Titre: La Fabrication d'une Anarchiste
Date: 1914
Source: Consulté le 4 mai 2016 de https://racinesetbranches.wordpress.com/introduction-a/voltairine-de-cleyre/
Notes: Texte original : "The Making of an Anarchist", essai publié dans Selected Writings of Voltairine de Cleyre édité par Alexandre Berkman et publié par Mother Earth Publishing en 1914. Voltairine de Cleyre est difficile à traduire, du fait d’un anglais/américain d’époque, mais aussi de son style littéraire. C’est à raison que son biographe, Paul Avrich, lui attribuait « un talent littéraire plus grand que celui de n’importe quel autre anarchiste américain. » Il est probable que cette traduction ne lui rende pas l’hommage mérité et ne reflète pas le plaisir de la lire dans le texte.

« Un garde se tenait là et un un autre de ce côté ; J’étais en face du portail. Tu connais ces problèmes de géométrie du lièvre et des chiens – ils ne courent jamais tout droit mais en courbes, tu vois ? Et le garde n’était pas plus intelligent que les chiens ; si il avait couru tout droit, il m’aurait attrapé. »

C’était Pierre Kropotkine racontant son évasion de la forteresse de Petro-Paulovsky.[1] Trois petits morceaux de pains sur la table marquaient les positions relatives des gardes peu malins et du prisonnier fugitif ; le narrateur les avait arraché de la tartine dont il déjeunait et les avait lancé sur la table avec un sourire amusé. Le triangle ainsi suggéré avait marqué le point de départ de l’exile d’une vie pour le plus grand homme, mis à part Tolstoï, que la Russie a produit : à partir de ce moment a commencé les nombreuses errances à travers le monde et l’adoption du titre simple et affectueux de « Camarade », pour lequel il a abandonné celui de « Prince, » qu’il déteste.

Nous étions trois dans la petite maison simple d’un ouvrier, – Will Wess,[2] un ancien cordonnier – Kropotkine, et moi. Nous prenions le « thé » à la manière anglaise ordinaire, avec de minces tartines de pain beurrées ; et nous parlions de choses et d’autres qui nous tenaient à cœur c’est à dire, comme à chaque fois que deux ou trois anarchistes se rencontrent, des témoignages de l’essor de la liberté et de ce que font nos camarades dans tous les pays. Et comme ce qu’ils disent et font les conduit souvent en prison, la discussion nous avait naturellement amené à l’aventure de Kropotkine et à son audacieuse évasion, pour laquelle le gouvernement russe est encore mortifié aujourd’hui

Bientôt le vieil homme jeta un coup d’œil sur l’heure et se leva brusquement : « Je suis en retard. Au revoir, Voltairine ; au revoir, Will. c’est par là la cuisine ? Je dois dire au revoir à Mrs.Turner[3] et à Lizzie. » Et il se rendit à la cuisine, soucieux, bien que en retard, de ne pas partir sans serrer la main à celles qui faisaient la vaisselle pour lui. Tel est Kropotkine, un homme considéré plus que tout autre dans le mouvement anarchiste – comme à la fois le plus gentil, le plus bienveillant et le plus invincible des hommes. Autant communiste que anarchiste, son cœur bat au rythme du grand pouls collectif du travail et de la vie.

Je ne suis pas communiste, bien que mon père l’était, et son père avant lui, à l’époque agitée de 48, ce qui est probablement la raison enfouie de mon opposition aux choses telles qu’elles sont : à la base, les convictions sont avant tout caractérielles. Et si je cherchais à l’expliquer autrement, je commettrais une monumentale erreur de logique ; car d’après mon éducation et mes premières influences, j’aurais du être une nonne et passer ma vie à glorifier l’Autorité dans sa forme la plus affirmée, comme mes camarades d’école le font en ce moment même dans les maisons de la mission du l’Ordre des Saints Noms de Jésus et Marie. Mais le vieil esprit ancestral de rébellion s’est réveillé dès mes quatorze ans lorsque j’étais écolière au Convent of Our Lady de Lake Huron, à Sarnis, Ontario. Comme je me plains maintenant, lorsque je me souviens de cela, pauvre petite âme solitaire, bataillant solitairement dans l’obscurantisme de la superstition religieuse, incapable de croire mais pourtant dans la crainte perpétuelle de la damnation, violente, sauvage et éternelle, si je ne me confessais pas et n’avouais pas immédiatement ! Avec quelle précision je me souviens de l’énergie acharnée avec laquelle je repoussais les injonctions de mon professeur, quand je lui disais que je ne voulais pas m’excuser pour une prétendue faute, parce que je ne voyais pas ce que j’avais fait de mal et que mes excuses n’auraient pas été sincères. « Il n’est pas nécessaire » disait-elle , « que nous soyons sincères, mais il est toujours nécessaire d’obéir à nos supérieurs. » « Je ne mentirai pas » répondais-je vivement, en, en même temps, tremblais de peur que ma désobéissance ne m’expédiât définitivement dans le tourment !

