière diffuse, soit en mesure d'être un mouvement social, une organisation, un groupe d'affinité, un groupe d'étude, une communauté, une coopérative, etc Même le concept d'anarcho-syndicalisme, à diverses reprises, a cherché à supprimer cette différence entre les plans d'activité, mêlant l'idéologie anarchiste avec le syndicalisme. Ces tentatives et d'autres d'ideologiser les mouvements sociaux, dans notre conception, affaiblissent autant les mouvements sociaux - qui ne fonctionnent plus sur des questions concrètes telles que la terre, l'emploi, le logement, ec.- que l'anarchisme lui-même, car il ne permet pas l'approfondissement des luttes idéologiques, qui se produisent au sein du mouvement social. Ils s'affaiblissent également, parce que l'objectif de ces anarchistes de transformer tous les militants des mouvements sociaux en anarchistes est impossible, à moins de réduire de manière significative et d'affaiblir les mouvements. De ce fait, ou même en constatant qu'il est naturel de trouver des gens de différentes idéologies dans les mouvements sociaux qui ne seront jamais anarchistes, ces anarchistes se sentent frustrés, et se tiennent souvent à l'écart des luttes. En conséquence cet anarchisme est souvent limité à lui-même. L'organisation anarchiste de la minorité active est souvent comprise, par les autres courants anarchistes, comme similaire à l'organisation autoritaire d'avant-garde. Comme nous avons fait en sorte de le souligner, quand nous concevons cette séparation entre le plan social et politique nous ne voulons pas dire par là que nous voulons être à la tête des mouvements sociaux, ni que le plan politique aie une relation de hiérarchie ou de domination par rapport au plan social. Il ya aussi une différence par rapport à l'espace privilégié pour la pratique de l'anarchisme. Nous les especifistas croyons que cet espace est la lutte des classes. Principalement parce que nous considérons que nous ne vivons pas seulement dans une société, mais dans une société de classes. Indépendamment de la façon dont nous pensons les différences entre ces classes, il nous semble impossible de nier que la domination et l'exploitation se produisent à différents niveaux dans notre société et que le facteur économique a beaucoup d'influence sur ce point. Pour nous, l'anarchisme est né parmi le peuple et c'est là où il devrait être, en prenant une position claire en faveur des classes exploitées qui sont en conflit permanent dans la lutte de classe. Par conséquent, lorsque nous parlons d' « où semer les graines de l'anarchisme ? », pour nous il est clair que cela doit être au sein de la lutte des classes, dans les espaces dans lesquels les contradictions du capitalisme sont les plus évidentes. Il ya des anarchistes qui ne supportent pas ce parti pris lutte de classe de l'anarchisme et, ce qui est pire, il en y a qui l'accusent d'être * assistencialiste, ou de vouloir "donner des excuses aux pauvres". Niant la lutte des classes, la plupart de ces anarchistes croient que, comme la définition classique des classes bourgeoises et prolétariennes ne prend pas en compte la société d'aujourd'hui , alors on pourrait dire que les classes n'existent plus, ou que ce serait un concept anachronique. Nous sommes fondamentalement en désaccord avec ces positions et nous croyons que, quelle que soit la façon dont nous définissons les classes – que nous mettions l'accent plus ou moins sur le caractère économique, etc - il est indéniable qu'il existe des contextes et des circonstances dans lesquelles les gens souffrent davantage des effets du capitalisme . Et nous voulons que notre pratique ai lieu de manière prioritaire dans ces contextes et ces circonstances. Lorsque nous cherchons à appliquer l'anarchisme à la lutte des classes nous mettons en avant ce que nous appelons la pratique sociale, et que nous avons défini plus tôt comme « l'activité que l'organisation anarchiste réalise au sein de la lutte des classes, permettant à l'anarchisme d'interagir avec les classes exploitées". Comme nous l'avons dit aussi, pour nous, ce devrait être la principale activité de l'organisation spécifique anarchiste. Nous soutenons que, par la pratique sociale, l'organisation anarchiste doit chercher l'insertion sociale, « le processus d'influence des mouvements sociaux à travers la pratique anarchiste ». Il ya des anarchistes qui ne défendent pas cette pratique en vue de l'insertion sociale. Une partie ne crois pas que c'est une priorité, et l'autre partie, ce qui est plus compliqué, estime que c'est autoritaire. Pour les anarchistes qui pensent que la pratique/l'insertion sociale n'est pas une priorité, il semble que d'autres activités seraient plus efficace dans le développement de l'anarchisme - mais cela n'est pas souvent spécifié. Par ailleurs, bien qu'ils n'aient, du moins en apparence, pas de formulation stratégique, ce qui se passe dans la pratique, c'est que ces anarchistes cherchent à travailler à travers la propagande limitée fortement aux publications, aux événements et à la culture. Comme nous l'avons déjà souligné, cette propagande est également centrale pour nous, mais elle ne suffit pas si elle est faite sans le soutien de l'action sociale et l'insertion. Avec ce soutien la propagande est beaucoup plus efficace. Par conséquent, la propagande, dans l'especifismo, devrait être effectuée avec ces deux partis pris : éducatif / culturel et lutte avec les mouvements sociaux. Les anarchistes qui ne croient pas que la pratique/l'insertion sociale sont, ni ne doivent être une priorité préfèrent travailler dans d'autres médiums, loin de la lutte des classes, des mouvements sociaux, des personnes de différentes idéologies. Certains disent qu'en tant que membres de la société ils ont déjà l'insertion sociale. Souvent, ils deviennent sectaire, n'arrivent à s'entendre qu' avec leurs pairs, et « ghettoïsent » l'anarchisme. C'est ce qui explique le sectarisme de certains anarchistes, qui se produit dans une proportion beaucoup plus petite ave les organisations spécifiques. Beaucoup plus compliqué que la position ci-dessus est la position défendue par les anarchistes qui sont contre la pratique et l'insertion sociales. Ces anarchistes croient que comme ils ne sont souvent pas pauvres, comme ils ne sont souvent pas dans les mouvements sociaux (ils ne sont pas des paysans sans terre, par exemple), il est autoritaire de travailler avec une communauté pauvre, voire avec les mouvements sociaux, car « ils sont extérieur à cette la réalité ". Pour eux, il est autoritaire pour une personne qui a un endroit pour vivre de soutenir la lutte des sans-abri, il est autoritaire de fréquenter un mouvement communautaire sans être de la communauté, il est autoritaire de soutenir la lutte des collecteurs de déchets si on n'est pas l'un d'eux. Pour ces anarchistes il y a seulement une légitimité dans le travail avec les mouvements populaires, si on est un « populaire», et si on fait partie de la réalité du mouvement. Comme ces anarchistes ne sont généralement pas dans ces conditions, ils ne se rapprochent pas des mouvements sociaux, ni de la lutte des classes. Ils finissent par faire de leur anarchisme un « mouvement en lui-même", qui se caractérise par être essentiellement composé de la classe moyenne et des intellectuels, en ne cherchant pas de contact avec les luttes sociales et populaires, en n'étant pas en contact avec des gens d'idéologie différente. En effet, cet anarchisme de la classe moyenne et intellectuelle, lorsqu'il n'est pas en quête de pratique et d'insertion sociale finit nécessairement de deux manières possibles. Soit il abandonne la proposition de transformation sociale, soit il se constitue en un groupe qui se bat pour les gens, pas avec les gens - assumant la position d'avant-garde et non de minorité active. La pratique sociale, pour ces militants, est souvent comparée à l'« entrisme » de la gauche autoritaire - les personnes qui entrent dans les mouvements sociaux pour les faire travailler en leur faveur. Dans la plupart des cas, ils préconisent la spontanéité car « venir de l'extérieur", » placer l'anarchisme au sein des mouvements sociaux" est autoritaire. Selon eux les idées devraient surgir spontanément. Ils dénoncent la discussion, la persuasion, le fait de convaincre, d'échanger, d'influencer comme externe aux mouvements sociaux et, par conséquent, autoritaire. Nous especifistas sommes aussi radicalement en désaccord avec cette position contre la pratique et l'insertion sociales. Comme nous l'avons expliqué, pour nous l'anarchisme ne doit pas se limiter à lui-même, ni se tenir à l'écart des mouvements sociaux et des personnes de différentes idéologies. Il devrait servir comme un outil, comme la levure, comme le moteur de la lutte de notre temps. Pour cela, l'anarchisme, au lieu de se cacher, doit affronter la réalité et chercher à la transformer. Pour cette transformation, il est inutile « de prêcher à des convertis», nous devons, nécessairement, interagir avec les non-anarchistes. Puisque nous considérons que la classe n'est pas définie par l'origine, mais par la position que l'on préconise dans la lutte, nous pensons que soutenir les mouvements sociaux, aider les mobilisations et organisations différentes de la réalité dans laquelle on se situe est une obligation éthique, pour tout militant dévoué à l'abolition de la société de classes. Enfin, nous croyons que la pratique sociale apporte la pratique nécessaire à l'anarchisme, qui a une immense contribution au développement de la ligne théorique et idéologique de l'organisation. Cette activité est pour nous extrêmement important dans notre développement théorique, puisque cela signifie que nous théorisons tout en ayant connaissance de la réalité et de l'application pratique de l'anarchisme dans les luttes. Les groupes et les organisations qui n'ont pas de pratique sociale ont tendance à radicaliser un discours qui n'a pas de fondement dans la pratique. Lorsque cela se produit, la tendance est à l'existance d'un discours ultra-radical et révolutionnaire – accusant souvent les autres d'être des réformistes, etc - mais cela ne va pas au-delà de la théorie. Comme nous l'avons vu, dans l'especifismo il y a unité idéologique et théorique, un alignement en ce qui concerne les aspects théoriques et idéologiques de l'anarchisme. Cette ligne politique est construite collectivement et tout le monde dans l'organisation est obligée de la suivre. Parce que nous considérons que l'anarchisme est quelquechose de très large, avec des positions très différentes, voire contradictoires, il nous apparaît nécessaire que, entre tous ces positions, il nous faille extraire une ligne idéologique et théorique à défendre et développer par l'organisation. Comme nous l'avons souligné cette ligne doit, nécessairement, être liée à la pratique puisque nous croyons que « pour théoriser de manière efficace, il est essentiel d'agir". Pour les anarchistes qui ne prônent pas cette unité l'organisation anarchiste pourrait travailler avec différentes lignes idéologiques et théoriques. Chaque anarchiste ou groupe d'anarchistes peuvent avoir leur interprétation de l'anarchisme et leur propre théorie. C'est la raison de divers conflits et scissions au sein des organisations ayant cette conception. Comme Il n'y a pas d'accord sur les questions initiales, les conflits sont fréquents, certains pensant que les anarchistes doivent travailler avec les mouvements sociaux, alors que d'autres considèrent cela autoritaire et un « truc marxiste» ; certains pensant que la fonction de l'anarchisme est de développer l'ego des individus , alors que d'autres sont radicalement contre cela et ainsi de suite. Pour nous, il n'y a pas moyen d'avoir une pratique efficace ou même constituer une organisation sans être d'accord sur certaines "questions initiales". Dans les organisations qui ne travaillent pas avec unité idéologique et théorique, il n'y a pas de développement dans cette direction, car avec tant de problèmes sur les questions les plus simples, les plus complexe n'en viennent même pas à être abordées. Bakounine avait raison quand il avait dit, « qui embrasse beaucoup, se resserre peu" [185]. Il est important

