Avant-propos

      La société, l’origine

      Le passage de la société égalitaire non-coercitive à la société inégalitaire coercitive

      Pouvoir politique et dérive économique c La société primordiale indivisée s’est politiquement divisée établissant une entité de pouvoir hors du corps social. De là fut possible au cours des siècles au gré de l’accumulation de surplus et de richesses, la création d’une caste économique elle aussi séparée du corps social, la société passant d’égalitaire à inégalitaire politiquement et économiquement. Les deux corps séparés marchèrent longtemps en parallèle la main dans la main car ayant besoin l’un de l’autre. L’état-nation despotique et guerrier, machine de conquête et de destruction, de domination et d’assimilation forcée ne put parvenir au faîte de sa gloire qu’aidée par la manne financière résultant d’une accumulation toujours plus grande de richesses dans les mains du plus petit nombre. Jusqu’au XIXème siècle et la 1ère révolution industrielle, il y eut une sorte d’équilibre des pouvoirs politique et économique, tous deux aussi despotiques qu’inégalitaires, mais complémentaires par nécessité. Les décisions politiques impérialistes ne pouvaient le plus souvent être mises en application faute de soutien financier (ce qui endetta les états dès le début) et les velléités d’enrichissement ne pouvaient se concrétiser sans l’aval politique du pouvoir centralisé.

      Tyrannie moderne et fin d’un système anti-naturel corrompu

      Que faire ? La société émancipée, société des sociétés

      Que veut-on dire par “complémentarité” ?

      Comment concevoir cela dans la pratique ?

      En conclusion

      Bibliographie

“Voici mon nouveau pacte avec le monde : les grandes choses finissent, les petites choses perdurent. La société doit de nouveau être unifiée au lieu d’être si disloquée. Regardez la nature et vous verrez que la vie est simple. Nous devons retourner où nous étions au point où nous avons pris le mauvais virage. Nous devons retourner aux fondations principales de la vie, sans troubler l’eau.

Dans quel monde vivons-nous quand un fou vous dit ce qu’il y a à faire…”

~ “Nostalghia”, Andreï Tarkovsky, 1983 ~

Avant-propos

Inégalité galopante, division exacerbée, exploitation sans fin des ressources humaines et naturelles, destruction environnementale exponentielle, oppression, répression, guerres sans fin, terrorisme piloté par les états, pauvreté matérielle, intellectuelle et culturelle, parodies et illusions démocratiques, cirque politique, gouvernance oligarchique, éradication des libertés au profit d’une illusoire sécurité, mensonges et falsifications en tout genre, contrôle et censure de l’information, assujettissement à la marchandise, à l’argent roi et autres turpitudes économico-sécuritaires, sont non seulement les fondations de notre société moderne, mais aussi sont devenus la norme et le standard si peu critiqué d’une organisation humaine qui, depuis quelques décennies ne fait plus que tourner de plus en plus rapidement autour du siphon du tout-à-l’égoût du grand oubli.

Comment en sommes-nous arrivés là ? Était-ce… Est-ce inéluctable ? Est-ce le résultat d’une évolution ? Où va la société humaine ? D’où vient-elle ? Y a t’il une solution ?…

Pour tenter de répondre à ces questions et quelques autres inhérentes, nous vous proposons un bref historique de la société humaine de son aube à aujourd’hui, analysé d’un point de vue socio-politique. Notre analyse, fruit de plusieurs années d’étude et de réflexion individuelles et collectives au moyen d’une littérature abondante alimentant une pensée critique, ne s’embarrassera ni de citations ni de références dans le texte. Nous publions en toute fin, une bibliographie essentielle mais non-exhaustive de ce qui nous a aidé à formuler le présent manifeste, que nous avons désiré être le plus succint et direct possible afin qu’il n’en soit que plus éclairant.

Ce cheminement nous amènera à communément définir le terme de “société”, de comprendre les différentes phases de son existence au cours de l’histoire pour entrevoir le chemin d’une transformation radicale de celle-ci ayant pour but ultime l’émancipation de la société des contraintes induites à dessein pour maintenir la division, outil essentiel de maintien du consensus du statu quo oligarchique en vigueur depuis déjà bien trop longtemps. Nous verrons aussi comment la société à venir, société des sociétés, n’a pas à être inventée, mais être recomposée des expériences passées et adaptée à notre monde dont la technologie doit servir à en faciliter le fonctionnement et non pas l’entraver comme c’est actuellement le cas dans le modèle politico-social sclérosé nous écrasant.

La société, l’origine

L’amélioration constante du mode de vie de l’humain fut rendu possible depuis les quelques un million et demi d’années de son existence par deux choses : son intelligence (faculté des rapports) et la mise en commun des efforts et des récompenses en découlant ; c’est à dire le développement d’une forme d’organisation par l’association, la réunion et la coopération. De là découle le mode d’organisation “en société”, qui n’est pas propre à l’humain puisqu’existant dans le monde animal, mais que l’humain, par sa faculté d’établir des rapports entre la nature et lui-même pour améliorer sa condition (intelligence), a mené sur un chemin qu’il a peu à peu aliéné et dénaturé.

Le mot “société” provient de sa racine latine “societas” voulant dire “association”, “réunion” et son “socius” ou “associé”, “compagnon”. Ainsi la société peut-être communément définie comme étant l’organisation d’un groupe humain ou animal interagissant en coopération les uns avec les autres. L’humain est un animal grégaire, qui dès le départ s’est organisé en communauté. Toutes les recherches archéologiques démontrent par les vestiges retrouvés des temps anciens, que l’humain a vécu en groupe, sauf cas exceptionnels dictés par la nécessité (survie de quelques individus suite à une calamité) ou, peut-être l’obligation (bannissement). On a longtemps pensé que la toute première structure collective humaine était fondée sur la famille. Il n’en est rien, la famille, en tant que construction sociale, est bien postérieure au groupe, au clan. La famille s’établit dans le cadre de rapports fixés par certaines conventions entre l’homme et la femme et la reconnaissance d’une linéarité de la descendance. Il a été établi qu’au paléolithique, l’échange inter-groupes de femmes et d’enfants dans un souci d’équilibre démographique, était une pratique courante. Il n’y avait pas de notion d’appartenance particulière, de plus très tôt, l’humain a œuvré afin d’éviter une dégénérescence consanguine et donc toute relation incestueuse. Ceci fut d’une importance capitale pour la suite de l’évolution.

Ainsi la recherche archéologique et anthropologique a permis de mettre à bas quelques mythes tenaces dont nos ancêtres paléolithiques et antérieurs furent affublés à des fins le plus souvent idéologiques, tels que : les sociétés organisées de chasseurs-cueilleurs vivaient dans la précarité, dans la peur constante de la faim et du manque de tout, en lutte permanente contre les éléments, en compétition avec d’autres groupes humains, ceci générant des “guerres” incessantes, qu’elles passaient le temps non occupés à la subsistance à “guerroyer” pour s’approprier les femmes des autres groupes, etc, etc…

Si tout ceci a été prouvé du ressort de la mythologie concernant nos lointains et plus proches ancêtres, il n’en est pas moins vrai que se pose très rapidement une question pour ne pas dire LA question essentielle liée à toute association humaine organisée et ce quelque soit la période historique concernée : la question du pouvoir.

Peut-on envisager la question de la société sans envisager la question du pouvoir ? Qui, dans un groupe volontairement organisé, associant des individus au sein même d’un groupe mais aussi au sein de différents groupes partageant les mêmes ressources, va prendre les décisions ? L’histoire de l’humanité se confond en cela avec l’histoire du pouvoir politique. La question de la société peut sans aucun doute être ramenée à la question du pouvoir politique. Le pouvoir étant entendu comme la capacité individuelle et/ou collective à une action concertée.

Aujourd’hui, la confusion a été organisée à dessein de façon à ce que la vaste majorité des gens confonde pouvoir politique, société et état. Ainsi pour la plupart des gens, l’idéologie en place a rendu ces trois termes quasiment synonymes. Or, il n’en est rien, en effet la société humaine date de plus d’un million d’années tandis que l’État, dans son organisation institutionnalisée, date d’environ 5000 ans. Le pouvoir politique quant à lui est immanent à la société humaine de sa plus petite à sa plus grande échelle. Toute société, toute association organisée dont les individus interagissent de manière coopérative, connaît la question du pouvoir politique, de la capacité décisionnaire d’un groupe pour agir en toute circonstance. Ainsi la question n’est pas d’envisager des sociétés qui seraient avec pouvoir et d’autres sans ; mais de considérer la forme que prend le pouvoir politique inhérent à la société humaine. Il ne peut prendre que deux formes possibles : une forme non-coercitive et une forme coercitive. Il y a donc un pouvoir politique non-violent et un pouvoir politique violent. La société humaine a fait et fait toujours l’expérience de ces deux formes de pouvoir. Si le pouvoir politique est associé avec la société (et inversement), l’affaire de la coercition devient une affaire de première importance pour comprendre les rouages du pouvoir. De plus, une question surgit : est-ce un phénomène évolutif irréversible ou peut-on passer de l’un à l’autre selon certaines circonstances ?

Pour mieux comprendre de quoi il retourne, il convient de faire un bref récapitulatif de l’histoire de la société humaine depuis son existence scientifiquement reconnue il y a quelques 1,8 millions d’années. Les traces archéologiques de l’humain remontent à Homo habilis et Homo erectus. L’espèce humaine a changé en s’adaptant à un monde lui-même changeant. Toutes les sociétés humaines, ont eu leur mode d’organisation qui n’a que peu changé au cours d’une très longue période de l’histoire de l’humanité. Les recherches archéologiques modernes nous ont donné une bien plus grande connaissance de la structure et du mode de vie des sociétés humaines des pré-néanderthaliens jusqu’à récemment. La période dite du Paléolithique s’étend de - 3 millions d’années à - 15 000 ans, période dite du mésolithique ou de l’épipaléolithique avant cette période dont tout le monde parle : le néolithique (étymologiquement, période de “la nouvelle pierre”, c’est à dire de la pierre polie). L’humain s’est associé et a coopéré en association libre depuis son origine. Si nous prenons la période pré-néanderthalienne qui s’est étalée de -700 000 à -350 000 ans et qui a vu se succéder différentes espèces humaines comme l’Homme d’Heidelberg et l’Homme de Tautavel, l’organisation de la société humaine était fondée sur la base de la chasse, de la pêche et de la cueillette. L’humain était essentiellement un prédateur vivant d’abondantes ressources naturelles dans les périodes climatiquement favorables. Les changements climatiques forçant les groupes humains à migrer vers des zones plus clémentes, cela entraîna certains changements et une meilleure adaptation au milieu naturel. Cette organisation va subsister et se développer jusqu’au néolithique, c’est à dire pendant quelques 490 000 ans. Il est important à notre sens d’avoir présent à l’esprit les longueurs des périodes dont on parle, car cela remet en perspective l’histoire humaine.

Ainsi entre l’ère pré-néanderthalienne et la formation historiquement reconnue des premiers états il y a environ 5000 ans, il s’écoule 695 000 ans. Cela revient à dire que l’humanité a vécu 99,4% de son temps depuis le paléolithique moyen, y compris une bonne partie du néolithique, sans État, sans fonctions centralisatrices, coercitives et répressives. La question qui se pose : ces 0,6% d’organisation étatique à laquelle l’humanité doit faire face depuis environ 5000 ans (contre 695 000 ans depuis le paléolithique moyen) sont-ils un facteur évolutif naturel ? L’État et ses modes de fonctionnement sont-ils inéluctables ou induits ?

Brièvement, la recherche archéologique moderne trace l’humain jusqu’à il y a environ 1,8 millions d’années en Afrique et en Europe. Les premiers ossements d’un humain en Europe, en Georgie (Dmanisi) sont datés de 1,8 millions d’années, comme ceux retrouvés initialement en Afrique, ce qui prouverait que l’humain, notre ancêtre originel africain et européen proviendrait d’une même espèce et non pas d’une migration comme ce fut longtemps suggéré. Notre espèce humaine actuelle d’Homo sapiens sapiens contient environ 4% de l’ADN de l’Homme de Néanderthal, qui fut l’espèce rayonnante entre l’Afrique du Nord et l’Europe entre -150 000 ans et -60 000 quand se développa les espèces proto-Cro-Magnons (proto-Sapiens) puis l’Homme de Cro-Magnon (Homo sapiens) il y a 40 000 ans (les fameuses grottes de Lascaux datant de -23 000 à -19000 ans). L’étude génétique des restes de Néanderthal et de Cro-Magnon montre qu’il y a eu un croisement des espèces à un moment donné de notre histoire et que l’Homme de Néanderthal et l’Homo Sapiens dans sa forme proto-sapiens ont vécu en se côtoyant pendant 40 000 ans (ce qui n’est pas rien !) dans des périodes se chevauchant, spécifiquement dans la période des proto-sapiens il y a 150 000 ans, jusqu’à il y a environ 35 000 ans. Néanderthal et Homo sapiens appartiennent à la même espèce. Il y a eu passage génétique entre Homo neanderthalis et Homo sapiens pour en faire un Homo sapiens neanderthalis. Le savoir et la culture sont une continuité en provenance d’une souche commune et d’une organisation sociétale commune à quelques détails près.

Puis, le paléolothique laissa la place à la période transitoire de l’épipaléolithique (-12 000 à -6500 ans) ou mésolithique, 5500 ans de transition vers le néolithique, qui lui commence de -6500 ans jusqu’à environ -4000 ans. Il se passera encore environ 1000 ans avant que n’apparaissent les premiers états dans ce qui est aujourd’hui le proche-orient. Ce passage est déclaré le plus souvent comme le passage vers la période historique de l’antiquité.

Notons ici que notre système d’organisation actuel considère comme le “début” de l’histoire, celle que l’on “étudie” communément, la période de l’antiquité, période qui vît se développer les premiers états. Tout ce qui est antérieur à cette période n’est plus vraiment du domaine de “l’histoire” mais de celui de la “pré-histoire”. Intéressant et quelque peu manipulateur… L’histoire communément étudiée ne couvre donc que la période “étatique” de la société humaine, la rendant de facto comme la seule histoire officielle digne d’étude. C’est ainsi que pour beaucoup de gens, l’État “a toujours existé” et donc par extrapolation, on ne peut y échapper, c’est notre seul mode de fonctionnement viable, le contester relève ainsi de l’anomalie, voire du “dérangement” mental.

Pourtant, la recherche moderne démontre que chez l’Homme de Néanderthal par exemple, qui a vécu en Afrique et en Europe entre -300 000 et -30 000 ans, c’est à dire pendant environ 270 000 ans, le volume cérébral était quelque peu supérieur à celui de sapiens, mais différente dans sa formation. Néanderthal vivait en clans de 50 à 60 individus sur de vastes étendues. Les clans se rencontraient et coopéraient. Il y avait des échanges, des “passages” d’un clan à un autre à des fins démographiques, des enfants, des femmes changeaient de groupe.

Les évidences archéologiques montrent que Néanderthal était organisé, était en grande harmonie avec la nature, fin chasseur et cueilleur, il commence à enterrer ses morts et utiliser une symbolique post mortem vers -100 000 ans. Dans toute la période paléolithique, il n’y a pas de traces de violence organisée, pas de sépultures collectives de personnes mortes de mort violente. Des squelettes ont été retrouvés portant des traces de fractures en divers endroits des corps, bon nombre de ces blessures se sont cicatrisées ce qui veut dire que non seulement les personnes ne décédèrent pas de leurs blessures, mais elles ne furent ni achevées, ni abandonnées, montrant par là empathie, entraide et certainement un certain degré d’efficacité dans la traumatologie. Ceci s’est prolongé dans l’ère d’Homo sapiens (Cro-Magnon).

L’idéologie dominante aujourd’hui incite à penser que ces temps anciens étaient le domaine de la rareté, de la famine, de la guerre et de la survie permanente des groupes les uns contre les autres. Il n’en est rien. L’humain a naturellement coopéré, la situation démographique l’exigeait certes, mais il vivait dans un monde d’abondance et si querelles il y eut, ce furent essentiellement des querelles domestiques sporadiques, l’essentiel des traumatismes physiques provenant de la chasse et de leurs activités quotidiennes. Il n’y a de fait pas de traces archéologiques de violence collective organisée à grande échelle, ce que nous appelons “la guerre”, avant -10 000 ans. En cela la guerre est antérieure à l’État, celui-ci n’en est pas responsable, l’organisation humaine sous forme étatique n’a pas créé la violence organisée guerrière, mais elle l’a sans aucun doute, développée, codifiée et “raffinée” pour en faire au fil du temps cette machine génocidaire au service des dominants pour maintenir le monde asservi et sous drastique contrôle. Depuis 5000 ans où le plus grand nombre d’humain vit sous une forme de gouvernance étatique, on peut dire sans se tromper que l’étude de l’histoire de l’humanité se confond avec l’histoire de la guerre. Si l’étude de l’histoire moderne, depuis l’antiquité donc, est l’histoire de la guerre, se pourrait-il que l’histoire soit en fait de se demander comment est-on passé d’une forme de pouvoir non-coercitif à une forme de pouvoir coercitif dont l’État est le meilleur représentant ?

