La Commune de Paris (mars/mai 1871)

        Les causes de la commune

        Proudhon et Blanqui

        Les anarchistes et la Commune de Paris

        La Commune dans l’histoire

      La Commune de Marseille (1871)

        La tentative des 7 et 8 août 1870

        Deuxième tentative d’insurrection révolutionnaire : 1er novembre 1870

        La Commune révolutionnaire de Marseille (23 mars / avril 1871)

        Charles ALÉRINI

        Gaston CRÉMIEUX

        André BASTELICA

      L’AIT et la Commune de Paris (1870 / 1871)

        Déclarations de la section Parisienne de l’AIT

        La fête — Le Cri du Peuple (30 mars 1871)

      La Commune de Paris par elle-même. (Textes et déclarations des communards et communardes.)

        La peine de Mort

        La Colonne Vendôme et le militarisme

        L’éducation

        Sur l’organisation de la commune.

        Sur la production de biens pendant la Commune

        La vie des Clubs

        La condition des femmes

        La garde Nationale

        Les étrangers peuvent-ils être admis à la Commune ?

      Karl Marx / Michel Bakounine et la Commune de Paris : Textes, déclarations et lettres (1870 – 1872)

        Michel Bakounine

        Karl Marx

      La semaine sanglante (22 — 29 mai 1871)

        La dernière barricade : rue Ramponeau et rue de Tourtille

La Commune de Paris (mars/mai 1871)

De multiples organisations politiques ou humanitaires s’apprêtent à commémorer la Commune de Paris. Ces soixante-douze journées marquèrent la fin d’une époque qui fut celle des insurrections de caractère sentimental où la justice, le droit et la liberté eurent une part prépondérante et en verront naître une autre qui se voudra économique, rationnelle, scientifique.

Et même si, avant la Commune, Proudhon et Marx avaient déjà jeté les bases du mouvement révolutionnaire moderne, même si les réflexes sentimentaux et romanesques n’ont pas complètement disparu de nos jours, on peut prétendre que née d’une liesse quarante-huitarde que dominèrent le tumulte, le débraillé et la barricade, la Commune s’achèvera dans une tentative d’organisation rationnelle de la société et par une tuerie qui serait la préface aux affrontements révolutionnaires modernes.

On connaît mal la Commune. Les hommes qui se réclament d’elle se bornent à populariser ceux de ses aspects qui coïncident avec leurs intérêts ou leur préoccupation politique du moment. Trop souvent, on prétend y voir l’aboutissement de desseins longuement médités, de réflexions théoriques mûries. Ce n’est pas vrai ! Et il n’est pas souhaitable que les anarchistes emboîtent le pas à des partis politiques qui se livrent à une démagogie effrénée et qui prétendent l’accaparer, car, en dehors de quelques avantages momentanés qu’une telle attitude procure, on risque d’ignorer les grandes leçons qui se dégagent de la Commune et qui justement tiennent à son caractère hybride, aux improvisations parfois géniales auxquelles il fallut recourir pour organiser la grande ville, aux ajustements parfois laborieux de théories contradictoires, alors que naît une économie nouvelle qui bouleversera la société romantique. Et justement sur un palier différent, bien entendu, les classifications politiques et idéologiques comme les mutations économiques de notre époque sont similaires à celles qui secouèrent la fin du Second Empire. Nous vivons, comme les Communards une époque charnière, et plutôt que de ramener à soi ce qui appartient au passé, il est préférable de l’examiner objectivement afin d’en tirer les leçons profitables pour notre mouvement anarchiste.

L’insurrection du 18 mars est née en marge des organisations révolutionnaires, même si certains militants ouvriers y prennent part.. Les blanquistes sont désorganisés par l’emprisonnement de leurs chefs. Les hommes de l’Internationale restent dans l’expectative. Seul ce qui reste du jacobinisme quarante-huitard sera mêlé à travers le Comité central à l’insurrection. C’est son esprit qui anime la garde nationale. Les manifestations périodiques qui, depuis la chute de l’Empire, se succèdent et qui ont décapité le mouvement ouvrier et révolutionnaire ont donné aux Jacobins l’occasion d’une revanche contre cette bourgeoisie, libérale qui, après avoir été au pouvoir sous Louis-Philippe, pendant la IIème République et sous le Second Empire, s’apprête à confisquer la République. Derrière Félix Pyat, Delescluze, Flourens et quelques autres, ils livrent une lutte sans merci à la République des Jules : Jules Simon, Jules Ferry, Jules Favre, etc. Au cours de ces journées de mars décisives, qui précèdent l’insurrection, la garde nationale a pris conscience de sa force, deux proclamations ont donné sa mesure : la première déclare :

« La garde nationale ne reconnaît pour chefs que ses élus. »

et la seconde :

« La garde nationale proteste contre toute tentative de désarmement et déclare qu’elle y résistera au besoin par les armes. »

L’instrument est en place. Pourtant l’émeute viendra de la rue. Louise Michel nous a laissé un vivant récit de ces heures tragiques. Thiers a décidé de faire enlever les canons entreposés à Montmartre. L’alarme est donnée. Le comité de vigilance se réunit, mais écoutons la bonne Louise :

« Dans l’aube qui se levait on entendait le tocsin ; nous montions au pas de charge, sachant qu’au sommet il y avait une armée rangée en bataille. Nous pensions mourir pour la liberté. On était comme soulevés de terre. Nous morts, Paris se fût levé. Les foules à certaines heures sont l’avant-garde de l’océan humain. »

« La butte était enveloppée d’une lumière blanche, une aube splendide de délivrance. La troupe fraternise avec le peuple, l’insurrection gagne Paris quartier par quartier, surprenant à la fois le gouvernement et le Comité central. Ce n’est que le soir que les membres du Comité central se décideront à passer à l’attaque et à occuper toute la ville alors que Thiers et le gouvernement fuient vers Versailles. »

Ces hommes, qui vont s’emparer de la ville, viennent de tous les horizons. Ils appartiennent à la petite bourgeoisie, à l’artisanat, au monde ouvrier alors à sa naissance. On ne trouve pas encore de militant ouvrier connu parmi eux en dehors de Varlin et de Pindy et quelques blanquistes, tels Ranvier, Brunel ou Eudes. Les grands noms sont soit en prison, soit en fuite, soit, dans l’expectative. Le soir du 18 mars, le Comité central de la garde nationale, qui a chassé l’Etat et s’est emparé du pouvoir, prendra le chemin de l’Hôtel de Ville qui est chemin traditionnel où les révolutions de Paris trouvent leur consécration.

Les causes de la commune

Cette journée du la mars fut une journée réussie parmi d’autres qui ont auparavant échoué sans qu’on puisse bien clairement en expliquer les raisons, tant leur mécanisme fut le même avec leur part d’improvisations tardives, de préparation sérieuse et de chance. Mais, par contre, les causes de ce climat d’insurrection existaient en permanence depuis le coup d’Etat. La guerre, la défaite et le siège leur avaient conféré un caractère encore plus aigu. Mais quelles sont donc les causes profondes de ce climat qui, à partir du 4 septembre 1870, jour ou fut proclamée la déchéance de l’Empire et l’avènement de la IIIè République, suscita de nombreuses insurrections dont celle du la mars fut le couronnement « heureux « ? On peut, parmi d’autres, définir trois causes qui, d’ailleurs, coïncideront avec les trois grandes tendances politiques de la Commune : le patriotisme, le fédéralisme, le social, et, s’il est vrai qu’en gros cela correspondait à des tendances du jacobinisme, du blanquisme et du proudhonisme, on aurait tort de croire que chez chacun des participants ces tendances seront nettement tranchées ; et c’est Lefrançais, qui appartient à l’Internationale, et qui, après la Commune, entretiendra des relations suivies avec l’Internationale antiautoritaire de Saint-Imier qui nous apprend : Le dégoût et l’indignation produits par l’ignoble conduite de la prétendue « défense nationale » durant le premier siège de Paris fut certainement la principale cause de la Commune. Et il n’y a rien d’étonnant pour tous ceux qui se refusent à voir la Commune avec d’autres yeux que ceux de l’époque. L’esprit de la première révolution française est encore puissant parmi le peuple parisien qui a un goût prononcé pour porter chez les autres la liberté à la pointe des baïonnettes.

Le pacifisme révolutionnaire amorcé par Proudhon dans un discours retentissant à l’Assemblée nationale, en quarante-huit, pour s’opposer à l’expédition de Pologne et la magnifique adresse de la section française de l’Internationale aux peuples en guerre n’ont pas encore pénétré profondément le petit peuple cocardier et chauvin, et le faubourg qui vit son rêve des victoires de 93, pousse d’abord à la guerre puis à la résistance. Jules Vallès nous raconte dans L’Insurgé comment il sera comique victime de cet état d’esprit. Le deuxième facteur, une des causes principales de la Commune fut l’esprit fédéraliste communaliste, si l’on veut. Les autres, nous dit Eugène Pottier, voulaient que Paris nommant les municipalités, fût en possession de lui-même comme le sont les grandes villes des États-Unis.

Mais deux autres sentiments puissants vont pousser le peuple de Paris vers le fédéralisme. Le premier, c’est le climat suscité par le siège, où, isolés du pays et du gouvernement qui prépare la capitulation, les Parisiens ont pris l’habitude de se considérer comme seuls à faire face à tous les problèmes que leur posait la lutte. Ce qui se traduira par une organisation administrative des arrondissements et la création de la garde nationale. Enfin, le second, c’est l’esprit même du mouvement ouvrier interprété par la section française de l’Internationale et qui est dominé par les théories économiques de Proudhon. La troisième cause de la Commune c’est, nous dit Félix Pyat, un autre acteur de ce drame : La révolte prolétaire contre le capital, et, là encore, si les internationalistes armés par leur congrès paraissent les représentants les plus qualifiés des travailleurs et si ce sont eux qui, effectivement, prendront en main l’organisation économique, laissant aux jacobins la défense et aux blanquistes la police intérieure, le miracle de la lutte au coude à coude, qui ne rapprochera jamais tout à fait les trois courants et qui donnera naissance à un homme révolutionnaire nouveau pour qui le fédéralisme sera l’élément de base.