de comprendre que la division qui existe entre les anarchistes sur ce point est beaucoup plus profonde qu'on ne le croit, et qu'elle implique également un désaccord théorique inconciliable. Je dis cela pour répondre à mes bons amis, qui favorisant un accord à n'importe quel prix, affirment : « Nous ne devrions pas créer des problèmes de méthode ! L'idée est identique et le but est le même ; restons donc unis sans être déchiré par un petit désaccord sur la tactique ". J'ai, au contraire, compris depuis longtemps que nous sommes déchirés précisément parce que nous sommes très proches, parce que nous sommes artificiellement proches. Sous le vernis apparent de la communauté de trois ou quatre idées - l'abolition de l'État, l'abolition de la propriété privée, la révolution, l'anti-parlementarisme - il ya une énorme différence dans la conception de chacun de ces énoncés théoriques. La différence est si grande qu'elle nous empêche de prendre le même chemin sans que nous nous querellions et sans réciproquement neutraliser notre travail ou, si on voulait rester en paix, en renonçant à ce que nous croyons être vrai. Je le répète : Il n'y a pas seulement une différence de méthode, mais une grande différence d'idées. [186]

Outre l'unité idéologique et théorique, les especifistas défendent l'unité stratégique et tactique. Agir avec stratégie, comme nous l'avons vu, consiste à réaliser une planification de toutes les actions concrètes réalisées par l'organisation, en cherchant à situer l'endroit où on est, où l'on veut aller et comment. L'anarchisme qui fonctionne avec l'unité stratégique et tactique fait de la planification et de sa transcription dans l'application pratique un pilier solide de l'organisation. Cela parce que nous croyons que le manque de stratégie disperse les efforts, ce qui rend vains beaucoup d'entre eux. Nous préconisons un modèle dans lequel une voie à suivre est collectivement discutée, et ensemble dans cette perspective, nous établissons des priorités et des responsabilités attribuées aux militants. Les priorités et les responsabilités signifient que tout le monde ne va pas être en mesure de faire ce qui lui passe par la tête, quand il le veut. Chacun aura l'obligation envers l'organisation d'accomplir ce qu'il a entrepris et ce qui a été défini comme une priorité. Il est évident que nous cherchons à concilier les activités que chacun aime faire avec les priorités fixées par l'organisation, mais nous ne devons pas toujours ne faire que ce que nous aimons faire. Un modèle especifista implique que nous devons faire des choses que nous n'aimons pas beaucoup ou cesser de faire certaines choses que nous aimons beaucoup. Il s'agit de s'assurer que l'organisation procède avec stratégie, tout le monde faisant avancer le bateau dans la même direction.

Nous critiquons avec insistance les organisations qui ne fonctionnent pas avec stratégie. Pour nous, il n'est pas possible de travailler dans une organisation dans laquelle chaque militant ou groupe fait ce qu'il juge le meilleur, ou tout simplement ce qu'il aime faire, croyant contribuer à un ensemble commun. Généralement, quand des anarchistes de tous types sont regroupés dans une organisation, sans avoir d'affinités stratégiques, il n'y a pas d'accord sur la façon d'agir. Autrement dit, il n'est pas possible d'établir une façon de procéder, et il n'y a qu'un seul point d'accord : que les choses doivent continuer telle qu'elle sont.

Comment concevez-vous une organisation dans laquelle vous cherchez à concilier un groupe qui croit qu'il devrait agir comme une organisation spécifique dans un mouvement social avec un groupe qui pense que la priorité devrait être l'interaction sociale entre amis, une thérapie de groupe ou même l'exaltation de l'individu, considérant la pratique dans les mouvements sociaux comme autoritaire (ou même marxiste ou assistencialiste) ? Il ya deux façons de gérer ces différences : soit vous discutez des problèmes, et vivez entre les combats et le stress qui consomment une grande partie du temps, ou vous n'abordez tout simplement pas ces questions. La plupart des organisations de ce type optent pour la deuxième forme. Afin d'établir un certain degré de coordination dans l'action, la coordination nécessaire, je crois, parmi les personnes qui tendent vers le même objectif, certaines conditions s'imposent : un certain nombre de règles qui relient chacun à tous, certains pactes et accords fréquemment révisés - si tout cela manque, si chacun fonctionne comme cela leur plaît, les personnes les plus sérieuses vont se retrouver dans une situation où les efforts de certains, seront neutralisés par ceux des autres. Cela se traduira par la discorde et non l'harmonie et la confiance sereine à laquelle nous tendons. [187]

L'unité idéologique, théorique et stratégique et l'unité tactique sont atteintes grâce au processus de prise de décision collective adopté par les organisations spécifiques, c'est à dire une tentative de consensus et, si cela n'est pas possible, le vote - la majorité l'emportant. Comme nous l'avons également souligné, dans ce cas l'ensemble de l'organisation adopte la décision majoritaire. De manière différente, il existe des organisations qui ne fonctionnent que par consensus, ce qui permet souvent à l'une ou l'autre personne d'avoir une influence exagérée sur un processus de prise de décision qui implique un nombre bien plus important de personnes. Recherchant le consensus à tout prix, et ayant peur de la scission, ces organisations permettent à l'une ou l'autre personne d'avoir un poids disproportionné dans les décisions, dans le seul but de parvenir à un consensus. D'autres fois, elles passent des heures sur des discussions de peu d'importance seulement pour rechercher un consensus. Nous avons à l'esprit que le processus de prise de décision est un moyen et non une fin en soi.

L'obligation pour tout le monde de suivre le même chemin - qui est une règle dans l'especifismo - est un engagement que l'organisation prend envers sa stratégie, parce que, si à chaque fois qu'une décision prise déplait à quelques militants, ceux-ci refusent de réaliser le travail, il sera impossible pour l'organisation d'avancer. Dans le cas du droit de vote, il est important de garder à l'esprit que, à un moment donné, certains vont être majoritaire et travaillerons sur la base de leur proposition ; à un autre moment, ils seront minoritaires et travaillerons sur la proposition d'autres camarades. Avec cette forme de prise de décision on donne plus d'importance aux délibérations collectives qu'aux points de vue individuels.

Il y a une différence, même, concernant les points centraux qui favorisent l'organisation spécifique : l'engagement, la responsabilité et l'auto-discipline des militants au sein de l'organisation. Dans le modèle especifista il ya un niveau élevé d'engagement militant. Ainsi, il est essentiel que les militants prennent des engagements devant l'organisation et les mettent en œuvre. L'engagement militant forge un lien entre le militant et l'organisation, qui est une relation mutuelle dans laquelle l'organisation est responsable du militant, de même que le militant est responsable de l'organisation. De même que l'organisation doit satisfaire le militant, le militant doit satisfaire l'organisation.

Le manque d'engagement, de responsabilité et d'auto-discipline constitue un problème majeur dans de nombreux groupes anarchistes et organisations. Il est très fréquent pour les personnes de se réunir et de participer plus ou moins aux activités, ne faisant que ce qui les intéresse, participant aux décisions, prenant des engagements et ne les tenant pas ou, tout simplement, ne prenant pas d ' engagements. Il y a beaucoup d'organisations qui cautionnent ce manque d'engagement militant. Il est indéniable que, pour cette raison, il est « cool » de faire partie de ces organisations, cependant, elles ne sont pas très efficace d'un point de vue militant. Comme le militantisme, pour nous, est quelque chose de nécessaire dans la lutte pour une société libre et égalitaire, nous ne croyons pas que ce sera toujours « cool». Si nous avions à choisir entre un modèle plus efficace de militantisme et un autre plus « cool», nous aurions à opter pour l'efficacité.

Pour le travail impliquant l'engagement militant l'especifismo maintient une organisation avec des niveaux d'engagement. Comme nous l'avons expliqué, nous préconisons la logique de cercles concentriques dans lesquels tous les militants ont un espace bien défini dans l'organisation, un espace qui est déterminé par le niveau d'engagement que le militant veut assumer. Plus ils veulent s'engager, Plus ils seront à l'intérieur de l'organisation, et plus grand sera leur pouvoir délibérant. Par conséquent, tant au plan politique qu'au plan social il y a des critères d'entrée bien définis, depuis les instances de soutien ou les groupements de tendance jusqu'à l'organisation spécifique anarchiste. Seuls les militants ayant une affinité idéologique avec l'organisation sont adhérent à l'organisation spécifique anarchiste.

Contrairement au modèle especifista, il y a d'autres organisations où le seul critère pour l'adhésion des militants est qu'ils se définissent comme des anarchistes, quelle que soit leur conception de l'anarchisme. Certaines personnes participent un peu à l'organisation, d'autres sont plus engagées, certains assument davantage de responsabilités que d'autres et tous ont le même pouvoir de délibération. Par conséquent, beaucoup délibèrent sur des activités qu'ils ne vont pas réaliser, c'est à dire, qu'ils déterminent ce que les autres vont faire. Quand une organisation permet à quelqu'un de délibérer sur quelque chose et de ne pas assumer de responsabilités, ou qu'on assume des responsabilités et ne les tienne pas elle laisse la place à un autoritarisme de ceux qui délibèrent et mettent le travail sur le dos d'autres camarades. Enfin, dans cet autre modèle, chacun s'implique de la manière qu'il perçoit la meilleure, apparaissant quand il pense qu'il le devrait, et il y a peu d'accent mis sur la question de l'engagement militant. Beaucoup, quand ils sont interrogés, s'affirment eux-mêmes victimes de l'autoritarisme. Comme nous l'avons expliqué, pour nous, ce modèle d'organisation, en plus de surcharger les militants les plus responsables, finit par rendre possible l'écart consistant à ce que des personnes ne délibèrent et ne travaillent pas dans la même proportion.

