Le fait que l’État moderne soit le type d’organisation d’un pouvoir fondé sur l’arbitraire et la violence dans la vie sociale des travailleurs est indépendant de son caractère "bourgeois" ou "prolétariens". Il repose sur le centralisme oppressif, découlant de la violence directe d’une minorité sur la majorité. Chaque État utilise, pour affirmer et imposer la légalité de son système, outre le fusil et l’or, des moyens puissants de pression morale. A l’aide de ces moyens, un petit groupe de politiciens réprime psychologiquement toute la société et, en particulier, les masses laborieuses, les conditionnant de façon à détourner leur attention du servage instauré par l’État.

Ainsi, il est clair que, pour combattre la violence organisée de l’État moderne, il faut employer des moyens puissants, correspondant à l’importance de la tâche.

Jusqu’ici, les moyens d’action sociale employés par la classe laborieuse révolutionnaire contre le pouvoir des oppresseurs et exploiteurs - l’État et le Capital -, conformément aux idées libertaires, ne suffisent pas pour mener les travailleurs à la victoire complète.

Il est arrivé dans l’Histoire que les travailleurs vainquent le Capital ; mais la victoire leur échappait ensuite, parce qu’un pouvoir d’État se créait, unissant les intérêts du capital privé et capitalisme d’État pour triompher des travailleurs.

L’expérience de la révolution russe nous a démontré à l’évidence nos insuffisances dans ce domaine. Nous ne devons pas l’oublier, nous appliquant à les discerner distinctement.

Nous pouvons reconnaître que notre lutte contre l’État dans la Révolution russe fut remarquable, malgré la désorganisation qui règne dans nos rangs ; remarquable surtout en ce qui concerne la destruction de cette hideuse institution.

Mais, en revanche notre lutte fut insignifiante dans le domaine de l’édification de la société libre des travailleurs et de ses structures sociales, ce qui aurait pu garantir son développement en dehors de la tutelle de l’État et de ses institution répressives.

Le fait que nous, communistes libertaires ou anarcho-syndicalistes, n’avions pas prévu de lendemain de la Révolution russe, et que nous ne nous sommes pas hâté de formuler à temps les nouvelles formes de l’activité sociale, a amené beaucoup de nos groupes ou organisations à hésiter plus d’une fois dans leur orientation politique et socio-stratégique sur le front combattant de la Révolution.

Afin d’éviter de retomber à l’avenir dans les même erreurs, lors d’une situation révolutionnaire, et pour conserver la cohérence de notre ligne organisationelle, nous devons fondre d’abord toutes nos forces en un collectif agissant, puis définir dès maintenant notre conception constructive des unités économiques et sociales, locales et territoriales, au besoin au besoin les nommer de façon déterminée (soviets libres), et en particulier définir dans les grandes lignes leurs fonctions révolutionnaires fondamentales dans la lutte contre l’État. L’époque actuelle et les leçons de la révolution russe l’exigent.

Ceux qui se sont mêlés au cœur même de la classe ouvrière et paysanne, en prenant activement part aux victoires et aux défaites de son combat, ceux là doivent sans aucun doute arriver à nos conclusions, et plus précisément à comprendre que notre lutte contre l’État doit se mener jusau’à la liquidation complète de celui-ci ; ceux là reconnaîtrons par ailleurs que le rôle le plus difficile dans cette lutte est celui de la force armée révolutionnaire.

Il est indispensable de lier les forces armées de la Révolution avec les unités sociales et économiques, dans lesquelles la population laborieuse s’organisera dès les premiers jours de la révolution, afin d’instaurer une auto-organisation totale de la vie, en dehors de toutes structures étatiques.

Les anarchistes doivent concentrer, dès maintenant, leur attention sur cet aspect de la Révolution. Ils doivent être persuadés que, si les forces armées de la révolution s’organisent en armée importantes ou en de nombreux détachements armés locaux, elles ne pourront que vaincre les tenants et les défenseurs de l’étatisme, et par là même créer les conditions nécessaires pour la population laborieuse qui soutient la révolution, afin qu’elle puisse rompre tous ses liens avec le passé et mettre au point le processus d’édification d’une nouvelle vie socio-économique.

L’État pourra cependant conserver quelques survivances locales et tenter d’entraver de multiples façons la nouvelle vie des travailleurs, freiner la croissance et le développement harmonieux des nouveaux rapports basés sur l’émancipation totale de l’homme.

La liquidation finale et totale de l’État ne pourra avoir lieux que lorsque l’orientation de la lutte des travailleurs sera la plus libertaire possible, lorsqu’ils élaboreront eux-même leurs structures d’action sociale. Ces structures doivent prendre la forme d’organes d’autodirection sociale et économique, celle des soviets libres (anti-autoritaires). Les travailleurs révolutionnaires et leur avant garde - les anarchistes - doivent analyser la nature et la structure de ces soviets et préciser à l’avance leurs fonctions révolutionnaires. C’est de cela que dépend principalement l’évolution positives et le développement des idées anarchistes parmi ceux qui accomplirons pour leur propre compte la liquidation de l’État pour édifier la société libre.