Finalement, j’ai lutté à ma manière et j’étais une athée lorsque j’ai quitté l’institution, trois ans plus tard, bien que je n’ai jamais lu un livre ou entendu une voix pour m’aider dans ma solitude. Cela a ressemblé à la Vallée des Ombres de la Mort, et j’ai encore la marque des cicatrices dans mon âme, là où l’Ignorance et la Superstition m’ont brûlé avec leur feu de l’enfer durant ces jours irrespirables. Est-ce blasphématoire ? Ce sont leurs mots, pas les miens. A côté de cette lutte durant mes jeunes années, toutes les autres journées ont été faciles, car peu importe l’extérieur, à l’intérieur ma Volonté était suprême. Elle n’avait aucun devoir d’allégeance et n’en aura jamais ; elle était allée obstinément dans une unique direction, la connaissance et l’affirmation de sa propre liberté, avec toute la responsabilité que cela suppose.

Ceci, j’en suis sûre, est la raison ultime de mon adhésion à l’anarchisme, même si l’événement précis qui a transformé le penchant en résolution a eu lieu en 1886-87, lorsque cinq hommes innocents furent pendus à Chicago pour l’acte d’un coupable resté inconnu à ce jour.[4] Jusqu’alors, je croyais en la justice immanente de la loi américaine et des jurés populaires. Après cela, je n’ai jamais pu. L’infamie de ce procès est passé à la postérité et la question de la compatibilité de la justice et de la loi qu’il a soulevé s’est répandue en pleurs rageuses à travers le monde. Avec cette question luttant pour se faire entendre, à une époque où, jeune et ardente, toutes les questions étaient urgentes avec une force que la vie future cherchera en vain à entendre à nouveau, j’eus la chance d’assister à une conférence au Paine Memorial Convention dans un coin perdu de la planète parmi les montagnes et les congères de Pennsylvanie. J’étais un maître de conférence libre-penseur à l’époque et j’avais parlé dans l’après-midi de la vie et de l’œuvre de Paine ; le soir je me suis assise parmi l’assistance pour écouter Clarence Darrow prononcer un discours sur le socialisme. C’était mon premier contact avec un quelconque plan pour améliorer la condition de la classe ouvrière qui fournissait quelques explications sur le cours du développement économique et j’ai couru vers lui comme quelqu’un qui a été enfermé dans les ténèbres et qui cours vers la lumière. Je souris maintenant au souvenir de combien rapidement j’ai adopté l’étiquette « socialiste » et combien rapidement je l’ai rejetée. Ne laissez personne suivre mon exemple ; mais j’étais jeune. Six semaines plus tard, je fus punie de ma précipitation, lorsque j’ai essayé de convertir à ma foi un petit juif russe nommé Mozersky, dans un club de discussion de Pittsburgh. Il était anarchiste, avec un peu de Socrate. Il m’a posé des questions avec toutes sortes de pièges, dont je ne me sortais que maladroitement pour patauger aussitôt dans d’autres qu’il m’avait préparé avec le sourire pendant que je m’extirpais des premières. La nécessité d’une meilleure fondation devenait évidente : alors commença une série d’études sur les principes de la sociologie, du socialisme moderne et de l’anarchisme comme ils étaient présentés dans leurs journaux habituels. Ce fut le Liberty de Benjamin Tucker, l’avocat de l’Anarchisme Individualiste, qui m’a finalement convaincu que « la Liberté n’est pas la Fille mais la Mère de l’Ordre. » Et bien que je ne partage plus l’évangile économique particulière prônée par Tucker, la doctrine anarchiste en elle-même, telle qu’il la concevait, n’a fait que s’élargir, s’approfondir et se renforcer avec les années.