Par conséquent, nous ne voulons pas être ce grand « parapluie » qui couvre tous les types d'anarchistes. Ces (in)définitions au sens large groupent en apparence plus d'anarchistes dans l'organisation, cependant, nous croyons que nous ne devrions pas opter pour le critère de la quantité, mais de la qualité des militants. Il ne fait aucun doute que si nous évitons de bien préciser notre vrai caractère le nombre de nos adhérents pourrait devenir plus grand. [...] Il est évident, d'autre part, que si nous proclamons haut et fort nos principes le nombre de nos adhérents sera moindre, mais au moins ils seront des adhérents sérieux sur lesquels nous pouvons compter. [188]

Une différence pertinente se produit également autour de la question de l'individualisme anarchiste. L'Especifismo signifie un rejet total et absolu de l'individualisme anarchiste. Pour cette raison, il diffère des autres organisations qui sont prêtes à travailler avec les individualistes. Pour nous, il existe deux types d'individualistes dans l'anarchisme. Un type, qui était plus fréquent dans le passé, de gens qui préfèrent travailler seuls, mais qui ont à l'esprit le même projet que nous. Chez ces personnes nous ne devons critiquer que le fait que, étant désorganisés, ils ne peuvent pas potentialiser les résultats de leurs pratiques. Un autre type, aujourd'hui plus visible, renonce au projet socialiste. Sur la base de la critique anarchiste de l'Etat, ils ont peu de critiques du capitalisme, et aucune activité dans le sens de transformer la réalité sociale dans laquelle nous vivons. En se plaçant dans l'état de simples observateurs critiques de la société, ils construisent un anarchisme de penseurs secondaires et des références, tout simplement autour de la critique. Ils n'ont pas de projet de société, encore moins une action cohérente qui pointe vers cette nouvelle société. On peut se demander :

Que reste-t-il alors pour nous de l'individualisme anarchiste ? Le déni de la lutte des classes, le refus du principe d'une organisation anarchiste, dont le but est la société libre des travailleurs égaux : et plus encore, le charlatanisme incitant les travailleurs mécontents de leur existence à recourir à des solutions individuelles, qui s'offrent soi-disant à eux en tant qu'individus libérés. [189]

Ainsi, ils exacerbent le rôle de la liberté individuelle, qui, détachée de la liberté collective devient juste un plaisir pour la jouissance égoïste de quelques-uns qui peuvent, grâce à leurs privilèges au sein du capitalisme, se le permettre. En réalité, la liberté individuelle ne peut exister que dans la liberté collective, car l'esclavage des autres limite la liberté de chacun, et la pleine liberté individuelle ne peut être réalisé qu'au moment où, collectivement, nous sommes tous libres. Nous sommes d'accord avec Bakounine, quand il dit :

Je ne peux me considérer et me sentir libre qu'en présence et en relation avec d'autres hommes. [...] Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains autour de moi, hommes et femmes, sont également libres. La liberté de l'autre, loin d'être une limitation ou la négation de de ma liberté, en est, au contraire, la condition nécessaire et la confirmation. Seule la liberté d'autrui me rend réellement libre, de telle sorte que, plus nombreux sont les hommes libres qui m'entourent, et plus étendue et plus large est leur liberté, plus grande et plus profonde deviendra ma liberté. [...] Ma liberté personnelle ainsi confirmée par la liberté de tous s'étend à l'infini. [190]

Pour nous, il est impossible de chercher la liberté individuelle dans une société comme la nôtre, dans lequel des millions n'ont pas accès aux nécessités les plus élémentaires d'un être humain. On ne peut pas penser à un anarchisme purement individuel comme un moyen de se positionner dans le monde, d'avoir un mode de vie différent. Pour les individualistes, dans la plupart des cas, être un anarchiste signifie être un artiste, un bohème, promouvoir la liberté sexuelle d'avoir des relations ouvertes ou avec plus d'un partenaire, porter des vêtements différents, avoir une coupe de cheveux excentrique, se comporter de manière extravagante, manger des aliments différents, se définir personnellement, s'épanouir personnellement, être contre la révolution, être contre le socialisme, avoir un discours sans queue ni tête (?!) (!) - jouir de la liberté de l'esthétique - en bref, devenir apolitique. Nous sommes en désaccord fondamental avec cette position et croyons que les influences dans ce sens sont désastreuses pour l'anarchisme, dissuadant les militants sérieux et engagés. Enfin, nous sommes d'accord avec Malatesta quand il a affirmé : Il est vrai que nous aimerions, nous tous, être d'accord et unir en un seul, puissant faisceau toutes les forces de l'anarchisme. Mais nous ne croyons pas dans la solidité des organisations faites par la force de concessions et des restrictions, où il n'y a pas une réelle sympathie et un réel accord entre les membres. Il est préférable d'être désunis que mal unis. [191]

Pour nous le choix du modèle le plus approprié d'organisation anarchiste est crucial pour que nous ayons les moyens les plus appropriés, cohérents avec les fins que nous cherchons à atteindre. Si nous préconisons l'especifismo, qui est une forme d'organisation anarchiste, c'est parce que nous croyons qu'il est aujourd'hui le plus approprié pour le travail nous avons l'intention d'effectuer. Nous comprenons qu'il y a des anarchistes qui ne soient pas d'accord avec l'especifismo, et nous ne pensons pas qu'ils sont moins anarchistes à cause de cela. Nous ne réclamons que le respect de notre choix, de même que nous respectons ceux qui ont fait d'autres choix.

Nous passons maintenant, brièvement, à la perspective et aux influences historiques de l'especifismo. Comme nous l'avons vu le terme especifismo a été développé par la FAU et n'est arrivé au Brésil qu'à la fin du XXe siècle. Néanmoins, ce terme, plus que de créer une nouvelle conception de l'organisation anarchiste, a cherché à regrouper une série de conceptions organisationnelles anarchistes déjà existantes, qui ont pris forme à partir du dix-neuvième siècle. L'especifismo de la FAU affirme l'influence de Bakounine et Malatesta, de la lutte de classe de l'anarcho-syndicalisme, de l'anarchisme expropriateur ; tout cela dans un contexte latino-américain. Nous allons tenter d'expliquer dans les paragraphes suivants, à partir de notre propre conception, la façon dont nous comprenons l'expérience historique de l'especifismo : les principales expériences passées, en termes d'organisation anarchiste, qui nous influencent aujourd'hui.

La première référence historique de l'Especifismo est Bakounine, à partir des conceptions organisationnelles qui constituent l'activité des libertaires au sein de l'Association internationale des travailleurs (AIT), et qui ont donné corps à l'anarchisme.

L'AIT s'est développée à partir des visites des représentants des associations de travailleurs français en Angleterre, où ils ont contacté les leaders syndicaux 'anglais et allemands exilés - parmi ces derniers, Karl Marx. Politiquement, la composition de l'AIT apparaissait hétérogène : marxistes, blanquistes, républicains, syndicalistes et fédéralistes proudhoniens. Les marxistes ont fini par former une majorité dans le processus décisionnel au sein du Comité Central, s'alliant avec des membres d'autres courants et prenant le contrôle de cet organisme. Cette situation a persisté même après la substitution du Comité central par le Conseil général par le Congrès de 1866 à Genève. Là, on pouvait constater que les anarchistes, qu'ils soient inspirés par Proudhon ou adeptes de Bakounine, n'avaient aucun poids dans l'exécutif central de l'association. Ils avaient plus d'influence par le biais de la base, comme les congrès en témoignaient.

Deux tendances se sont développées au sein de l'AIT : l'une centraliste et l'autre fédéraliste. Parmi les centralistes autoritaires se détachaient les communistes, théoriquement et politiquement guidés par Marx, qui concevaient l'AIT comme un instrument pour amener le prolétariat au pouvoir politique. Ils cherchaient à constituer un appareil d'État ouvrier pour la transformation de la société capitaliste en communisme à travers une période transitoire de ré-organisation, devant nécessairement être entreprise sous une dictature. Parmi les fédéralistes libertaires étaient les anarchistes, qui prônaient la révolution sociale avec la suppression immédiate de tous les organes du pouvoir et de la formation d'une nouvelle société basée sur l'organisation des travailleurs libre et fédéraliste, en fonction de leurs professions, de leurs problèmes et leurs intérêts.

Cette divergence fondamentale avait été présent dès le début et elle était déjà clairement visible au Congrès de Genève, la première rencontre plénière de l'Internationale. Les mutualistes proudhoniens se sont opposés aux autoritaires, menant le débat soutenu par les collectivistes qui appartenaient déjà à l'AIT avant que Bakounine s'y soit affilié. Au congrès de Lausanne (1867) et de Bruxelles (1868) le collectivisme était rapidement parvenu à gagner du terrain par rapport au mutualisme, et à Bâle (1869) la présence collectiviste était fortement prédominante parmi ceux opposés à l'autorité, renforcée par la présence de Bakounine . Dans le camp opposé, Marx, tout en évitant de prendre un engagement personnel dans le congrès, est intervenu par le biais des programmes, des rapports, des bulletins et des propositions du Conseil. A Bâle, Bakounine a présenté une proposition contre le droit d'héritage. Marx s'opposait à lui, mais la proposition a été approuvée. Toujours dans le cadre de l'AIT Bakounine, de concert avec d'autres militants anarchistes, a formé l'Alliance de la démocratie socialiste, qui sera accepté comme une section de l'AIT en 1869. Nous considérons l'Alliance comme une organisation spécifique anarchiste (plan politique) qui a fonctionné au sein de l'AIT (plan social). L'Alliance est une organisation de la minorité active composée des « plus sûrs, les plus dévoués, les membres les plus intelligents et les plus énergiques, en un mot, par les plus proche" [192]. Elle a été formé pour agir secrètement afin de répondre aux questions que l'on ne pouvait pas aborder publiquement et agir comme un catalyseur dans le mouvement ouvrier. L'Alliance définissait la relation entre les plans sociaux et politiques :

L'Alliance est le complément nécessaire de l'Internationale ... - Mais l'Internationale et l'Alliance, tout en tendant vers le même objectif final, poursuivent des objectifs différents en même temps. L'une a comme mission d'unir les masses laborieuses, des millions de travailleurs, à travers les différences des peuples et des pays, à travers les frontières de tous les Etats, en un seul corps immense et compact, l'autre, l'Alliance, a pour mission de donner aux masses une orientation véritablement révolutionnaire. Les programmes de l'un et l'autre, sans être opposés du tout, sont différents par le degré de leur développement respectif. Celui de l'internationale, si nous le prenons au sérieux, porte aussi en germe, mais seulement en germe, la totalité du programme de l'Alliance. Le programme de l'Alliance est l'explication ultime du programme de l'Internationale. [193]

La pratique de l'Alliance au sein de l'AIT a amené la tendance autoritaire à chercher à isoler et discréditer la pratique des libertaires. Après le Congrès de Bâle les attaques contre le groupe collectiviste se sont intensifiée. En 1870, Marx a adressé deux communications privées du Conseil général aux sections de l'AIT, avec de sévères critiques des positions bakouninistes. Avec cela, il a préparé le climat de la Conférence de Londres de l'année suivante, au cours de laquelle le groupe marxiste a tenté d'imposer la doctrine de la conquête du pouvoir d'Etat, et du Congrès de La Haye de 1872. Dans cette plénière, il a demandé l'expulsion de Bakounine de l'AIT, qu'il a obtenu. En 1874, l'Internationale était morte.