Proudhon et Blanqui

Il est vrai que les hommes qui vont faire la Commune venaient d’horizons différents. Il est vrai que les causes de la Commune furent multiples. Il est vrai qu’à côté de militants chevronnés et connus, les élections enverront siéger sur ses bancs des inconnus et que, par conséquent le caractère créateur des refus et des choix spontanés joua un rôle important et pas toujours heureux, d’ailleurs. Mais sitôt après les élections, lorsqu’il fut alors indispensable de construire et de se défendre, c’est l’esprit de deux grands absents qui va dominer la Commune : celui de Proudhon, mort en 1865, celui Blanqui emprisonné au fort du Hâ. Ce sont des hommes comme Jourde, Varlin, Theisz, Lefrançais, Langevin, Benoît Malon qui vont faire vivre et organiser la ville, et, il faut lire et chaque révolutionnaire devrait lire dans le Journal officiel de la Commune ces séances de travail laborieuses où le sérieux a pris la place des fiestas romantiques. Il faut lire l’affiche placardée par l’Internationale où après avoir affirmé : L’indépendance de la Commune est le gage d’un contrat dont les clauses librement débattues feront cesser l’antagonisme des classes et assureront l’égalité sociale qu’elle définissait dans un programme d’action où l’on sent à chaque instant la présence de Proudhon. La commission militaire, par contre, où siégera seulement un internationaliste proudhonien, sera composée de jacobins et de blanquistes : Flourens, Bergeret, Anvier, Eudes, Duval, etc. Et lorsque la situation militaire s’aggravera, le fossé se creusera entre les deux dominantes de la Commune pour éclater lors de la création d’un Comité de « Salut public », réminiscence des grandes heures de quatre-vingt-treize.

Les jacobins et les blanquistes l’emporteront et les internationalistes de tendance anarchiste se retireront. Au cours de la séance orageuse, le blanquiste Pyat et l’internationaliste Benoît Malon s’opposeront violemment et la polémique se continuera à travers le Cri du Peuple de Jules Vallès et le Vengeur d’Eudes. La proclamation de la minorité contre la constitution d’un Comité de Salut Public restera éternellement vraie pour les anarchistes.

« Considérant que l’institution d’un Comité de Salut de public aura pour effet essentiel de créer un pouvoir dictatorial qui n’ajoutera aucune force à la Commune, Attendu que cette institution serait en opposition formelle avec les aspirations politiques de la masse électorale dont la Commune est la représentation, Attendu en conséquence que la création de toute dictature par la Commune serait de la part de celle-ci une véritable usurpation de la souveraineté du peuple, nous votons contre ! Andrieu, Langevin, Odtyn, Vermorel, V. Clement, Theisz, Serraillier, Avrial, Malon, Lefrançais, Courbet, Girardin, Clémence, Arnoult, Beslay, Vallès, Jourde, Varlin. »

Nous retrouverons au bas de ce texte le nom de tous les internationalistes, excepté celui de Frankel qui est le seul marxiste et qui se joindra aux blanquistes et aux jacobins, et il suffit de regarder les noms des hommes qui formeront le Comité de Salut public pour constater qu’à travers les épreuves de la Commune sont nées les deux expressions différentes du socialisme qui vont marquer le mouvement ouvrier moderne. Parmi ces noms on retrouvent ceux de Ferré, de Frankel, de Pyat, de Delescluze, d’Eudes, de Billioray, de Dupont, de Rigault, de Ranvier, de Vaillant.

Les anarchistes et la Commune de Paris

Même si leur contenu actuel est notoirement différent de ce qu’il fut alors, on peut dire que la Commune de Paris a marqué l’anarchisme, le socialisme révolutionnaire et le syndicalisme alors à leurs débuts. Seul le jacobinisme ne tirera aucun profit de l’aventure sanglante de ces dix semaines. Trop des siens se trouvaient sous le visage de conciliateurs dans le camp des Versaillais, et loin d’être vivifié par la grande aventure révolutionnaire, il sombrera dans un parlementarisme abêtissant avant de devenir le parti radical, père nourricier de toutes les combines équivoques.

Le marxisme, lui, n’aura aucune influence sur la Commune. Marx, qui méprise les ouvriers parisiens et spécialement les membres de l’Internationale, les a pendant la guerre abreuvés d’insultes et s’est réjoui de la victoire du militarisme allemand. Certes, après l’écrasement, il s’apercevra de la popularité de la révolution parisienne et il se rattrapera dans un livre : La Guerre civile en France, probablement le meilleur de ses ouvrages où il justifiera la Commune et les internationalistes, pas pour longtemps d’ailleurs, car le naturel reprenant le dessus il tonnera contre son gendre Charles Longuet, un communard, qu’il accusera d’être resté un proudhonien impénitent. Il est vrai qu’il fera à son autre gendre Lafargue un autre reproche : celui d’être resté un blanquiste. Proudhon a donné au mouvement anarchiste une doctrine économique. Les hommes de l’Internationale feront passer cette doctrine dans des réalités concrètes. Bakounine avait marqué l’Internationale qui avait ajusté l’économie proudhonienne sur les méthodes de lutte de classe. Cependant, il n’aura guère d’influence sur le déroulement des événements, excepté en province et plus spécialement à Lyon, et paradoxalement c’est plus tard que les effets de la Commune se feront sentir au sein du communisme libertaire.

Mais dans les luttes qui précéderont la Commune, comme pendant les journées révolutionnaires, des hommes comme Élisée et Élie Reclus, comme Paul Robin, des femmes comme Louise Michel, comme Andrée Léo feront leur apprentissage et seront à la base du renouveau de l’anarchie quelques années plus tard. Les hommes de la Commune sentent confusément la vérité, leur vérité, qui se révèle en eux. Après la Semaine sanglante, en exil à Londres, à Bruxelles, à Genève, ils vont réfléchir, analyser ce que furent les moyens et les buts de la Commune de Paris. Et c’est de ces réflexions que sortira le grand schisme de l’Internationale à La Haye et, extraordinaire coïncidence, l’éclatement de la Première Internationale suivra étrangement la courbe de celui de la Commune et les hommes qui avaient refusé le Comité de Salut public rejetteront Marx et rejoindront la Fédération jurassienne pour former l’Internationale anti-autoritaire. Il suffit de rappeler ici certains noms pour voir toute l’importance de la Commune et de la section française de l’Internationale dans la formation du mouvement anarchiste moderne. Je cite au hasard : Séraillier, B. Malon, Lefrançais, Jourde, Avrial, Courbet, Pindy, Vesinier, Vermorel, auxquels viendront s’ajouter : Guillaume, Kropotkine, Louise Michel, Paul Robin, Élisée Reclus, Malatesta et beaucoup d’autres. Les internationalistes qui firent la Commune furent proudhoniens. Après la Commune, sous l’influence de Bakounine, ils fonderont la Première internationale anarcho-syndicaliste d’où sortira le mouvement anarchiste moderne.

La Commune dans l’histoire

Il est délicat de porter un jugement sur la Commune, encore que ce soit avec les dates et les grands hommes le travail « important des historiens ». De toute façon, on ne peut pas détacher la Commune de son contexte politique et social dont j’ai essayé de mettre en relief quelques aspects importants pour les anarchistes.

Disons que ce qui domine la Commune de Paris comme, d’ailleurs, le mouvement ouvrier révolutionnaire de cette moitié de siècle, c’est la confusion et la naïveté. La confusion est due à ce brassage économique profond qui, en marge des luttes politiques, bouleverse l’économie et s’apprête à créer un homme différent à travers un clivage entre des classes nouvelles. Le patriotisme, le socialisme utopique, le chartisme, le syndicalisme, l’anarchisme à travers Proudhon et Bakounine, le christianisme social, le classicisme dans les lettres et les arts, le romantisme, ce qui n’est pas tout à fait hier et qui n’est pas encore aujourd’hui, se mêlent profondément en s’entrechoquant. Époque charnière difficilement analysable où le caractère des hommes qui se forme influe directement sur la marche des choses. La naïveté est justement la preuve que, dans la balance, le tumulte des sentiments l’emporte encore sur la froide analyse des réalités. Les hommes se grisent de phrases où le bon droit, la justice, la loi l’emportent sur les réalités concrètes. Rien ne pouvait encourager un esprit froid à se lancer dans l’aventure, et cette vieille canaille de Marx l’avait bien compris qui conseillait à ses amis de rester tranquillement fidèles à la « République des Jules » du 4 septembre. La campagne était réactionnaire, une armée ennemie campait aux portes de Paris, la bourgeoisie d’affaires qui avait fui possédait tous les rouages économiques dans ses blanches mains, les libéraux, effrayés, se retiraient à Versailles, justifiant la trahison d’une fraction importante de la population parisienne, les intellectuels de gauche avaient (déjà) déserté, les militaires avaient suivi, les fonctionnaires aussi.