Du paléolithique jusqu’à une bonne partie du néolithique, l’humain a vécu en groupes, en communautés nomades et sédentaires, a commencé à se sédentariser et à cultiver dès l’épipaléolithique (-12 000 ans) voire même en toute fin du paléolithique (-14 000 ans) comme le confirme des recherches archéologiques. Les sociétés de chasseurs-cueilleurs ont également cultivé et commencé à stocker des produits notamment avec la découverte du fumage de la viande. Il n’y a donc pas de scission marquée entre un paléolithique archaïque, nomade et précaire et un néolithique abondant et sédentaire. Les sociétés premières proto-historiques et leurs descendantes dans l’ère moderne furent et sont pour celles persistantes jusqu’à aujourd’hui, des sociétés d’abondance à pouvoir non coercitif, des sociétés dont les mécanismes, remontant à l’aube de l’humanité rendent impossible la division de la société en un rapport dominant / dominé. S’il n’y avait pas de chef au pouvoir séparé du corps social chez Néanderthal ou Cro-Magnon, il n’y en a pas non plus dans les formes traditionnelles de sociétés amérindiennes, africaines, et autres continents, ceci comprenant également les anciens Germains et les Celtes, qui alternèrent le non-coercitif et le coercitif au gré des siècles et des circonstances, laissant à penser qu’il est possible de passer d’un mode de pouvoir à l’autre et que tout passage n’est pas irréversible.

Si la période du néolithique a bouleversé l’organisation de la société humaine avec l’extension de la domestication des plantes et des animaux à de vastes groupes se sédentarisant, le passage d’un mode de pouvoir non-coercitif vers un mode de pouvoir coercitif ne semble pas avoir été instantané. Le néolithique a vu la domestication notamment du grain sous ses formes variés selon les latitudes, le blé. l’orge, la maïs, le seigle, l’avoine, le riz etc. En cela, le grain peut vraiment être considéré comme la culture essentielle propice à l’État, car il fixe la population dans un endroit donné, il détermine les superficies des terres cultivées et les rendements par unité de surface ce qui le rend parfaitement et facilement imposable, a l’inverse des cultures de tubercules comme la pomme de terre, la cassave, le manioc etc… Ainsi là où la culture du grain est possible, peut se fonder l’État. La formule classique est de dire que l’Homme a domestiqué le grain au néolithique, il est en fait plus que probable et serait plus juste de dire que c’est en fait le grain qui a domestiqué l’Homme pour en faire à terme, un serviteur, un contribuable de la machine de l’entretien de la division politique sur la terre (arable en l’occurence) : l’État, machine à tirer profit du travail d’autrui pour le petit nombre d’exploiteurs parasites soient-ils petits ou grands chefs, roitelets et plus tard, grand bourgeois monopolisant à terme le pouvoir politique par le pouvoir économique.

Notons que nous n’avons pas encore parlé d’”économie”, pour la simple raison que celle-ci n’a simplement pas existé pendant des centaines de milliers d’années. En cela, la “révolution” néolithique ne provient pas tant de la généralisation de l’agriculture que de sa conséquence intrinsèque : la création et le stockage de surplus, nécessitant inventaire et la circulation de produits, base de ce qui devint le commerce. L’échange et le commerce sont-ils responsables d’un rapport dominant / dominé ?

Y a t’il eu crise entre les possédants et ceux ne possédant pas ? Ce fut certes amplifié par l’avènement du commerce, mais ce n’est pas le commerce qui l’a créé. En effet, l’économique n’est pas un facteur directeur initial de la division de la société, pour que la société se divise en possédant et en non-possédant, il faut que par principe, cette division ait été rendue possible au préalable et cette possibilité n’a pas sa source dans l’économique mais dans le politique, c’est à dire dans la fonction même du pouvoir et de la manière dont il est exercé et par qui. En clair, l’économique suit le politique, il en est une dérive. La société primordiale organique est une et unifiée, personne n’a plus qu’un autre, personne n’a plus de pouvoir qu’un autre, les décisions du groupe sont prises consensuellement. Le pouvoir de décision est investi dans le groupe qui pour des occasions spécifiques, se donne un porte-parole (vu par le prisme de notre société à pouvoir divisé, comme un “chef”, un “leader”, un “commandant”) qui n’a aucun pouvoir. En cela la société primordiale est une et indivisée et des mécanismes sociaux sont mis en place pour empêcher que le pouvoir politique ne sorte du corps social et devienne une entité indépendante, ce qui en revanche est constitué et en apparence verrouillé dans notre société moderne régie par l’État, mais est-ce irréversible ?

Depuis les temps reculés du paléolithique moyen jusqu’au début du néolithique, la société humaine s’est organisée sur un mode égalitaire de partage, de collectivisme et de communisme primordial à la fois dans les sociétés de chasseurs-cueilleurs et dans les premières sociétés semi-sédentarisées. Il n’y avait pas de division de la société, personne n’avait plus qu’un autre, personne ne décidait plus qu’un autre. De l’Homme de Tautavel il y a près de 400 000 ans à l’épipaléolithique d’il y a 12 000 ans et au début du néolithique, l’humain a vécu près de 390 000 sans violence collective organisée, sans guerre donc, sans pouvoir coercitif, sans pouvoir centralisé, sans surplus, sans commerce, sans argent, dans des sociétés égalitaires, interagissantes, au développement technique et au savoir-faire grandissant, adaptés aux besoins, coopérantes, en harmonie avec les lois naturelles.

Vers -6500 ans se produisit un changement organisationnel majeur : la formation des premières villes dans la zone dite du “croissant fertile” au proche-orient. Si l’Europe néolithique a vu sa population croître, il n’y avait pas de villes à cette période en Europe, il n’y avait que des agglomérations de clans dans des villages et la société humaine vivait toujours sur un mode égalitaire, en propriété et exploitation communes . C’est au proche-orient que naîtront les premières villes de plusieurs milliers d’habitants. Ces sociétés se sont divisées et ont laissé le pouvoir sortir du corps social pour en faire une entité séparée de décideurs et d’administrés. Le corps social a pris une verticalité qui n’existait pas auparavant et une hiérarchie s’est instituée, créant ainsi la relation de dominant et de dominé. Cette hiérarchie a pu s’imposer de manière guerrière ou de manière religieuse, souvent par une alliance des deux à laquelle viendra s’ajouter le pouvoir du régleur de litige, le juge ; litige qui prendra toujours plus d’ampleur avec l’instauration subséquente d’une hiérarchie économique suite à l’aliénation de la société égalitaire par la propriété privée et la force croissante de la valeur d’échange des produits et des services.

C’est à ce moment précis que l’humanité se retrouve à la croisée des chemins pour son développement de société. Qu’advint-il alors ?

Le passage de la société égalitaire non-coercitive à la société inégalitaire coercitive

L’humain s’est primordialement organisé dans la coopération, la mise en commun de l’effort de survie et du partage de la récolte des fruits de cet effort. Cette organisation multi-millénaires a perduré jusqu’à aujourd’hui dans certaines sociétés humaines que l’anthropologie (la science de l’étude de l’Homme) qualifie de “sociétés primitives” non pas au sens péjoratif d’archaïque, mais au sens de “première, originelle”, des sociétés dont la structure de fonctionnement demeure la plus proche de ce qui animait les sociétés humaines dites “pré-historiques”. L’anthropologie politique a démontré que ces sociétés ne sont en aucun cas des sociétés en “voie de développement”, des sociétés en cours de “maturation” et en attente de la “révélation” endogène ou exogène moderne de la vie organisée sous la forme suprême étatique comme le juge notre société. La plupart de ces sociétés qui perdurent aujourd’hui sur les continents d’Afrique, d’Asie, d’Océanie et des Amériques sont structurées de façon à ce que la division politique entre dominant et dominé ne puisse s’opérer. Ces sociétés maintiennent leur unité en refusant que le pouvoir ne se constitue en une entité séparée du corps social, elle refuse également la mise en place de ce que nous appelons l’économie dans un rapport marchand à la production. Comme toutes les sociétés premières, elles sont des sociétés d’abondance qui refusent le surplus, la surabondance aliénatrice, la spéculation et l’accumulation des richesses, seconde aliénation du pouvoir, l’instauration de la propriété privée, qui par principe fondamental est sans aucun doute le concept le plus anti-naturel qui soit : comment en effet avoir l’audace de décréter de manière arbitraire et donc forcément coercitive, que tel ou tel bout de terre, parcelle de rivière, de lac ou d’océan, appartienne à untel ou untel et par extension à telle ou telle entité politique ou économique despotiquement auto-proclamée, étant la première aliénation économique, rendue possible par la division politique préalable de la société. La propriété est le concept le plus inepte et anti-naturel qui soit, elle ne peut survenir que lorsqu’une intelligence a complètement perdu contact avec la réalité de l’ordre naturel des choses. En cela, le vieil adage amérindien qui dit que “la terre ne nous appartient pas, nous appartenons à la terre”, prend toute sa valeur universelle, valeur dont nous nous sommes bien éloignés au fil de la marche de l’aliénation. Pour qu’un tel concept de propriété privée puisse voir le jour dans la pratique, il est d’abord nécessaire que la société perde son égalitarisme en s’aliénant le pouvoir, en lui permettant de sortir de solution du corps social où il était dissous pour le bien commun naturel, en permettant qu’il soit donné à une personne ou un groupe de personne. Une fois le pouvoir politique séparé, il entraîne son avatar économique dans son sillage de division induite. Y a t’il un mécanisme de passage ? Quel en est le mode de fonctionnement ?

Personne n’a vraiment précisément répondu à ces questions, faisons le point sur ce que nous savons.

Les sociétés humaines ont vécu durant des dizaines de milliers d’années sur un mode égalitaire au pouvoir intégré unificateur où la division politique de la société était non seulement inconcevable mais aussi rendue impossible par les mécanismes sociaux muselant la chefferie sans pouvoir, du refus de toute centralisation, de l’économie et de la reconnaissance de la classe guerrière (à partir du néolithique) autrement que par l’octroi de prestige volontairement consenti par le corps social. Or il se trouve qu’à un moment donné de l’histoire, la division politique de la société primordiale fut possible et s’est opérée. Soudain, le pouvoir qui jusqu’alors était un apanage collectif, celui de la décision consensuelle où le chef sans pouvoir ne faisait que s’assurer que la parole et la méthodologie traditionnelles soient respectées, se sépare du corps social pour être inséré dans une entité socio-politique séparée. De société égalitaire une et indivisible, la société se divise entre les dominants et les dominés entre les décideurs et les sujets. Il a été suggéré que cette division est intervenue sur une base religieuse, c’est une hypothèse pour l’heure non confirmée, mais ce qui en revanche est avéré, est que très tôt après la division politique est apparue une alliance nécessaire au maintien de cette division : celle du chaman (homme spirituel/prêtre), du chef de guerre et du gardien de la loi traditionnelle (le chef jusqu’ici sans pouvoir, puis à terme le “juge”).

Jusqu’à ce moment fatidique, la chefferie n’était en rien le lieu du pouvoir et le “chef”, porte-parole gardien de la tradition orale de la société, avait un devoir de redistribution de biens potentiellement accumulés en échange du prestige accordé par les membres de sa communauté. Celui qui parle au nom de tous, celui qui garde et diffuse la parole ancestrale est tenu à la pauvreté extrême en échange du prestige accordé, en cela, il est en perpétuelle dette envers les membres de sa communauté, qui demeure une et indivisée, égalitaire et mettant en pratique un communisme primordial, parce que le pouvoir décisionnaire demeure dans son corps social indivisé. Dès lors qu’une personne, bientôt alliée à quelques autres, parvient à convaincre la communauté d’un caractère “spécial” la concernant, comme par exemple sa capacité à communiquer avec quelque “divinité” que ce soit, alors la relation change, elle passe de relation égalitaire à relation privilégiée, un concept d’exception entre en jeu, concept qui divise le corps social. Si certaines de ces personnes ont pu être bannies voire tuées par leur communauté voulant préserver leur intégrité, il est plus que vraisemblable que l’accumulation de surplus et de certaines richesses dans les communautés du néolithique ait favorisé l’établissement d’une classe privilégiée s’associant au pouvoir dès lors que celui-ci s’était séparé du corps social. L’association des intérêts spéciaux débuta et se consolida avec l’inversion du tribut. Dès lors. celui-ci s’inverse et la communauté est redevable à la caste dominante pour son “attention” et sa protection.

Les premières villes néolithiques du “croissant fertile” du proche-orient mirent en pratique ce nouveau mode de fonctionnement qui s’étendit sur l’Europe avec le développement de l’échange, du commerce et des flux migratoires. Le terreau de l’étatisation de la société humaine était en place et avec lui le passage au pouvoir coercitif dont état et institutions centralisées s’arrogent le monopole. Ainsi le pouvoir sortit du corps social devient violence et autoritarisme.

L’anthropologie politique a démontré que les sociétés premières, y compris celles qui ont perduré jusque dans les temps modernes, ont maintenu leur unité et l’indivision en gérant une situation conflictuelle et d’alliance avec l’Autre, ces groupes eux aussi unifiés en dehors de leur société, les entourant et les côtoyant. En clair, l’union indivisée d’une société était garantie par l’entretien de la différence sur une base déjà ethnocentrique. L’union endogène de chaque société était garantie par la mise à distance des autres sociétés et le maintien d’un antagonisme exogène, fluctuant selon la conjoncture avec des alliances nécessaires essentiellement sur le plan démographique.

Ainsi nous avons défini la société comme étant l’organisation d’un groupe (en l’occurence humain) interagissant en coopération, par extension une société des sociétés est l’organisation libre et non-coercitive de groupes humains interagissant en coopération. Qu’en était-il des sociétés primordiales ? Elles étaient indépendamment unies, mais ne possédaient pas la phase englobante de l’unification de leurs sociétés respectives en une unique entité harmonieuse et cohérente. Pourquoi ? Vraisemblablement parce que la conscience d’être partie d’un grand Tout n’était que balbutiante. Qu’en est-il aujourd’hui ? L’homme moderne en est-il plus conscient ? La réponse est non dans les grandes lignes, non pas parce qu’il n’en a pas les capacités, mais parce que qu’il a perdu, aux alentours du néolithique, le chemin qui y menait. Si l’Homme primordial était plus proche de la nature et des ses cycles, il fut emmené sur le chemin de l’errance politico-sociale à la première croisée des chemins. Il s’est perdu depuis à de très rares éclairs de lucidité près, dans l’histoire humaine plus récente. L’humain primordial a utilisé lui-même la différence et une certaine forme d’agressivité entre certains groupes pour maintenir l’unité de son groupe intrinsèque au détriment de l’harmonie socio-politique exogène. Il a assimilé une violence ciblée contre l’Autre, pour maintenir l’unité, l’indivision de chaque groupe organisé indépendant. Ainsi la société humaine primordiale est devenue un microcosme d’entités sociales une mais séparées. Ces sociétés n’ont pas eu la vision de la complémentarité et de l’inter-dépendance qui eût pu les unir dans un grand Tout politico-social. Sans doute l’heure n’avait-elle pas sonné.

Ainsi, à la première grande croisée des chemins socio-politiques, l’humanité se fourvoya t’elle dans une division sociale donnant lieu pour la toute première fois à une scission marquante de la société entre dominants et dominés, maîtres et sujets, possédants et dénués, relation qui au fil du temps, l’apport de la propriété, de l’inégalité et de l’exploitation économiques aidant, mena aux relations plus marquées de maîtres à esclaves, seigneurs à serfs, rois à sujets, nantis à exploités, institutions et personnels étatiques à administrés, le tout dans une relation de disharmonie patente, de rapports de force, de monopole de la violence et de coercition forcenée aidant le plus petit nombre à imposer sa volonté et son hégémonie sur le plus grand nombre.

La division politique initiale d’une société humaine a renversé la relation de la communauté avec le pouvoir qui, de pouvoir consensuel non-coercitif et collectif, passa aux mains d’une personne ou d’un petit groupe de personnes pour qui la préservation de leurs privilèges soudainement acquis par cette caste fraîchement créée des dominants, devint le centre de leur intérêt dès lors lui aussi séparé du reste de la communauté. La division initiale fut-elle d’ordre religieux ou guerrier ? Nul ne le sait et peu importe. De cette situation entièrement nouvelle, sans aucun doute très tôt également alimentée par la toute aussi nouvelle possibilité de la division économique de la société, découla le terrain propice à la création d’un outil administratif de contrôle, de répression et de perception du tribut que chacun se devait désormais de payer à la nouvelle caste dominante, une forme de pouvoir coercitif séparé du corps social, centralisé et bureaucratique. Nous entrons alors dans l’ère de l’écriture, de la société inégalitaire et du proto-étatisme, qui nous mènera pas à pas et inéluctablement dans ce schéma précis d’organisation sociale, au monstre froid étatico-capitaliste qui nous étreint et nous suffoque aujourd’hui.