La deuxième référence historique de l'especifismo est Malatesta, un militant qui est venu se joindre à l'Alliance bakouniniste et qui était un représentant du courant organisationaliste du communisme anarchiste. Succédant à la tradition collectiviste de l'anarchisme du temps de Bakounine- qui préconise, dans la société future, la distribution à chacun selon son travail - est né le courant anarchiste communiste - qui a depuis lors préconisé la distribution à chacun selon leurs besoins. Malatesta s'est distingué par la défense, au sein de ce courant, de positions contre l'évolutionnisme et le scientisme présent dans une grande partie du mouvement socialiste. Pour Malatesta, l'avenir ne serait pas nécessairement déterminé et ne pourrait être modifié que par la volonté, par une intervention volontariste dans les événements afin de fournir la transformation sociale souhaitée.

Critique virulent de l'individualisme, Malatesta a préconisé un l'anarchisme complètement basé sur l'organisation, un anarchisme que nous pourrions appeler "organisationaliste", et qui, comme l'anarchisme de Bakounine, a réaffirmé un rôle distinct au plan social et politique. Au plan politique, Malatesta a développé sa conception de l'organisation spécifique anarchiste, qu'il a appelé le parti anarchiste [194] : « par parti anarchiste, nous comprenons tous ceux qui veulent contribuer à la réalisation l'anarchie, et qui, par conséquent, ont besoin de se fixer un objectif à atteindre et un chemin à parcourir pour cela "[195]. Cette organisation devait agir dans ce qui était nommé « mouvements de masse » à l'époque et les influencer autant que possible, et les syndicats étaient le terrain préféré choisi pour l'activité anarchiste. Malatesta clairement souligné les différences entre le plan politique de l'anarchisme et le plan social, l'espace d'insertion qui était constitué, à l'époque, par le syndicalisme :

À mon avis, le mouvement ouvrier n'est qu'un moyen - bien qu'il n'y ait pas de doute que ce soit le meilleurs moyen dont nous disposons. Mais je refuse d'accepter ce moyen comme une fin [...]. Les syndicalistes, d'autre part, ont une certaine tendance à transformer les moyens en fins et à prendre les parties pour le tout. Et, de cette manière, pour certains d'entre nous le syndicalisme commence à se transformer en une nouvelle doctrine qui menace l'existence même de l'anarchisme. [...] Je déplorais, dans le passé, que les camarades se soient isolés du mouvement ouvrier. Je déplore aujourd'hui qu'à l'extrême inverse, beaucoup d'entre nous nous se laissent absorber par ce même mouvement. Une fois de plus, l'organisation de la classe ouvrière, la grève, l'action directe, le boycott, le sabotage et l'insurrection armée elle-même ne sont que le moyen, l'anarchie, c'est la fin. [196]

Préconisant un anarchisme qui cherche la transformation sociale par la volonté, Malatesta croyait, comme nous le pensons aujourd'hui, que l'organisation spécifique anarchiste doit agir dans la lutte des classes, au milieu des mouvements sociaux et, avec eux, atteindre la révolution sociale et le socialisme libertaire - qu'il a appelé l'anarchie. Pour cela Malatesta a cherché à créer deux organisations spécifiques anarchistes, le Parti Socialiste Révolutionnaire Anarchiste Italien et l'Union anarchiste italienne, ainsi que des organisations qui ont agi sur le plan social, comme l'Union Syndicale Italienne (USI), l'Alliance du Travail, et les syndicats en Argentine. Les positions de Malatesta ont été largement diffusés par Luigi Fabbri, un autre anarchiste communiste italien, qui a également apporté une contribution significative à l'especifismo.

Une expérience importante pour l'especifismo, dans notre conception, a été aussi celle du Magonisme dans la phase radicale du Parti libéral mexicain (PLM). Ricardo Flores Magón, son militant le plus actif, a rejoint le PLM en 1901 – qui avait été fondée un an plus tôt. Pendant la dictature de Porfirio Diaz le PLM comme la revue Régénération étaient les adversaires principaux du régime. Dès la seconde moitié des années 1900 le PLM s'est radicalisé, tenant un discours plus combatif et créant une tension interne au sein du parti, qui a aboutit à l'éviction des éléments les moins radicaux. Le PLM ne participa pas aux élections et servit seulement d'espace pour l'articulation politique et horizontale des révolutionnaires libertaires de l'époque - sans les objectifs de la prise de l'Etat et de l'établissement d'une dictature – pour mettre un terme au gouvernement Diaz, établir le communisme libertaire par la suite. Le PLM est devenu clandestin et a organisé plus de 40 groupes de résistance armée à travers le Mexique et a également eu des membres indigènes, connus pour leur lutte pour les droits des communautés et contre la propriété capitaliste. Après la radicalisation, Francisco Madero affirma son désaccord avec l'idée que les moyens pacifiques de chasser Diaz du pouvoir seraient épuisé.

La fraude électorale de 1910 dirigée par Diaz initia l'explosion de la révolution mexicaine. Avec l'arrestation de Madero, son adversaire lors des élections réussit à se faire réélire. Exilé à San Antonio, au Texas, Madero élabora le Plan de San Luis, appelant à un soulèvement armé, tout en déclarant nulles les élections de 1910, rejetant l'élection de Diaz et s'instituant lui-même en tant que président provisoire. De nombreux rebelles répondirent à l'appel révolutionnaire ; parmi eux Emiliano Zapata, qui joua un rôle important dans l'organisation des populations autochtones de la région de Morelos, et Pancho Villa, un ancien voleur de bétail et voleur de banque, reconnu depuis longtemps par les humbles de la Durango et des régions de Chihuahua. Ils étaient unis dans un front anti-re-electioniste, qui a donné à chaque groupe un degré relatif d'autonomie et d'indépendance. En 1911, au coeur de la révolution et avec le soutien du syndicat des International Worker of the World d'Amérique du Nord (IWW) les anarchistes, avec Magón à leur tête, occupèrent la région de Baja California, en prenant des villes importantes comme Mexicali. À la fin de Janvier, ils constituaient la République socialiste de Basse-Californie, la première république socialiste au monde. Les Magonistes remportèrent également des victoires dans des villes comme Nuevo Leon, Chihuahua, Sonora, Guadalupe et Casas Grandes, des espaces qui furent perdus après la répression occasionnée par le gouvernement Madero.

Les révoltes organisées par Zapata à Morelos et le Plan Ayala jouèrent le rôle d'instruments de la lutte des paysans pour la révolution, toujours inspirée par le slogan, "Terre et liberté", lancé pour la première fois par Praxedis Guerrero et diffusé par les Magonistes. L'invitation faite à Magon par Zapata d'installer Regeneración dans l'état de Morelos fut le fruit de cette relation importante entre zapatistes et Magonistes.

Après cela le Mexique s'enfonça dans une période de guerre civile et essaya d'établir une Convention à la fin de l'année 1914. Les événements qui ont se succédèrent, comme la tenative de prise de Mexico par Villa et Zapata, la convocation de l'Assemblée constituante par Carranza, qui allait plus tard être élu président, puis être assassiné, et les conflits qui ont suivi dans le pays ont finalement fini par former la toile de fond du déclin de la période révolutionnaire dans le pays.

Une autre référence historique importante de l'especifismo est la participation anarchiste à la révolution russe. Au début de 1917, plusieurs régiments se mutinèrent à Saint-Pétersbourg, un gouvernement provisoire fut formé acclamé par le parlement, et les soviets de 1905 réapparurent. Le slogan, « tout le pouvoir aux soviets » était évident. Sur le terrain, dans le sud de l'Ukraine, les paysans de Gouliaï-Polé, un village qui, depuis la révolution de 1905 avait une forte organisation anarchiste, fondèrent l'Union des paysans, qui décida de se battre pour la révolution sociale indépendamment du gouvernement, cherchant l'autogestion des moyens de production. A Petrograd, le courant anarchiste fit valoir le contrôle ouvrier dans les usines et les marins de Cronstadt, portant des drapeaux rouges et noirs, marchèrent sur la ville avec l'objectif d'instituer une république soviétique et auto-gérée. En Octobre les soldats anarchistes et bolcheviques agissant de concert furent en mesure de prendre le Palais d'Hiver, puis se creusat un fossé entre les éléments révolutionnaires autoritaires et libertaires. Les premiers avaient pour objectif de saisir l'appareil d'Etat et de s'orienter vers la dictature du Parti (bolchevik), dirigé par un comité central tout-puissant ; Les second pour le communisme libertaire et autogérée sous la forme de conseils de soviets d'ouvriers, paysans et du peuple en armes.

Progressivement, les bolcheviks commencèrent à nier, supprimer, empêcher et, enfin, interdire la diffusion des idées libertaires et les pratiques. Dès 1918, les bolcheviks se positionnèrent contre le contrôle ouvrier des usines, encouragèrent la discipline aveugle de travailleurs envers le parti, et consolidèrent progressivement l'interdiction de l'opposition au parti. Ils militarisèrent le travail, expulsèrent les dirigeants élus des soviets, contraignirent ceux-ci [les soviets] à se soumettre au pouvoir central du parti et interdirent les grèves.

Dans la lutte contre l'armée blanche l'armée insurrectionnelle de Makhno en Ukraine s'est alliée avec les bolcheviks plus d'une fois. Après avoir défait la menace blanche l'armée makhnoviste a été attaquée et persécutée par l'Armée rouge, forçant les survivants à se réfugier dans d'autres pays. C'était la fin du processus de socialisation auto-gérée en Ukraine, réprimée par les bolcheviks au profit de formes étatiques et totalitaire d'organisation et de contrôle social pour le compte d'une nouvelle classe dirigeante. Les marins de Cronstadt - qui exigeaient que les délégués des soviets soient de nouveau désignés par des élections, la liberté pour les anarchistes et les autres groupes de gauche ; que les syndicats et les organisations paysannes s'unissent de nouveau, la libération des prisonniers politiques, l'abolition des agents politiques ; et la même nourriture pour tous - ont été tués par les bolcheviks.

