Titre: La reprise directe : un moyen de lutte contre les licenciements
Date: 18 février 2010
Source: http://theorie.anarchiste-communiste.over-blog.com/article-la-reprise-directe-un-moyen-de-lutte-contre-les-licenciements-45199978.html

Dans le système dans lequel nous vivons, le système capitaliste, les travailleuses et travailleurs sont forcés de vendre leur force de travail pour vivre.

La minorité qui s'est approprié les moyens de production et de distribution, la classe capitaliste et la classe dirigeante, s'approprie au nom de cette même propriété privé les fruits du travail social, c'est à dire de la force collective des travailleurs et travailleuses associés dans la production. La plus-value réalisée au moyen de l'exploitation des travailleuses et des travailleurs réalise le profit de la classe capitaliste.

Pour préserver et accroître ses profits, la classe capitaliste dispose de plusieurs moyens :

1/ Produire plus, ce qui suppose de vendre plus.

Cela n'est possible que dans la phase de développement d'une invention ou d'une inovation, dès lors que celles-ci répondent à un besoin réel, ou suscité par les moyens de propagande capitaliste (principalement la publicité).Passé une certaine période, la demande solvable (pour laquelle on peut payer) baisse puisque le produit a été diffusé. La production est plus difficile à écouler (contre argent), le marché "se contracte" et donc les prix baissent.

Il est à noter que seule la demande solvable est prise en compte : dans le système capitaliste, ce n'est pas ce dont la population a réellement besoin qui compte, mais ce qu'elle est capable de payer.

Il est à noter également que cette tendance au productivisme ne se préoccupe pas de l'impact sur les ressources.

2/ Faire baisser les "coûts de production"

Le profit représente la différence entre ce que les capitalistes appellent les "coûts de production et de distribution" et le prix de vente du produit devenu marchandise lors de l'échange.

Comme la demande solvable baisse (soit parce que la demande réelle baisse car en partie satisfaite, soit parce que celles et ceux qui ont des besoins n'ont plus les moyens de payer, pour différentes raisons que nous évoquerons), les prix baissent : pour préserver son taux de profit, la bourgeoisie joue sur ce qu'elle appelle les "côuts de production" :

  • En spéculant à la baisse sur le prix des matières premières : cela se traduit par une baisse du revenu agricole, mais aussi des revenus minier : cela signifie que le travail dextraction ou de production de matière première est moins rémunéré. Cela implique notamment une politique impérialiste qui par le biais d'une politique agressive (guerrière ou néo-coloniale) impose des situations de monopole qui sous-évaluent le prix des matières première, c'est à dire baisse la rémunération du travail des ouvriers et ouvrières dans les pays producteurs de matière première. Au moyen notamment d'une politique de répression des travailleuses et travailleurs à travers notamment le soutien apporté à des régimes dictatoriaux, anti-ouvriers.

  • En s'ataquant à la rémunération du travail : soit en baissant, gèlant les salaires des travailleuses et des travailleurs. Soit en "accroisant la productivité", c'est à dire en accroissant l'exploitation des travailleuses et travailleurs, contraint de travailler et produire plus pour la même rémunération ou pour une rémunération inférieure.

C'est dans ce cadre que s'inscrit la politique de licenciement menée par le patronat

Il s'agit soit, dans certains cas, de transférer une part de la production dans des localité ou les salaires sont inférieurs (notamment parce que le régime politique est plus répressif envers les travailleuses ou les travailleurs, ou que les travailleuses et travailleurs sont moins organisés collectivement). C'est le cas des délocalisations.

Soit de réduire le nombre de salarié-e-s dans une unité de production, et d'accroître la charge de travail de celles et ceux qui restent pour maintenir ou accroître la production : C'est ce qui explique les plans sociaux menés depuis plusieurs années : par la peur du chomage, on contraint les travailleuses et travailleurs à accepter les augmentations de cadence, la flexibilité.

Cela fait mécaniquement baisser la part des salaires dans les "coûts de production ", c'est à dire que le travail, source de création de richesses, est moins rémunéré : la part appropriée -volée- par la classe capitaliste étant ainsi accrue ou maintenue.

Une crise systémique

Cela a des conséquences concrètes : comme le travail est moins rémunéré, que la part des salaires baisse, la demande solvable diminue mécaniquement : sans salaires, avec des revenus inférieurs (allocations chômage quant elles existent) ou inexistant, les travailleurs et les travailleuses ne peuvent plus acheter autant. C'est une spirale infernale qui se traduit par la crise : cycle licenciement -baisse des salaires - baisse de la demande - licenciements car la production n'est plus écoulable.

A cela s'ajoute les effets de la spéculation financière qui pour préserver un taux de profit va accroître ces tendances de l'économie capitaliste.

Perspectives de luttes

Face à ces licenciements massifs, les travailleuses et les travailleurs n'ont qu'un seul choix : celui de la lutte, pour enrayer l'appauvrissement organisé que met en place la bourgeoisie pour s'enrichir.