Alors que l’Europe néolithique agricole et sédentarisée maintenait un mode de vie rural et de propriété commune, des sociétés de la même époque au proche-orient commencèrent à s’agglomérer dans ce qui allait devenir les premières villes où vivaient des milliers d’habitants (il y a 7 à 8000 ans). Les flux migratoires et le commerce naissant de l’échange des surplus, puis de produits destinés à migrer, amenèrent le concept “citadin” en Europe. Ce changement de mode de vie altéra le rapport même de dominant/dominé puisque les villes devenant peu à peu les centres régionaux d’échange, de commerce et de décisions politiques créèrent une suprématie sur le reste des sociétés rurales, productrices et fournisseuses de denrées et de matières premières. Cette concentration humaine divisée politiquement et économiquement demanda la mise en place d’un mode de contrôle de plus en plus drastique et coercitif pour assurer la pérennité du pouvoir à la caste dominante. Les sociétés humaines étaient en voie d’étatisation et de centralisation bureaucratique. Les premières grandes cités furent sumériennes (dans le sud de l’actuel Irak) puis mésopotamiennes et furent le berceau de la naissance des premiers états de l’humanité, d’abord des cités états, puis au fil des guerres, conquêtes et alliances, des sociétés bureaucratiques à vocation centralisatrice, dirigées par un roi servi par toute une bureaucratie de contrôle politico-économique, notamment sur l’imposition coercitive du paiement par tout à chacun du tribut à l’autorité comme vu précédemment. Il faudra bien entendu des millénaires pour passer des cités aux cités-états de la haute antiquité aux états monarchiques et dynastiques de l’antiquité, du moyen-âge et aux états-nations modernes. Quoi qu’il en soit, quelque soit le mode de gouvernance, il est toujours centralisé ou tend à la centralisation (cela prît des siècles aux royaumes européens comme la France, d’être unifiés par la force sous une bannière unique), bureaucratique, coercitif et oppresseur, utilisant une administration omniprésente (l’écriture s’est généralisée essentiellement à des fins de comptabilité, d’inventaires, d’arbitrages et d’archivage) pour réguler et imposer la volonté dominante. L’État dans son application générale a réussi coercitivement ce que les sociétés humaines autonomes n’avaient pu faire : il a artificiellement unifié et maintenu par la force des sociétés souvent toujours ancestralement indépendantes, au sein de “frontières” artificiellement créées en éliminant pour ce faire violemment les différences régionales, pour forcer les hommes asservis à interagir non plus pour leur bien commun mais pour le bien exclusif de la classe dominante qui s’est consolidée au gré de l’alliance entre le chef guerriers, le prêtre, le juge et bientôt le bourgeois détenteur du pouvoir commercial et financier.

Les Sumériens, Assyriens, Mésopotamiens, Egyptiens de la haute antiquité laissèrent la place à Athènes, Sparte et Rome, dernier empire antique qui céda la place à l’empire chrétien en Europe. Empire qui conquit la plus grande partie du monde pour finir par imposer ses normes sous la forme d’une hégémonie culturelle, politique et économique dont nous vivons aujourd’hui les derniers retentissements.

Néanmoins, toute la période néolithique, vue comme le berceau de la première grande “révolution” humaine, celle de la révolution agricole, qui vit le développement du contrôle des cultures essentiellement céréalières et de la domestication des animaux, s’est déroulée sans la mise en place d’une structure institutionnelle centralisée de gestion de la société, outil coercitif de gestion qu’on appelle “l’État”. Le concept de conglomération citadine s’est peu à peu répandu, créant de plus en plus de disparités et d’inégalités dans les sociétés humaines divisées. La haute antiquité verra l’avènement des premiers états dirigés par des rois et une caste devenue nobilière ; puis viendra le temps des grands empires : perse, égyptien, grec, romain et son successeur direct du “christianorum dominorum” ou empire de la domination chrétienne, qui aura son pendant musulman au proche-orient un peu plus tard. Empires étatiques, coercitifs, esclavagistes, de la domination et de la répression. Malgré tout, l’Europe antique entre 800 et 51 avant notre ère fut peuplée du Danube à l’Irlande de populations celtes et germaines (celles-ci demeurant localisées à l’Est du Rhin), qui vécurent toutes deux sans état, sans centralisation du pouvoir et pour les premières sous une alternance historique entre le pouvoir non-coercitif et le pouvoir coercitif, passant alternativement de périodes égalitaires à des périodes inégalitaires, de chefs sans pouvoir aux chefs avec pouvoir, même s’il était partagé.

Le point commun de toutes ces sociétés à pouvoir coercitif de la haute antiquité à aujourd’hui est sans contestation possible la guerre. Il n’y a pas de preuves archéologiques de violence collective organisée à grande échelle (ce qu’on appelle “la guerre”) jusqu’à il y a environ 12 000 ans. Le néolithique a vu la guerre, le conflit de conquête et de pillage, devenir de plus en plus fréquents, jusqu’à la formation des premiers états qui, unifiant les populations ayant des caractères culturels relativement communs et partageant les mêmes territoires, eurent une fonction unificatrice (coercitive dans un premier temps) de sociétés rassemblées sous un même chef ou roi et donc potentiellement anti-guerre, et qui ont paradoxalement accéléré ce processus de la guerre en la transformant de guerre de règlement de comptes endogènes en des conflits armés exogènes parfois de longue haleine, conflits de conquête et d’annihilation de la concurrence étatique “autre” à des fins hégémoniques de domination politique, économique, culturelle et religieuse. A ce titre, l’État c’est la guerre. L’histoire de l’État se confond avec l’histoire de la guerre.

Les recherches anthropologiques nous apprennent que dans les sociétés à pouvoir non-coercitif, le corps social reconnaît un certain prestige aux guerriers, prestige qui devient un devoir de “performance” jusqu’à la mort du guerrier, la société le gardant en mémoire lui et ses exploits, les meilleurs demeurant dans la tradition orale pour la postérité. Ainsi en échange du prestige, le guerrier est-il voué, à terme, à la mort, il représente la mort alors que traditionnellement, la femme quant à elle, représente la vie puisque porteuse de celle-ci. Ceci constitue le mécanisme de préservation des sociétés primordiales contre une éventuelle dictature guerrière. Une fois la société politiquement divisée en un rapport dominant/dominé, très vite les guerriers forment-ils une caste dont la fonction est de protéger le nouveau pouvoir sorti du corps social et ses “chefs” au pouvoir coercitif et despotique par essence et ce moyennant récompense ; ainsi les guerriers et le chef de guerre peuvent devenir les “hommes forts” de ce régime de pouvoir coercitif. C’est ainsi qu’au fil du temps, l’importance prise par la caste des guerriers échafauda peu à peu un rapport nouveau, celui d’un système de dépendance militaire organisée, qui servit de fait à racketter ni plus ni moins les populations rurales tout en tentant de racketter également les populations des villes. Ce système se fondant sur une base centralisée eut des ramifications tant politiques qu’économiques. L’humanité entrait dans le féodalisme.

L’antiquité vit la floraison des cités-état, qui devinrent empires s’enivrant de conquêtes territoriales, politiques et économiques, à la quête incessante d’esclaves à qui le dur labeur incombait. Rome fut la dernière puissance hégémonique européenne avant l’ère de la domination chrétienne et établit officiellement l’ordre hiérarchique patriarcal, le concept du “pater familias”, ayant droit de vie et de mort sur sa famille qui comprenait aussi les esclaves, système qui paracheva l’éloignement de l’Homme européen d’une nature qu’il ne visait plus qu’à dominer et asservir. Ce concept convenait parfaitement aux religions monothéistes dites “abrahamiques” (judaïsme, christianisme et islam dans l’ordre chronologique) qui en firent la base de leur modus operandi de contrôle social en imposant la vision ethnocentrique d’un dieu mâle, autoritaire, commandeur, tout puissant, répressif, intolérant, vengeur et dominateur, manifestement créé à l’image de l’Homme étatique antique, concept qui perdurera dans l’époque féodale qui s’instaure peu à peu en Europe et avec le passage du relais impérial de la Rome byzantine au christianisme. Ainsi s’établissait un nouvel empire : la chrétienté. Les alliances politiques entre chefs de guerre devenus “rois” se firent et se défirent et du moule du contrôle religieux chrétien de la société, sortît alors un régime politico-économique à son image : autoritaire, divisé, paternaliste dans sa symbolique, régime de racket, de la collecte du tribut des humbles dominés, les serfs, par et pour leurs protecteurs armés, seigneurs et nobles, ceux-ci établissant entre eux une hiérarchie artificielle et despotique entre vassal et suzerain : le féodalisme venait de naître.

La recherche moderne a mis en évidence les aspects profonds de l’organisation ancestrale humaine qui est fondée sur la reconnaissance d’une provenance unique, de la congrégation sociale en clans organisés, sans hiérarchie, au refus de la propriété privée, au maintien de l’autonomie, de la propriété collective et d’une organisation non imposée, non-coercitive. Ce mode de fonctionnement est resté en vigueur pendant la plus grande partie de l’histoire de l’humanité. De fait, c’est la notion de famille et le concept “légal” s’y rattachant qui a fini par détruire la société collective humaine. Les anciens Celtes, qui demeurèrent huit siècles en Europe du Danube à l’Irlande ainsi que les populations germaniques n’étaient en rien des sociétés en guerre permanente. Les Celtes alternèrent les systèmes de pouvoir au gré des siècles, les Germains ne voulurent jamais de chefs “commandants” et la question du pouvoir se posa jusque dans la défaite gauloise contre l’empire romain, puisque l’autorité de Vercingétorix était loin de faire l’unanimité, des Gaulois combattant même du côté des Romains. Le monde gallo-romain laissa la place à l’empire chrétien après que l’empereur Constantin eut fait du christianisme la religion officielle de l’empire. L’Europe passa près de 10 siècles à tenter d’ignorer guerriers, chefs de guerre, rois et despotes. Les populations purent le faire grâce à l’organisation des villages. L’institution villageoise et son droit coutumier maintinrent l’indépendance des communautés contre l’oppression centralisatrice des fiefs en formation. A partir du Xème siècle s’établirent plus fortement les règles féodales de domination, mais les paysans maintinrent les deux piliers de leur subsistance au fil des siècles : la possession commune de la terre et l’auto-juridiction selon le droit coutumier directement issu de la loi naturelle.

Les bandes de guerriers s’affrontaient pour le pouvoir régional, des invasions externes se produisaient à intervalles plus ou moins réguliers et jamais les seigneurs féodaux ne parvenaient à protéger les peuples, trop occupés qu’ils étaient à lutter pour le pouvoir et les faveurs royales. C’est ainsi que les plus gros bourgs entreprirent leur fortification pour à la fois protéger la population des armées étrangères mais aussi les protéger des seigneurs locaux. Le concept de la cité médiévale était né.

Loin de nous la volonté de vouloir idéaliser ce que furent les cités médiévales qui évoluèrent pour devenir de grands centres d’échanges et de commerces et donc de richesse et de disparité sociale au gré de leur participation aux ligues, forme associative des cités à travers l’Europe comme la plus célèbre d’entre elles : la ligue hanséatique ; mais il est historiquement évident que les cités médiévales qui connurent leur apogée entre les XIème et XIIIème siècles en Europe, furent des oasis de liberté au sein de la jungle chaotique féodale. Les chartes qui régissaient ces cités tenaient à l’écart les lois féodales, la plupart avaient aboli le servage et l’entraide, la fraternité prévalaient notamment au sein des guildes qui fleurirent à cette époque. Le mot “guilde” est souvent associé à un corps de métier (guilde des tisserands, guilde des menuisiers, des charpentiers, guilde des maçons etc…), mais ces guildes s’étendaient aux groupes de population comme les guildes de serfs, guildes des hommes libres, guildes d’enseignants. Faire partie d’une guilde faisait entrer en fraternité. Les chartes des cités établissaient les communes libres du droit féodal (ceci fut vrai jusqu’au XIVème siècle lorsque les cités laissèrent les loups entrer dans les bergeries et acceptèrent d’ouvrir leurs portes librement aux seigneurs féodaux…). Ces chartes constituaient un serment d’entraide et de confraternité, système antinomique à la domination féodale et à l’asservissement généralisé à la figure patriarcale type en la personne du suzerain et au-delà, du roi. Il fallut plus de trois siècles pour que le despotisme de “droit divin” l’emporte sur le communalisme de droit coutumier et les vestiges de la gestion non-coercitive de la société humaine. Comme c’est souvent le cas, ce fut la corruption interne qui fit chuter l’autonomie des cités médiévales, essentiellement par l’accumulation de richesses par certaines familles qui devinrent toutes puissantes et finirent par s’allier avec le pouvoir féodal, y voyant une opportunité d’extension de leur pouvoir sur le long terme. Les cités médiévales furent le berceau de la bourgeoisie naissante avec l’essor du commerce, favorisé par les associations libres des ligues. Ainsi les cités médiévales finirent par devenir des cités-états, mais ne pouvaient le faire de manière centralisée, les cités étaient traditionnellement construites en sections, chaque section représentant les corps de métiers, librement associés, chaque section étant indépendante, sa guilde ayant son propre corps social et assemblée. Dans les plus grandes cités médiévales comme Venise, Novgorod ou Pskov, chaque section était politiquement indépendante des autres, prenait ses propres décisions pourvu que celles-ci restent en accord avec la charte générale de la citée. Les objectifs des cités médiévales étaient la garantie de la liberté, de l’auto-administration de sa population et la paix. Elles furent la combinaison d’une double fédération : celle des individus au sein des guildes des corps de métiers ou d’affirmation sociale et celle de familles unifiées dans de petites unités territoriales : les rues, les quartiers, les paroisses. On retrouvera plus tard cette organisation fraternelle de l’entraide dans le Paris des sections durant la révolution entre 1790 et 1793. Ceci correspond à une adaptation du mode naturel d’organisation de l’humain vivant en société. Ce mode organisationnel exclut le pouvoir coercitif, naturellement vu comme anti-naturel et despotique.

Ce système organisationnel s’est vu développé au fil des siècles dans toute l’Europe, mais fait aussi partie du fond commun de l’humanité, puisqu’au delà du temps et de l’espace, des sociétés humaines adaptèrent ces concepts ancestraux à leur mode de vie en Afrique, en Asie, en Océanie et sur le continent des Amériques. Il y a de fait de grandes similitudes entre les cités médiévales européennes et les sociétés traditionnelles villageoises africaines, celles de la Kabylie, des sociétés des steppes d’Asie centrale et des Indiens des Amériques dont les clans s’associaient librement, formaient conseils, de clans et de nations dans des sociétés au pouvoir non coercitif, à la chefferie sans pouvoir.

La chute de la cité médiévale européenne fut consommée avec l’alliance des plus riches familles des guildes marchandes ayant renversée le contre-pouvoir représenté par les guildes artisanales, avec l’église et les seigneurs féodaux locaux. A terme, la cité médiévale fut de plus en plus incapable de protéger la paysannerie alentour dont elle dépendait pour sa subsistance. Cette paysannerie, constamment rackettée pour entretenir des guerres interminables, bascula dans le camps féodal et chercha la protection royale et des grands princes des royaumes dont elle faisait partie. L’union de la bourgeoisie marchande des villes avec les barons, seigneurs locaux mit un terme, vers le XIVème siècle, aux oasis politiques que furent les cités médiévales, mais paradoxalement, en poussant la paysannerie qu’elle ignorait ou méprisait dans les bras des grands princes des royaumes, cette même bourgeoisie aida grandement à construire la centralisation étatique qui vit le jour avec les états-nations vers la fin du XVème siècle et au XVIème siècle. Au fil des siècles et de l’histoire, il est devenu évident que la question sociale est de fait une question agraire, une question de la terre et de la propriété commune. La rébellion des cités médiévales contre le pouvoir féodal échoua au bout du compte parce que la disparité économique, l’accumulation des richesses et les alliances de pouvoir amenèrent les castes dominantes à négliger et à ostraciser la paysannerie. Il devrait pourtant être parfaitement clair que toute société ne peut survivre sans satisfaire le plus élémentaire des besoins : celui de se nourrir. La révolution française a commis la même erreur, ainsi que les révolutions russe, chinoise au XXème siècle en s’aliénant grandement les moissonneurs de la terre ; seule la révolution sociale espagnole de 1936 a intégré la paysannerie, tout comme les mouvements révolutionnaires des Amériques issus de la tradition autochtone.

Bien avant ces évènements, la cité médiévale a privilégié le commerce et l’industrie et donc l’accentuation de la division sociale dans la société au détriment de la voie du milieu fédéraliste. Elle le paya par sa mise sous le joug définitif de l’État et de ses institutions annihilatrices de la liberté. Les chartes des communes garantissaient la liberté, l’indépendance, l’auto-administration et la paix pour leurs populations. Leur chute amena l’avènement de l’État centralisé et de ses inévitables corollaires : la limitation de la liberté, la gestion bureaucratique et la guerre quasi perpétuelle, nécessité absolue pour la survie et l’expansion de l’État outil implacable du pouvoir coercitif dominant.

Dès lors, l’état centralisé avait le champ libre et arriva à sa réalisation historique durant la période dite de la Renaissance, qui vit aussi l’extension de l’empire chrétien par ses conquêtes de domination dans le monde dont nous subissons toujours les conséquences aujourd’hui. Lorsqu’au XVIème siècle, l’état monarchique repris en main les cités, ses administrateurs s’assurèrent que les institutions des guildes soient détruites, que l’auto-gestion et l’auto-juridiction des cités soient éradiquées et les serments de fraternité entre membres de guildes déclarés crimes contre l’état et sa nomenclature de castes. L’État s’assura également de la fin de la propriété commune des sols, s’empara des terres pour les redistribuer essentiellement aux nobles propriétaires, ce qui servait également à gagner des allégeances royales.

En Angleterre, en France, en Allemagne, en Italie, en Espagne, les guildes furent anéanties, sévèrement réprimées, forcées pour certaines à maintenir leur activité et leur fraternité secrètes, les terres confisquées, la loi étatique fut imposée partout et les institutions politico-juridiques rendirent la justice en lieu et place des pairs des cités désignés sur la base du droit coutumier. Seule l’Angleterre parvint à maintenir une certaine prévalence de ce droit (Common Law), qui peut toujours être en vigueur dans les pays anglo-saxons de nos jours.