Si cette révolution prolétarienne et libertaire a été usurpée et dominée par les bolcheviks, dès leur saisie de l'appareil d'État, les anarchistes ont également péché par omission sur la question de l'organisation. Cette réflexion a été officialisée quelques années plus tard par des immigrants russes qui étaient en Europe, dans un document appelé la Plate-forme organisationnelle des communistes libertaires. Makhno, Archinov et d'autres ont formalisé dans le présent document leur considérations sur l'organisation anarchiste, informés par les expériences de la Révolution russe. Ce document a amené des contributions importantes sur l'importance de l'implication des anarchistes dans la lutte des classes, la nécessité d'une révolution sociale violente qui renverse le capitalisme et l'État et qui établisse le communisme libertaire. Il y a eu aussi une importante contribution sur la question de la transition du capitalisme au communisme libertaire et sur la défense de la révolution. La plate-forme préconise une organisation anarchiste, au plan politique, qui agit au sein des mouvements sociaux, au plan social, et souligne le rôle de minorité active de l'organisation anarchiste. En outre, elle apporte des contributions importantes sur le modèle d'organisation du plan politique des anarchistes. Pour ces raisons, elle est un document important et a une influence considérable sur l'especifismo.

Cependant, nous ne croyons pas que l'especifismo est la même chose que le plateformisme. Comme nous avons essayé de le montrer tout au long de ce texte, pour nous, l'especifismo est beaucoup plus large que le plateformisme et trouve son fondement théorique dans les conceptions organisationnelles de Bakounine et Malatesta. Pour nous, la plate-forme s'inspire à la fois de ces auteurs et apporte de nouvelles contributions et devrait donc être considérée comme une contribution à l'especifismo, mais pas la plus importante contribution. Un autre facteur à prendre en compte est que la plate-forme a été écrite à partir d'une expérience d'action armée des anarchistes au sein d'un processus révolutionnaire, et ne doit pas être détachée de ce contexte. Nous considérons que cette forme d'organisation, telle qu'elle est exprimée dans la plate-forme, ne doit pas être appliquée dans tous ses détails dans les situations non-révolutionnaires. Elle est plus une contribution à la discussion de l'action armée anarchiste qu'un document pour discuter de l'organisation anarchiste dans tous les différents contextes.

Comme la Révolution russe, nous considérons aussi la révolution espagnole de 1936 comme une référence. Au cours de ces années une révolution sociale a été effectivement réalisée. Une révolution sous le feu qui voulait toucher tous les secteurs, des structures économiques injustes à la vie quotidienne de la population ; des notions décrépites de la hiérarchie aux inégalités historiques entre les hommes et les femmes. Et tout cela était l'œuvre des anarchistes.

Les influences de l'anarchisme ont été introduites en Espagne par Giuseppe Fanelli, allianciste et militant très proche de Bakounine. Fondée en 1910, la Confédération nationale du Travail (Confederación Nacional del Trabajo - CNT) a été la plus grande expression de l'anarcho-syndicalisme en Espagne et a vécu, jusqu'aux années 1920, entre des moments de flux et de reflux sous une répression constante, dont elle était victime. Fondée en 1927, la Fédération Anarchiste Ibérique (Federación Anarquista Ibérica - FAI) était une organisation clandestine dédié à l'activité révolutionnaire qui, parmi ses objectifs, a cherché à s'opposer aux courants réformistes de la CNT. L'action entreprise fut un succès, et les anarchistes révolutionnaires obtinrent l'hégémonie dans la CNT.

En 1936, le Front populaire (regroupant les partis de gauche) fut en mesure de gagner les électionss. Les anarchistes de la CNT finirent par soutenir de manière tactique le Front parce que cela signifierait la libération de camarades emprisonnés. Avec l'approbation de la CNT la victoire du Front populaire fut rendue possible. Cependant, les fascistes n'acceptèrent pas la défaite. Le 18 Juillet 1936, le coup d'état du mouvement phalangiste coup éclate, au sein duquel Francisco Franco se démarqua. Ainsi débuta l'explosion révolutionnaire qui jettera le pays dans trois ans de guerre civile. Au cours de la première phase (Juillet 1936 à début 1937), les anarchistes étaient parmi les groupes les plus importants. L'action des militants dans des secteurs tels que la Catalogne fut exemplaire. Les structures républicaines furent transformées en organisations populaires dans un processus intense et fructueux de collectivisation. Les usines furent occupés et des mesures sociales immédiates furent mises en pratique, telles que : l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes, les services médicaux gratuits, le salaire permanent en cas de maladie, la réduction des heures de travail et une rémunération accrue. La Métallurgie, l'industrie du bois, le transport, la nourriture, la santé, les médias et services de divertissement et les propriétés rurales furent collectivisées. Afin de lutter contre les forces fascistes, ils s'organisèrent en milices, qui avancèrent sur certains fronts, notamment la colonne dirigée par Buenaventura Durruti.

Au cours de la deuxième phase (1937-1939) le progrès de la contre-révolution fut dévastateur. Les Phalangistes eurent un soutien massif d'Hitler et de Mussolini. La résistance était mal armés et en infériorité numérique. Les Brigades internationales, formées pour stopper l'avancée nazie-fasciste, avaient peu de combattants. En outre elles ne recevaient pas d'aide des nations libérales (la France et l'Angleterre), qui une fois de plus s'en lavaient les mains. Le « soutien » de l'URSS s'avéra être un vrai « cheval de Troie" . Au sein de la lutte contre le fascisme une traque parallèle - menée par les staliniens – contre les anarchistes et les hétérodoxes du Parti Ouvrier d'Unification Marxiste (POUM) eu lieu. Les progrès réalisés par la CNT / FAI furent détruits par ceux qui cherchaient à rétablir les fondements de l'Etat (les secteurs modérés de la République, les communistes et les socialistes). Les communistes commencèrent à gagner des positions clés au sein du gouvernement. Les anarchistes durent céder une fois de plus à des circonstances défavorables : certains membres de la CNT finirent par participer au gouvernement. Au Brésil, nous pouvons dire que, puisque le courant especifista n'était en fait pas réalisé pleinement, nos références idéologiques se rapportent à certaines initiatives du passé et d'autres que nous pensons représentatives du même courant dans le pays au cours l'histoire plus récente. Nous considérons que dès les premières années du XXe siècle des anarchistes liées à l'"organisationalisme", en particulier des disciples Malatesta, luttèrent pour organiser un certain nombre de camarades en vue de former une organisation avec des stratégies communes et des tactiques, basées sur des accords tactiques et une compréhension de groupe claire. Ce sont eux qui furent responsables de la tenue du Premier Congrès des travailleurs du Brésil en 1906, et des initiatives les plus stupéfiantes de l'anarchisme national. Ces anarchistes préparèrent les conditions qui permirent la pleine insertion des anarchistes dans les syndicats et dans la vie sociale, avec la formation d'écoles et de groupes de théâtre, outre une production écrite significative. Ce fut également, dans une large mesure, le courant "organisationalist" qui aida le cas échéant à la préparation de l'insurrection anarchiste de 1918, à la création de l'Alliance anarchiste de Rio de Janeiro, à la formation du Parti communiste brésilien à caractère libertaire, et des événements qui distinguèrent les anarchistes des bolcheviks dans les années 1920.

Dans cette première phase les noms de Neno Vasco, José Oiticica, Domingos Passos, Juan Peres Bouzas, Astrojildo Pereira (jusqu'en 1920) et Fábio Luz se démarquèrent. Plus tard, après que l'anarchisme social ai été en sommeil pendant près de deux décennies, une partie de la tradition organisationaliste refit surface dans la revue Direta Ação (action directe), puis, avec le coup d'Etat militaire de 1964, nous perdîmes de nouveau principale force dans ce champ, représentée par M. Idéal Peres et les étudiants du Mouvement des étudiants libertaire (Movimento Libertario Estudantil – MEL).

Enfin, une autre influence latine sur l'especifismo que nous préconisons est la Fédération Anarchiste Uruguayenne (Federación Anarquista Uruguyaya - FAU), créé en 1956 sous l'influence de la lutte des classes et des anarcho-syndicalistes, des modèles d'organisation de Bakounine et Malatesta, et de l'anarchisme expropriateur de la région de Plate River . Cherchant à développer un anarchisme qui se confronte aux problèmes latino-américains la FAU a, depuis sa création, développé des pratiques sur différents fronts. Elle a participé aux activités syndicales de la Convention nationale des travailleurs (CNT), qui a eu un modèle non-bureaucratique, avec une démocratie interne et des tendances lutte de classe. Des associations d'action directes ont été établis au sein de ce qui était dénomée « la Tendance Combative. » Suite à son illégalisation en 1967 la FAU entra dans la clandestinité.

Même au cours de cette période de clandestinité, avec beaucoup de répression et d'arrestation de militants, la FAU réussit à maintenir son activité syndicale dans la CNT, dans le mouvement étudiant et dans la lutte contre le collaborationnisme du Parti communiste (PC). Elle a diffusé sa publication Cartas de la FAU (Lettres de la FAU). En 1968, la résistance ouvrière et étudiante (ROE) fut fondée, une cadre d'organisation de masse qui adopta une stratégie de confrontation, avec des occupations d'usines avec la participation des étudiants et avec la participation de syndicalistes lors de manifestations estudiantines. A la fin des années 1960, parallèlement à l'organisation de masse, la FAU développa l'organisation de son « bras armé», l'Organisation populaire révolutionnaire- 33 (Organización Popular Revolucionaria – 33, OPR-33), qui réalisa une série d'actions de sabotage, d'expropriations économiques, d'enlèvements de politiciens et de patrons particulièrement détestés par le peuple, le soutien armé aux grèves et l'occupation de locaux, etc La FAU abandonna le foquisme comme paradigme de la lutte armée, évitant la militarisation tout en ayant une insertion sociale dans la population. Avec la dictature de 1973, la FAU orienta ses efforts vers une grève générale qui paralysa le pays pendant près d'un mois. Elle effectua le travail clandestin et eu plusieurs militants arrêtés, torturés et tués. Avec l'ouverture politique, elle se réorganisa et développa son travail sur le modèle especifista que nous préconisons aujourd'hui, avec trois fronts d'insertion : syndical, étudiant, et communautaire/de quartier.