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le mouvement, les différents termes prêtent à confusion. L’anarchisme est, en réalité, une sorte de protestantisme dont les adhérents sont unis par la grande croyance fondamentale que toutes les formes extérieures d’autorité doivent disparaître pour être remplacées par la maîtrise de soi, mais diversement répartie dans notre conception de la forme de la société future. L’individualisme suppose que la propriété privée soit la clé de voûte de la liberté individuelle ; affirme qu’une telle propriété devra consister en l’absolue possession de ses propres produits et du partage de l’héritage naturel de tous utilisables par tous. L’anarchisme communiste, au contraire, déclare qu’une telle propriété est à la fois irréalisable et indésirable ; que la possession et l’utilisation des ressources naturelles et des moyens de production par tous peuvent seules protéger l’individu contre la récurrence de l’inégalité et de ses conséquences, le gouvernement et l’esclavage. Ma conviction personnelle est que les deux formes de société , ainsi que de nombreuses variantes, seraient expérimentées, en l’absence de gouvernement, dans différents lieux selon les instincts et les conditions matérielles des habitants, mais que ces deux objections fondées devraient être laissées au choix. Seules la liberté et l’expérimentation sont en mesure de déterminer les meilleures formes de la société. Par conséquent, je ne me qualifie plus autrement que comme « anarchiste » tout simplement.

Je ne voudrais pas cependant que le monde pense que je suis une « anarchiste professionnelle ». Les gens ont de l’extérieur de curieuses idées à notre sujet, comme par exemple, que les anarchistes ne travaillent jamais. Bien au contraire, les anarchistes sont presque toujours pauvres et il n’y a que les riches qui vivent sans travailler. Et non seulement cela mais nous croyons que chaque être humain sain choisira, par les lois de sa propre énergie, de travailler, mais certainement pas comme maintenant, puisque actuellement il n’existe que peu d’opportunités pour trouver sa vraie vocation. Donc, je suis professeur de langue, moi qui en toute liberté, en aurait choisi autrement. Il y a une douzaine d’années de cela, alors que j’étais à Philadelphie sans travail, j’ai accepté la proposition d’un petit groupe d’ouvriers juifs russes d’une usine pour former une classe du soir d’anglais courant. Je savais que derrière le désir de m’aider à gagner ma vie se cachait celui de participer à la propagande de notre cause commune. Mais l’intérêt secondaire devient encore une fois le principal et je suis restée le professeur de travailleurs et de travailleuses depuis ce temps.Durant cette douzaine d’années où j’ai vécu et aimé et travaillé avec ce millier de juifs étrangers auprès desquels j’ai enseigné, j’ai trouvé en eux, en règle général, les étudiants les plus brillants, les plus assidus, les plus prêts au sacrifice, de jeunes rêveurs d’idéaux sociaux. Alors que « l’américain intelligent » l’a traité « d’étranger ignorant » et que l’ouvrier irréfléchi a rendu la vie du « youpin » aussi intolérable que possible, l’homme méprisé s’est frayé silencieusement et patiemment son chemin malgré eux. J’ai vu de mes yeux un tel héroïsme véritable de la part de garçons et de fille, et même d’hommes et de femmes avec des familles, face à l’éducation, qui dépassait les limites de l’imaginable. Le froid, la faim, la solitude, tout cela enduré pendant des années pour se donner les moyens d’étudier ; et, pire que tout, et courant, la fatigue du corps jusqu’à l’ émaciation. Et pourtant, malgré tout cela, l’imagination si fervente des jeunes dont la plupart trouvent encore le temps de se rendre dans différents clubs et cercles où est débattue la pensée radicale, et qui, tôt ou tard, rejoignent soit les sections socialistes, soit les ligues libérales, soit les Single Tax Clubs, ou encore les groupes anarchistes. Le plus grand quotidien d’Amérique Vorwaerts est juif, et les travailleurs les plus actifs et les plus compétents professionnellement sont juifs. Alors, ils se trouvent parmi les anarchistes. Je ne suis pas une propagandiste à tout prix, ou j’arrêterai le récit ici ; mais la vérité m’oblige à ajouter que, les années passant, et la filtration et l’intégration progressive de brillants professionnels aidant, la brume doré de l’enthousiasme s’évanouit et la vieille enseignante doit se tourner vers la camaraderie d’une nouvelle jeunesse, qui veut encore aller de l’avant, les yeux brillants, à travers qui elle voit ce qui a été perdu à jamais par ceux que la réussite ordinaire a satisfait et abruti.Cela fait parfois monter les larmes aux yeux mais, comme le dit Kropotkine, « Laisse-les partir ; nous en avons tiré le meilleur. » Après tout, qui est réellement vieux ?