L’église a certainement contribué à aider à la destruction de l’ancien paradigme qu’elle jugeait de résonance “païenne” et qui portait ombrage à son autorité absolue. En effet, la société traditionnelle humaine est fondée sur l’entraide, la coopération, l’observation et l’acquiescement aux lois naturelles, l’auto-organisation, l’auto-juridiction, toutes choses absolument anti-thétiques à l’ordre religieux et aux postulats de l’église qui affirme que tout ce qui peut être bon en l’Homme ne peut avoir qu’une origine divine. Il est évident que la société humaine est très largement antérieure à la religion, à toute forme de religion, à l’État et à toute forme coercitive de pouvoir, ainsi pour imposer le pouvoir coercitif, il est essentiel pour l’autorité sortie du corps social et aidée par les institutions de l’état, de faire disparaître le système politico-social naturel à l’humain, celui de la société non divisée politiquement, qui refuse le despotisme du privilège, de la commercialisation des surplus et de la domination d’une petite caste sur les autres membres. La première mesure consiste à les faire disparaître physiquement, la seconde de les effacer de la mémoire collective. Ceci fut un des objectifs de l’étude historique et de son rendu, ne rendre compte que de ce qui sert le système en place et son oligarchie et pour paraphraser une célèbre tartufferie, que l’on cache cette société égalitaire que l’on ne saurait voir.

L’étude anthropologique politique moderne a démontré que les sociétés primordiales au pouvoir non coercitif, société non divisée, n’était en rien des sociétés en “développement” politique, des sociétés “incomplètes” pour lesquelles la réalisation de l’État était en progression. La société primordiale dont certaines se sont traditionnellement préservées jusqu’à nos jours, sont des sociétés qui refusent la division et en cela refusent la centralisation du pouvoir, donc l’État. De fait, la division politique de la société ne doit sans doute pas être vue comme une évolution inévitable de la société humaine, bien que ceci fut et est toujours avancé afin de justifier tous les abus autoritaires possibles et imaginables que nos sociétés ont dû endurer sous l’autoritarisme étatique ; mais plutôt comme une déviance, une erreur de programmation, une “ruse de la raison” diront certains… Il est parfaitement envisageable de concevoir la société humaine comme un être organique dont la division politique initiale ayant permis le terreau fertile à la formation de l’État, outil de gestion des inégalités d’abord politiques puis économiques, est de fait une sorte de cancer (politico-social) la rongeant de l’intérieur. La division de la société ne profite réellement qu’au plus petit nombre ayant le contrôle des moyens de gestion des inégalités afin de garantir à leur caste, et ce mondialement, une sorte de statu quo oligarchique. C’est ce que la structure même de l’État leur permet de faire.

Ainsi, le XVIème siècle et la Renaissance en Europe ont vu l’avènement de la monarchie absolue. De la reconnaissance forcée de l’autorité d’une caste royale et de noblesse, auto-proclamée de “droit divin” et unifiant par le feu et le sang en “nation” des peuples qui luttèrent le plus souvent pour leur liberté et le non-asservissement à une figure autocratique, despotique unique, qu’elle soit locale sous la forme d’un seigneur, ou au sens plus large d’une autorité royale n’ayant eu pendant des siècles que peu de prise sur eux, ce qui ne fut malheureusement pas le cas de l’église. L’histoire quasi incessante des frondes et des “jacqueries” de la période du Moyen-Age à la fin des monarchies, est là pour en témoigner. Il aura fallu près de cinq siècles, pour que par exemple le royaume de France, s’unifie véritablement, par la force des luttes internes et du jeu des alliances, sous la bannière royale. Ceci put également se produire par le jeu de la finance et d’une bourgeoisie marchande gagnant de plus en plus d’influence dans l’ombre par la biais de ses prêts à la noblesse et à l’entité royale.

Ce moment fut sans aucun doute l’apogée de l’alliance entre les chefs (rois et noblesse des nations d’Europe comme la France, l’Angleterre, l’Espagne, le Portugal), l’église (les instances pontificales et le haut-clergé dont les intérêts coïncidaient avec ceux de la noblesse), des “chefs de guerre”, devenus les généraux des armées et la grande bourgeoisie finançant en grande partie les expéditions guerrières et coloniales dès le XVème siècle en Afrique,1492 et la “découverte”, “conquête”, du “nouveau monde”, que l’église s’empressa d’assujettir au nom de la chrétienté (empire, domination chrétienne du christianorum dominorum) et des papes, vicaires du christ, usurpateurs représentants de dieu sur terre et dépositaires de sa volonté et de son pouvoir. C’est dans cette période que se consolida la férule étatique sur les peuples et que les nations devenues tour à tour impérialistes et dominantes, se lancèrent dans une longue vague d’assaut sur le reste du monde, mettant sous le joug, massacrant, réduisant en esclavage les nations païennes du monde et imposèrent par la force, la croix, le gibet et le bûcher, leur hégémonie culturelle chrétienne, ce politiquement, militairement et économiquement.

C’est avec l’avènement des états-nations au XVIème et XVIIème siècles en Europe que s’intensifièrent les guerres de conquête et la course colonialiste des nations chrétiennes européennes à travers le monde. De guerres d’alliance et de désaccords le monde passa à la guerre globalisée de conquête, de domination, à la fois ethnocidaire et génocidaire. Les bulles pontificales du XVème siècle ayant appelé la chrétienté à réduire le monde païen en esclavage et à se saisir des terres des nations autochtones, les états chrétiens s’en donnèrent à cœur joie toujours pour le profit du plus petit nombre : pontes cléricaux, familles royales et grande bourgeoisie d’affaire, armant les armadas et finançant les expéditions de conquête pour la caste privilégiée cléricale et séculière toute puissante dans son monopole.

L’état-nation correspond à l’étape du gommage, de la disparition forcée des sociétés traditionnelles fondées sur la loi naturelle et le droit coutumier qui en a découlé, sur la propriété collective / communale de la terre, et pour la première fois dans l’histoire de l’humanité une machine coercitive centralisée au service exclusif de la caste dominante écrase les peuples du monde. L’état-nation a d’emblée pris la forme despotique de la monarchie de droit divin, institutionnalisant le pouvoir autoritaire dans les mains d’une personne choisie par un dieu aussi sanguinaire et vengeur qu’hypothétique, entourée d’une clique de parasites sociopathes ; choix arbitraire validé par la complicité des charlatans religieux marchant la main dans la main et prospérant de concert au gré des pillages s’opérant dans le monde peu à peu assujetti via un enchevêtrement d’empires clâmant terres et personnes indigènes y vivant. Cette période voit entrer en concurrence les empires portugais, espagnol, français, anglais et ottoman pour la partie moyen-orientale et d’une partie de l’Europe de l’Est. Pour la première fois dans l’histoire également, ces états-nation formant simultanément des empires, sont soutenus par une caste de privilégiés économiques, celle de la grande bourgeoisie qui s’est alliée avec les castes politiques, alliance qui mena à la perte des cités médiévales et des ligues librement associées, pour faire entrer le pouvoir centralisé dans ces oasis d’indépendance que furent les cités.

Pouvoir politique et dérive économique c La société primordiale indivisée s’est politiquement divisée établissant une entité de pouvoir hors du corps social. De là fut possible au cours des siècles au gré de l’accumulation de surplus et de richesses, la création d’une caste économique elle aussi séparée du corps social, la société passant d’égalitaire à inégalitaire politiquement et économiquement. Les deux corps séparés marchèrent longtemps en parallèle la main dans la main car ayant besoin l’un de l’autre. L’état-nation despotique et guerrier, machine de conquête et de destruction, de domination et d’assimilation forcée ne put parvenir au faîte de sa gloire qu’aidée par la manne financière résultant d’une accumulation toujours plus grande de richesses dans les mains du plus petit nombre. Jusqu’au XIXème siècle et la 1ère révolution industrielle, il y eut une sorte d’équilibre des pouvoirs politique et économique, tous deux aussi despotiques qu’inégalitaires, mais complémentaires par nécessité. Les décisions politiques impérialistes ne pouvaient le plus souvent être mises en application faute de soutien financier (ce qui endetta les états dès le début) et les velléités d’enrichissement ne pouvaient se concrétiser sans l’aval politique du pouvoir centralisé.

Ainsi le grand Molière nous présenta t’il en 1670, soit cent dix-neuf ans avant l’évènement, la clef de compréhension intime de la révolution française avec sa comédie du “Bourgeois Gentilhomme”. La révolution française de 1789 fut une révolution bourgeoise. Elle fut la révolution des messieurs Jourdain de France et de Navarre qui, à l’inverse du Mr Jourdain d’origine, se lassèrent des promesses d’accès de quelques uns des leurs à la petite noblesse. Ils se demandèrent ainsi pourquoi continuer à prêter à perte et surtout sans espoir de participation à cette noblesse oisive et condescendante, alors que nous, les bourgeois, qui détenons le pouvoir économique et financier, pourrions très bien gérer l’état-nation au travers de son outil de domination centralisé qu’il faudrait simplement adapter pour illusoirement mettre le peuple dans le sens de la marche ? La révolution de 1789 fut la réponse à cette question. Dès lors que la noblesse concurrente fut mis à bas, il convenait pour la bourgeoisie de désarmer le peuple et à défaut de l’envoyer guerroyer en son nom, au nom d’une “Liberté, Égalité et Fraternité” illusoire et de façade, n’ayant aucune réalité concrète dans une société fondée sur la division politique puis économique et gérée despotiquement au moyen d’un outil de coercition, l’État, qui ne faisait que s’affiner dans sa méthodologie du mensonge et de la domination du grand nombre par le plus petit nombre. Simplement, à partir de ce moment précis entre en compte dans l’équation du pouvoir, un facteur qui ne fera que prendre de l’ampleur : le facteur économique sous sa forme proto-capitaliste dans un premier temps, puis à partir de la 1ère révolution industrielle, celle de la machine à vapeur entre 1790 et 1810 en Angleterre, qui se prolongea sur tout le XIXème siècle, sous sa forme capitaliste et de la mise en propriété privée et de la spéculation sur les résultats, les produits du travail d’autrui, de ceux n’ayant rien d’autre à vendre que leur force de travail.

Dès lors, la grande bourgeoisie de l’industrie, du commerce et de la finance, dorénavant alliée par les liens du sang, devient capable d’acheter pas à pas le pouvoir politique. Ainsi la division politique initiale des sociétés humaines vers le néolithique, mena à la division économique des sociétés. De sociétés égalitaires au pouvoir non coercitif collectif, on passa aux sociétés à pouvoir coercitif dont la caste dominante mit en place les rouages du contrôle institutionnel politique et économique. Le politique cohabita avec l’économique dans une relation d’inter-dépendance, qui prit fin avec l’avènement du grand capital achetant et assujettissant le politique aux désirs de puissance croissants de la caste économiquement outrageusement possédante.

La division politique initiale de la société a permis la relation dominant/dominé et la fracturation de la société entre possédants et associés au pouvoir, dès lors devenu coercitif, d’avec les dénués et assujettis au pouvoir séparé du corps social et qui les maintenaient sous contrôle. Quasiment simultanément se mit en place le système de la propriété privée, institutionnalisant la main mise par le petit nombre d’une grande partie des biens jusqu’ici communs, ceci menant immanquablement à la possibilité de l’accumulation des richesses pour le petit nombre toujours en connexion avec le pouvoir, ce à quoi s’ajouta le mécanisme spéculatif pour le contrôle des marchés et la maximisation de l’enrichissement. Nous devons toujours nous rappeler le fait que l’origine de la division des sociétés humaines est politique avant toute chose. C’est la division politique et la création d’une entité de pouvoir séparé du corps social commun qui a permis la relation de dominant à dominé et a renversé le flot relationnel du pouvoir et du peuple de l’unification vers la division, inversant en cela le sens de la dette du chef sans pouvoir vers la communauté à celui de la communauté envers son (ses) chef(s), s’autorisant dès lors à percevoir le tribut pour les services et la protection “fournis” à ses “sujets administrés”. Ainsi, nous pouvons affirmer que c’est la division qui créa le tyran, le despote. Là où une société humaine ne laisse pas le pouvoir se séparer du corps social, c’est à dire là où une société demeure Une, division, coercition et tyrannie sont rendus impossibles par les mécanismes mêmes d’auto-protection de la société concernée, qui contrôle le pouvoir politique, décisionnaire, en le maintenant dissolu au sein du corps social et procède sous mode consensuel au moyen de conseils, assemblées populaires.

Nous avons vu que l’humanité a vécu quelques 99,4% de son existence depuis le paléolithique moyen sans division politique, sans velléité de domination d’une caste sur une autre, castes qui n’existaient du reste pas, ne pouvant pas exister dans un contexte politique unifié et égalitaire. Ceci peut de fait, parfaitement correspondre à l’état social naturel de la société humaine, qui n’aurait pas évolué dans son passage progressif mais pourtant somme toute assez rapide, à la division proto-étatique puis à l’État, outil de contrôle coercitif et de centralisation d’une caste dominante peu nombreuse sur le reste des populations ; mais n’en serait qu’une dégénérescence contenant en elle-même les termes de son propre échec, de sa propre annihilation et donc finitude.

On pourrait penser que si l’unité d’une société se maintient en rapport avec la reconnaissance d’une différence avec l’Autre, avec les sociétés alentours, elles-mêmes également unifiées en leur sein mais non unifiées en un tout cohérent, il n’en irait pas de même avec les états une fois constitués qui pourraient être vus comme les grands “unificateurs” de l’humanité. Hors, il n’en est rien. L’Histoire moderne de l’humanité de l’antiquité à nos jours n’est que l’histoire de la guerre devenue permanente parce qu’intrinsèque à l’État. Cette violence collective organisée et forcée des uns envers les autres existe de manières de plus en plus consistante depuis un peu plus de 10 000 ans et peut-être associée aux désirs hégémoniques politiques et économiques d’entités elles-mêmes sous contrôle du pouvoir coercitif débridé, devenu par le truchement des luttes et alliances d’intérêts particuliers, conquérant, ethnocidaire, voire parfois génocidaire. L’histoire de la guerre et des conflits de conquête depuis un peu plus de 5000 se calque sur l’histoire de l’État. En cela donc, l’État est la guerre.

Au fil du temps, la caste dominante politiquement et économiquement au sein des états puis états-nations est parvenue à faire fusionner les intérêts, les nécessités économiques avec ceux du politique. D’assujetti et dépendant, l’économique est devenu depuis le XIXème siècle, le moteur entretenant le fossé des disparités de plus en plus large entre les possédants et les dépossédés.

Peut-on alors dire que si s’opérait une réforme des institutions étatiques régissant le politique et l’économique, nous pourrions rendre l’État plus “vertueux”, le ramener à une cohérence humaine ?

La réponse à cette question est négative. Pourquoi ? Parce que la seule cohérence de l’État en tant que système institutionnel de la violence pseudo-légitime et de la coercition est sa nature coercitive par design. Il ne peut exister que par la force et ne peut que favoriser la division de la société afin de maintenir le rapport dominant-dominé, il est l’outil de la préservation du statu quo oligarchique par excellence. L’État est imposé, jamais volontaire, personne n’a jamais accepté l’État et ses institutions de plein gré. De fait, il n’existe que par la force coercitive, puis celle de l’habitude et de la résignation. La seule “réforme” pouvant ramener l’unité au sein de communautés humaines organisées est la disparition de l’État et la dilution de nouveau du pouvoir politique dans le corps social. L’inégalité et la division devenant de nouveau impossibles, l’économique suivrait de manière quasi instantanée pour se dissoudre dans l’égalitarisme naturel inhérent à la société humaine.

De nos jours, la société capitaliste est devenue une société du despotisme de la marchandise, de la tyrannie de l’argent et de la dette par le biais de tous ceux que ces caractéristiques spécifiques contrôlent. Une caste de prédateurs socio-économiques a émergé de la croissance démesurée du règne de la marchandise, des services et de la spéculation, elle-même devenue un outil majeur de la toute-puissance despotique étatico-capitaliste.

Tyrannie moderne et fin d’un système anti-naturel corrompu

Ainsi donc la société humaine est passée de manière générale, de société égalitaire au pouvoir non-coercitif à la société en mode inégalitaire à pouvoir coercitif, ce par la division politique primordiale ayant permis le développement d’une relation de dominant à dominé. La division politique a établi deux castes : la caste de ceux qui détiennent et maintiennent le pouvoir séparé hors du corps social et la caste de ceux qui subissent, obéissent et se soumettent, le plus souvent de force ou du moins parce que le choix égalitaire n’existe plus. Cette division initiale permet l’opportunité, à terme, de l’accumulation de richesses et de biens fonciers, permet le concept de “propriété”. La première appropriation étant celle du pouvoir commun, finalement divisé et accaparé, puis celle de biens, de terres et de prestige, celui-ci n’étant plus accordé par le peuple, mais imposée de manière extrinsèque (force, faste, tromperie et mensonge). Il est ainsi important de garder présent à l’esprit que la disparité, l’inégalité économique n’a pu se produire que parce que la décision de la division politique de la société fut prise en aval par un petit nombre, profitant de circonstances permettant cette division. La division s’est aussi perpétuée au sein de l’activité sociale car une fois devenu possible de passer d’une société d’abondance en mode de production domestique à une société d’abondance relative aux stocks de surplus échappant de plus en plus au contrôle des populations pour se concentrer dans les mains de marchands générant des revenus dans un premier temps redistribués puis dans un second temps, eux aussi accaparés, la société passe alors en mode de production marchand, commercial, qui ne fera qu’accentuer les disparités économiques entre possédants et démunis. L’activité économique crée alors son propre pouvoir qui se développera en parallèle du pouvoir politique. Très vite les deux pouvoirs deviennent complémentaires et ne peuvent plus fonctionner l’un sans l’autre. En effet, si un pouvoir coercitif centralisé ou en voie de centralisation a besoin de ressources économiques pour fonctionner, d’argent pour guerroyer et étendre son influence, il a le pouvoir de réguler commerce et finance, ainsi pour que le pouvoir économique se développe, il lui faut des réglementations propices. De ce fait, le pouvoir politique et le pouvoir économique, tous deux centralisés dans très peu de mains, développent une convergence d’intérêts au fil du temps. On peut dire que les cités médiévales sus-mentionnées, qui eurent leur apogée entre les XIème et XIIIème siècles, parvinrent à établir un équilibre entre le politique et l’économique à la fois de manière interne aux cités mais aussi au travers des chartes associatives qui créèrent les ligues. En deux cents ans néanmoins, l’accumulation de richesses fut telle pour certaines familles, que veulerie, corruption et folie des grandeurs les firent trahir l’équilibre précaire établi et s’associer avec le pouvoir féodal.