La lutte contre les licenciements en France s'est traduite ces dernières décénnies, comme dans de nombreux pays, par des mouvements de grève, accompagné parfois d'occupation des lieux de travail. D'autres formes d'action directes, tels la menace sur les stock ou la séquestration de patron, ont été utilisé :

Les objectifs sont divers : parfois, il s'agit de combattre les licenciements en eux-mêmes, et préserver l'emploi. D'autres fois il s'agit tout simplement d'arracher le maximum d'indemnité au patrons et aux actionnaires, et de faire payer au prix fort ces licenciements.

Ce rapport de force est cependant confronté à la répression de l'Etat, et laisse cependant le patronat, aidé par l'Etat, en position de décideur, puisque c'est lui qui décide, même si cette décision se fait sous une contrainte relative

Cela laisse également les luttes souvent isolées, boite par boite, et tout l'artifice de l'action capitaliste pour briser la résistance ouvrière se développe pleinement : lock out, pourissement du conflit (les patrons attendent que les travailleuses et travailleurs s'épuisent, confrontés aux traites, sans salaires).

Une première tentative positive de sortir de cet isolement a été la constitution de collectifs et de coordinations interboites.

L'impasse étatique

La stratégie proposée par la quasi totalité des tendances politiques se réclamant de prèt ou de loin de la gauche, de l'extrême gauche ou plus globalement du socialisme, c'est le recours à l'Etat.

Pour les sociaux-démocrates, l'Etat est présenté comme un recours face aux licenciements.Soit par l'intermédiaire de la législation actuelle (par les recours aux tribunaux pour faire échouer le plan social en attaquant sa légalité), soit par l'intermédiaire de la revendication du rétablissement de l'autorisation administrative de licenciement.

La justice bourgeoise a cependant toujours penché du côté de la défense de la propriété et des capitalistes, et si le recours à la légalité bourgeoise peut être utilisé tactiquement pour ralentir le processus patronal, il n'y a rien à en attendre pour lutter réellement contre les licenciements.

L'Etat se range toujours en dernier ressort du côté des capitalistes, en faisant donner la force public pour garantir la propriété, briser les mouvements collectifs et saper le rapport de force (huissier, expulsion des locaux occupés...). L'Etat mène lui-même une politique de licenciements massif dans le secteur public.

Les staliniens et les trotskystes, quant à eux, réclament une interdiction des licenciements par l'Etat.

Pour les staliniens, la revendication est celle de "l'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits", ce qui suppose l'acceptation des licenciements dans les entreprises qui n'en font pas : c'est accepter les règles du jeux de l'économie capitaliste, et donc accepter comme un fait inéluctable le licenciment et l'appauvrissement de certains travailleurs. Cela suppose également la croyance illusoire dans l'intervention de l'Etat.

Cette revendication peut s'accompagner de celle de la nationalisation des entreprises qui licencient, c'est à dire leur reprise par l'Etat. Or justement cela signifie soit le rachat des actions par l'Etat (sauvegardant les intérêts des actionnaires), soit la prise de contrôle par l'Etat, sans rompre avec la logique de marché, les hiérarchies salariales. Cela met également les travailleuses et les travailleurs en position d'attentisme, et cela les prive de tout contrôle sur l'outil de production. Ce qui permet une fois l'entreprise renflouée, à l'Etat de privatiser l'entreprise, selon le bon vieux principe "socialisation des pertes, privatisation des profits" : c'est donc toujours les classes laborieuses qui paient.

Pour l'extrême gauche trotskystes, la revendication de la "nationalisation sous contrôle ouvrier" et de 'l'interdiction des licenciements" place les travailleuses et les travailleurs dans une position d'attente vis à vis de l'Etat.

'est en réalité un slogan sans contenu, agité pour poser la question de la "prise de pouvoir d'etat" par un parti d'avant-garde se présentant comme le représentant de la classe ouvrière. Cela vise en fait à ouvrir la voie à la revendication de la prise de pouvoir d'Etat par le parti, qui selon les trotskystes, appliquerait la loi d'interdiction des licenciements.

Une telle perspective revient soit à renvoyer aux calendes grecques toute possibilité de lutte (dévier donc dans le soutien à l'aventure électoraliste d'un de ces partis, ou à celui de la perpsective de la "construction du parti" comme subsitut à l'action directe). Soit à se baser sur la confiance dans la qualité du parti pour défendre les intérêts des travailleuses et des travailleurs. Or sans contrôle des travailleuses et des travailleurs sur l'outil de production, cela revient à la seule confiance, et cela implique que la seule lutte immédiate des travailleuses et des travailleurs est le soutien à ces partis.

Cela revient également à méconnaître la nature de l'Etat, qui ne peut que structurellement défendre les intérêts de la minorité au pouvoir : la classe dirigeante, qu'elle soit au service de capitalistes privés ou du capitalisme d'Etat.