Ceux qui ont abandonné la foi et l’énergie pour des fauteuils confortables et une vie douce ; pas Kropotkine, avec ses soixante ans derrière lui, garde les yeux brillants et la curiosité ardente d’un petit enfant ; pas le fougueux John Most,[5] « le vieux de la vieille de la révolution, »intact après ses dix années d’emprisonnement en Europe et en Amérique ; ni la grisonnante Louise Michel, avec les aurores du matin qui brillent encore dans son regard vif qui scrutent les souvenirs de derrière les barreaux de Nouvelle-Calédonie ; ni Dyer D. Lum,[6] qui sourit encore dans sa tombe, je pense ; ni Tucker, ni Turner,[7] ni Theresa Clairmunt,[8] ni Jean Grave – pas eux. Je les ai tous rencontrés et j’ai senti la vie jaillissante qui palpitait dans leur cœur et leurs mains , joyeuse, ardente et les jetant dans l’ action. Ce ne sont pas eux les vieux, mais le jeune cœur qui fait faillite dans l’espoir social, pourrissant sur pied dans cette société rassis et sans but. Voulez-vous être toujours jeune ? Alors soyez anarchistes et vivez avec la foi de l’espoir, même vieux. Je doute que tout autre espoir a le pouvoir de garder la flamme en vie, comme je l’ai vu en 1897, lorsque j’ai rencontré des exilés espagnols libérés de la forteresse de Montjuich. Relativement peu de personnes en Amérique connaissent l’histoire de cette torture, bien que nous ayons distribué cinq mille copies des lettres sorties clandestinement de la prison. Et quelques journaux les ont relayé C’étaient des lettres d’hommes incarcérés sur de simples soupçons pour des crimes sur des personnes inconnues et soumis à des tortures dont la simple mention fait frémir. Ils eurent les ongles arrachés, leurs têtes compressées dans des engins métalliques, les parties les plus sensibles du corps serrées par des cordes de guitare, leur chair brûlée au fer rouge ; ils ont été nourris de morue salée après des jours de privation de nourriture et se sont vus refuser de l’eau ; Juan One, un garçon de dix-neuf ans, est devenu fou ; un autre a avoué quelque chose qu’il n’avait jamais fait et au sujet duquel il ne savait rien. Cela ne sort pas d’une imagination horrible. Moi qui écrit ces lignes, j’ai serré quelques-unes de ces mains martyrisées. De manière indiscriminée, quatre cents personnes de toutes opinions – républicains, syndicalistes, socialistes, francs-maçons, aussi bien que anarchistes – ont été jeté dans des donjons et torturés dans le célèbre « zéro. » Faut-il s’étonner que la plupart d’entre eux soient des anarchistes ? Ils étaient vingt-huit dans le premier groupe que nous avons rencontré à Euston Station cet après-midi d’août, vagabonds sans toit dans le tourbillon londonien, libérés sans procès après des mois d’emprisonnement et sommés de quitter l’Espagne dans les quarante-huit heures ! Ils sont partis, en chantant leurs chansons de prisonniers ; et on pourrait voir encore, à travers leurs regards sombres et tristes, l’éternelle fleur de Mai. Ils sont partis pour la plupart vers l’Amérique du Sud, ou quatre ou cinq nouveaux journaux anarchistes ont fait leur apparition depuis et ou plusieurs expériences de colonisation ont été essayé sur un modèle anarchiste. Ainsi la tyrannie se condamne d’elle-même et l’exil devient la pépinière de la révolution.

Il n’éveille pas seulement la conscience de ceux qui étaient jusque là à l’écart, mais la nature même du mouvement mondial est modifié par cette circulation en son sein des camarades de toutes les nationalités. A l’origine, le mouvement américain, sa forme indigène apparue avec Josiah Warren en 1829 était purement individualiste ; un étudiant en économie en comprendra aisément les causes matérielles et historiques. Mais lors de ces vingt dernières années, l’idée communiste a fait de grands progrès, dus d’abord à la concentration de la production capitaliste qui a conduit les ouvriers américains à se saisir de l’idée de solidarité, et, ensuite, à l’expulsion d’Europe des propagandistes communistes les plus actifs. De nouveau, un autre changement est survenu ces dix dernières années. Jusqu’alors l’application de ces idées était limité principalement aux questions industrielles et les différentes écoles économiques se dénonçaient mutuellement ; aujourd’hui une large et réelle tolérance se développe. La jeune génération découvre l’immense étendue de l’idée à travers tous les domaines de l’art, de la science, de la littérature, de l’éducation, des relations sexuelles et de la morale personnelle, aussi bien que de l’économie sociale, et accueille favorablement au sein de ses rangs ceux qui luttent pour une vie libre, peu importe leur domaine. Car c’est cela le sens de l’anarchisme en réalité, la totale libération de la vie après deux mille ans d’ascétisme et d’hypocrisie chrétienne.