En bref, notre conception des références historiques de l'especifismo n'est pas dogmatique. Nous avons des idées générales qui commencent par les idées de Bakounine et des alliancistes de l'AIT, qui passent par les conceptions de Malatesta et ses expériences pratiques aux plans social et politique, ainsi que les expériences de Magón et du PLM dans la Révolution mexicaine. Nous sommes aussi influencés par les expériences des anarchistes dans la révolution russe, en mettant l'accent sur les makhnovistes en Ukraine et les réflexions organisationnelles développées par les Russes en exil, ainsi que les expériences des anarchistes dans la révolution espagnole autour de la CNT- FAI. Au Brésil, nous sommes influencés par l'anarchisme "organisationaliste", mettant en évidence les expériences de l'Alliance anarchiste de Rio de Janeiro de 1918 et du Parti communiste (libertaire) de 1919. Enfin, nous sommes influencés par la FAU, à la fois dans sa lutte contre la dictature, comme dans son activité dans les fronts avec les syndicats, la communauté et les mouvements d'étudiants. Cet ensemble de conceptions et d'expériences contribue aujourd'hui à notre conception de l'especifismo. Actuellement, l'especifismo est préconisé par diverses organisations latino-américaines et développé dans la pratique, même si ce n'est pas sous ce nom, dans d'autres parties du monde.

Notes et conclusion

Au travail camarades ! La tâche est grande. Au travail, tout le monde ! Errico Malatesta

Le 1er Congrès a complètement rempli ses objectifs, se déroulant dans une atmosphère de grande solidarité entre les militants. Il a fourni l'espace convenable en terme de réflexions, de commentaires, de débats et de conclusions. Les reours de tous les militants ont été très positifs. L'importance d'avoir une génération de militants plus âgés et plus expérimentés dans l'organisation, qui étaient (et sont) essentiels pour que la connaissance militante des générations précédentes ne soit pas perdue et pour la formation et l'accompagnement de la nouvelle génération, a été mis en évidence. Le Congrès a rendu hommage à la « vieille garde», et s'est également félicité de la "nouvelle garde", comme elle a aidé à mettre en pratique ce que leurs aînés ont toujours prôné. Les militants de l'organisation qui ont été dans la lutte depuis les années 1970, 1980 et 1990 ont souligné l'importance de ce moment, ce qui souligne la continuité d'un militantisme qui, pour nous, commence par Juan Perez Bouzas, traverse toute l'histoire de la lutte d'Ideal Peres, à travers le Cercle d'Etude Libertaire(CEL), qui devint plus tard le Cercle D'Etude Libertaire Idéal Peres (CELIP) et, en 2003, constitua la Farj. Nous croyons nous-mêmes mettre en pratique les aspirations des différentes personnalités de cette histoire, à laquelle nous croyons que nous donnons une juste continuité. À ce stade, l'objectif est de poursuivre la quête du vecteur social de l'anarchisme. De mettre l'anarchisme en contact avec les mouvements sociaux, recherchant la création de l'organisation populaire. Nous essayons de faire cela à travers nos trois fronts. Le front des mouvements sociaux urbains (notre ancien front des occupations) a conduit des travaux avec les occupations urbaines en cours à Rio de Janeiro depuis 2003, donnant une continuité à l'expérience que nous avons eues avec le mouvement des sans-abri dans la décennie 90. Ce front comprend également, à l'heure actuelle, la reconstruction du Mouvement des travailleurs sans emploi »(Movimento de Trabalhadores Desempregados - MTD), qui lutte pour le travail dans tout le pays, et existe à Rio de Janeiro depuis 2001. La MTD retrouve maintenant sa force, regroupant de réunissant des gens des communautés pauvres pour la lutte. Outre cela, ce front a des relations avec le Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (Movimento dos Trabalhadores Rurais Sem Terra - MST), à laquelle il offre des cours d'éducation politique à la fois à Sao Paulo et à Rio de Janeiro. Le Front est également proche et mène des activités avec d'autres entités et mouvements sociaux tels que l'Assemblée Populaire - RJ (Assembléia Populaire - RJ) et le Front internationaliste des sans-abri (Frente Internacionalista dos Tem-Teto - FIST). Le front communautaire/des quartiers est responsable de la gestion du Centre social-Culturel de Rio de Janeiro (Centro Cultura Social do Rio de Janeiro - CCS-RJ), un espace social ouvert que nous maintenons dans le nord de la ville et qui héberge un certain nombre d'activités communautaires en matière de recyclage des déchets, de tutorat et des cours de préparation d'examen d'entrées pour la communauté pauvre de Morro dos Macacos, des ateliers de théâtre, des manifestations culturelles, des fêtes et réunions de différents types. Ce front est également responsable de la gestion de la Bibliothèque sociale Fábio Luz (Biblioteca Social Fábio Luz - BSFL), qui existe depuis 2001 et autour de laquelle tourne le centre de recherche Marques da Costa (Núcleo de Pesquisa Marques da Costa - NPMC) qui , fondée en 2004, vise à produire la théorie de l'organisation, en plus de recherches sur l'histoire de l'anarchisme à Rio de Janeiro. Outre cela, le front communautaire administre le CELIP, l'espace public de la Farj qui vise à organiser des conférences et des débats afin d'attirer des personnes nouvellement intéressées à l'anarchisme. Le front agro-écologique, appelé « anarchisme et nature », opère dans les mouvements sociaux ruraux et les groupements qui travaillent avec l'agriculture et l'écologie sociale. Il a des contacts et travaille avec le MST, La Via Campesina et des espaces comme la Coopérative Floréal et le Centre Germinal pour l'alimentation et la santé (Núcleo de Alimentação e Saúde Germinal). Il organise des ateliers éducatifs dans les occupations, dans les écoles et dans les communautés pauvres. Tout cela dans le but de récupérer l'agriculture, l'agro-écologie, l'écologie sociale, l'éco-alphabétisation et l'économie solidaire. Il cherche à associer les travailleurs, les mouvements sociaux militants et les étudiants à ses activités. Pour répondre à une demande importante nous avons entamé un projet « transversal » dans lequel tous les fronts se sont insérés, appelé Université Populaire (UP-RJ). Cette proposition a été déployé, dans les fait, dans une initiative d'éducation populaire anti-capitaliste axée sur la transformation de la société et ayant, en tant que tactique, l'éducation politique au sein des mouvements sociaux. D'Autres activités « transversales » ont également été réalisées avec l'édition des revues Libera ; la Protesta magazine ! (En collaboration avec les camarades du collectif anarchiste Terra Livre à Sao Paulo), et des livres tels que « L'Anarchisme social, de Frank Mintz, » « L'Anarchisme Aujourd'hui » de l'URRAFA et de « Ricardo Flores Magón » de Diego Abad de Santillan. Enfin, il y a le travail interne d'éducation politique, de relations, de gestion des ressources, entre autres.

Il y a du travail fait, et beaucoup de travail à faire. Et vraiment, comme Malatesta l'a dit précédemment, la tâche est grande. Savoir qu'il y a beaucoup à faire et savoir la grandeur de notre projet de transformation sociale, loin de nous décourager, a été un carburant qui nous motive de plus en plus et nous conduit, jour après jour, à cette tâche si urgente.

Nous espérons que cette brève contribution théorique peut aider à la construction d'un anarchisme militant dans divers endroits.

Pour l'anarchisme social !

Pour la récupération du vecteur social de l'anarchisme ! Révolution sociale et socialisme libertaire !

[1] Dielo Trouda "Plateforme por una organizativa Unión General de Anarquistas". Traduction de l'espagnol, revue et corrigée par Frank Mintz. Nous utilisons des citations de cette traduction faites directement à partir de la version russe, comme les versions dont nous disposons en portugais et en espagnol, toutes deux traduites à partir du français, ont plusieurs différences avec l'original russe. Bien que le titre du document ici est espagnol, nous faisons référence au même document traduit en français par "La Plate-forme organisationnelle des communistes libertaires".

[3] Luigi Fabbri, "les influences bourgeoises sur l'anarchisme"

[4] Murray Bookchin, « L'anarchisme social ou l'anarchisme mode de vie : un gouffre infranchissable».

[5] Ibid.

[6] Frank Mintz, Anarchisme social. São Paulo : Imaginário / Faisca / Farj / CATL, 2006, p. 7.

[7] Farj. "Un um é Propriedade Roubo". Dans : Protesta ! 4. Rio de Janeiro / São Paulo : Farj / CATL, 2007, p. 11.

[8] Comme l'auteur le précise, cette classification n'est pas destinée à épuiser les relations et il ya des catégories qui se chevauchent. Le terme "zone", toujours selon l'auteur, se réfère plus à un groupe social qu'à un concept géographique. Rudolf de Jong. "Algumas Observações sobre a Concepção Libertaria de Mudança social". Dans : Paulo Sérgio Pinheiro. "O Estado Autoritário e Movimentos Populares». Rio de Janeiro : Paz e Terra, 1980, pp 305-353. Le classement initial se trouve aux pages 309 et 310 du livre. Ce texte a été réédité en 2008 par les Publications Faisca, en co-édition avec la0Farj, sous le titre "Un Concepção Libertaria da Transformação social Revolucionária".

[9] Ibid. p. 312

[10] Farj. "Por um Novo Paradigma de Análise faire Panorama Internacional". Dans : Protesta ! 4!, P. 31.

[11] Rudolf de Jong. Op. Cit. p. 324.

[12] Farj. "Por um Novo Paradigma ...". Dans : Protesta ! 4!, P. 31.

[13] Alexandre Samis. « Pavilhão Negro sobre Pátria Oliva". Dans : Historia do Movimento Operário Revolucionario. São Paulo : Imaginário, 2004, p. 179.

[14] Ibid. p. 136.

[15] Pierre Monate. "Em Defesa faire Sindicalismo". Dans : George Woodcock Grandes Anarquistas Escritos.. Porto Alegre : LP & M, 1998, p. 206.

[16] Errico Malatesta. "Sindicalismo : un Crítica de um Anarquista". Dans : George Woodcock. Op. Cit. p. 207.

[17] Alexandre Samis. "Anarchisme,« bolchevismo 'ea Crise faire Sindicalismo Revolucionario ». (Encore inédit).

[18] José Oiticica dans une patrie, 22 de Juin 1923.

[19] José Oiticica, Fabio Luz et d'autres anarchistes radicalisés à Rio de Janeiro ont pris part à un groupe spécifique d'anarchistes appelé Os Emancipados.

[20] Alexandre Samis. "Anarchisme,« bolchevismo 'ea Crise faire Sindicalismo Revolucionario ».

[21] Ibid.

[22] Idem. « Pavilhão Negro sobre Pátria Oliva". Dans : Historia do Movimento Operário Revolucionario, p. 181.

[23] Felipe Corrêa Anarchisme social no Rio de Janeiro:. Breve história da Farj e suas de Origens. Lisboa : CEL / Cadernos d'A Batalha, 2008, p. 25.