L’avènement des états-nations monarchiques dès le XVIème siècle en Europe, parangon d’absolutisme coercitif religieux et séculier, vit également les grandes familles de la bourgeoisie du commerce, devenu dès lors, transcontinental, gagner de plus en plus d’influence. Bientôt les états s’endettent auprès de fonds privés, qui se repaient sur les dividendes des guerres et des pillages, de la colonisation galopante et de ses exactions mortifères à seule fin de profit. Le premier grand renversement du pouvoir absolu de droit “divin” monarchique au bénéfice de la grande bourgeoisie d’affaire se produit donc en France en 1789. Le première révolution industrielle qui voit le jour en Angleterre avec l’invention de la machine à vapeur à la fin de XVIIIème siècle a des répercussions économiques et politiques qui bouleversent le monde. A partir de 1810, le monde occidental passe dans sa phase ultime de domination : la phase capitaliste, la phase de la mise à profit, de la mise sous contrôle financier à la fois du travail d’autrui, de tous ceux qui n’ont que leur force de travail à vendre pour subsister, et des états devenant de plus en plus dépendant des mannes financières et des emprunts privés pour perdurer.

En cela, les guerres napoléoniennes ont marqué un tournant définitif dans l’histoire politique et économique de l’humanité. Pour la première fois dans leur histoire, les pouvoirs coercitifs centralisés étatiques dirigés par une oligarchie aux intérêts politico-économiques convergents sont devenus inféodés aux pouvoirs de l’entreprise et de la finance, qui prêtèrent de l’argent aux deux côtés de la belligérance se rendant de la sorte indispensables pour la suite des évènements et gagnant quelque soit l’issue de la guerre. Ce modèle se répètera jusqu’à son apogée durant l’entre deux guerres et la seconde guerre mondiale.

Depuis lors, toutes les grandes guerres, toutes les conquêtes, toutes les révolutions “réussies” (russe, chinoise pour ne parler que des deux plus connues), les changements de pouvoirs pacifiques et violents, ne purent se faire que par l’intervention directe ou indirecte de la finance transnationale devenue toute puissante afin de préserver ou de subvenir à ses intérêts. Enfin, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, une nouvelle donne déjà bien amorcée dans la période de l’entre-deux guerres, a vu le jour, celle de la fin irrémédiable de l’équilibre précaire qui existait entre le politique et l’économique. La formation du nouvel empire de l’ère moderne : l’empire anglo-américain qui voit son centre nerveux devenir bicéphale entre la City de Londres et Wall Street, sa succursale la plus puissante, a vu la capitulation totale du pouvoir politique des grandes entités mondiales devant le pouvoir économique de la financiarisation absolue via son arme de destruction massive qu’est la dette, l’endettement parasitaire organisé. Finalement, ce qui devait inéluctablement arriver est arrivé : l’achat sans rémission du pouvoir politique des puissances hégémoniques occidentales que sont les Etats-Unis, le Canada, le Mexique, tous les états européens, les états de l’Océanie, ainsi que le Japon, la Chine, la vaste majorité des états d’Amérique du Sud, par le pouvoir économique, en l’occurence, les cartels transnationaux de la finance (banques) et des grosses entreprises. Aujourd’hui, le politique est assujetti à l’économique qui absorbe tout dans un délire total de la tyrannie de la marchandise reine. Tout est marchandise, y compris la vie humaine, l’espace et le temps. Ceci est le résultat direct, au fil de l’histoire, de la division (politique) initiale de la société humaine. Etait-ce inéluctable ? Est-ce réversible ? Où va t’on sur ce chemin ?

Certaines recherches anthropologiques tendent à démontrer que lorsqu’une société devient trop importante en nombre et en densité, l’inéluctabilité de la division et de la création d’un état “unificateur” (par la force) existe. En d’autres termes, la société égalitaire à pouvoir non coercitif ne pourrait exister qu’au sein de petits groupes, qui associés encore et encore, créent des agglomérats d’où émerge le pouvoir séparé du corps social. La foule, contrairement aux petits groupes, serait génératrice d’un pouvoir coercitif pour contrôler son développement. Plus il y aurait de monde et plus les chances de voir des leaders charismatiques se transformer en despotes seraient grandes.

Pourtant, il y a maints exemples au cours de l’histoire de grands groupes n’ayant pas développé ce type de relation sociale de dominant à dominé et ce sur tous les continents, et à des époques différentes. Les recherches archéologiques en Europe ont démontré que les Celtes, par exemple, ont vécu sur ces terres du Danube à l’Irlande depuis environ 800 avant notre ère. Durant cette longue période de près d’un millénaire, l’étude des sépultures a démontré en maints endroits que les Celtes passèrent d’une société égalitaire, sans différences sociales apparentes ceci étant confirmé par les rites d’inhumation des personnes, à des sociétés inégalitaires où les tombes des chefs et des gens importants étaient bien plus richement décorées par rapport au commun de la même époque. Ces périodes se sont produites en alternance ; ce qui veut dire que les Celtes au gré de circonstances à déterminer, passaient d’une société égalitaire à une société inégalitaire et pour des laps de temps conséquents. Le passage de la société égalitaire à la société inégalitaire ne serait donc pas irréversible, mais dépendrait de circonstances politico-économiques. Ce qui en revanche semble être plus probable est le fait qu’une des fonctions importante de l’État, une fois créé (ce qui na jamais été le cas chez les Celtes ni chez les Germains antiques), est d’empêcher par ses mécanismes internes, tout retour à la société égalitaire au pouvoir non coercitif dilué dans le peuple. Là encore, est-ce irréversible ? Sachant que l’origine de l’État remonte à la division politique préalable de la société, là demeure la clef de l’affaire, nous y reviendront dans notre concept du changement futur de paradigme politique.

Où en est la société humaine aujourd’hui ? C’est ce que nous allons tenter d’analyser maintenant le plus brièvement possible afin d’en tirer les fils conducteurs d’une solution au marasme induit par le truchement d’un changement radical de paradigme, non pas en créant quelque chose d’entièrement nouveau, mais en adaptant l’ancien au neuf en faisant preuve d’intelligence par l’adaptation, le propre de l’Homme et donc d’esprit de synthèse au-delà de la critique.

La critique de nos jours va bon train, tout le monde y va de son grain de sel, certains ont fait de la critique et de l’analyse leur gagne-pain… Mais il convient aussi de constater que bien peu de personnes proposent des solutions autres que les sempiternels appels à changer les têtes en haut de la pyramide du pouvoir au gré de cette grande illusion démocratique élaborée par la société du spectacle marchand, cette vaste supercherie qu’est et a toujours été le cirque électoral et le concept fallacieux du vote et du “suffrage universel” pour élire des “représentants” qui si tôt élus échappent à leurs constituants et déambulent au royaume de l’escroquerie et du mensonge institutionnalisés.

Le pouvoir économique a donc fini par acheter, par s’approprier le pouvoir politique. Il lui aura fallu deux grandes guerres mondiales, que ses cadres supérieurs ont volontairement fomentées, pour y parvenir. Les grands pouvoirs industriels et financiers furent derrière la première et la seconde guerre mondiales dont ils sortirent grandement consolidés. De fait, depuis les guerres napoléoniennes, aucune grande guerre n’a eu lieu sans l’aval et la complicité des milieux industriels et financiers, étroitement inter-connectés et aux intérêts convergents. Pourquoi ? Parce que depuis la première révolution industrielle, les états sont sous la dépendance et donc sous la tutelle de la haute finance et de la grande industrie érigées en cartels inter-connectés et qui prêtent sans relâche aux états, contraints par leurs propres régulations, poussées par leurs contrôleurs financiers, à emprunter sur le marché privé de la finance et des banques. Ceci constitue le grand triomphe de l’idéologie de la marchandise reine et de la finance appelée “capitalisme”. Le capitalisme a non seulement enchaîné la masse prolétaire (est prolétaire dans le monde, toute personne n’ayant rien d’autre que sa force de travail à vendre pour vivre, ce qui correspond à environ 99,5% de la population mondiale. prolétariat qui est en lutte permanente avec la classe dominante, artificiellement créée ne l’oublions jamais…) à sa dictature de la dette et de la disparité grandissante, mais également le système de contrôle de la division politico-économique des sociétés : l’État. Nous passerons sur les détails de cet asservissement total s’étant opéré progressiverment, fort bien analysé par ailleurs, pour nous concentrer sur le résultat final, qui est la phase paroxystique du capitalisme : sa mutation en cours en une entité fasciste supranationale que l’élite impérialiste auto-proclamée a nommé à maintes reprises son “Nouvel Ordre Mondial”. Entité qui envisage la fusion de l’outil de contrôle appelé État et sa bureaucratie tentaculaire avec l’entité des cartels financiers et industriels transnationaux, pour former une gigantesque entité étatico-industrio-financière représentant un fascisme trans et supra national.

Il aura fallu moins de deux cents ans à la phagocytose capitaliste pour arriver à son point de saturation final. Les crises économiques fabriquées depuis le XIXème siècle afin de siphonner toujours plus de capital vers le haut de la pyramide à des fins purement spéculatrices de contrôle ont été résolu par des guerres financées et préparées par les contrôleurs du système politico-économique. L’État est une machine de guerre et d’expansion perpétuelle. Il ne peut subsister que par la guerre et la création intermittente d’empires, qui dans l’ère moderne sont contrôlés par les entités de la haute finance. L’empire anglo-américain actuel est contrôlé depuis trois cités indépendantes : la City de Londres (et sa succursale de Wall Street) pour sa partie financière, le Vatican pour sa partie “spirituelle” et Washington DC pour sa partie militaire. Cycliquement, des crises économiques et/ou financières résultent, sont provoquées, par les mécanismes et les contrôleurs du système. A leur paroxysme, ces crises sont résolues par de grandes guerres qui servent plusieurs objectifs en un : remettre les “compteurs économiques” quasiment à zéro, vendre les produits lucratifs nécessaires à la continuation du système : armes et munitions et fournir de grands chantiers de reconstruction après la dévastation, contrats de reconstruction qui tombent bien entendu dans l’escarcelle des suppôts et complices du système politico-économique en place, Ajoutons à cela un point de bonus : toute grande guerre permet l’élimination d’un grand nombre de prolétaires et permet des purges substantielles dans la contestation et la dissidence de tout poil.

Nous subissons depuis fin 2007, la dernière en date des grandes crises financières puis économiques, orchestrées depuis les bureaux feutrées des grandes banques et des cartels industriels. Où en sommes-nous ? Rien n’est résolu bien au contraire. Le transfert, le siphonnage des richesses du bas vers le haut de la pyramide s’est effectué et s’effectue toujours. La dictature de cette création humaine qu’on appelle la “loi des marchés”, création humaine et anti-naturelle par excellence, continue de générer de plus en plus de misère et de disparités, il y a plus de milliardaires que jamais en haut de la pyramide et il n’y a jamais eu autant de misère dans le bas que depuis l’ère de la 1ère révolution industrielle. Tout est marchandise, tout se vend et s’achète légalement ou illégalement, de la miche de pain à l’embryon humain en passant par la drogue, le MP3 d’une chanteuse à la mode et les esclaves pour alimenter les réseaux des industries du sexe et du trafic d’organes ; le tout chapeauté par une oligarchie dont la veulerie n’a d’égal que l’immoralité et la volonté de pouvoir absolu sur tout et en tout.

Aujourd’hui, tous les curseurs sont pointés sur la nécessité d’une troisième guerre mondiale pour remplir une fois de plus les fonctions mentionnées ci-dessus au sujet des grandes guerres. Mais il semble que l’empire soit pris à son propre piège. Depuis 1945, l’oligarchie s’est engagée dans une course au pouvoir, au contrôle politico-économique et à l’armement. La “guerre froide”, créée de toute pièce par cette même oligarchie et qui vit une période de tensions extrêmes entre deux mondes en apparence si différents et présentés de la sorte par l’ensemble de la propagande étatiste mondiale, à savoir le monde occidental “démocratique” et “libéral”, dit “libre” et le monde marxo-communiste dit “totalitaire”, s’est terminée par l’effondrement de l’empire soviétique, empire préalablement financé et mis en place par les mêmes cartels industrio-financiers qui un peu plus tard mirent les régimes fascistes et national-socialistes au pouvoir en Europe occidentale, créant ainsi à terme les deux côtés d’une belligérance future dont ils tireront profit. La course mondiale à l’armement nucléaire, qui fut la grande caractéristique de cette crise induite et très lucrative pour le plus petit nombre de cette “guerre froide”, a vu le monde être régulé par une doctrine stratégique émanant du nucléaire : la dissuasion. Ainsi, il devint impossible d’utiliser l’armement créé sous peine d’annihilation réciproque. Depuis 1945, le monde a vécu des crises et des conflits régionaux, luttes d’influence entre deux blocs politiques en apparence antagoniste, mais en réalité complémentaires, manœuvrés par les cartels de l’industrie et de la finance, des “frères ennemis” n’étant de fait que les deux faces de la même pièce capitaliste de contrôle, avec d’un côté le bloc de la soi-disante “démocratie” dans une société du spectacle grandissante et géré par le “libéralisme économique” et de l’autre, son alter-ego du goulag et de l’immobilisme étatique s’abreuvant à la fontaine du capitalisme d’état, jamais remis en question. Dès 1917, le pouvoir financier des grands cartels occidentaux mettait Lénine et Trotsky au pouvoir en Russie, qu’il fit suivre de Staline et consorts, finançait également Mussolini en Italie, Hitler en Allemagne jusqu’à au moins 1944. Cette même haute finance largua en rase campagne le nationaliste Chiang Kaï Chek en Chine et finit par favoriser Mao Tsé Toung. L’après seconde guerre mondiale vit l’époque du démantèlement d’apparence des colonies européennes en Afrique pour les remplacer par des régimes marionnettes pseudo-indépendants, gérés de l’intérieur et de l’extérieur par des transnationales continuant de piller les ressources. Le temps arriva pour l’oligarchie industrio-financière de mettre toute une série de dictateurs marionnettes au pouvoir dans des pays clefs comme au Chili, en Argentine et au Brésil pour l’Amérique du sud, Israël, l’Egypte, l’Iran et l’Irak pour le Moyen-Orient, la Thaïlande, les Philippines et l’Indonésie pour l’Asie du sud-est, Japon et Corée du Sud étant des pays satellites de l’empire. Le bloc de l’Est fit de même avant de se désintégrer en 1991. La tentative de récupération totale de l’ex-empire soviétique par l’oligarchie et affiliés échoua. Le croquemitaine “communiste” ayant disparu, il fallait le remplacer car états et empire ne survivent que par la guerre perpétuelle, son remplaçant fut trouvé dans le “musulman” que les idéologues veulent être fondamentaliste, sectaire, sanguinaire et bien sûr terroriste. Depuis la guerre en Afghanistan contre l’URSS, l’empire avait créé une “base” (Al Qaïda en arabe) de “moudjahidines” pour combattre les soviétiques piégés en Afghanistan. La guerre terminée, ceux-ci furent en partie recyclés, toujours financés par la secte arabe du wahabbisme, dans le “terrorisme international” sponsorisé par l’empire et ses alliés moyen-orientaux. De là ne suffisait-il plus que d’une opération faux-drapeau de grande envergure, un “nouveau Pearl Harbor” comme mentionné par le grand think-tank nouveau-con va t’en guerre du PNAC en 1999, pour déclencher une guerre “mondiale contre le terrorisme” (qui ne peut exister qu’avec la complicité des états) perpétuelle. Et le 11 septembre 2001… se produisit effectivement un “nouveau Pearl Harbor”. Depuis, le monde est en guerre perpétuelle, il est entré dans la fiction de la “guerre contre le terrorisme”, l’empire anglo-américano-sioniste envahit, renverse et mène des guerres directes ou par procuration, tour à tour sont attaqués l’Afghanistan (qui n’a historiquement jamais succombé à aucune puissance coloniale, pas même le grand empire britannique du XIXème siècle…), l’Irak, le Soudan, la Somalie, la Libye, sont fomentées les révolutions colorées du “printemps arabe” de 2011, l’Egypte tombe, puis la Syrie est attaquée par procuration au moyen d’une armée mercenaire “djihadistes” recrutée, financée, entraînée et transportée au travers des frontières par les forces de l’empire et leurs alliés locaux que sont la Turquie, la Jordanie, Israël, le Qatar et l’Arabie Saoudite. S’ensuit un nouveau conflit par procuration au Yémen. De ce chaos de terrain surgit l’épitomé de la haine fabriquée : Al Qaïda en Irak et au Levant (AQIL), qui deviendra l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) puis finalement l’Etat Islamique (EI) ou Daesh de son acronyme arabe. Le parfait croquemitaine constitué d’une armée de désœuvrés musulmans radicalisés en provenance d’Europe et de pays pauvres et déstabilisés au préalable, recrues formées par les forces spéciales des armées américaine, britannique, française, financés par le fric pétrolier du Qatar, de l’Arabie Saoudite et de leurs régimes théocratiques sectaires, logistiquement aidés dans des camps et bases para-militaires en Turquie, en Jordanie et en Libye (post 2011) et médicalement traités dans les hôpitaux de campagne israéliens sur les plateaux du Golan annexés (comme l’est aussi le reste de la Palestine).