Reprendre l'initiative

Parce que ce n'est pas dans l'attente que nous trouverons les moyens de lutter contre les licenciements, le recours à l'Etat est une impasse. C'est sur leur action directe que les travailleuses et les travailleurs ont tout intérêt à s'appuyer s'ils et elles veulent défendre leurs intérêt.

Il existe des solutions immédiates, qui représentent une alternative à la passivité, et parmettent d'accoître le rapport de force et se préserver de l'appauvrissement en défendant les emplois.

Outre la lutte telle que décrite précédemment (grève, occupation, ..) Il s'agit de la reprise directe des entreprises par les travailleuses et les travailleurs, c'est à dire la saisie de l'outil de travail, des stocks et le redémarrage de la production par les travailleuses et les travailleurs, pour les travailleurs.

Cela signifie la gestion directe, ou l'autogestion dans son sens libertaire, de la production et de la distribution par les travailleuses et travailleurs. C'est la réponse qu'a apporté des milliers de travailleuses et travailleurs en 2001 en Argentine, face aux licenciements et aux cessation de paiement liés à la crise. A Zanon, Bruckman et dans d'autres entreprise les travailleuses et travailleurs ont saisi les machines, redémarrer la production sous forme de coopérative. Dans certains cas, ils ont embauchés et assurer l'égalité salariale.

C'est également la réponse amenée par les travailleuses et travailleurs de Bike System, en 2007, qui ont produit par eux/elles mêmes et pour eux/elles mêmes les vélos "strike Bike" diffusés par des réseaux militants.

En France, les ouvriers et ouvrières de Philips EGP à Dreux, ont également relancé la production sous contrôle ouvrier pendant 6 jours.

Les assemblées de travailleuses et travailleurs ont été la forme organique de cette gestion directe.

Défendre la gestion directe

Dans tous les cas, la répression des patrons et de l'Etat n'a pas tardé. La bourgeoisie et l'Etat ont très bien compris le danger que représentait de telles initiatives. En Argentine cependant, la solidarité interboite et le lien dévelopé avec les mouvements populaires, notamment les mouvements de chômeurs Piqueteros, a permi de faire reculer l'Etat à plusieurs reprise.

En ce sens, il est fondamental de construire la solidarité interboites entre ytravailleuses et travailleurs, autour de ces pratiques : c'est le moyen le plus efficace de faire face à la répression d'Etat, et d'élargir le front de la rupture avec l'attentisme.

A Dreux, le déferlement d'huissiers et l'intervention policière, conjugué à un lock-out (fermeture de l'usine par le patron), n'a pas permis à l'expérience de ce développer.

La question s'est posé également d'une rupture avec la légalité bourgeoise, notamment par la vente directe de produit. Il est évident que l'isolement des camarades de Philipps n'a pas permis d'arriver à un tel stade, nécessaire et possible dans le cadre du développement d'un mouvement populaire de refus des licenciements et de reprise directe

Construire le rapport de force, faire face au marché, rompre avec le capitalisme

Il est évident que les entreprises reprises par les travailleuses et les travailleurs n'échappent pas à la pression du marché capitaliste et aux impératifs de "rentabilité" telles que définies par l'éconmie capitalitse. En ce sens, la survie de ces boites (et surtout de leur caractère émancipateur pour les travailleuses et les travailleurs) dépend du développement du mouvement de reprise et de la création de liens directs entre entreprises récupérées par les travailleuses et travailleurs, c'est à dire leur fédération et leurs confédération. Cela parce que les capitalistes peuvent organiser très rapidement l'asphyxie économique des entreprises récupérées en les privant de ressources (fournitures) pour la production ou de débouchés (écoulement des produits). Egalement parce que faute de rompre rapidement avec le marché, le mouvement peut conduire à des formes d'exploitation propres à la sous traitance, en amenant les travailleuses et travailleurs à s'autoexploiter pour survivre dans une économie capitaliste hostile, imposant ses critères, notamment de rentabilité.

Cette reprise s'inscrit donc comme tactique directe, dans la perspecive stratégique de l''expropriation généralisée des patrons, de la gestion directe de l'économie, de la remise en cause du système capitaliste, c'est à dire d'un mouvement révolutionnaire ayant pour perspective la réorganisation de l'économie, sur les bases de la propriété commune des moyens de production et de distribution, de la production fondée sur la planification fédéraliste omme alternative au marché (capitalisme privé) et à la planification étatiste (capitalisme d'etat).

Elle permet de s'attaquer au pouvoir capitaliste dans les entreprises.

L'autre aspect fondamental, c'est la lutte contre les hiérarchies dans l'entreprise récupéré : égalité salariale, égalité dans la prise de décision (en assemblé), sont les conditions d'une rupture avec la logique capitalistes, et ouvrent la voie à une remise en cause du salariat. Elles créent les conditions de l'unité des travailleuses et des travailleurs dans la lutte, et posent les bases d'une stratégie révolutionnaire face aux licenciements.

Saluons l'initiative des ouvriers et ouvrières de Philips EGP Dreux (interview dans les vidéos ci-jointes), et souhaitons, travaillons à ce que l'initiative fasse école et se généralise.


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