Non, rien, vraiment, ne pouvait engager un esprit logique dans Paris révolutionnaire. Pourtant, et il suffit d’avoir lu leurs proclamations pour en être intimement persuadé : les hommes de la Commune ont vraiment cru possible leur victoire. Oui, Ils furent naïfs ! Et finalement, ils eurent raison car, contre toute évidence, la victoire eût été possible si, au lieu de tomber dès les premières heures sur un alcoolique à moitié fou, le colonel Langlois, ils avaient placé à la tête de la garde nationale un homme énergique qui, dans la nuit, eût enlevé les forts, pris Versailles et enfermé M. Thiers. Naturellement, on ne refait pas l’Histoire, on profite simplement de l’enseignement qu’elle nous apporte, et la Commune de Paris qui marqua d’un coup de reins une période économique en pleine gestation, peut être riche d’enseignements pour notre époque à la condition de laisser de côté les images d’Épinal et d’étudier avec sérieux les mouvements qui la projetèrent en avant.

- Maurice Joyeux

La Commune de Marseille (1871)

On a beaucoup écrit sur la Commune, et en particulier sur la Commune de Paris. Pas assez peut-être, car les Communes de province sont trop souvent méconnues et même, les répercussions du mouvement communaliste à l’étranger, soit sous l’aspect des poursuites intentées aux communards ou aux internationaux, soit sous l’angle de l’interprétation et de l’utilisation politique, scientifique et sociologique, sont laissées dans l’oubli le plus complet. À cela une raison essentielle : les idées-forces que l’on peut en extraire n’intéressent personne, elles n’apportent de l’eau qu’au moulin des anarchistes ! Et c’est pourquoi les travaux qui y sont relatifs ne jouissent pas de la faveur du grand public. On ne peut que le regretter. C’est donc dans le but de compléter notre connaissance de ce mouvement que nous publions cette étude, rendant hommage, à près d’un siècle de distance, à tous les obscurs combattants de la Commune et en particulier à ces 4 500 membres de l’Internationale (dans le seul département des Bouches-du-Rhône) qui, sous l’influence de Bakounine, s’efforcèrent de réaliser une société nouvelle basée sur le fédéralisme et la liberté de l’individu.

La tentative des 7 et 8 août 1870

Dès le lendemain de la défaite de Forbach, une grande agitation se manifeste à Marseille. 40000 personnes ayant à leur tête Gaston Crémieux,Naquet, Brochier, Rouvier et quelques autres manifestent devant la préfecture. L’arrestation d’Alfred Naquet provoque une recrudescence de colère et aussitôt se forme un Comité central d’action révolutionnaire, la foule occupe bientôt la mairie et les membres du Comité sont portés au pouvoir sous les acclamations populaires. Ce Comité, comprenant surtout des membres de l’Internationale (en l’absence de Bastelica, la section marseillaise reçut très vraisemblablement les ordres directs de Bakounine) et quelques républicains radicaux, et présidé par Gaston Crémieux, se trouve ainsi à la tête d’un pouvoir révolutionnaire issu du peuple. Malheureusement, ses délibérations sont de courte durée, car une escouade de policiers, dispersant la foule aussi prompte à s’enthousiasmer qu’à devenir d’une passivité extrême, bloque les insurgés dans la mairie et, après un court échange de coups de feu, capture les membres du Comité. Les prisonniers, au nombre d’une trentaine environ, sont enfermés au Fort Saint-Jean et entassés dans un cachot puant. Le 10 août, sur ordre de l’impératrice régente, l’état de siège est proclamé et le 27 ils sont jugés.

Deuxième tentative d’insurrection révolutionnaire : 1er novembre 1870

Le préfet Esquiros s’oppose à Gambetta et au gouvernement provisoire. Au Conseil municipal un affrontement se produit entre les modérés et les révolutionnaires et très vite, la Garde nationale (bourgeoise) commandée par le Colonel Marie va s’opposer à la Garde civique et l’Internationale.

La réaction populaire est immédiate et spontanée, l’hôtel de ville, défendu par les gardes nationaux est occupé et la Commune révolutionnaire est proclamée aussitôt. Un comité d’une vingtaine de membres est formé qui représente toutes les nuances de l’opposition radicale et socialiste parmi lesquels plusieurs membres de l’Internationale dont Bastelica, Chachouat, Job, Cartoux, etc.

Le général Cluseret qui vient d’arriver à Marseille après l’échec de la Commune de Lyon se joint bientôt à eux, et la Commune prend l’héritage de la Ligue du Midi. Mais Esquiros qui jouit de l’estime populaire se retire (son fils atteint de typhoïde meurt et ce deuil l’abat profondément) ; il est remplacé par Alphonse Gent qui, à la faveur des circonstances (un attentat manqué contre lui qui soulève la réprobation générale) va reprendre le pouvoir en main pour le compte du Gouvernement et écarter tous ceux qui pouvaient raffermir la volonté populaire. Le 13 novembre, le préfet télégraphie à Gambetta :

L’Ordre tout entier règne à Marseille...

La Commune révolutionnaire de Marseille (23 mars / avril 1871)

Le 21 mars 1871, une dépêche télégraphique du préfet, le contre amiral Cosnier indique : Marseille est tranquille. Tous les rapports qui m’arrivent sur l’état des esprits dans le département sont rassurants. Le 22 mars, la proclamation de Thiers, flétrissant l’insurrection parisienne et exhortant à l’union est affichée sur les murs de la ville. Cette proclamation qui parle en termes favorables de Canrobert et de Rouher apparaît aux Marseillais comme une traîtrise et, le soir même, devant plus de 1 000 personnes, Gaston Crémieux, prononce un discours extrêmement violent :

Le gouvernement de Versailles a essayé de lever sa béquille contre ce qu’il appelle l’insurrection de Paris, mais elle s’est brisée entre ses mains, et la Commune en est sortie. Ainsi Citoyens, les circonstances sont graves. Avant d’aller plus loin, je veux vous poser une question. Quel est le gouvernement que vous reconnaissez comme légal ? Est-ce Paris ? Est-ce Versailles ?

Toute la salle unanime, crie :

  • « Vive Paris ! »

  • À ces cris unanimes qui sortent de vos mille poitrines nous nous unissons et nous crions : « Vive Paris ! ». Mais ce gouvernement va être combattu par Versailles. Je viens vous demander un serment, c’est celui de le défendre par tous les moyens possibles, le jurez-vous ?

  • Nous le jurons !

  • Et nous aussi, s’il faut combattre, nous nous mettrons à votre tête. Nous serons obligés de le défendre dans la rue. Rentrez chez vous, prenez vos fusils, non pas pour attaquer, mais pour vous défendre...

Le 23 mars, le contre-amiral Cosnier organise une contre-manifestation en faveur du gouvernement de Versailles, mais depuis l’aube, les gardes nationaux des quartiers populaires s’étaient rassemblés, et une foule immense se regroupe autour d’eux. La préfecture est envahie, les autorité destituées, une commission départementale est formée, présidée par Crémieux et comprenant 12 membres. Elle représente équitablement les diverses fractions de l’opinion publique : les Radicaux avec Job et Étienne, l’Internationale avec Alérini, la Garde nationale avec Bouchet et Cartoux, et trois membres délégués par le Conseil municipal.

La Commission déclare :

À Marseille, les citoyens prétendent s’administrer eux-mêmes, dans la sphère des intérêts locaux. Il serait opportun, que le mouvement qui s’est produit à Marseille fût bien compris, et qu’il se prolongeât. Nous voulons la décentralisation administrative avec l’autonomie de la Commune, en confiant au conseil municipal élu dans chaque grande cité les attributions administratives et municipales.

Le 26 mars, le général Espivent de la Villeboisnet, officier réactionnaire et clérical s’il en fut, qui s’était réfugié à Aubagne avec ses troupes, et qui calque sa conduite sur celle de Versailles, proclame le département des Bouches-du-Rhône en état de guerre.

Le 27 mars, le conseil municipal (composé de républicains modérés et bourgeois) rompt avec le conseil départemental. Cette rupture accroît les difficultés matérielles auxquelles devait faire face la Commune après le départ de nombreux fonctionnaires.

Le 28 mars, arrivée à Marseille de trois représentants en mission envoyés par la Commune de Paris (May, Amouroux et Landeck). Malheureusement, ils sont tous trois incapables et vont s’immiscer dans les affaires marseillaises portant de graves préjudices à l’action locale.

Le 1er avril, le Conseil municipal est dissout.

Le 3 avril au soir, Espivent fait marcher ses troupes (6 à 7000 hommes) sur Marseille. Il a l’appui de trois navires qui croisent au large du port. En pleine nuit, les soldats parcourent les 17 km qui les séparent de Marseille. Pendant ce temps, des barricades sont dressées autour de la préfecture et quelques hommes se rassemblent. Les soldats d’Espivent prennent la gare, le fort Saint-Nicolas et le fort de Notre-Dame-de-la-Garde, ils effectuent un mouvement d’encerclement complété par le débarquement des marins. Pourtant, la population réagit. Une foule immense, armée en partie et tumultueuse, se réunit. Deux bataillons d’infanterie fraternisent levant leurs chassepots en l’air aux applaudissements de la foule. Mais Espivent, après avoir reçu sèchement Crémieux, venu parlementer, fait bombarder la ville (300 obus tomberont sur la préfecture). Les combats acharnés se déroulent jusqu’au soir et la préfecture est finalement investie par les marins. La Commune de Marseille avait vécu, la répression cléricale et réactionnaire allait s’exercer impitoyablement jusqu’en 1875.