Dans ce contexte de tensions internationales permanentes, de l’implication des grandes puissances sur le terrain au Proche-Orient, vient se greffer une nouvelle crise financière et économique de grande ampleur en septembre 2007 et dont les effets drastiques ressentis en 2008 perdurent jusqu’à aujourd’hui.

La réalité est que le système étatico-capitaliste est depuis un certain temps déjà au bout du rouleau. La marchandise et l’argent roi règnent partout et sur tout ; la dette a englouti nations et particuliers. L’ensemble de l’énorme classe travailleuse exploitée se sous-prolétarise. Le siphonage des richesses vers le haut fonctionne, les riches deviennent de plus en plus riches, les pauvres de plus en plus pauvres, la couche intermédiaire plus aisée, créée par les trente années économiquement “glorieuses” de l’après-seconde guerre mondiale, appelée “classe moyenne”, fond comme beurre au soleil et par dessus tout, les parasites profitant de la financiarisation à outrance de l’économie s’engraissent au point de pouvoir concentrer en le moins de mains possible tous les moyens de contrôle de la société et des ses mécanismes institutionnels. L’état et sa bureaucratie, l’enseignement, l’information, les loisirs, le sport, le spectacle, les grosses industries, la santé, la recherche scientifique, la politique devenue marchandise bien entendue et son grand cirque électoral illusoire pseudo-démocratique revenant distraire le bon peuple à intervalle régulier, l’art, la culture et par extension la vie même des gens en les privant pas à pas de toute liberté individuelle et collective au nom de la sécurité renforcée contre le méchant croquemitaine qui dormira sous nos lits ce soir, soyons-en sûrs.

La société est devenue une cocotte-minute à la soupape fonctionnant aléatoirement. Le monde d’aujourd’hui a été amené cycliquement, en suivant le cheminement de la chaîne causale induite par une petite portion de l’humanité, vers l’inéluctabilité d’un grand conflit purificateur, grand sacrifice par lequel Mammon (allégorie de la veulerie et de la marchandise reine), apaisé, remet les compteurs à zéro et octroie de nouveau à ses grands prêtres la charge de l’exploitation et de la mise à profit. Il existe néanmoins un problème : celui que nous avons vu auparavant, celui de la dissuasion nucléaire. Comment garantir aux oligarques un conflit planétaire majeur sans une annihilation thermonucléaire dont ils seraient également fatalement les victimes ? Cela est impossible pour le moment. Le passage au plan B est donc de rigueur. Quel est-il ? C’est ce que nous allons brièvement voir avant d’analyser comment sortir de ce cycle mortifère qui n’a aucunement lieu d’être.

Ce qui se passe maintenant s’est déjà produit (au moins) une fois dans l’histoire : la mutation d’un empire déclinant vers un autre, ajoutant à sa puissance. Au début du IVème siècle de notre ère, l’empereur romain Constantin 1er (né dans l’actuelle Serbie) réunifie les empires d’Orient et d’Occident et se convertit au christianisme qui devient religion officielle de l’empire. Le dernier empereur romain Théodose imposera le christianisme comme seule religion de l’empire et persécutera toutes les autres. L’empire romain, au bout du rouleau se métamorphose en “saint” empire chrétien : la chrétienté, qui règnera d’une main de fer sur l’Europe et le monde au fil de ses transmissions héréditaires, jusqu’à aujourd’hui. La chrétienté a vu s’enchaîner au fil du temps bien des empires : franc, carolingien puis français, anglais, espagnol, portugais, hollandais, allemand, russe, américain ; leur expansion et saisie de terres et de ressources dans le monde au nom de “dieu” et de monarques despotes de “droit divin” a perduré jusqu’à ce jour. Le dernier empire chrétien en date, l’empire américain (anglo-américain), à l’instar de l’empire romain il y a 17 siècles, est à bout de souffle. Comme nous l’avons vu, le recette moderne pour la continuation d’un empire : la guerre mondiale ne peut plus fonctionner. L’empire se retrouve dans la position de Rome et se doit de fusionner avec un autre empire qu’il a rendu dépendant au fil de temps : l’empire chinois, s’il veut perdurer. Celui-ci fut un empire stable durant des siècles et pas à pas ramené dans le giron occidental en le piégeant au moyen du commerce et de la finance. Ainsi les oligarques en charge des deux côtés de ces empires établis, œuvrent-ils pour fusionner ce qui peut l’être afin d’étendre plus avant l’exploitation globale de la planète et la mise sous contrôle drastique de toujours plus de la population mondiale.

Sous couvert de l’écran de fumée d’une montée des tensions et des conflits en Asie pour donner le change, la haute finance et la grosse industrie impérialistes anglo-américaine et entités satellisées, procèdent à une fusion financière et commerciale ne profitant comme à l’accoutumée qu’au plus petit nombre du haut de la pyramide.

Dans le monde marin, un animal change de coquille protectrice lorsqu’il est gêné dans les entournures du fait de sa croissance : le Bernard l’Ermite (Pagurus bernardhus). Celui-ci inspecte les coquilles vides sur son passage et une fois sélectionnée celle qui le protégera le mieux, il opère un changement de coquille passant de l’ancienne à la nouvelle. C’est du reste à ce moment précis que Bernard est le plus vulnérable. Ce qui est valable pour lui, l’est aussi pour son alter-ego allégorique humain “Bernard l’empire”. Notre Bernard a donc choisi sa prochaine coquille et s’affaire dans les préparatifs du transfert. Ceci est l’alternative, le plan B à la guerre mondiale devenue impossible pour remettre les compteurs politico-économiques si non à zéro, du moins hors de la zone rouge de l’implosion fatale. Lors du changement de “coquille”, Bernard l’empire sera vulnérable. La fenêtre d’opportunité pour l’abattre sera ouverte. Seuls les peuples pourront y mettre un terme. L’ensemble des activités politico-économiques générées par les empires et les pays et donc les peuples qui subissent ces politiques, n’est qu’un jeu, qu’une gigantesque mise en scène fondée sur une illusion rendue ultime : la persuasion qu’il n’y a pas d’alternative, que tout ceci n’est que le fruit de l’implacable logique de la causalité, que rien ne peut altérer le cheminement de l’humanité qui roule à tombeau ouvert (heureuse expression…) sur la voie de son évolution inéluctable, que cette évolution nous a fait passer du stade de la “sauvagerie” à celui de la “civilisation” dont l’État, le mode de production capitaliste et leurs institutions inhérentes, en sont les plus hautes expressions. Or nous avons montré auparavant que le chemin emprunté par l’humanité depuis environ l’époque néolithique, n’est en rien fatalité de l’évolution, mais bel et bien une erreur de choix, une erreur de parcours, émanant de circonstances particulières qui mirent en perspective une opportunité : celle de la division politique de la société. Nous avons montré préalablement que certaines sociétés comme les Celtes anciens et sans aucun doute d’autres sociétés sous d’autres cieux, sont passées alternativement de société à pouvoir non-coercitif à société à pouvoir coercitif. Il semble que le passage de l’un à l’autre soit faisable selon les circonstances. Il n’y aurait donc pas d’irréversibilité du phénomène, mais possibilité de décision selon les circonstances. A terme, la création de l’État, carcan institutionnel de la division politique de la société, a rendu le renversement décisionnaire difficile voire dans une certaine mesure impossible tant que l’on accepte les règles et lois artificielles et imposées à la vaste majorité par la minorité dominante.

Ainsi tout comme la société humaine a développé pendant 99,4% du temps de son existence depuis le paléolithique, des mécanismes de préservation de l’indivision politique et de l’égalité pour maintenir une cohérence sociale, la société humaine fourvoyée dans 0,6% du reste de son existence “moderne”, a inventé les mécanismes du maintien du statu quo de la division et de l’inégalité au profit du plus petit nombre et dont le mécanisme principal est sans aucun doute l’État.

Tout ceci nous laisse donc entrevoir la fenêtre d’opportunité non pas pour un retour à la société primordiale, l’évolution de notre espèce devant être embrassée pour ce qu’elle est : une avancée technologique nous menant ou du moins devant nous mener à une meilleure adaptation à notre environnement et non pas à une guerre et pillage permanents de la nature nous entourant. Personne ne souhaite revenir au paléolithique (bien que ce soit ce qui attend les survivants d’une guerre thermonucléaire…), c’est évident et ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Ce dont il s’agit est de comprendre, d’analyser et d’appliquer les principes universels qui ont émané de nos sociétés primordiales en les adaptant, en faisant du neuf avec du vieux. Il n’y a pas de solutions au sein du système, n’y en a jamais eu et n’y en aura jamais. Changer de paradigme politico-social veut dire de manière évidente, changer radicalement de système de gouvernance, d’interaction entre individus et groupes d’individus. En cela, il n’y a rien à vraiment inventer, beaucoup a déjà été fait au fil des siècles, des millénaires. De sains vestiges de la société communiste primordiale (au sens de la communauté de biens et de décisions) existent toujours de nos jours, ils se trouvent dans les sociétés traditionnelles existant sur les différents continents. Une fois de plus, il ne s’agit en rien de les faire notre et d’espérer que cela fonctionne, chacun a sa culture et son mode d’adaptation, mais d’assimiler les similitudes à adapter à chaque environnement.

Que faire ? La société émancipée, société des sociétés

L’histoire nous montre que toutes les grandes avancées sociales depuis l’antiquité ont été le fait des gens, des membres de communautés qui à des périodes déterminées se sont soulevés et ont lutté contre la tyrannie de l’inégalité organisée. L’histoire nous montre également que ces avancées n’ont jamais été le fait, du moins au départ, de la majorité des gens, mais d’une minorité active, décidée et incorruptible dont les idées et les actions ont suscité l’intérêt, la passion et titillé la raison des masses. L’État et ses forces de coercition servant à maintenir l’entité du pouvoir séparée du corps social n’a pas pour fonction le progrès, mais au contraire d’y mettre un frein, museler la créativité incommensurable de l’humanité et la réduire à ce que son oligarchie en place considère comme essentiel : le profit, qui à son tour permet l’acquisition de toujours plus de pouvoir et de richesse. Le progrès social ultime est ce qui est appelé communément l’émancipation de la société humaine du carcan autoritaire et despotique généré par le maintien coûte que coûte de la division politique et économique.

L’anthropologie politique et les recherches archéologiques associées ont montré que l’état naturel de la société humaine est l’égalitarisme, achevé par le maintien du pouvoir politique dans le peuple, avec les membres de la communauté, là en fait où il est parfaitement soluble et directement utile au bien commun. De ce fait, il est bien futile de vouloir éradiquer le pouvoir en tant que tel, celui-ci étant inhérent à la société humaine comme nous l’avons vu auparavant. Nous devons au contraire nous focaliser sur la réintégration du pouvoir au sein des membres de la communauté interactive ; ceci doit être la priorité essentielle des groupes humains décidant enfin de vivre en intégration complémentaire. Toute autre démarche est utopique, illusoire et sans aucun doute aléatoire, car ne restant que dans le domaine d’un réformisme, vœux pieu piloté de l’intérieur par l’oligarchie et ne menant qu’au maintien d’un consensus du statu quo oligarchique forcé sur les peuples comme on gave les oies.

Quand on parle de “changement”, beaucoup parlent d’égalité ou du moins de la “diminution des disparités”, de rendre le système politico-économique plus “vertueux” en changeant le plus souvent les têtes en charge de nos destinées. Si l’État, ses institutions, gérant directement ou indirectement les institutions du mode de production et de contrôle capitaliste est bien “le plus froid des montres froids”, la base élitiste et inégalitaire par essence de toutes ces institutions rend impossible le concept de “vertu”, d’honnêteté, de responsabilité, d’altruisme et d’empathie. S’il est une autre chose que l’histoire nous a montré et nous montre encore et encore, est le fait qui devrait être acquis pour l’heure, qu’il n’y a pas de solutions au sein du système établi, qu’il n’y en a jamais eu et qu’il ne peut pas y en avoir. Jongler de l’intérieur avec le peu de marge d’action que nous avons pour changer par le vote, c’est à dire par l’illusion fabriquée de croire que le peuple peut encore influer sur les rouages du système en changeant de temps en temps les mécanos et opérateurs de service, en délégant toujours plus le pouvoir à une caste de privilégiés non seulement inféodés au système, mais de nos jours totalement achetée et phagocytée par l’emprise immanente de la marchandise spectaculaire et de ses réseaux de corruption institutionnalisés, n’est en aucun cas une option ; c’est, en revanche, au mieux une naïveté au pire une complicité voire une trahison.

Nous avons vu plus tôt, que l’origine ultime de l’état de délabrement politique et subséquemment économique dans lequel l’humanité se trouve aujourd’hui a pour origine première la division politique de la société, c’est à dire la sortie de solution du pouvoir pour s’établir en une entité séparée du corps social.

C’est à cette croisée des chemins à laquelle nous devons retourner, non pas bien évidemment du point de vue de l’aspect technologique, personne en effet ne prône un retour au néolithique, mais de reprendre le concept à sa source : celui de la relation de la société et du pouvoir, c’est à dire de la fonction décisionnaire collective ne devant prendre en compte que le bien commun afin de maintenir l’humanité sur une certaine linéarité de progression et de développement universel sans que personne ne se décrète être ou avoir plus qu’un autre ; dans un souci constant d’entraide qui ne peut venir que de l’acceptation du fait de notre complémentarité entre individus et entre groupes.

Épisodiquement dans l’histoire, bien des gouttes ont fait déborder les vases et nos sociétés furent agitées de soubresauts, de convulsions politico-sociales qui pour la plupart ont résolu certains problèmes ponctuels et conjoncturels, mais ne résolurent pas le problème fondamental qui divise l’humanité depuis des siècles. Pourquoi ? Parce que les révoltes, insurrections, révolutions qui se sont produites, à de très rares exceptions près (Commune de Paris 1871, révolution sociale espagnole 1936), se sont déroulées sans aucunement remettre en cause les fondements mêmes de cette division politique initiale. Ainsi, chaque révolte, révolution, comme son nom l’indique, ne fut qu’un retour cyclique à l’anormalité sociale, à l’anti-naturalisme induit et inhérent à notre société divisée politiquement. A terme, le consensus du statu quo oligarchique fut maintenu soit parce qu’un pouvoir de caste en remplaça un autre, soit parce que le pouvoir existant récupéra, dilua et finit par corrompre les velléités de changement en cours. Alors d’aucuns diront que renverser la monarchie en 1789 pour mettre le peuple au pouvoir fut un progrès durable pour la société ; ce à quoi il est possible de répondre, que le concept était bien entendu louable, mais que cela ne pouvait réussir que si le pouvoir reconquis avait été redilué dans le peuple et non pas à faire passer le pouvoir politique d’un monarque de droit divin absolu à une clique de bourgeois qui eurent vite fait de sortir le peuple de l’équation du pouvoir. Seule la France des sections communales entre 1790 et 1793 a représenté un potentiel de véritable pouvoir par les conseils populaires, tentative qui fut réprimée et annihilée rapidement par les institutions oppressives de l’état bourgeois en marche. Aujourd’hui, ce qui fut toujours une mascarade républicaine d’illusion de liberté et de pouvoir populaire, n’est plus qu’une coquille vide, un ersatz de monarchie où le roitelet de la république, mis en place lui et la caste parlementaire établissant les lois pour et par les institutions de la haute-finance et de la grosse entreprise transnationales, contrôlées mondialement par quelques familles à la fortune autant incommensurable que tentaculaire, est un larbin en service commandé pour ses maîtres financiers. Croire en toute notion de vertu dans ce contexte inégalitaire par design est au mieux naïf et utopique, au pire servile et complice. Il est vrai que depuis quelques millénaires, l’humain a été dupé de croire que les formes étatique et de l’échange marchand depuis un peu plus d’un siècle, synthétisées dans le rapport de l’État et du capitalisme, sont les aboutissements de l’évolution sociale humaine, que tout cela est inéluctable et que la domination sans partage de quelques uns sur le plus grand nombre est un facteur naturel inéluctable, qu’il est impossible d’envisager quoi que ce soit d’autre et que la servitude volontaire est le moindre mal pour les peuples dont la marge de manœuvre politico-économique déjà infime, s’est réduite à peau de chagrin en quelques siècles.

Or, il n’en est rien.

Tout n’est que construction et facétie auto-persuasive sortant du chapeau magique propagandiste tel le lapin du chapeau claque truqué.

Résumons schématiquement les étapes de la société humaine au fil des millénaires pour mieux comprendre où nous, les peuples, voulons aller, “voulons” ici signifiant ce que la raison nous dicte de faire politiquement et socialement afin de parvenir une société responsable, mature et émancipée, condition sine qua non du succès de la quête du bonheur, universelle à l’humanité, au-delà des divisions fictives induites qu’elles soient d’ordre socio-politique, religieux, économique et/ou culturel.