[24] Farj. « Manifeste de la Fundação".

[27] Piotr Kropotkin. "As Nossas Riquezas". In : A Conquista do Pão. Lisboa : Guimarães, 1975, p. 28.

[28] Pierre-Joseph Proudhon. "2eme. Memoire sur la Proprieté". In : A Nova Sociedade. Porto : Rés Editorial, s/d, p. 35.

[29] Idem. O que é a Propriedade ? São Paulo : Martins Fontes, 1988, p. 159.

[31] Mikhail Bakunin. O Sistema Capitalista. São Paulo : Faísca, 2007, p. 4.

[32] Ibid. p. 14.

[33] Piotr Kropotkin. "A Expropriação". In : A Conquista do Pão, p. 62.

[34] Mikhail Bakunin. O Sistema Capitalista, pp. 6-7.

[35] Idem. A Instrução Integral. São Paulo : Imaginário, 2003, p. 69.

[36] Subcomandante Marcos. "Entrevista a Ignácio Ramonet". In : Marcos : la dignidad rebelde. Chile : Aún Creemos en los Sueños SA, 2001, p. 26.

[37] Ibid. p. 27.

[38] Noam Chomsky. O Lucro ou as Pessoas. Rio de Janeiro : Bertrand Brasil, 2002, p. 136.

[39] Ibid. p. 36.

[40] Murray Bookchin. "Um Manifesto Ecológico : o poder de destruir, o poder de criar". In : Letra Livre 31. Rio de Janeiro : Achiamé, 2001, p. 8.

[41] Errico Malatesta. A Anarquia. São Paulo : Imaginário, 2001, p. 15.

[42] Associations professionnelles d'artisans, de marchands et d'artistes qui existait au moyen âge.

[43] Piotr Kropotkin. O Estado e seu Papel Histórico. São Paulo : Imaginário, 2000, p. 64.

[44] Errico Malatesta. "'Idealismo' e 'Materialismo'". In : Anarquistas, Socialistas e Comunistas. São Paulo : Cortez, 1989, p. 141. Livro em processo de reedição pela editora Scherzo.

[46] Mikhail Bakunin. Estatismo e Anarquia. São Paulo : Imaginário, 2003, p. 169.

[47] Ibidem. p. 47.

[48] Ibidem. p. 212.

[49] Pierre-Joseph Proudhon. "Crítica às Constituições". In : Proudhon. São Paulo : Ática, 1986, p. 87.

[50] Le terme “politique”, utilisé ici, et que nous réutiliserons bien d’autre fois dans ce texte doit être compris comme “dérivé de l’adjectif provenant de “Polis” (Politik) qui signifie tout ce qui se réfère à la cité, et donc, ce qui est urbain, civil, public et meme social et sociable. Norberto Bobbio et al. Dicionário de Política. Brasília : Editora UNB, 1993, p. 954. [Pa] conséquent, nous ne comprenons pas la politique comme celle qui est mise en oeuvre par les moyens de la démocracie représentative. « Faire de la politique, dans ce cas, signifie participer de manière effective et décider des enjeux de société, et, plus particulièrement, ceux qui nous affectent. Nous travaillons avec l’idée qu’il y a de la politique hors de la sphère électorale.

[51] Mikhail Bakunin. Estatismo e Anarquia, p. 74.

[52] Piotr Kropotkin. "O Governo Representativo". In : Palavras de um Revoltado, p. 154.

[53] Mikhail Bakunin. Estatismo e Anarquia, p. 73.

[54] Ibid.

[55] Nous travaillons avec la conception classique de la révolution sociale, développé par Bakounine, qui la considère comme une transformation des aspects économiques, politiques et sociaux de la société. Quand on la distingue de la révolution politique nous cherchons, de la même manière, une différenciation classique qui traite de la révolution politique comme une transformation qui se produit uniquement au niveau « politique», à travers l'état.

[56] Bakounine. L'étatisme et l'anarchie, p. 52.

[57] Idem. "Protesta de la Alianza". Dans : Frank Mintz (org.). Bakounine : Crítica y acción. Buenos Aires : Anarres, 2006, p. 33.

[58] Idem. "Cartas a francés Nations Unies». Dans : Frank Mintz (org.). Bakounine : Crítica y acción, p. 22.

[59] Idem. "La Comuna de Paris y la Noción del Estado" et "e Estatismo Anarquía". Dans : Frank Mintz (org.). Bakounine : Crítica y acción, pp 22-23. Il ya des traductions portugaises des deux textes, effectuées par Plínio A. Coelho. Celle de Estatismo e Anarquia, dans la publication déjà citée, et que d '"Un Comuna de Paris ea Noção Estado de", dans la publication : Bakounine. O Principio do Estado e Ensaios outros. São Paulo : Hedra, 2008.

[60] Errico Malatesta. "Un Violencia ea Revolução". Dans : Anarquistas, Socialistas Comunistas e, p. 40.

[61] Idem. "Uma Vez Maïs Sobre Anarchisme e Comunismo". Dans : Socialistas Anarquistas e Comunistas, p. 70.

[62] Bakounine. Federalismo, Socialismo e Antiteologismo. São Paulo : Cortez, 1988, p. 38.

[63] Ibidem.

[64] Le terme « fédéralisme » a été utilisé par des anarchistes depuis Proudhon, qui a formalisé ses théories sur le sujet dans « Du principe fédératif » en 1863, et d'autres livres. Le fédéralisme a marqué les socialistes libertaires du XXe siècle, surtout ceux qui ont agi dans l'AIT. Ne confondez pas ce fédéralisme libertaire avec le fédéralisme étatique. Le terme « autogestion » n’est apparu qu'un siècle plus tard, dans les années 1960 en se substituant à d'autres comme l'auto-gouvernement, l'auto-administration, l’autonomie, etc Aujourd'hui, les deux ont des significations différentes, possédant un sens complémentaire dans l'économie et la politique.

[65] Pierre-Joseph Proudhon. De la création de l'ordre DANS L'Humanité. Dans : Une Nouvelle Sociedade, p. 26.

[66] Piotr Kropotkine. "Comme Nossas Riquezas". Dans : Un Conquista do Pão, p. 30.

[67] James Guillaume. « Les idées sur l'organisation sociale". Dans : Daniel Guérin. Pas de Dieux, pas de maîtres. San Francisco : AK Press, 1998, p. 213.

[68] Ibidem. p. 210.

[69] Bakounine. Federalismo, Socialismo e Antiteologismo, p. 37.

[70] Michael Albert. ParEcon. Londres : Verso, 2003, pp 104-106. Pour une discussion sur les tâches complexes équilibrés voir ce pp 103-111 livre.

[71] James Guillaume. Op. Cit. p. 211.

[72] Bakounine. Federalismo, Socialismo e Antiteologismo, p. 18.

[73] Murray Bookchin. "Um Manifeste Ecológico : o poder de destruir, o poder de Criar". Dans : Letra Livre 31, p. 8.

[75] Pierre-Joseph Proudhon. Avez-Principio Federativo. São Paulo : Imaginário, 2001, p. 90.

[76] Ibidem.

[77] Ibidem. p. 91.

[78] Piotr Kropotkine. "L'anarchisme". Dans : L'Encyclopaedia Britannica.

[79] Bakounine. Une intégrale Instrução, p. 78.

[80] Idem. "Un Comuna de Paris ea Noção de Estado". Dans : O Principio do Estado e Outros Ensaios, pp 114-115.

[81] Idem. "Revolucionária moral". Dans : Conceito de Liberdade. Porto : Rés de rédaction, s / d, p. 203.

[82] Errico Malatesta. "Un, je Organização". Dans : Ecrits Revolucionários. São Paulo, Imaginário, 2000, p. 49. Pour Malatesta le parti anarchiste est la même chose que l'organisation spécifique anarchiste.

[83] Fabio López López. Poder e Dominio : uma Visão Anarquista, p. 75.

[84] Luigi Fabbri. "Un Anarquista Organização". Dans : anarcho-Comunismo Italiano. São Paulo, Luta Libertaria, s / d, p. 109.

[85] Errico Malatesta. "Un Organização das Massas Operárias Contra o Governo e os Patrões". Dans : Ecrits Revolucionários, p. 39.

[86] Farj. "Un um é Propriedade Roubo". Dans : Protesta ! 4, p. 7.

[87] Errico Malatesta. "La Organización". Extrait de l'e Pensiero Volontà, 16 mai, 1925. Dans : Vernon Richards. Op. Cit. pp 83-85.

[88] Idem. "Un, je Organização". Dans : Ecrits Revolucionários, p. 51.

[89] Pierre-Joseph Proudhon. "1ere. Mémoire sur la propriété». Dans : Une Nouvelle Sociedade, p. 35.

[90] Ibid.

[91] Bakounine. "Táctica e Disciplina faire Partido Revolucionario». Dans : Conceito de Liberdade, pp 198-199.

[92] Farj. "Sobre o Reflexões Comprometimento, un Responsabilidade ea Autodisciplina".

[93] Ibid.

[94] Errico Malatesta. "A II Organização". Dans : Ecrits Revolucionários, p. 59.

[95] Bakounine. "Besoin d'Organisation." Dans : Concept de la liberté, p.136.

[96] Idem. La grève duale de Genève. Sao Paulo : Imaninário / Faisca, 2007, p. 94.

[96] Idem. La grève duale de Genève. Sao Paulo : Imaninário / Faisca, 2007, p. 94.

[97] Ibid. p. 90.

[97] Ibid. p. 90.

[98] Errico Malatesta. "Los Anarquistas y los Movimientos Obreroa". Extrait de Il Risveglio les 1-15. 1927. Dans : Vernon Richards. Op. Cit. p. 111.

[99] Bakounine. « L'unité et le Programme des Forces armées révolutionnaires ..." Dans:. Conceito de Liberdade, p. 163.

[99] Bakounine. « L'unité et le Programme des Forces armées révolutionnaires ..." Dans:. Conceito de Liberdade, p. 163.

[100] Idem. "La Política de la Internacional" Dans : Frank Mintz (ed.). Bakounine : Crítica y acción, P. 85. Bien qu'étant un critique matérialiste féroce, Bakounine a fait valoir que même les travailleurs religieux devraient se joindre au mouvement syndical. Nous pensons, comme lui, que la religion ne doit pas diviser les mouvements sociaux. Sur la critique de Bakounine de Dieu et la religion, voir : Bakounine. Dieu et l'Etat. Sao Paulo : Imaginário, 2000, et Bakounine. Le fédéralisme, le socialisme et l'anti-théologisme.