Charles ALÉRINI

Comme Bastelica, il était d’origine corse puisque né à Bastia le 20 mars 1842. Devenu professeur, il enseignait au Collège de Barcelonnette où il était en même temps correspondant de l’Internationale, ce qui lui vaudra d’être suspendu de ses fonctions en avril 1870 et arrêté quelques jours après toujours pour le même motif. S’étant établi à Marseille, il participe ensuite, à l’occupation de l’hôtel de ville et à l’organisation de l’éphémère commune révolutionnaire du 8 août 1870. Puis il sera membre de la Commission départementale insurrectionnelle de mars 1871. Actif, énergique, intelligent, il mettra toutes ses connaissances au service de l’action révolutionnaire et de l’Internationale, organisant notamment la résistance armée, requérant les fusils, les munitions, et prenant une part des plus actives à tous les actes de l’insurrection. Le 4 avril, il reste un des derniers à la préfecture, alors que la plupart ont fui le danger. Après l’échec de la Commune, il réussit à passer en Espagne où il va poursuivre son action militante pendant que le Tribunal militaire le condamne à mort par contumace (il sera gracié en 1889). Très vite, il est admis parmi les intimes de Bakounine et devient un militant actif de l’Alliance et, à ce titre, il sera toujours mêlé, aussi bien sur le plan espagnol que sur le plan français, à la vie de l’Internationale anti-autoritaire contre les agissements de Marx et de ses amis. James Guillaume, dans ses Souvenirs parlera du cœur chaud, de la droiture, de la vaillance simple et sans phrases de cet homme qui sera délégué de la Fédération régionale espagnole à La Haye, où il signera la déclaration Bakouniniste ; qui assistera au Congrès de Saint-Imier dont il sera l’un des trois secrétaires ; qui participera au Congrès de Genève (septembre 1873) en tant que représentant de la FRE et de diverses sections françaises (dont plusieurs illégales) et qui après avoir fait deux ans de prison à Cadix, fera partie en 1877 du Comité fédéral de la fédération française de l’AIT.

Gaston CRÉMIEUX

Né à Nîmes, le 22 juin 1836, il est issu d’une famille israélite. Après de brillantes études au lycée de sa ville natale, il obtient sa licence de droit à Aix-en-Provence, en 1856. Avocat à Nîmes, il se fait vite remarquer par son éloquence et sa générosité. Très vite aussi on le surnomme avec une pointe de mépris, l’avocat des pauvres. Cette réputation de désintéressement va le suivre à Marseille où il s’établit en 1862. Sa générosité naturelle, son caractère affable et doux, ses allures paisibles et ouvertes, attiraient toutes les sympathies. Et par le fait même qu’il était toujours disposé à défendre les miséreux, il entra tout naturellement en contact avec les milieux républicains de l’époque. Porté par sa sympathie presque instinctive vers les classes opprimées, il fut également en liaison quasi permanente et amicale avec l’Internationale. Mais, malgré ses qualités de cœur, son désir de soulager la misère, il ne fut jamais, en dépit de quelques discours ou de quelques articles violents, un homme d’action véritable. Il n’en reste pas moins que le 8 août 1870 il se trouve porté à la tête d’un pouvoir révolutionnaire issu du peuple. Arrêté, emprisonné dans un sombre cachot du fort Saint-Jean et bientôt condamné à 6 mois de prison qu’il va purger à la prison Saint-Pierre, il est libéré avec ses camarades par une foule de plus 20 000 personnes dans la nuit du 4 au 5 septembre.

C’est lui qui, le 7 septembre, accueille Esquiros à la gare Saint-Charles et l’accompagne à la préfecture. Dans le cadre de l’épuration (destitution des magistrats compromis sous l’Empire), Crémieux est ensuite nommé au poste de procureur de la république, où il ne restera en fonction que quelques semaines. Puis, après la création de la Ligue du Midi (qui groupait 15 départements), il parcourt la province comme envoyé en mission, il signe peu après une proclamation qui indique notamment :

Nous sommes résolus à tous les sacrifices, et, si nous restons seuls, nous ferons appel à la révolution, à la révolution implacable et inexorable, à la révolution avec toutes ses haines, ses colères et ses fureurs patriotiques. Nous partirons de Marseille en armes, nous prêcherons sur nos pas la guerre sainte...

Bientôt la Ligue va entrer en opposition ouverte contre le gouvernement de la défense nationale et, au cours d’un meeting organisé à l’Alhambra, le 19 octobre, comme on lui demandait les moyens de réagir devant une telle situation, il s’écria :

La Ligue du Midi, et la Commune Révolutionnaire !

C’est ainsi qu’il fait partie, dès le 1er novembre, de la Commission départementale insurrectionnelle qui ratifie les pouvoirs de la Commune révolutionnaire et qu’il appelle les Marseillais à prendre les armes. Mais, la Commune écrasée par la réaction, Crémieux refusant de s’enfuir est arrêté et le 8 avril, il est condamné à mort comme factieux incorrigible. Six mois après sa condamnation, malgré la multitude de démarches entreprises de tous côtés pour obtenir sa grâce, Crémieux est fusillé sur ordre de « Monsieur » Thiers. Le 30 novembre 1871, à 7 heures du matin, au Pharo, tombait l’un des hommes les plus intègres que le mouvement ouvrier ait connu. Sa mort provoqua une profonde émotion dans toute la ville.

André BASTELICA

Né à Bastia le 28 Novembre 1845, il apparaît à 23 ans dans l’histoire de l’Internationale. Anarchiste, il le fut jusqu’au bout des ongles, alors même que le mot n’était pas encore inventé. En effet, tour à tour employé de commerce et typographe, il possédait une culture étonnante pour son âge et sa condition. Une immense curiosité, toujours en éveil, l’avait poussé à s’instruire dans tous les domaines. Journaliste de talent, il écrivait dans de très nombreux journaux : L’Égalité de Genève, L’Internationale de Bruxelles, La Marseillaise de Paris, L’Égalité et Le Peuple de Marseille, et dans des revues littéraires, avec un style précis et fougueux, plein de flamme et de vivacité, un style qui traduit la pensée et surtout la parole, car Bastelica était aussi un brillant orateur. C’est son éloquence surtout qui explique le véritable ascendant que ce tout jeune homme exerçait sur les masses. À l’idéal généreux qui l’animait, il joignait l’immense avantage de posséder un sens pratique de l’organisation, un souci méthodique et lucide de l’action révolutionnaire. Son camarade de combat, Albert Richard, disait de lui : Il avait besoin de vivre, d’agir, de produire... et de défendre, à la lumière, l’idée qu’il incarnait en lui. Voilà l’homme qui constitua, avec Eugène Varlin et Benoît Malon à Paris, Émile Aubray à Rouen et Albert Richard à Lyon, la génération spontanée de la renaissance du socialisme français.

Alors même que Tolain, découragé, pensait que l’Association Internationale des Travailleurs était morte en France, elle allait renaître avec des hommes nouveaux et des idées nouvelles, des hommes jeunes, des hommes issus des milieux ouvriers. D’abord isolés dans la clandestinité, du fait de la répression ils vont peu à peu se trouver en contact, unis dans une même cause et par une amitié jamais démentie. Bientôt, ils vont coordonner leurs efforts dans une parfaite égalité d’action, sans qu’aucun d’entre eux n’essaie de dominer les autres et cela aussi bien en France qu’à l’étranger, lors des congrès de l’Internationale, et cela à tel point qu’un éminent historien pourra écrire : Leur activité commune, parallèle, évitant toute hiérarchie est un remarquable exemple d’autonomie, de libre initiative de décentralisation volontaire au sein d’une organisation perfectionnée qui rêvait précisément de fonder la société nouvelle sur des bases fédéralistes. (A. Olivesi, La Commune de 1871 à Marseille). Nous ne nous attarderons pas sur l’influence que Bakounine exerça sur Bastelica. Elle n’eut aucun rapport de maître à élève mais de compagnon de lutte à son frère d’armes, d’ami à ami. En effet, dès son adhésion à l’Internationale, Bastelica avait écrit à Albert Richard : Nous voulons le non-gouvernement parce que nous voulons la non-propriété, et vice versa. La morale humaine détruira les religions révélées, le socialisme supprimera le gouvernement et la question politique. Si le peuple comprend aujourd’hui surtout la question politique, c’est que dans sa conception théorique, il croit que le gouvernement représente la société (on croit entendre Bakounine).

Et c’est sous l’impulsion de cet homme, qui fait preuve d’une activité prodigieuse d’organisateur et de propagandiste, que Marseille, ralliée au communisme non-autoritaire de Bakounine allait devenir l’une de bases de la Révolution mondiale que l’Internationale souhaitait et pour laquelle elle œuvrait de toutes ses forces. Fondée en juillet 1867, la section marseillaise de l’Internationale connut dès la fin de l’année suivante (arrivée de Bastelica) une rapide extension. Organisée strictement selon les principes proudhoniens, elle compte 27 corporations groupées dans la fédération marseillaise, une des mieux organisées de France. Les adhérents atteignent bientôt le nombre de 4 500. Infatigable, Bastelica laisse à ses camarades (Poletti, Combes, Pacini, Roger, Alérini) le soin de s’occuper des affaires locales et parcourt la campagne, en de perpétuels déplacements, pour créer de nouvelles sections dans les départements voisins : Aix (600 adhérents), La Ciotat, Saint-Tropez, Cogolin, Callabrières, Gonfaron, La Garde-Freinet, Toulon, La Seyne, Draguignan deviennent à leur tour des foyers actifs. Il ira jusque dans l’Hérault et les Basses-Alpes, pour convertir à la cause les populations rurales.