Au-delà de la question de l’idéal, il y a la question de la méthode. « Comment proposez-vous d’y arriver ? » est la question qui nous est demandé le plus souvent.La même évolution a eu lieu ici. Auparavant, il y avait les « Quakers » et les « révolutionnaires » ; et ils sont encore là. Mais alors qu’auparavant ils ne pensaient aucun bien l’un de l’autre, ils ont maintenant appris que chacun d’entre eux avait sa propre utilité dans le grand jeu des forces du monde. Aucun être humain n’est une unité en lui-même et, à l’intérieur de chacun, Jupiter fait encore la guerre au Christ. Néanmoins l’esprit de paix se développe ; et même si il serait faux de prétendre que les anarchistes en général pensent que tous les grands problèmes industriels seront résolus sans l’usage de la force , il serait également faux de supposer qu’ils considèrent la force comme désirable, ou qu’elle apporte une solution définitive à tous les problèmes. Une solution définitive ne peut venir que d’une expérimentation pacifique et les partisans de la force le savent et le pensent tout autant que ceux de Tolstoï. Ils pensent seulement que la tyrannie actuelle provoque la résistance. Le succès de « Guerre et Paix » et de « The Slavery of Our Times, » et l’essor de nombreux clubs Tolstoï ayant pour but la dissémination de la littérature de non-résistance, sont les preuves que beaucoup acceptent l’idée qu’il est plus facile de gagner contre la guerre au moyen de la paix. Je suis l’une d’entre eux. Je ne vois pas la fin des représailles si quelqu’un n’arrête pas à un moment de se venger. Mais ne faites pas l’erreur de considérer cela comme soumission servile ou abnégation docile ; j’affirmerai mes droits quel que soit le prix qu’il en coûte et personne ne tranchera dedans sans que je ne proteste.

Des satiristes débonnaires remarquent souvent que « la meilleure manière de soigner un anarchiste est de lui offrir une fortune. » Remplacer « soigner » par « corrompre » et je serai d’accord avec cela ; et ne prétendant pas être meilleure que les autres, j’espère honnêtement que jusqu’ici, mon destin a été de travailler, de travailler dur, et pas pour faire fortune, de sorte que je puisse continuer jusqu’au bout ; laissez-moi préserver l’intensité de l’âme, avec toutes les limites de mes conditions matérielles, plutôt que de devenir la création veule et sans idéal des besoins matériels. Ma récompense, c’est la vie avec les jeunes ; Je marche aux pas de mes camarades ; Je mourrai dans l’attelage, le visage tourné vers l’est – l’Est et la Lumière.

[1] Kropotkine y fut emprisonné de 1874 à 1876. Il raconte cet épisode dans « Autour d’une Vie. Mémoires d’un Révolutionnaire« 

[2] William Wess. Anarchiste anglais membre de la Socialist League de Londres et du groupe Freedom qui a publié un journal du même nom.

[3] Femme de John Turner

[4] Ils sont quatre en réalité ,August Spies , George Engel, Adolph Fischer et Albert Parsons à être pendus le 11 novembre 1887 après avoir été accusés à tort d’avoir posé une bombe au cours de l’émeute de Haymarket Square

[5] Johann Most (1846 – 1906) militant anarchiste, partisan de la propagande par le fait et fondateur de plusieurs journaux anarchistes.

[6] Dyer Daniel Lum, (1839 -1893) avocat de la violence révolutionnaire. A participé à la publication du journal The Alarm en collaboration avec Lizzie Holmes.

[7] John Turner (1865–1934) est un anarcho-syndicaliste, communiste libertaire britannique . Arrêté en 1903 à New-york, il est emprisonné 3 mois à Ellis Island. Il participe comme secrétaire au Congrès anarchiste international d’Amsterdam en 1907

[8] Teresa Clairmunt (1862-1931).Déportée d’Espagne pour activités anarchistes de 1896 à 1898