[101] Universidade populaire. Capitalismo, anticapitalisme e Organização populaire. Rio de Janeiro : UP / MTD-RJ (sous presse).

[102] Pierre Kropotkine. "Jovens Aos" Dans : Palavras de um Revoltado, p. 67.

[103] Emile Pouget. L'Action Directe.

[104] Farj. "Un Política não é par os Políticos" Dans : Libera 136. Rio de Janeiro, 2006.

[105] Errico Malatesta. "Anarchisme e Reforma" Dans : Anarquistas, Socialistas Comunistas e, P. 146.

[106] Idem. "Quanto Pior Estiver, Melhor Sera" Dans : Anarquistas, Socialistas Comunistas e, P. 67.

[107] Bakounine. Un Dupla Grève de genebra, pp 92-93.

[108] Idem. "Algumas Condições da Revolução." Dans : Conceito de Liberdade, pp.128-129.

[109] Idem. "Educação Militante". Dans : Conceito de Liberdade, p. 147.

[110] Errico Malatesta. "Organisation II." Dans : Ecrits Revolucionários, p. 55.

[111] Nestor Makhno. « Notre organisation». Dans : L'anarchie et l'Organisation. Saint-Paul, lutte libertaire, s / d, p. 31.

[112] Luigi Fabbri. "Un Anarquista Organização". Dans : anarcho-Communismo Italiano, pages 107, 110-111.

[113] Errico Malatesta. "La propagande La Anarquista." Extrait de Pensiero e Voluntà, 19 Janvier, 1925. Dans : Vernon Richards. Op. p. 171.

[114] Ibid. p. 172.

[115] Bakounine. "Mobilização faire Proletariado." Dans : Conceito de Liberdade, p. 134.

[116] Farj. "Carta de principios."

[117] Ibid. Les guillemets dans les sept prochains paragraphes font référence à ce document.

[118] Luigi Fabbri. "Un Anarquista Organização". Dans : anarcho-Communismo Italiano, p. 116.

[119] Ibid. p. 124.

[120] Juan Mechoso. Acción Directa Anarquista : una historia de FAU. Montevideo : Recortes, s / d, p. 199. Les guillemets du livre Mechoso se référent aux documents de la Fédération Anarchiste Uruguayenne (FAU).

[121] Ibid. pp 190, 192.

[122] Luigi Fabbri. "Un Anarquista Organização". Dans : anarcho-Communismo Italiano, p. 121.

[123] Dielo Trouda. "El Problème de la Organización y Síntesis la notionnel».

[124] Farj. « Réflexions sur l'engagement ...». Les citations non identifiés dans ce paragraphe et le suivant se réfèrent à cet article.

[125] Errico Malatesta. « Action et de la discipline." Dans : anarchistes, socialistes et communistes, P. 24.

[126] Farj. "Réflexions sur l'engagement ... »

[127] Ibid.

[128] Nestor Makhno. "Sur la discipline révolutionnaire." Dans : Organisation et l'anarchie, p. 34.

[129] Dielo Trouda. "Plate-forme organisationnelle de l'Union générale des anarchistes."

[130] Nestor Makhno. « Notre organisation». Dans : Organisation et l'anarchie, p. 32.

[131] Errico Malatesta. "Programa Anarquista." Dans : Ecrits Revolucionários, p. 23.

[132] Farj. "Carta de principios."

[133] Bakounine. "Certaines conditions de la révolution». Dans : Conceito de Liberdade, p. 127.

[134] Idem. « L'éducation militante." Dans : Conceito de Liberdade, pp 145-146.

[135] FAU. "Declaración de principios." Les citations de ce paragraphe sont tirées de ce même document.

[136] Errico Malatesta. "Programa Anarquista." Dans : Ecrits Revolucionários, p. 18.

[137] Idem. "Le but de la Révolution." Dans : anarchistes, socialistes et communistes, P. 55.

[138] Dans "Em Torno de Nosso Anarchisme," Malatesta souligne : "Provoquer, dans la mesure du possible, le mouvement, en y participant de toutes nos forces, en lui donnant un caractère plus égalitaire et libertaire, c'est à dire, soutenir toutes les forces progressistes ; défendre ce qui est mieux quand vous ne pouvez pas obtenir le maximum, mais en gardant toujours très clair notre caractère anarchiste "[nous soulignons] Voir Escritos Revolucionários, p. 80.

[140] Bakounine. « La liberté et l'égalité." Dans : GP Maximoff (ed.). Écrits de vol philosophie politique. II. Madrid : Alianza Editorial, 1990, p. 9.

[141] Ibid.

[142] Idem. "La tactique et la discipline du parti révolutionnaire." Dans : Conceito de Liberdade, p. 192.

[143] FAU. "Declaración de principios."

[144] Ibid.

[145] Errico Malatesta. "Los Movimientos Obrero y los anarchistes». Extrait de la Nouvelle-Umanità, Avril 6, 1922. Dans : Vernon Richards. Op. p. 114.

[146] Bakounine. « L'éducation militante." Dans : Conceito de Liberdade, p. 146.

[147] Ibid. « Les travailleurs, paysans et intellectuels bourgeois». Dans : Conceito de Liberdade, p. 110.

[148] Errico Malatesta. "Programa Anarquista." Dans : Ecrits Revolucionários, p. 18.

[149] Ibid. p. 17.

[150] FAU. "Declaración de principios."

[151] Farj. "Carta de principios."

[153] Ibid.

[154] Ibid.

[155] Ibid.

[156] Dielo Trouda. "Plate-forme organisationnelle pour une Union Générale des Anarchistes"

[157] Errico Malatesta. Errico Malatesta. "Programa Anarquista". Dans : Ecrits Revolucionários, p. 7.

[158] Luigi Fabbri. Luigi Fabbri. "A Organização Anarquista". "Un Anarquista Organização". Dans : anarcho-Comunismo Italiano, p. 97.

[159] Errico Malatesta. Errico Malatesta. "La Propaganda Anarquista". "La propagande La Anarquista".. Extrait de L'Agitazione, 22 de Setembro de 1901. Dans : Vernon Richards. Op. Cit.. p. 172.

[160] Luigi Fabbri. Luigi Fabbri. "A Organização Anarquista". "Un Anarquista Organização". Dans : anarcho-Comunismo Italiano, pp 115-116.

[161] Mikhail Bakunin. Bakounine. "Algumas Condições da Revolução". "Algumas Condições da Revolução".. Dans : Conceito de Liberdade, p. 130.

[162] Dans le Règlement de la section genevoise de l'Alliance de la démocratie socialiste, écrit par Bakounine, il recommande : "On ne peut devenir membre sans avoir accepté, sincèrement et totalement, l'ensemble de ses principes. Les membres les plus anciens sont tenus et les membres récents doivent promettre de faire autour d'eux, lorsque cela est possible, la propagande la plus active, tant par leur exemple, que par leurs paroles"[nous le soulignons]. See Conception of Freedom, p. Voir conception de la liberté, p. 201..

[163] Errico Malatesta. Errico Malatesta. "La Propaganda Anarquista". "La propagande La Anarquista". Extrait de L'Adunata Refrattari dei, 26 de Dezembro de 1931. Dans : Vernon Richards. Op. Cit. p. 170.

[164] Juan Mechoso. Op. Cit. p. 194.

[165] Ibid.

[166] Ibid. p. 195.

[167] Ibid.

[168] FAU. "Declaración de principios".

[169] Dielo Trouda. "Plate-forme organisationnelle pour une Union Générale des Anarchistes".

[170] Errico Malatesta. "La Organización". Extrait de L'Agitazione, 18 de Junho de 1897. Dans : Vernon Richards. Op. Cit. p. 89.

[171] Farj. "Carta de principios".

[172] Universidade populaire. Op. Cit.

[173] Errico Malatesta. "Enfim ! O que é un« Ditadura faire Proletariado ». Dans : Anarquistas, Socialistas Comunistas e, p. 87

[174] FAU. Resoluciones Sobre el Tema Estrategia.

[175] Juan Mechoso. Op. Cit. p. 196.

[177] Bakounine. "Programa Revolucionario e Programa libéral". Dans : Conceito de Liberdade, p. 188.

[178] Errico Malatesta. "Los amendes y los Medios". Extrait de L'En Dehors, 17 Août 1892. Dans : Vernon Richards. Op. Cit. p. 69.

[179] Bakounine. "Programa Revolucionario e Programa libéral". Dans : Conceito de Liberdade, p. 188.

[180] FAU. Resoluciones Sobre el Tema Estrategia.

[181] George Fontenis. "Manifeste communiste libertaire".

[182] Juan Mechoso. Op. Cit. p. 197.

[183] FAU. Resoluciones Sobre el Tema Estrategia.

[184] Errico Malatesta. "A II Organização". Dans : Ecrits Revolucionários, pp 59-60.

[185] Mikhail Bakunin. "Programa Revolucionário e Programa Liberal". In : Conceito de Liberdade, p. 189.

[186] Luigi Fabbri. "A Organização Anarquista". In : Anarco-Comunismo Italiano, pp. 104-105.

[187] Mikhail Bakunin. "Táctica e Disciplina do Partido Revolucionário". In : Conceito de Liberdade, pp. 197-198.

[188] Idem. "Programa Revolucionário e Programa Liberal". In : Conceito de Liberdade, pp. 188-189.

[189] Dielo Trouda. "El Problema de la Organización y la Noción de Síntesis".

[190] Mikhail Bakunin. Império Knuto-Germânico. Cited in Daniel Guérin (org.). Textos Anarquistas (trechos de Ni Dieu, Ni Maître). Porto Alegre : LP&M, 2002, pp. 47-48.

[191] Errico Malatesta. "A Organização II". In : Escritos Revolucionários, p. 62.

[192] Mikhail Bakunin. "Educação Militante". In : Conceito de Liberdade, p. 154.

[193] Ibid. pp. 151-152.

[194] Ne confondez pas le terme de « parti » utilisé ici avec les partis qui participent aux élections ou qui cherchent à prendre le pouvoir d'etat à travers la révolution. Comme nous l'avons déjà expliqué, le 'parti anarchiste » pour Malatesta est la même chose que l'organisation anarchiste spécifique.

[195] Errico Malatesta. "A Organização II". In : Escritos Revolucionários, p. 56.

[196] Idem. "Sindicalismo : a crítica de um anarquista". In : George Woodcock. Op. Cit. pp. 208 ; 212. Dans la terminologie politique brésilienne « assistancialiste » est un terme qui désigne quelqu'un qui travaille à la manière des ONG, lorsqu'elle distribue de la nourriture aux pauvres. Il est associé à la charité.