Le 28 avril 1870, il écrit à James Guillaume : La section marseillaise marche résolument dans la voie des grands progrès... Je suis de retour d’une excursion parmi les populations révolutionnaires du Var. Quel enthousiasme l’Internationale a soulevé sur le passage de son propagateur ! J’ai acquis cette fois la preuve invincible, irrécusable que les paysans pensent, et qu’ils sont avec nous... Tout ce mouvement brise mes forces mais augmente mon courage. Quatre jours auparavant, il écrivait dans Le Mirabeau (journal socialiste) à propos des grèves du Creusot : Jugulée par une politique honteuse et réactionnaire, la grande voix du peuple, pour se faire entendre, emprunte un autre organe plus terrible : la grève. La grève c’est l’irruption endémique du mal social. Organiquement, la société actuelle aboutit à la grève : ce n’est ni la paix, ni la justice. La théocratie et l’aristocratie reprennent courage et essayant l’offensive sur la Révolution trahie par la bourgeoisie, sa fille aînée... Que l’État, l’Église et les bourgeois se coalisent pour une œuvre d’imposture et d’ignominie, le peuple vengeur, les confondra dans une même ruine. Le principe autour duquel le peuple doit se grouper c’est la solidarité... les fruits de cinq révolutions seraient perdus pour nous si nous ne nous redressions forts, et défiant les traînards de la civilisation d’oser porter la main sacrilège sur le sanctuaire de la justice sociale.

Mais le gouvernement s’inquiétait du développement de l’Association. Le Congrès retentissant tenu à Lyon en mars 1870, présidé par Varlin et auquel assistaient Bastelica et Bakounine, avait affirmé la volonté des fédérations françaises d’intensifier leur action révolutionnaire. Aussi Émile Ollivier, décide de sévir : il télégraphie aux préfets de poursuivre l’Internationale et surtout ajoute-t-il :

Frappez à la tête !

Varlin et Richard sont arrêtés. Bastelica se réfugie à Barcelone (il était en contact étroit avec les bakouninistes catalans de l’Internationale). Le mouvement est momentanément désorganisé, mais il est trop puissant pour périr et il aboutira aux événements grandioses que l’on connaît, que certains regrettent, avec raison sans doute, puisqu’ils furent le tombeau du mouvement ouvrier, la porte ouverte au socialisme autoritaire et autres dictatures du prolétariat. Ainsi, un des rares révolutionnaires de valeur que Marseille possédait fut envoyé à Paris (on sait qu’en échange, la Commune de Paris délégua à Marseille trois représentants en mission qui ne l’égalèrent pas, c’est le moins qu’on puisse dire), et là, d’une honnêteté scrupuleuse, il manipula des millions sans en distraire un centime, en dirigeant avec beaucoup d’intelligence le service des contributions directes et indirectes de la Commune de Paris.

Bastelica, qui fut incontestablement l’un des hommes les plus brillants de son époque, Bastelica qui aurait pu utiliser ses talents à des fins ambitieuses et qui aurait certainement réussi, Bastelica qui préféra se vouer avec un rare désintéressement à la cause ouvrière et socialiste, mourut, exilé en Suisse, en 1884, à l’âge de 39 ans, brisé par l’écrasement de son grand rêve de révolution internationale. Son seul défaut, en effet, fut d’être vulnérable au découragement : il ne put supporter la défaite du socialisme, refusa de s’abaisser aux compromissions politiques et mourut dans la pauvreté et la tristesse. Tel fut l’homme de réelle valeur qui fit de Marseille une des capitales du socialisme.

- E. Bianco

L’AIT et la Commune de Paris (1870 / 1871)

par l’Association Internationale des Travailleurs

Déclarations de la section Parisienne de l’AIT

En présence de la guerre fratricide qui vient d’être déclarée pour satisfaire l’ambition de notre ennemi commun, de cette guerre horrible dans laquelle sont sacrifiés des milliers de nos frères, en présence de la misère, des larmes, de la famine menaçante... nous protestons au nom de la fraternité des peuples contre la guerre et ses auteurs et nous invitons tous les amis du travail et de la Paix à assurer ainsi la liberté du monde.

Vive les peuples, à bas les tyrans !

- Association Internationale des Travailleurs, 1870

Conseil fédéral des sections Parisiennes

Travailleurs,

Une longue suite de revers, une catastrophe qui semble devoir entraîner la ruine complète de notre pays , tel est le bilan de la situation créée à la France par les gouvernements qui l’ont dominée. Avons-nous perdu les qualités nécessaires pour nous relever de cet abaissement ?

Sommes-nous dégénérés au point de subir avec résignation le despotisme hypocrite de ceux qui nous ont livrés à l’étranger et de ne retrouver d’énergie que pour rendre notre ruine irrémédiable par la guerre civile ?

Les derniers événements ont démontré la force du Peuple de Paris, nous sommes convaincus qu’une entente fraternelle démontrera bientôt sa sagesse. Le principe d’autorité est désormais impuissant pour rétablir l’ordre dans la rue, pour faire renaître le travail en atelier et cette impuissance est sa négation.

L’insolidarité des intérêts a créé la ruine générale, engendré la guerre sociale ; C’est à la liberté, à l’égalité, à la solidarité qu’il faut demander d’assurer l’ordre sur de nouvelles bases, de réorganiser le travail qui est condition première.

Travailleurs, La révolution communale affirme ces principes, elle écarte toute cause de conflit dans l’avenir. Hésiterez-vous à lui donner votre sanction définitive ?

L’indépendance de la Commune est le gage d’un contrat dont les clauses librement débattues feront cesser l’antagonisme des classes et assureront l’égalité sociale. Nous avons revendiqué l’émancipation des travailleurs et la délégation communale en est la garantie car elle doit fournir à chaque citoyen les moyens de défendre ses droits, de contrôler d’une manière efficace les actes de ses mandataires chargés de la gestion de ses intérêts et de déterminer l’application progressive des réformes sociales. L’autonomie de chaque commune enlève tout caractère oppressif à ses revendications et affirme la République dans sa plus haute expression.

Nous avons combattu, nous avons appris à souffrir pour notre principe égalitaire, nous ne saurions reculer alors que nous pouvons aider à mettre la première pierre de l’édifice social. Qu’avons-nous demandé ?

L’organisation du Crédit de l’Echange, de l’Association afin d’assurer au Travailleur la valeur intégrale de son travail. L’instruction laïque et intégrale ; le droit de réunion et d’Association, la liberté absolue de la Presse, celle du citoyen ; l’organisation au point de vue municipal des services de police, de force armée, d’hygiène de statistique, etc.

Travailleurs, Nous avons été dupes de nos gouvernants, nous nous sommes laissé prendre à leur jeu alors qu’ils caressaient et réprimaient tour à tour les factions dont l’antagonisme assurait leur existence. Aujourd’hui le peuple de Paris est clairvoyant, il se refuse à ce rôle d’enfant dirigé par le précepteur et dans les élections municipales, produit d’un mouvement dont il est lui-même l’auteur, il se rappellera que le principe préside à l’organisation d’un groupe, d’une association est le même qui doit gouverner la société entière et comme il rejetterait tout administrateur, président imposé par un pouvoir en dehors de son sein, il repoussera tout maire, tout préfet imposé par un gouvernement étranger à ses aspirations.

Il affirmera son droit supérieur au vote d’une assemblée de rester maître dans sa ville et de constituer comme il lui convient sa représentation municipale sans prétendre l’imposer aux autres. Dimanche 26 mars, nous en sommes convaincus, le peuple de Paris tiendra à l’honneur de voter pour la Commune.

- Les délégués présents à la séance de nuit du 23 mars 1871

Le conseil fédéral des sections parisiennes, la chambre fédérale des sociétés ouvrières : A propos de la création du comité de salut Public.

Considérant que l’institution d’un comité de salut public aura pour effet essentiel de créer un pouvoir dictatorial qui n’ajoutera aucune force à la Commune Attendu que cette institution serait en opposition formelle avec les aspirations politiques de la masse électorale dont la Commune est la représentation. Attendu en conséquence que la création de toutes dictatures par la Commune serait de la part de celle-ci une véritable usurpation de la souveraineté du peuple, nous votons contre.

- Andrieu, Langevin, Ostyn, Vermorel, V. Clément, Theiz, Sérailler, Avrial, Malon, Lefrançais, Pindy, Courbet, Girardin, Clémence, Arnould, Beslay, Vallès, Varlin, Jouve. (Paris, le 2 mai 1871.)

* * *

Paris, le 4 mai 1871 :

“Considérant que l’établissement du comité de salut public est une atteinte portée aus droits que les membres de la commune tiennent de leurs électeurs, je vote contre.” (A. Clémence)

“Je ne crois pas à l’efficacité du Comité de Salut public. Ce n’est qu’un mot et le peuple s’est trop longtemps payé de mots. Je vote contre.” (A. Vermorel)

“Je vote contre parce que je n’aime pas les défroques inutiles et ridicules qui loin de nous donner de la force, nous enlèverons celle que nous avons.” (G. Tridon)

“Ne croyant pas non plus aux mots sauveurs qu’aux talismans et aux amulettes, je vote contre.” (Ch. Longuet)

“Considérant que le comité de salut public est une institution dictatoriale incompatible avec le principe essentiellement démocratique de la Commune, je déclare ne pas prendre part à la nomination de ses membres.” (G. Langevin)

Place au Peuple, place à la Commune !

La fête — Le Cri du Peuple (30 mars 1871)

La commune est proclamée !

Elle est sortie de l’urne électorale, triomphante souveraine et armée. Les élus du peuple sont entrés dans le vieil Hôtel de Ville qui entendu le tambour de Santerre et la fusillade du 22 janvier, sur cette place où le sang des victimes de l’honneur national et de la dignité parisienne vient d’être essuyé par la poussière soulevée en ce jour de fête sous les pas des bataillons victorieux.