  • La société première (chronologiquement ancestrale et les sociétés qui de nos jours continuent traditionnellement à refuser leur mise sous-tutelle étatico-capitaliste) : Société originelle, elle est composée d’un corps social unifié, non divisé où le pouvoir appartient à tout le monde, où les décisions sont prises consensuellement, collectivement, directement, ou en conseil après discussion et accord préalable pour les sociétés à plus grande population. Il n’y a pas de propriété privée, la possession individuelle existe mais terres et biens sont communaux en réponse à un mode de production domestique, qui refuse les surplus bien que cela soit déjà possible. Nous sommes dans le domaine de la chefferie sans pouvoir. Chaque société-nation unifiée se positionne en opposition avec les autres vues comme alliées ou ennemies. La contradiction avec “l’Autre”, dans une société auto-suffisante, garantit la non division de la société. L’humanité est composée de sous ensembles unifiées, indépendants les uns des autres, s’alliant ou entrant en conflit selon les besoins. Il n’y a pas d’unification dans un grand tout socio-politique. Le pouvoir dans chaque sous-ensemble est non coercitif et dilué dans le peuple.

  • La société étatique : apparue il y a environ 6 ou 7000 ans pour parvenir à son apogée dite de L’état-nation à partir du XVIème siècle en Europe. Modèle qui fut exporté et forcé au reste du monde sous la contrainte de l’empire de la chrétienté dont l’expansion commença au XVème siècle. L’état-nation est issue de la division politique de la société originelle en deux classes de dominants et de dominés vers le néolithique. Le pouvoir a été permis de sortir de solution de la société et d’être constitué en un corps séparé du corps social. C’est le domaine du pouvoir coercitif, fondamentalement pour maintenir effective la division de la société et de préserver la caste des privilégiés dominante. L’État est l’outil institutionnel forgé pour maintenir la division mais qui est aussi utilisé pour domestiquer les groupes culturellement et géographiquement assimilables pour en faire une “nation”, entité fictive sur une base coercitive de la négation des identités, mais culturellement compatible. L’État résout par la coercition les différences entre groupes résiduels de la société originelle. Il assimile de force et fait en sorte que plus une tête ne puisse dépasser. Il devient un outil de nivellement, qui ne peut survivre que par l’expansion et le “nivellement”, la soumission des “autres”. Nous sommes dans le domaine de la propriété privée, de l’inégalité politique et économique et de la cohabitation nécessaire de deux pouvoirs : le politique décisionnaire et l’économique échangiste issus de la caste des parasites exploiteurs, spéculateurs, accapareurs de richesses, qui au fil du temps, a acheté et achète toujours pas à pas le pouvoir politique pour arriver au paroxysme actuel du “tout économique” où la caste politique est entièrement sujette et soumise à la caste économique. Ces deux pouvoirs sont fondamentalement coercitifs car issus du plus petit nombre opprimant le plus grand nombre par la division. L’état-nation capitaliste depuis le XIXème siècle vampirise le monde et colonise ses moindres recoins. Il arrive au point de non retour où il peut finir en Super Nova socio-politique ou muter en un empire global fasciste transnational. Ce processus est actuellement en cours et a été étiqueté par ses théoriciens : “le Nouvel Ordre Mondial”, paradis des nantis et enfer des démunis. Des deux manières cela signifie chaos, misère et destruction pour nous, les peuples. L’avidité de pouvoir et la volonté de domination hégémonique transforme historiquement certains états en empires, qui implosent tous après avoir emmené mort et destruction dans leur sillage toujours pour le profit du plus petit nombre se maintenant en haut de la pyramide du pouvoir. Cette avidité est inhérente à la structure même de la société divisée, inégalitaire, injuste et liberticide à des degrés divers. Depuis la création de l’État comme machine-outil de la domination, l’histoire de l’humanité se confond avec l’histoire de la guerre. L’humanité depuis le XVIème siècle a coercitivement annihilé certaines différences, assimlé certains groupes en plus grandes entités toujours en conflit les uns avec les autres du fait de la nature divisionnaire induite. Est-ce inéluctable ? Comment en sortir ?

  • La société du futur, société des sociétés : Il y a une caractéristique commune aux deux modes de sociétés précédents : l’antagonisme. La société originelle utilisait l’antagonisme avec la société Autre pour maintenir son unité dans une société harmonieuse mais isolée dans sa bulle. L’état est parvenu à forcer le nivellement des différences de certains groupes pour les assimiler culturellement au sein d’un état centralisé au pouvoir coercitif séparé, plus tard unifié en état-nation, mais toujours en position antagoniste avec l’Autre, l’état voisin. Ce ne fut qu’un glissement de valeurs qui ne pouvait que dégénérer plus avant du fait de son caractère dès lors divisé et coercitif, les peuples étant autant opprimés à l’intérieur que les peuples “conquis”. Il semble au vu de cette analyse qu’il convient de substituer à l’antagonisme une propriété totalement éludée au fil du temps et pourtant fondamentalement naturelle : celle de la notion de complémentarité. C’est sur cette notion de complémentarité et d’entraide que se fondera la société universelle du futur. Examinons cela plus en détail…

La division de la société humaine en dominants et dominés a amené une concurrence exacerbée entre les membres impliqués ; concurrence motivée soit par le désir de maintenir ou d’accroître les privilèges usurpés, soit par l’espoir de pouvoir un jour participer et accéder à ces dits privilèges. Si la biologie et l’anthropologie ont montré que dans certaines circonstances, souvent extrêmes, la compétition entre individus et espèces peut-être un facteur évolutif, il l’est bien moins que la faculté de coopération. La biologie a aussi démontré que la coopération et l’adaptation sont bien plus prédictrices de la survie d’une espèce que sa capacité à lutter et à concurrencer les autres. Il en va bien entendu de même pour l’humain, espèce animale, partie intégrante de l’écosystème terrestre depuis un peu moins de 2 millions d’années. La Nature nous enseigne que tous les animaux qui ont atteint le plus haut degré de développement au sein de leur classification, y sont parvenus par la pratique de l’entraide, de la coopération, de l’adaptation, bien plus que par la féroce compétition. De fait, le besoin de sociabilité du fait de sa tendance grégaire, d’entraide et de soutien de manière générale sont tellement parties intégrantes de la nature humaine, que l’histoire de l’humanité n’a jamais vu, sauf cas vraiment exceptionnels et conjoncturels, de personnes vivre seules ou en familles isolées, se combattant perpétuellement pour leur survie. De fait, l’anthropologie moderne a déterminé que la congrégation humaine, le “clan”, dans toutes ses formes possibles, et non pas la famille, est la forme la plus simple de l’organisation humaine et que le “clan” est la fondation de l’association libre formant les sociétés humaines.

Tant que la société est politiquement indivisée, l’association libre, le consensus et le bien collectif sont de mises. La concurrence n’existe pas dans une société refusant la séparation du pouvoir, l’accumulation de surplus et l’échange autre que le don (certes codifié). L’humanité demeure en son état naturel. Mais si les sociétés humaines non divisées préservent leur unité en opposition à la diversité, elles doivent utiliser le concept de complémentarité et d’inter-relation égalitaire si elles veulent échapper au cycle sans fin de la relation conflictuelle de garantie d’unicité et d’union des sous-ensembles sociaux. Les sociétés primordiales manquaient sans doute partiellement de la reconnaissance d’autrui, elles pratiquaient déjà, par souci de préservation, un ehtnocentrisme qui se voulait salvateur et préservateur de l’unité sociale. Les facteurs de l’évolution rendent finalement caduques les velléités de se préserver de l’Autre, si on accepte le concept de complémentarité nécessaire,

Tout comme l’homme et le femme ne sont en rien antagonistes, mais complémentaires, toutes les associations humaines n’ont aucune raison d’entrer en concurrence dans un monde aux ressources naturelles adéquates et gérables pour l’ensemble de l’humanité pourvu que le concept d’entraide et de complémentarité prévale. Ainsi revenir à la croisée des chemins, celle où nous avons pris le mauvais tournant, doit nous ramener au choix de la non-division de la société et d’épouser la complémentarité de la diversité humaine dans sa capacité de créer et d’interagir positivement sur le monde qui l’entoure.

Ainsi, l’union globale dans la complémentarité ouvrira la porte pour une société humaine inter-reliée, égalitaire, consensuelle, librement associée, où le pouvoir politique sera de nouveau dilué dans ses peuples et où l’économie ne pourra plus être une économie d’exploitation et de spéculation, mais de véritable échange sous le principe fondateur de la complémentarité.

Que veut-on dire par “complémentarité” ?

Lorsqu’on regarde de près les forces de la nature à l’œuvre, on se rend assez vite compte que l’antagonisme pur n’existe quasiment pas. Chaque chose ne trouve pas son “contraire” mais souvent son “complément” sans qui parfois elle n’existerait pas. La sagesse ancestrale chinoise ne dit-elle pas que “l’être et le non-être naissent l’un de l’autre.” Ainsi l’antagonisme est souvent une tromperie ou plutôt un trompe-l’œil (et l’esprit..). Les forces centrifuges et centripètes sont en apparence antagonistes, mais sans leur complémentarité, la mécanique du mouvement serait-elle possible ?… Toute substance naturelle toxique possède son complément curateur dans la nature et même dans la dialectique philosophique, la synthèse pourrait-elle exister sans la complémentarité de la thèse et de l’anti-thèse bien formulée ?… Ainsi peut-on dire que la synthèse est le tout engendré par deux entités complémentaires (thèse et anti-thèse) et non pas antagonistes, est-elle le point d’équilibre de deux antagonismes apparents ?…

Ainsi, dans ce qui nous préoccupe ici, la société primordiale humaine, la société indivisée égalitaire au pouvoir non-coercitif, serait la “thèse” du concept social de l’humanité ne pouvant échapper à la grégarité pour sa survie ; tandis que la société divisée, inégalitaire au pouvoir coercitif en serait son “anti-thèse”. Quid de la “synthèse” ?

Après avoir analysé les deux pendants de ce qui a régit depuis des millénaires la gouvernance politique de l’humanité, nous pouvons dégager une similitude, un facteur commun aux deux côtés de notre “thèse” et de notre “anti-thèse” : la division, l’antagonisme, placé certes en deux endroits différents mais néanmoins en limitant suffisamment les aspects pour générer non pas un manque, un fait incomplet, mais une erreur dans l’appréciation et la décision humaine dans son orientation politique de la société.

En effet, la société primordiale utilise l’antagonisme entre groupes indépendamment unifiés pour maintenir l’unité de chaque communauté ; tandis que la société politiquement puis économiquement divisée unifiera souvent par la force les groupes culturellement “compatibles” pour maintenir des rapports antagonistes avec sa périphérie immédiate et lointaine, ce qui culminera dans l’état de guerre et de conquête permanent qui perdure depuis la création des premiers États.

La Nature et l’évolution ont montré que l’antagonisme est le maillon faible de la chaine évènementielle. La coopération, l’entraide permet d’atteindre de plus haut niveaux d’adaptation des espèces. L’humain n’échappe bien entendu pas à cette règle. Ainsi, tout comme l’enfant antagonise pratiquement tout (de manière induite), l’humanité dans sa prime enfance et son enfance actuelle a également antagonisé l’essentiel de ses relations. L’immaturité politique et sociale se caractérise donc par la relation antagoniste. De là, la maturité politique et sociale implique une sortie de l’antagonisme systématique pour entrevoir la voie de l’harmonie qui est caractérisée par le concept de complémentarité.

La “synthèse” du concept de l’organisation de la société humaine se trouverait donc dans la résolution de la contradiction initiale émanant de sa “thèse” et de son “anti-thèse” par l’acceptation de la complémentarité comme facteur unificateur. Ainsi, en “lâchant-prise” de l’antagonisme pour embrasser la complémentarité, l’humanité synthétiserait-elle son rapport social pour en faire un grand tout cohérent, unifiée de manière universelle, se réconciliant ainsi avec l’ordre naturel, l’équilibre, des choses.

Si le dénominateur commun des pouvoirs non-coercitif et coercitif est l’antagonisme, celui-ci caractérise la phase d’immaturité politique de l’humanité l’enfermant dans le cycle de l’erreur répétée.

Que nous montre l’histoire ?

De constantes luttes sociales, velléités confuses de tenter de résoudre les problèmes créés par la relation factice dominant/dominé, parfois aboutissant à des insurrections voire des révolutions, qui, immanquablement, se retrouvent à nouveau pompées dans le cycle sans fin de la division, de l’étatisme et du capitalisme. Pourquoi ? Parce qu’aucune n’est sortie du cercle vicieux de l’antagonisme. Aucune n’est sortie du carcan institutionnel de la division organisée créant toujours plus avant l’antagonisme permettant le maintien du statu quo oligarchique.

Le but de l’humanité, en tant que congrégation planétaire d’une espèce, est de continuer son évolution. Celle-ci est prisonnière du cercle vicieux de l’antagonisme. Sortir du cercle vicieux, c’est briser la relation antagoniste en la remplaçant par la relation de complémentarité. Ainsi, nous pouvons entrevoir le chemin menant à la maturité politique de notre espèce, à laquelle notre survie est directement liée, aujourd’hui peut-être plus que jamais. Ce chemin consiste en la substitution de l’antagonisme par la complémentarité. En cela, Antagonisme = Division et Complémentarité = Union. La trinité “thèse”, “anti-thèse”, “synthèse” est comprise dans le cercle de l’unification universelle.

La “synthèse” politico-sociale serait donc l’arrivée à maturité politique de l’humanité par la résolution de la contradiction apparente de sa “thèse” et de son “anti-thèse” en lâchant-prise de l’antagonisme pour épouser la complémentarité. C’est alors que la société humaine unifiera ses sociétés indépendantes ré-unifiées non coercitivement par la re-dilution du pouvoir dans leurs peuples, en une société Une… Une Société des Sociétés englobant dans la complémentarité les sociétés unifiées ayant enfin lâché-prise de l’antagonisme aliénant.

Comment concevoir cela dans la pratique ?

De fait, tout part de l’individu qui, en relation organique avec ses origines, décide de revenir à la vie, de s’éveiller à la conscience politique, faisant table rase de tout le fatras socio-économique sous lequel il a été contraint de vivre. Il sera aidé en cela par l’irrésistible et inéluctable marasme et effondrement du modèle socio-politico-économique existant. Nous pouvons comprendre que deux fenêtres d’opportunité se doivent de coïncider pour que l’amorce du changement radical de société se produise :

  • La dégénérescence de l’État et du capitalisme incapables à terme de reproduire son propre modèle et s’étouffant dans les miasmes de sa propre décrépitude prédestinée et…

  • L’avènement de la conscience politique vraie des peuples qui finira de mettre à bas le système étatico-capitaliste anti-naturel, obsolète et moribond.

Dès lors, massivement, les gens s’associeront librement et créeront ce qui fut autrefois l’agencement salutaire et organique de la société humaine : les communes libres et indépendantes. Ces communes s’auto-gèreront non plus selon un pathétique schéma de division politique et sociale, mais dans une harmonie primordiale retrouvée du pouvoir dilué dans le peuple, prenant les décisions ensemble, collectivement par consensus et s’associant lui-même volontairement avec les autres communes et peuples avoisinants. A ce stade, la notion de complémentarité des individus entre eux, des communautés, communes, régions, groupements humains de plus grandes importances deviendra évidente pour de plus en plus de monde. Des inventaires de ressources humaines et naturelles seront effectués et chaque communauté et communauté élargie saura de quoi il retourne et ce qu’il y aura à faire. L’essentiel, dans une société non antagoniste et non concurrentielle, coulera de source sans grand besoin d’argumentation décisionnaire. Comme le modèle économique sera radicalement différent, plus rien ne se fera selon la “valeur”, l’étiquette de prix des choses et des services, ce qui de fait, mine et limite notre système inter-relationnel depuis des millénaires, tout s’effectuera dans un élan de compréhension de la complémentarité universelle. Les sociétés retrouvées seront régies sans pouvoir coercitif, et l’égalitarisme politique et social sera de nouveau en vigueur, ce de manière viable et donc durable, étendue à de vastes espaces communautaires organisées, en attendant d’établir son audience globale par le consensus.

Si nous retirons de l’équation l’inégalité automatiquement engendrée par la division politique puis économique de la société, les sociétés se comporteront de nouveau selon la formule du “à chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins”. Les sociétés librement associées verront clairement que la coopération et l’acceptation de la complémentarité, dans une société sans inégalité, sans coercition, est la meilleure option pour tout continuum de développement. Les mécanismes de division seront éradiqués et ne pourront plus se reproduire dans un paradigme où la division sera abolie, l’unité globale achevée par le remplacement de l’antagonisme immature par la complémentarité, marque de la maturité socio-politique d’une humanité finalement émancipée par sa base et qui aura applati la pyramide hiérarchique du pouvoir coercitif politico-économique.

Il ne nous appartient pas de détailler le système de fonctionnement de cette nouvelle société, car si le principe de base sera une constante, il pourra y avoir de multiples variantes selon les différences culturelles. Énormément de choses trouveront des solutions simples et évidentes au sein même des collectivités, quelques décisions devront être prises par consensus et devront se référer dans la pratique à des assemblées populaires élargies, ce qui ne sera que formalité pour tous les membres œuvrant ensemble pour le bien commun. Ainsi, il devra s’opérer un changement de relation entre les individus et la forme d’institutions adoptées pour gérer la société : de l’analyse, les individus passeront à l’association volontaire pour s’approprier de nouveau les espaces sociaux, politiques ; l’association libre et volontaire étant elle-même fondée sur la notion, le concept de complémentarité et est donc en cela au cœur de la réalisation sur terre de l’émancipation sociale. Le passage en communes libres associées se fera de concert avec une désobéissance civile de masse afin de parallèlement remplacer les institutions obsolètes existantes par les associations libres. De là, ce seront les gens eux-mêmes qui se prendront en main et décideront par et pour eux-mêmes, personne ne peut le faire pour eux.