On n’entendra plus le roulement du tambour de Santerre ; les fusils ne brilleront plus aux fenêtres de l’Hôtel communal et le sang ne tachera plus la place de grève si nous le voulons. Et nous le voudrons, n’est-ce pas citoyens ?

La commune a été proclamée. L’artillerie sur les quais tonnait ses salves au soleil qui dorait leur fumée grise sur la place. Derrière les barricades, où se tenait debout la foule : hommes saluant du chapeau, femmes saluant du mouchoir, le défilé triomphal, les canons abaissant leur gueules de bronze, humbles et paisibles, craignant de menacer la foule joyeuse.

Devant la Façade sombre, dont le cadran a sonné tant d’heures qui sont maintenant des siècles et au vu tant d’événements qui sont aujourd’hui l’histoire, sous ces fenêtres peuplées d’assistants respectueux, la Garde nationale défilait lui jetant les vivats de son enthousiasme tranquille et fier. Au-dessus de l’estrade se tenaient les élus du Peuple — braves gens à la tête énergique et sérieuse ; le buste de la République, qui se détachait blanche sur le tenture rouge, regardait impassible, reluire cette moisson de baïonnettes étincelantes au milieu de laquelle frissonnaient les drapeaux et les guidons aux couleurs éclatantes, tandis que montaient dans l’air le bourdonnement de la cité, les bruits du cuivre et de la peau d’âne, les salves et les acclamations.

La commune est proclamée dans une journée de fête révolutionnaire et patriotique, pacifique et joyeuse, d’ivresse et de solennité, de grandeur et d’allégresse, digne de celles qui ont vu les hommes de 93 et qui console de vingt ans d’empire, de six mois de défaites et de trahisons. Le Peuple de Paris debout en armes, a proclamé la Commune, qui lui a épargné la honte de la capitulation, l’outrage de la victoire prussienne et qui le rendra libre comme elle l’eût rendu vainqueur.

Que n’a-t-elle été proclamée le 31 octobre !

Qu’importe ! Morts de Buzenval, victimes du 22 janvier, vous êtes vengés maintenant !

La Commune est proclamée.

Les bataillons qui spontanément, débordant des rues, des quais, des boulevards, sonnât l’air les fanfares des clairons, faisant gronder l’écho et battre les coeurs avec les roulements du tambour, sont venues acclamer et saluer la Commune, lui donner cette promulgation souveraine de la grande revue civique qui défie Versailles, remontent l’arme sur l’épaule vers les faubourgs, remplissant de rumeurs la grande ville, la grande ruche.

La Commune est proclamée.

C’est aujourd’hui la fête nuptiale de l’idée et de la révolution.

Demain citoyen-soldat pour féconder la Commune acclamée et épousée la veille, il faudra reprendre, toujours fier, maintenant libre, sa place à l’atelier ou au comptoir.

Après la poésie du triomphe, ma prose du travail.

Jules Vallès

La Commune de Paris par elle-même. (Textes et déclarations des communards et communardes.)

La peine de Mort

Le bataillon du XIème arrondissement est allé rue de la Folie Méricourt, il a réquisitionné la guillotine, il a brisé en morceaux la hideuse machine et aux applaudissement d’une foule immense, il l’a brûlée.

Il l’a brûlée au pied de la statue du défenseur de Sirven et de Callas, de l’apôtre de l’humanité, du précurseur de la Révolution française, au pied de la Statue de Voltaire !

La Colonne Vendôme et le militarisme

La Commune de Paris considère que la colonne impériale de la place Vendôme est un monument de barbarie, un symbole de force brute et de fausse gloire , une affirmation du militarisme, une négation du droit international, une insulte permanente des vainqueurs aux vaincus, un attentat perpétuel à l’un des trois grand principes de la République : la fraternité !

L’éducation

Les délégués de la société « l’éducation nouvelle » ont été reçu par les membres de la Commune et lu une déclaration :

A la commune de Paris,

Considérant la nécessite qu’il y a sous une république à préparer la jeunesse au gouvernement d’elle-même par une éducation républicaine qui est toute à créer.

Considérant que la question de l’éducation, laquelle n’est exclusive d’aucune autre, est la question mère qui embrasse et domine toutes les questions politique et sociales et sans la solution de la quelle il ne sera jamais fait de réformes sérieuses et durables.

Considérant que les maisons d’instruction et d’éducation entretenue par la commune, par le département ou par l’état doivent être ouvertes aux enfants de tous les membres de la collectivité, quelles que soient les croyances intimes de chacun d’eux.

Les soussignés, délégués de la société l’Education nouvelle, demandent d’urgence, au nom de la liberté de conscience, au nom de la justice. Que l’instruction religieuse ou dogmatique soit laissée toute entière à l’initiative et à la direction libre des familles et qu’elle soit immédiatement et radicalement supprimée pour les deux sexes, dans toutes les écoles, dans tous les établissements dont les frais sont payés par l’impôt.

Que ces maisons d’instruction et d’éducation ne contiennent aux places exposées aux regards des élèves ou du public aucun objet de culte, aucune image religieuse.

Qu’il n’y soit enseigné ou pratiqué, en commun, ni prières, ni dogmes, ni rien de ce qui est réservé à la conscience individuelle.

Qu’on n’y emploie exclusivement que la méthode expérimentale ou scientifique, celle qui part toujours de l’observation des faits, quelle qu’en soit la nature physiques, moraux, intellectuels.

Que toutes les questions du domaine religieux soient complètement supprimées dans tous les examens publics et principalement dans les examens pour brevets de capacité.

Qu’enfin les corporations enseignantes ne puissent plus exister que comme établissements privés ou libres.

La qualité de l’enseignement étant déterminée tout d’abord par l’instruction rationnelle, intégrale qui deviendra le meilleur apprentissage possible de la vie privée, de la vie professionnelle et de la vie politique ou sociale. La société l’éducation nouvelle émet en outre le voeu que l’instruction soit considérée comme un service public de premier ordre qu’en conséquence, elle soit gratuite et complète pour tous les enfants des deux sexes à la seule condition du concours pour les spécialités professionnelles.

Enfin, elle demande que l’instruction soit obligatoire en ce sens qu’elle devienne un droit à la portée de tout enfant quelle que soit sa position sociale et un devoir pour les parents ou pour le tuteurs ou pour la société.

Les délégués nommés dans la séance du 26 mars 1871 à l’école Turgot : Henriette Garoste ; Louise Lafitte ; J. Manier ; J Rama ; Rheims ; Maria Verdure.

J’étais tout particulièrement concernée par la réforme de l’enseignement qu’entreprenait la Commune sur des bases très saines : respecter la conscience de l’enfant, en faire un citoyen responsable, capable d’aimer ses semblables, lui inspirer l’amour de la justice. C’étaient aussi les buts que je m’efforçais d’atteindre dans ma classe depuis de longues années. Je n’ai pas pu faire partie de la commission de l’enseignement, car je me trouvais sur les remparts. Mais Elle faisait beaucoup appel aux facultés visuelles des enfants et refusait les punitions et les récompenses, le sentiment du devoir accompli devant suffire.

Louise Michel (Mémoires)

Sur l’organisation de la commune.
Le Manifeste du comité des vingt arrondissements

La commune est la base de tout de tout état politique...

Elle doit être autonome, c’est à dire se gouverner et s’administrer elle-même... L’autonomie de la commune garantit au citoyen, la liberté, l’ordre à la cité, et la fédération de toutes les communes augmente par la réciprocité, la force, les débouchés et les ressources de chacune d’elle en la faisant profiter des efforts de toutes.

Elle implique, la liberté la plus complète de parler, d’écrire de se réunir et de s’associer ; le respect de l’individu et l’inviolabilité de sa pensée la souveraineté du suffrage universel, restant toujours maître de lui-même et pouvant se convoquer et se manifester incessamment le principe de l’élection à tous les fonctionnaires et magistrats la responsabilité des mandataires et par conséquent leur révocabilité permanente le mandat impératif, c’est à dire précisant et limitant le pouvoir et la mission du mandataire ...

Citoyens, vous êtes maîtres de vos destinées ; forte de votre appui la représentation que vous d’établir va réparer les désastres causés par le pouvoir déchu. L’industrie compromise, le travail suspendu, les transactions commerciales paralysées vont recevoir une impulsion vigoureuse. Dès aujourd’hui la décision attendue sur les loyers, demain celle sur les échéances. Tous les services publics rétablis et simplifiés.

La garde nationale, désormais seule force armée de la cité, réorganisée sans délai. Tels sont nos premiers actes.

Les élus du peuple ne lui demande, pour assurer le triomphe de la République que de les soutenir de votre confiance. Quant à eux, ils feront leur devoir

- La Commune de Paris, le 28 mars 1871

Sur la production de biens pendant la Commune

La commune de Paris décide : Réquisition après inventaire indemnité ultérieure, fixée par des experts, de tous les grands ateliers des monopoleurs, de leurs outils, machines matières premières, agencement locaux, etc.

La cession provisoire de ces ateliers aux associations ouvrières qui en feront la demande l’adjudication des fournitures de la Commune à ces associations ouvrières l’ouverture d’un crédit à ces associations. Les « ateliers du Louvre » qui fabriquaient de l’armement, furent une des réalisations de ces réquisitions. Les « dirigeants « du conseil ouvrier, chefs d’ateliers, chefs de bancs, etc. étaient élus par les ouvriers de chaque section et révocable à tous moments.

La vie des Clubs

Créés avec l’avènement de la République, Ils se multiplièrent sous la Commune. Les églises furent transformées en lieux ouverts à tous et toutes. Il fonctionnaient selon la formule de la démocratie directe : Un président et deux assesseurs élus par séance. Ce sont eux par exemple qui demandèrent la destruction de la « colonne Vendôme », monument à la gloire du despotisme et de la guerre.

« Il est temps d’en finir avec le vieux monde pourri et corrompu qui vit à nos dépends. Il faut que le travail soit maître ! vainquons et proclamons universellement que celui qui ne produit pas ne doit pas consommer et notre œuvre splendide et grandiose sera reçu comme la délivrance.” (Club de la Révolution, église St Bernard, XVIIIème.)

« C’est avilir l’homme et la femme que de s’en servir comme esclave. Un autre vice de la société actuelle, ce sont les riches, qui ne font que bien boire et bien s’amuser sans prendre aucune peine.
Il faut les extirper, ainsi que les prêtres et les religieuses. Nous ne serons heureuses que nous n’aurons plus ni patrons, , ni riches ni prêtres !
La plaie sociale qu’il faut d’abord fermer c’est celle des patrons qui exploitent l’ouvrier et s’enrichissent de ses sueurs, Plus de patrons qui considèrent l’ouvrier comme une machine de produit. Que les travailleurs s’associent entre eux qu’ils mettent leurs labeurs en commun. » (Club de la Délivrance, église de la Trinité.)

« Je suis athée, socialiste et révolutionnaire. Athée, parce qu’en fouillant les anales des peuples de l’univers, en considérant les événements contemporains, j’ai constaté que chaque fois qu’on avait eu du sang à verser, une grande iniquité à commettre, on s’était abrité derrière une divinité quelconque.” (Club des Libres Penseurs.)

“Ce vertige fratricide qui s’empare de la France, ce combat à mort, c’est l’acte final de l’éternel antagonisme du droit et de la force, du travail et de l’exploitation, du peuple et de ses bourreaux !
Nos ennemis, ce sont les privilégiés de l’ordre social actuel, tous ceux qui ont toujours vécu de nos sueurs, qui toujours se sont engraissés de notre misère. Nous voulons le travail, mais pour en garder le produit. Plus d’exploiteurs, plus de maîtres !” (Club de la Délivrance, 11 avril 1871.)

La condition des femmes

Citoyen Maire, Notre comité voulant prendre sa part de la Tâche patriotique, nous demandons : Un pouvoir de requérir immédiatement les maisons abandonnées du XVIIIème arrondissement afin d’y loger les citoyens sans abri et d’y établir les asiles où les enfants seront nourris. Ainsi la République ne sera pas trompée. Que le vin et le charbon laissés dans les caves des maisons abandonnées puissent immédiatement servir aux besoins des malades et des infirmes. L’abolition complète dans le XVIIIème des pouvoirs religieux et des maisons de prostitution. La fonte des cloches de Montmartre pour les canons.

- Comité de Vigilance des Femmes du XVIIIème (dont faisait partie Louise Michel)

* * *

En matière de séparation de corps, le tribunal pourra allouer à la femme demandant la séparation une pension alimentaire qui lui sera servie jusqu’à ce qu’il en soit décidé autrement par un autre tribunal.

Que la Commune représentante du grand principe proclamant l’anéantissement de tout privilège, de toute inégalité, par la même est en gagée à tenir compte des justes réclamations de la population entière, sans distinction de sexe -distinction créée et maintenue par le besoin de l’antagonisme sur lequel repose les privilèges des classes gouvernementales

La garde Nationale
Aux Gardes Nationaux du VIème arr.

Toute armée permanente est destructive des institutions républicaines. Elle ne peut que conduire le pays tantôt à d’effroyables désastres, tantôt à la gloire militaire s’élevant toujours sur la ruine des libertés et l’oppression des autres Peuples. Elle sert à écraser le pays d’impôts, à entraver la production en consommant sans produire. L’armée permanente prend des hommes et rend des esclaves.

La garde Nationale ne peut sans trahir conserver le commandement à des chefs imposés.

Elle doit obéir qu’aux chefs choisis par elle et constamment révocables.

- Eugène Varlin, Henri Verlet, Jules Bergeret, V. Frontier, H. Chouteau, L. Laccord

Sur l’organisation de la Garde Nationale

La République est le seul gouvernement possible, elle ne peut être mise en discussion. La garde Nationale a droit absolu de nommer tous ses chefs et de les révoquer dès qu’ils ont perdu la confiance de ceux qui les ont élus, toute fois après une enquête préalablement destinée à sauvegarder les droits de la justice. La fédération républicaine de la Garde nationale est organisée ainsi qu’il suit :l’assemblée générale des délégués le cercle de bataillon le conseil de guerre et le comité central l’Assemblée générale est formée : D’un délégué élu à cet effet dans chaque compagnie sans distinction de grade. D’un officier par bataillon élu par le corps des officiers. du Chef de chaque bataillon Ces délégués quel qu’il soit sont toujours révocables par ceux qui les ont nommés le Cercle de bataillon est formé de trois délégués par compagnie sans distinction de grade. De l’officier délégué à l’assemblée générale. Du chef de bataillon. Le conseil de légion est formé : de deux délégués par compagnie sans distinction de grade. Des chefs de bataillon de l’arrondissement. le comité central est formé de deux délégués par arrondissement, élus sans distinctions de grade par le conseil de légion. D’un chef de bataillon par légion, élus par ses collègues. Les réunions de l’assemblée générale auront lieu les premiers dimanches du mois, sauf urgence.

- Paris, le 20 mars 1871

* * *

La conscription est abolie !

Aucune force militaire autre que la garde nationale ne pourra être créées ou introduite dans Paris. Tous les citoyens valides font partie de la garde nationale

- La Commune de Paris, le 29 mars 1871

* * *

Le Peuple de Paris aux soldats de Versailles FRERES !

L’heure du grand combat des Peuples contre leurs oppresseurs est arrivée !

N’abandonnez pas la cause des travailleurs ; faites comme vos frères du 18 mars !

Unissez-vous au Peuple, dont vous faites partie ! Laissez les aristocrates, les privilégiés, les bourreaux de l’Humanité, se défendre eux-mêmes et le règne de la Justice sera facile à établir.

Quittez vos rangs ! Entrez dans nos demeures, venez à nous au milieu de nos familles. Vous serez accueillis fraternellement et avec joie.

Le Peuple de Paris a confiance en votre patriotisme.

Vive la République, Vive la Commune !

- La Commune de Paris (2 prairial, an 79)

Les étrangers peuvent-ils être admis à la Commune ?

Considérant que le drapeau de la Commune est celui de la République universelle ; considérant que toute cité a le droit de donner le titre de citoyens aux étrangers qui la servent. Que cet usage existe depuis longtemps chez les nations voisine.

Considérant que le titre de membre de la commune étant une marque de confiance plus grande encore que le titre de citoyen , comporte implicitement cette dernière qualité.

La commission est d’avis que les étrangers peuvent être admis.

La commission propose l’admission du citoyen Léo Frankel.

- Paris, le 30 mars 1871

Commentaires : de très nombreux étrangers participèrent à la Commune. Des Belges (dont Léo Frankel), des Polonais (dont Dombrowski qui fut membre de l’Etat major de la Commune), des Garibaldiens, des Russes comme Elisabeth Dmitrieff qui fonda l’union des femmes, etc.

Karl Marx / Michel Bakounine et la Commune de Paris : Textes, déclarations et lettres (1870 – 1872)

Michel Bakounine

Je suis un partisan de la Commune de Paris qui, pour avoir été massacrée, étouffée dans le sang par les bourreaux de la réaction monarchique et cléricale, n’en est devenue que plus vivace, plus puissante dans l’imagination et dans le cœur du prolétariat de l’Europe ; j’en suis le partisan surtout parce qu’elle a été la négation audacieuse, bien prononcée de l’Etat. C’est un fait immense que cette négation de l’Etat se soit manifestée précisément en France, qui a été jusqu’ici par excellence le pays de la centralisation politique et que se soit Paris, la tête et le créateur historique de cette civilisation française qui en ait pris l’initiative... La Commune de Paris a duré trop peu de temps et elle a été empêchée dans son développement intérieur par la lutte mortelle qu’elle a dû soutenir contre la réaction de Versailles, pour qu’elle ait pu, je ne dis pas même appliquer, mais élaborer théoriquement son programme socialiste. D’ailleurs, il faut le reconnaître, la majorité des membres de la Commune n’étaient pas proprement socialistes et s’ils se sont montrés tels, c’est qu’ils ont été invinciblement poussés par la force irrésistible des choses, par la nature de leur milieu, par les nécessités de leur position et non par leur convictions intimes. Les socialistes, à la tête desquels se place naturellement notre ami Varlin, ne formaient qu’une très infime minorité ; ils n’étaient tout au plus que quatorze ou quinze membres. Le reste était composé de Jacobins... Ces jacobins magnanimes, à la tête desquels se place Delescluze, une grande âme et un grand caractère, veulent le triomphe de la Révolution avant tout ; et comme il n’y a point de révolution sans masses populaires et comme ses masses ont éminemment aujourd’hui l’instinct socialiste, les jacobins de bonne foi se laissant entraîner toujours davantage par la logique du mouvement révolutionnaire finiront par devenir des socialistes malgré eux.

Telle fut précisément la situation des jacobins qui firent partie de la Commune. Delecluze et bien d’autres avec lui signèrent des programmes et des proclamations dont l’esprit général et les promesses étaient positivement socialistes. Mais comme malgré toute leur bonne volonté, ils étaient des socialistes bien plus entraînés extérieurement qu’intérieurement convaincus, ils ne purent jamais sortir des généralisés, ni prendre une de ces mesures décisives qui rompraient à jamais leur solidarité et tous leurs rapports avec le monde bourgeois. Ce fut un grand malheur pour la Commune et pour eux ; ils en furent paralysés et ils paralysèrent la Commune ; mais on ne peut pas le leur reprocher comme une faute. Les hommes ne se transforment pas d’un jour à l’autre et ne changent ni de nature ni d’habitude à volonté. Ils ont prouvé leur sincérité en se faisant tuer pour le Commune. Qui osera leur demander davantage ?