L’émancipation part des individus qui s’associent librement, ces associations libres forment des communes émancipées qui se confédèrent au sein des régions et de ce qui furent les “nations”. Le nouveau paradigme verra l’abolition des frontières, la libre-circulation des humains, des marchandises et dans une société globale finalement unifiée sous l’égide de la complémentarité, verra se constituer une société des sociétés : un regroupement volontaire à l’échelle mondiale des sociétés humaines diverses, se reconnaissant elles-mêmes comme égales, de nouveaux unifiées dans un paradigme politique au pouvoir non-coercitif qui refusera, en toute connaissance de cause, l’aliénation par la division et s’érigera finalement en la société des sociétés, l’union des sociétés humaines égalitaires volontairement associées s’épanouissant dans la complémentarité de la diversité.

Si l’émancipation de l’humanité ne peut se produire que par la masse de ses membres unie dans un objectif égalitaire commun, l’organisation de la société des sociétés ne se fera que pareillement ; néanmoins il est possible d’en énumérer quelques caractéristiques incontournables.

La société des sociétés sera égalitaire, sans propriété, sans économie aliénatrice, le pouvoir aura été réintégré au sein du corps social, éliminant de ce fait toute pyramide de la hiérarchie induite ; il sera de la sorte redevenu un pouvoir non coercitif, condition sine qua non de la capacité de s’associer librement avec succès. La suppression de la pyramide du pouvoir aura pour effet direct d’insuffler de nouveau dans les sociétés humaines un esprit unificateur. L’esprit d’une société organique lui donne sa cohérence, il ne peut exister que dans le cadre d’une société égalitaire au pouvoir non séparé du corps social. Là où il y a division, l’État remplace l’esprit de la société, l’État remplit le vide laissé par la fuite de l’organique et le remplace par la mécanique coercitive de la préservation des privilèges artificiellement créés. En cela, l’avènement de la société des sociétés, amenant le retour de l’esprit ancestral organisationnel d’une humanité non pas perdue mais égarée en chemin, fera renouer l’Homme avec l’esprit social originel dont la dimension du facteur de complémentarité réalisera pleinement l’unification qui nous est demeurée si élusive. L’État et les institutions tomberont comme des fruits trop mûrs sans armes, ni haine, ni violence.

Ainsi l’État traite les citoyens comme des enfants, il infantilise toute relation. Il a été créé à l’instar de “dieu”, à l’image de l’autorité paternelle. En société étatique, le peuple est jugé incapable de se prendre en compte, de s’auto-gérer. A l’inverse, dans la société des associations libres, les travailleurs de chaque branche d’activité administrent parfaitement les fonctions particulières des tâches sans avoir besoin de l’interférence d’un état ou d’une bureaucratie. L’État maintient suffisamment de division en son sein pour maintenir les castes, tandis qu’en association et commune libres, l’intérêt commun prime et l’emporte sur la division. L’État est le représentant d’une minorité qui affirme avoir plus de compétences que le collectif combiné, en sagesse et en expérience. Il représente l’entité du “je sais tout”, alors que dans des collectifs, chacun profite de l’expérience des autres en relation de complémentarité voire de symbiose. L’association libre favorise la relation de réciprocité qui est inexistante dans l’État. De plus l’État impose des normes à suivre en toute circonstance, sa flexibilité et son niveau de tolérance est proche de zéro ; dans la société des associations libres organisées, la plupart des décisions sont prises en accord avec la conjoncture et en pensant à l’intérêt commun. L’État perpétue et pense légaliser une fiction : celle de la liberté existant en son sein, de la “démocratie” qui n’est qu’un arrangement factice de façade pour satisfaire l’illusion et apprivoiser les citoyens infantilisés pour les rendre obéissants. La société des associations libres colle au principe fondamental de la démocratie : le gouvernement réel du peuple, par et pour le peuple, dans une société au pouvoir dilué redevenu non coercitif, ceci maximisant l’autonomie et toute organisation communale de et pour chacun dans les unités de production et les lieux de vie. De plus, l’État évolue de manière intrinsèque vers le fascisme qu’il soit brun ou rouge. Il est le gardien des privilèges, la machine à maintenir la division dans une illusion de coopération collective. L’association libre élève l’humain au plus haut degré d’humanité possible. Elle promeut intrinsèquement l’individu et par là, l’esprit commun de la société. Les membres de la société deviennent politiquement adultes et responsables. Finalement, l’État est fondé sur un système hiérarchique pyramidal, l’élite auto-proclamée siégeant en son sommet. Les rouages en sont contrôlés par une bureaucratie inepte et tentaculaire, tandis que la société des associations libres promeut l’égalité de fait et aplatit la pyramide pour abolir les liens hiérarchiques, elle est émancipatrice par essence.

La société des sociétés réalisera l’esprit commun à l’humain dans sa fonction inter-relationnelle entre les multiples associations volontaires. De fait, l’esprit jaillit de cette source de volontarisme par essence. L’État n’est jamais volontaire, il est imposé à la masse par la résultante de la division politique de la société : la caste des dominants artificiellement créée. Ce qui caractérise l’esprit de la société, c’est l’unification des concepts humains, l’esprit social constructeur est une compréhension du Tout dans un universel vivant ; c’est en cela que la société humaine, dans son collectif pensant et agissant, est organique, contrairement à l’État, mécanisme de l’aliénation et de la coercition. En passant du mode organisationnel étatique à celui de la société des sociétés, l’humanité passe du non-esprit à l’esprit retrouvé, de la mort à la renaissance sociale. Elle passe de l’éphémère à l’universel. La réalité sociale du vivant est présente en nous à chaque instant, ainsi que l’esprit communal que nous devons laisser émerger de nouveau. C’est en cela qu’un “retour au passé” n’est aucunement de mise, bien au contraire, ce que la société nouvelle fera, est d’adapter les formes anciennes de la structure sociétale humaine aux nouvelles conditions émergentes. Il n’y a rien à inventer, tout pour ainsi dire a déjà été dit et fait, il suffit de dépoussiérer et d’adapter à nos sociétés modernes tout en mettant notre technologie à son service et non pas au service d’accapareurs, de parasites et de criminels usurpateurs. L’humanité est contenue dans chaque individu et elle grandit entre les individus, du moins sera-ce la condition achevée de la société des sociétés, celle ce l’inter-relation entre les individus, la communauté, les communautés élargies et leur complémentarité globale.

De fait, l’inter-relation des communautés atteindra son apogée lorsque sera appliquée la seule réalité objective du corps social humain : la terre et sa mise en commun, sa réapropriation au sein de la communauté organique en bannissant la propriété privée, source primaire de l’aliénation économique.

De ceci résulte que la société des sociétés est de fait un véritable retour à la Nature, un regain de l’esprit disparu et de relations inter-communautés débarrassées des clivages factices générés par le principe institutionnalisé de la division nous régissant toujours actuellement.

C’est alors et alors seulement, que l’humanité trouvera sa finalité ultime, celle d’œuvrer ensemble pour le bien–être et la joie de vivre de tout à chacun, Aussi simpliste que cela puisse paraître, l’objectif final de la société humaine est… la société humaine elle-même, transcendant les limites qu’elle s’est imposée à elle-même en se trompant de chemin évolutif il y a quelques millénaires. Ceci dit, nous savons fort heureusement que cela n’est en rien inéluctable et que toute erreur se corrige parce que solution il y a. La certitude qui se fait jour plus avant est celle-ci : Il n’y a pas de solutions au sein du système en place. Les deux pouvoirs auxquels la société humaine ne peut pas échapper et que nous avons identifié au départ comme étant le pouvoir non-coercitif et le pouvoir coercitif, ont un point commun : l’antagonisme qui peut-être transcendé par la complémentarité acceptée de tous. Notre maturité socio-politique est enracinée dans ce souffle, qui seul établira l’esprit de la société humaine pour les millénaires à venir.

En conclusion

Au cours de cette étude, nous sommes remontés à l’origine de l’organisation politique de la société humaine dont la nature est pour l’essentiel faite de coopération, d’égalité, dans un mode de fonctionnement au pouvoir non coercitif, dilué dans son peuple et dont les mécanismes empêchent la création d’une entité du pouvoir politique séparée du corps social. L’humanité a vécu de la sorte pendant près d’un demi million d’années entre le paléolithique supérieur et le néolithique moyen. A cette période se produisit une scission politique qui vit le pouvoir sortir du corps social pour former une entité séparée de facto créant une caste de dominants régnant sur un grand nombre de dominés. Nous avons suivi l’évolution historico-sociale de cette division initiale jusqu’à la création des premiers états puis des états-nations d’où est sortie l’hydre économique du capitalisme. Nous avons analysé le pourquoi de la dégénérescence programmée du modèle de contrôle social étatico-capitaliste et les solutions entrevues par son oligarchie pour maintenir sa domination sur la vaste majorité de l’humanité.

Ceci nous a amené à analyser les deux systèmes et à identifier leur dénominateur commun : l’antagonisme qui, appliqué à différents niveaux de la société empêche l’humanité d’embrasser sa tendance naturelle à la complémentarité, facteur d’unification de la diversité dans un grand Tout socio-politique organique : la société des sociétés.

Nous avons de là identifié les caractéristiques essentielles de la société organique retrouvée, qui formeront la structure du renouveau politico-social de notre humanité émancipée par et pour sa base.

Sans cet angle de vision, nous demeurons impuissants à l’action directe politique concertée, fondée sur une compréhension élargie de ce qui nous a amené il y a bien longtemps, à prendre le mauvais tournant sur le chemin de notre évolution.

Ainsi, la société des sociétés représente t’elle l’avenir de l’humanité, un avenir qui verra la société humaine s’unifier par la complémentarité bien comprise aux niveaux des individus et au niveau collectif en abolissant la relation immature d’antagonisme ; unification qui se fera au gré des associations libres, des communes, des associations libres de communes, des confédérations régionales et trans-régionales, qui réalisera globalement le bonheur de tous selon la formule d’”à chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins” et où personne n’aura ou ne “vaudra” plus qu’un autre ; une société à pouvoir non coercitif qui réalisera enfin le désir suprême de l’Homme d’être libre et heureux en harmonie avec ses semblables et la Nature, sans conflit interne ni externe.

Nous espérons ce manifeste pour la société des sociétés trouver un écho suffisant chez nos frères et sœurs de la grande congrégation humaine afin qu’ensemble, nous œuvrions pour notre émancipation finale et définitive.

Nous sommes tous inter-reliés… dans la complémentarité du grand tout universel.


F, S, L, J, C, E, B, T de Résistance 71
Octobre 2017


“N’entrez pas en concurrence ! La concurrence est toujours néfaste aux espèces et vous avez énormément de ressources pour l’éviter. Ceci représente la tendance de la Nature, certes pas toujours pleinement réalisée, mais toujours présente. Combinez et mettez toujours en pratique l’entraide. C’est ce que la Nature nous enseigne et c’est ce qu’on fait tous les animaux qui ont atteint la plus haute position au sein de leur classe respective. C’est aussi ce que l’Homme, le plus primitif soit-il, a également fait ; c’est pourquoi l’Homme a atteint la position qui lui échoit maintenant dans l’évolution.”

~ Pierre Kropotkine, “L’entraide, un facteur de l’évolution” ~


“Revenir à son origine s’appelle être en repos.
Être en repos s’appelle revenir à la vie.
Revenir à la vie s’appelle être constant.
Savoir être constant s’appelle être éclairé.”

~ Lao Tseu, “Tao Te King”, XVI”


“Nous arriverons à une véritable humanité dans son sens externe seulement lorsque la réciprocité comme communauté identique sera venue pour l’humanité concentrée dans l’individu et l’humanité grandissante entre les individus. La plante existe dans la graine, tout comme la graine n’est que la quintessence de la chaîne infinie des plantes ancestrales. L’humanité obtient sa véritable existence de la partie humaine de l’individu, tout comme cette partie humaine n’est que l’héritière des générations infinies du passé et de toutes leurs relations mutuelles. Ce qui advint est ce qui devient, le microcosme est le macrocosme. L’individu est le peuple, l’esprit est la communauté, l’idée est le lien de l’unité.”

~ Gustav Landauer, “Appel au Socialisme”

Bibliographie

Ce manifeste est le résultat de plusieurs années de recherche et de réflexion collective. Nous tenons à mettre en bibliographie quelques auteurs, penseurs et acteurs politiques dont les idées et la pensée ont éveillé en nous la flammèche de la volonté de discernement pour une action efficace. La liste ci-dessous n’est en aucun cas exhaustive et ne représente que quelques auteurs, néanmoins importants, dont les recherches et réflexions ont immanquablement suscité un intérêt conjoint. Certains sont connus, d’autres beaucoup moins, tous ont en commun la quête incessante de la vérité afin de construire une meilleure humanité. Nous ne pouvons que hautement recommander leur lecture non seulement pour éclairer plus avant ce manifeste pour la société des sociétés, mais également pour permettre au fil du temps de continuer à affiner réflexion et action de façon à ce qu’idéalement, il n’y ait plus l’épaisseur d’un cheveu entre la réflexion et l’action politico-sociale.

Cette liste a été classée par ordre alphabétique et non pas par “importance”. Personne n’étant plus “important” qu’un autre, cela va de soi… Tous ces auteurs apportent de l’eau au moulin collectif de la mise en place de la société des sociétés.

Bonne lecture à toutes et à tous !

  • Abad de Santillan D., “El Anarquismo y la Revolucion en España”, “Por qué perdimos la guerra”

  • Alfred T., “Wasase”, “Paix, Pouvoir et Rectitude”

(resistance71.files.wordpress.com)

- Biehl J., “La politique de l’écologie sociale”

  • Bookchin M., “The Spanish Anarchists, the Heroic Years 1868-1936”, “The Ecology of Freedom : The Emergence and dissolution of Hierarchy”

  • Camus A., “L’homme révolté”, “Carnets”

  • Clastres P., “La société contre l’État”, “Recherches en anthropologie politique”, “L’archéologie de la violence” (resistance71.files.wordpress.com)

  • Debord G., “La société du spectacle”, “Commentaires sur la société du spectacle”

  • Demoule JP, “On a retrouvé l’histoire de France”, “La révolution néolithique” (resistance71.files.wordpress.com)

  • Dolgoff S., “The Anarchist Collectives”, “Fragments : A memoir”

  • Graeber D., “Fragments of an anarchist anthropology”, “Possibilities”, “Debt, the First 5000 Years”

  • Guillaume J., “Idées sur l’organisation sociale”

  • Guillerm A., “Le défi celtique”

  • Jaulin R., “La paix blanche”, “La mort Sara”

  • Kessler K.F., “The Law of Mutual Aid”

  • Kropotkine P., “L’entraide, un facteur de l’évolution”, “La conquête du pain”, “La morale anarchiste”

  • Kruta V., “Le monde des anciens Celtes”

  • Landauer G., “Appel au socialisme”, “Révolution et autres écrits” (resistance71.files.wordpress.com)

  • Leval G., “L’État dans l’Histoire”

  • Lizot J., “Le cercle des feux”

  • Malatesta E., “Écrits choisis” (resistance71.files.wordpress.com)

  • Mann C., “1491”

  • Marat JP., “Les chaînes de l’esclavage”

  • Marcos SCI., “Our Word is our Weapon”

  • Mauss M., “Essai sur le don”

  • Means R., “Quand vous avez oublié les noms des nuages, vous avez perdu votre chemin” (resistance71.files.wordpress.com)

  • Molière, “Tartuffe”, “Le bourgeois gentilhomme”

  • Muñoz-Ramirez G., “The Fire and the Word”

  • Nietzsche F., “Ainsi parlait Zarathoustra”

  • Ocalan A., “Manifeste du Confédéralisme Démocratique”, “Prison Writings : The Roots of Civilization” (resistance71.files.wordpress.com)

  • Patou-Mathis M., “Néanderthal, une autre humanité”, “Préhistoire de la violence et de la guerre”

  • Proudhon PJ., “Qu’est-ce que la propriété ?”, “Du principe fédératif”

  • Reclus E., “Évolution et Révolution”

  • Résistance 71 (articles et PDF) (resistance71.wordpress.com (resistance71.wordpress.com )

  • “Petit précis sur la société, l’État et la désobéissance civile…” (resistance71.files.wordpress.com)

  • Sahlins M., “Stone Age Economics”, “Western Illusion of Human Nature”

  • Scott JC., “the Art of Not Being Governed”, “Against the Grain”

  • Sutton A., “Wall Street et la révolution bolchévique”, “Wall Street et la montée d’Hitler” (resistance71.wordpress.com )

  • Thoreau H.D, “La désobéissance civile”

  • Tseu L., “Tao Te King”

  • Vaneigem R., “Pour l’abolition de la société marchande et pour une société vivante”

  • Voline, “La synthèse anarchiste” (resistance71.wordpress.com)

  • Zinn H., “Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours”, “You Can Not Be Neutral on a Moving Train”, “On History”, “Conversations on History & Politics” (resistance71.files.wordpress.com)




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