La situation du petit nombre de socialistes convaincus qui ont fait partie de la Commune de Paris était excessivement difficile. Ne se sentant pas suffisamment soutenus par la grande masse de la population parisienne, l’organisation de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT), très imparfaite elle-même, d’ailleurs, n’embrasant à peine que quelques milliers d’individus, ils ont du soutenir une lutte journalière contre la majorité jacobine. Et au milieu de quelles circonstances encore ! Il leur a fallu donner du pain et du travail à quelques centaines de milliers d’ouvriers, les organiser, les armer et surveiller en même temps les menées réactionnaires... Je sais que beaucoup de socialistes, très conséquents dans leur théorie, reprochent à nos amis de Paris de ne s’être pas montrés suffisamment socialiste dans leur pratique révolutionnaire... Je ferais observer aux théoriciens sévères de l’émancipation du prolétariat qu’ils sont injustes envers nos frères de Paris ; car entre les théories les plus justes et leur mise en pratique, il y a une immense distance qu’on ne franchit pas en quelques jours.

Quiconque a eu le bonheur de connaître Varlin, sait combien, en lui et en ses amis, les convictions socialistes ont été passionnées, réfléchies et profondes. C’étaient des hommes dont le zèle ardent, dévouement et la bonne foi n’ont jamais pu être mis en doute par aucun de ceux qui les ont approchés. Mais précisément parce qu’ils étaient des hommes de bonne foi, ils étaient plein de défiance en eux-mêmes en présence de l’œuvre immense à la quelle ils avaient voué leur pensée et leur vie. Ils se comptaient pour si peu ! Ils avaient d’ailleurs cette conviction, que dans la révolution sociale, diamétralement opposée, dans ceci comme dans tout le reste, à la révolution politique, l’action des individus étaient presque nulle et l’action spontanée des masses devant être tout. Tout ce que les individus peuvent faire c’est de proposer d’éclairer et d’élaborer les idées correspondant à l’instinct populaire et de plus, c’est de contribuer par leurs efforts incessants à l’organisation révolutionnaire de la puissance naturelle des masses mais rien au-delà ; et tout le reste ne doit et ne peut se faire que par le peuple lui-même. Autrement on aboutira à la dictature politique, c’est à dire à la reconstitution de l’Etat, des privilèges, des inégalités, de toutes les oppressions de l’Etat...

Contrairement à cette pensée des communistes autoritaires, selon moi tout à fait erronée, qu’une révolution sociale peut-être décrétée, soit par une dictature, soit par une assemblée constituante issue d’une révolution politique, nos amis socialistes de Paris ont pensé qu’elle ne pouvait être faite ni amenée à son plein développement que par l’action spontanée et continue des masses, des groupes et des associations populaires.

Nos amis de Paris ont eu parfaitement raison !

- Michel Bakounine

Karl Marx
Lettre à Engels (20 juillet 1870)

Les français ont besoin d’être rossés. Si les prussiens sont victorieux, la centralisation du pouvoir d’Etat sera utile à la centralisation de la classe ouvrière allemande. La prépondérance allemande transférerait, en outre, de France en Allemagne, le centre de gravité du mouvement ouvrier européen et il suffit de comparer le mouvement de 1866 à aujourd’hui dans les deux pays pour voir que la classe ouvrière allemande est supérieure à la classe française sur le plan de la théorie et de l’organisation. La prépondérance, sur le théâtre du monde, de la classe ouvrière allemande sur la française, signifierait du même coupla prépondérance de notre théorie sur celle de Proudhon.

- Karl Marx

Lettre à Engels (6 septembre 1870)

Aujourd’hui toute la french-branch lève le camp pour Paris pour y commettre des sottises au nom de l’Internationale. Ils veulent renverser le gouvernement provisoire, établir la commune de Paris, nommer Pyat ambassadeur de France à Londres...

- Karl Marx

Lettre à Engels (septembre 1870)

Les ouvriers français doivent accomplir leur devoir de citoyens, mais ils ne doivent pas se laisser entraîner par les souvenirs de 1792. Qu’ils profitent de la liberté républicaine pour procéder à leur propre organisation. De leur énergie et de leur sagesse dépend le sort de la république […] Abstention de l’internationale en France jusqu’à ce que la paix soit faite.

- Karl Marx

Lettre à Engels (12 avril 1871)

Première erreur : il eut fallu marché tout de suite sur Versailles, une fois que Vinoy d’abord puis la fraction réactionnaire de la garde nationale.

Deuxième erreur : le comité central résilia ses pouvoirs trop tôt, pour faire place à la Commune. Encore par un souci excessif d’honnêteté ! »

- Karl Marx

La semaine sanglante (22 — 29 mai 1871)

La présentation d’un événement historique, surtout s’il constitue un affrontement de classes, est souvent falsifiée par ceux de ses détracteurs qui l’étudient.

La Commune de Paris n’échappe pas à ce sort, ni à la mystification dont l’entoure ceux qui s’en réclament. Le 21 mai 1871, c’est le début de l’effondrement de la Commune de Paris.

Après l’extraordinaire espoir (que la Commune) avait pu susciter parmi ses partisans (...), on est arrivé à un point de lassitude, de découragement qui va être déterminant puisque militairement, politiquement la Commune a déjà perdu la bataille.

Ce jour, quand les Versaillais entrèrent dans Paris, l’idée de la Commune était déjà morte.

Malgré les promesses, après un tas de propos ronflants, d’affirmations d’héroïsme, toute une armée va rentrer sans tirer un coup de fusil parce que c’est dimanche, qu’on n’y croit plus beaucoup, que ce n’est pas « notre » quartier et que les versaillais arrivent par la porte du point du jour, c’est le XVIème, un quartier bourgeois.

Les communards vont retomber dans la vieille notion révolutionnaire qui est de défendre son quartier, c’est une défense qu’ils envisagent, pas une offensive. C’est le gros échec de la Commune sur le plan militaire. Thiers a dit :

“Avec ce qui m’arrive à Paris, il me faut des troupes.”

Bismarck a libéré des officiers, qui ont été démobilisés dans plusieurs villes, en particulier à Auxerre, de façon à reprendre du service contre les communards.

Le comité de salut Public va alterner les déclarations héroïques d’appel à mourir sur les barricades et les tentatives de négociations.

L’une des dernières réunions du Comité central, s’est tenue le 24 mai 1871. Il a proposé par voie d’affiches au gouvernement de Versailles, qui possédait déjà la moitié de Paris, un cessez-le-feu, la démission de l’Assemblée de Versailles, la démission de la Commune et l’élection d’une assemblée. Politiquement ce n’était plus d’actualité.

La Commune a été de toutes les insurrections parisiennes celle qui avait le plus de munitions, le plus d’armes, le plus de canons. Or, la lutte a duré moins, pourquoi ?

Maintenant, c’est le Paris d’Haussmann, celui des grandes voies.

Les grandes rues permettent justement des tirs beaucoup plus longs, des charges de cavalerie.

C’est ce que voulait Haussmann. Mais on aurait tendance à oublier que l’inverse est vrai. Si ça permettait le tir des canons, cela permettait aussi le tir des canons fédérés. Pendant cette dernière semaine la Commune n’existe plus en tant qu’organisation. Tous les actes qui vont être commis par les communards seront essentiellement des actes individuels, de petits groupes plus ou moins organisés, mais ne seront pas du tout la traduction d’une volonté délibérée de la Commune en tant qu’organisation structurée.

On va reprocher à la Commune l’exécution des otages, en réalité elle n’y est pour rien. Cela va être la volonté de quelques membres de la Commune qui se rendent compte que tout est perdu. A l’inverse Thiers pensait que la répression, extraordinairement dure, qu’il a délibérément commandée, allait servir d’exemple pour les générations futures, leur donner une sainte peur de la répression gouvernementale. Il ne se rendait pas compte que cela allait être quelque chose d’indélébile, une blessure qui rendrait la Commune absolument inoubliable.

La dernière barricade : rue Ramponeau et rue de Tourtille

La répression de l’armée versaillaise va être méthodique, le laminoir sera effroyable.

Par les combats il y aura relativement peu de tués. Je ne pense même pas qu’il y aura mille Versaillais tués au combat. Seuls 3 000 ou 4 000 ont réellement été tués pendant les combats. Tous les autres ont été fusillés systématiquement en représailles : 40 000 à 60 000 morts.

Il faut reconnaître que les troupes de Versailles ont été aidées par toute une population de Paris qui arborait le brassard tricolore et dénonçait les gens. Il ne fallait pas à cette époque se cacher dans une maison inconnue avec une blessure à la jambe : on n’était même pas tué par la troupe, mais par des civils qui exorcisaient une certaine lâcheté.

Cette répression n’a pas été seulement l’oeuvre dé la classe militaire, qui a été ignoble ; il ne faut pas oublier l’effroyable comportement des voisins, des bourgeois, des aristocrates, propriétaires ou militaires, mais aussi des voisins de palier, des jaloux, des aigris.

La Commune a aligné peut-être 40 000 combattants, peut-être un peu moins à la fin parce que l’enthousiasme baissait. Mais que représentent 40 000 combattants sur une population de 1 500 000 à 1 600 000 (habitants) ?

On est en droit de se demander ce que faisait le million d’observateurs.